Instance permanente: les peuples autochtones réclament le statut d’observateur à l’Assemblée générale et la création d’un tribunal international
L’Instance permanente sur les questions autochtones a achevé, aujourd’hui, la première semaine de sa session annuelle qu’elle tient sur le thème « Les droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources ». Elle a tenu un dernier dialogue sur la suite donnée au Document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de septembre 2014. Des organisations autochtones en ont profité pour réclamer à l’Assemblée générale un statut d’observateur et la création d’un tribunal international spécial pour la défense de leurs droits.
Il faut un meilleur système pour une participation effective des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies, a plaidé l’Administratrice générale de la bande des Mille Lacs des Ojibwe, après que la Chef de Cabinet adjointe du Président de l’Assemblée générale eut reconnu que la première audition interactive organisée, mardi dernier, avec les autochtones « n’a pas été ce que beaucoup d’entre vous attendaient ». Forcément, a rétorqué le Parlement sami de la Suède, puisque de nombreux États en ont rejeté les conclusions. Nous avons d’ailleurs abordé ce problème avec le Président de l’Assemblée générale, a-t-il révélé.
L’Administratrice générale des Mille Lacs a donc plaidé pour « un nouveau statut » à l’Assemblée générale qui ne s’appliquerait qu’aux gouvernements ou institutions de gouvernance des peuples autochtones, distinguant les véritables représentants des ONG dont la vocation n’est pas d’exercer le droit à l’autodétermination, a-t-elle asséné. Le temps est venu pour les Nations Unies d’accorder « un nouveau statut » aux peuples autochtones, a renchéri M. Jens Dahl, membre de l’Instance.
Si elle n’a pas adhéré formellement à l’idée de ce nouveau statut, la Finlande a suggéré au Conseil des droits de l’homme de tenir une table ronde ou un atelier d’experts sur la manière d’institutionnaliser la participation des peuples autochtones aux travaux de l’ONU. La Finlande est restée sourde aux mises en garde de la Fédération de Russie contre d’autres mécanismes qui viendraient compromettre ceux dont l’ONU s’est déjà dotée. Nous demandons tout simplement un statut « d’observateur » à l’Assemblée générale, a tranché le Congrès mondial amazigh, soutenu par M. Alvaro Pop, membre de l’Instance, même si l’Administratrice générale des Mille Lacs a plaidé pour la prise en compte des « spécificités régionales » et pour un système qui fonctionne pour tous les peuples autochtones du monde entier.
Compte tenu des « failles » dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Bolivie a exigé une nouvelle fois la création d’un tribunal international pour défendre les droits autochtones. Ce qu’il nous faut, c’est une convention juridiquement contraignante sur la protection de ces peuples, a ajouté l’Afrique du Sud. Blackstar Community for Better Living Initiatives Inc. a soulevé un problème plus urgent, celui de la crise de l’eau. Il a appelé l’Instance permanente à convoquer un groupe de coordination autochtone sur l’eau et une réunion pour réfléchir à la création d'un forum mondial des peuples autochtones sur l'eau.
À partir de lundi 23 avril, l’Instance permanente tiendra des négociations à huis clos sur ses recommandations finales.
INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES
Suite donnée au document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones
Adopté le 25 septembre 2014, le document final (A/RES/69/2), qui comprend 40 paragraphes, commence par: « Nous, chefs d’État et de gouvernement, ministres et représentants des États Membres… sommes assemblés au Siège de l’ONU à New York en ces 22 et 23 septembre 2014… pour réaffirmer le rôle important et continu des Nations Unies dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones…Nous réaffirmons notre appui à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007, et les engagements que nous avons pris…de nous concerter et de coopérer de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés -par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives- avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, conformément aux principes applicables énoncés dans ladite Déclaration. »
Déclarations
M. ALVARO POP, Secrétaire exécutif du Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes, et Coprésident du Groupe d’appui interorganisations sur les questions concernant les peuples autochtones, a indiqué que le Plan d’action du système de l’ONU pour l’application de la Déclaration de 2007 sur les droits des peuples autochtones avait enregistré certains succès, s’agissant en particulier de la sensibilisation de l’opinion publique. Un groupe de communication a été mis sur pied pour élaborer des messages et assurer leur diffusion en plusieurs langues et en ligne. Un Groupe de travail sur une stratégie internationale du développement et sur les politiques nationales, représentant pratiquement toutes les régions du monde, a aussi été créé. L’Amérique latine s’est dotée d’un plan régional conjoint, constitué de représentants des gouvernements et des peuples autochtones, et marquant un pas important pour améliorer la coordination.
Le Secrétaire exécutif a déploré le fossé entre la Déclaration et sa mise en œuvre, relevant aussi que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 tient très peu compte des peuples autochtones. À mesure que les cadres de développement seront mis en œuvre, il faudra prêter une attention plus soutenue à la voix des autochtones, a conseillé le Secrétaire exécutif qui a annoncé que la prochaine réunion du Groupe d’appui aura lieu en Colombie, au mois de septembre.
M. Pop a ensuite passé en revue les grandes lignes d’un plan d’action pour la zone ibéro-américaine qui vient d’être d’approuvé dans le cadre du suivi de la Conférence mondiale de 2014. Ce plan, a-t-il expliqué, reconnaît l’importance d’une coexistence harmonieuse et de la nécessité de tisser des liens interculturels. Il insiste sur la prise en compte du point de vue des autochtones dans le suivi du Programme 2030 et sur une participation plus visible des femmes dans ce suivi. C’est le Fonds de développement pour les peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC) qui apporte une assistance technique, a indiqué le Secrétaire exécutif.
Le Chef de Cabinet adjoint du Président de la soixante-douzième session de l’Assemblé générale, Mme SOFIA BORGES, a réaffirmé l’engagement des États Membres à consulter et à coopérer avec les organisations autochtones avant de prendre toute mesure les concernant. L’Assemblée générale, a-t-elle dit, continue de promouvoir la participation des autochtones aux travaux des Nations Unies, comme en atteste la résolution 70/232 qui demande à son Président de consulter les États sur la participation des peuples autochtones aux organes des Nations Unies. Le Président a donc mené des consultations, à cette fin, pendant deux sessions consécutives.
En vertu de la résolution 70/321 qui demande notamment au Président de l’Assemblée de mener des auditions informelles avec les peuples autochtones, la première audition interactive a été organisée mardi dernier. « Le résultat n'a pas été ce que beaucoup d'entre vous attendaient, a-t-elle reconnu, mais il y a eu des progrès. » Le 28 avril, le Président aura une réunion avec des jeunes autochtones du Canada pour parler de leur participation aux travaux ces Nations Unies mais aussi des questions liées à l’emploi, à l’éducation, à la radicalisation et à la prévention contre l’extrémisme violent.
Il faut un meilleur système pour une participation effective des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies, a estimé Mme MELANIE BENJAMIN, Administratrice générale de la bande des Mille Lacs des Ojibwe (Minnesota). Elle indiqué que les relations entre les Ojibwe et le Gouvernement américain se sont nouées avant la création même de l’État du Minnesota. Expliquant qu’elle fait partie d’un peuple composé de plusieurs groupes jusqu’au Canada, elle a précisé que le système de gouvernance comprend comme partout des branches exécutive, législative et judiciaire. Nous sommes donc, a-t-elle dit, un peuple autonome béni par une économie en croissance et considérant que les ressources naturelles sont des dons de la nature qu’il faut respecter et non exploiter à des fins économiques.
Représentante d’un « peuple souverain », elle a nié aux États-Unis le droit de parler au nom des Ojibwe. Elle a d’ailleurs appelé l’ONU à accorder aux groupes autochtones un nouveau statut qui leur permettrait de participer « effectivement » à ses travaux. « Nous sommes les seuls à pouvoir formuler notre propre point de vue », a-t-elle argué. Ce nouveau statut, a-t-il précisé, s’appliquerait uniquement aux gouvernements ou institutions de gouvernance des peuples autochtones. Des normes devront être mises en place pour distinguer les véritables représentants des gouvernements et institutions autochtones et, par exemple, les ONG qui n’ont pas vocation à exercer le droit à l’autodétermination des peuples autochtones. En revanche les experts et les conseillers devront être connus comme parties prenantes à la gouvernance.
S’agissant du plan d’action, il faut que les représentants des gouvernements autochtones aient leur mot à dire sur toutes les activités. Ils devraient avoir le droit de soumettre documents et résolutions, sans pour autant affecter le système existant car le propos n’est pas de « bâillonner nos amis ». D’autres auditions sur cette question sont prévues, dans les deux prochaines années, a annoncé Mme Benjamin, insistant encore sur la participation des autochtones. Elle a appelé les agences de l’ONU à s’organiser en conséquence « pour bien entendre la voix des autochtones ». Il faut aussi porter ces discussions au-delà de New York et faire des consultations régionales « un élément central ».
Il ne faut pas oublier de financer comme il se doit ces consultations régionales, a souligné Mme TERRI HENRY, membre de l’Instance permanente. Elle a reconnu qu’aux États-Unis, les chefs de tribu ont encore du mal à créer des groupes d’influence pour faire entendre leur voix. Je vais m’y employer, a-t-elle promis, voulant surfer sur la vague des autochtones qui veulent « sauter les barrières et se libérer des chaînes » pour avoir des consultations « libres » entre eux.
Les peuples autochtones ne sont pas un danger pour les États, ils veulent seulement savoir ce qui est fait pour eux, a renchéri M. LES MALEZER, autre membre de l’Instance. Il a montré les limites du document final de la Conférence mondiale dont le processus de suivi n’a commencé que deux ans après son adoption; le prochain examen devant avoir lieu en 2019. On nous dit, a-t-il dit, qu’il faut être patients avec les États, surtout ceux qui ont voté contre le document final. Mais sur les 19, 2 États seulement sont revenus sur leur vote. Faudra-t-il encore attendre quatre ans pour que les autres fassent de même? s’est impatienté M. Malezer, en avouant son inquiétude. Nous avions placé notre espoir dans les objectifs de développement durable mais « j’ai l’impression que l’on ne fait que s’écarter des engagements pris ». « La patience ne sert à rien, il faut secouer le système », a-t-il estimé, rappelant au Secrétaire général de l’ONU sa promesse de faire des droits de l’homme l’une de ses priorités.
Ce que nous demandons ce n’est pas de voir un autre fonctionnaire du Département des affaires économiques et sociales s’occuper de notre cas. Nous voulons, dans un premier temps, que le système des Nations Unies fasse un meilleur travail parce que jusqu’ici, il n’a pas été « à la hauteur » de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. « Ce système doit prouver qu’il prend nos droits au sérieux. » Il continue même à faire la distinction entre ONG autochtones et ONG « normales », a dénoncé, à son tour, M. JENS DAHL, membre de l’Instance, qui a aussi estimé que le temps est venu pour les Nations Unies d’accorder un nouveau statut aux peuples autochtones.
Dialogue interactif
Nous soutenons l’idée selon laquelle les peuples autochtones doivent participer effectivement aux travaux des organes de l’ONU, a affirmé la Nouvelle-Zélande arguant de la « plus haute priorité » que son Gouvernement accorde aux relations avec les Maoris. La participation des autochtones ne pourrait qu’enrichir les travaux des Nations Unies, a ajouté le Mexique. Chez nous, a dit le Chili, ces peuples font déjà partie des processus de prise de décisions. Ils sont d’ailleurs dûment représentés dans la délégation chilienne à l’Examen période universel du Conseil des droits de l’homme. Au Paraguay, le plan national sur les peuples autochtones a été élaboré avec leur pleine participation. Le problème est encore plus simple en El Salvador dont la Constitution de 2010 en a fait un « État pluriculturel et pluriethnique ». En Bolivie, des autochtones siègent au Parlement et au Gouvernement, le Président lui-même est un autochtone.
À l’ONU, des mécanismes de participation des peuples autochtones existent déjà et il est inutile d’en créer d’autres, a mis en garde la Fédération de Russie. Cette position a été contrée par la Finlande qui a carrément suggéré au Conseil des droits de l’homme de tenir une table ronde ou un atelier d'experts sur la manière d’institutionnaliser cette participation. Nous demandons tout simplement un statut « d’observateur » à l’Assemblée générale, a lancé le Congrès mondial amazigh, soutenu par M. Alvaro Pop, membre de l’Instance. N’oublions pas les spécificités régionales, a mis en garde l’Administratrice générale de la bande de Gaza des Mille Lacs des Ojibwe, du Minnesota. Elle a prôné le consensus pour avoir un système qui fonctionne pour tous les peuples autochtones du monde entier. En attendant, la Finlande a estimé que les auditions informelles du Président de l'Assemblée générale sont un outil essentiel pour préparer le suivi du document final de la Conférence mondiale. Mais, a rétorqué le Parlement sami de la Suède, de nombreux États ont rejeté les conclusions de la dernière audition, mardi dernier. Nous avons d’ailleurs abordé ce problème avec le Président de l’Assemblée générale, a-t-il révélé.
Même aux niveaux local et régional, le Canada s’arroge le droit de sélectionner nos représentants, a accusé Metis Settlements General Council, fustigeant ce « paternalisme ». La Chef de Cabinet adjointe du Président de l’Assemblée générale a exhorté les parties prenantes à prendre part aux autres auditions prévues en 2019 et en 2020. Elle a aussi transmis le message d’encouragement et d’espoir du Président de l’Assemblée selon lequel « nous devons répondre à des questions complexes dont l’examen demande du temps. » Pour avancer, la Finlande a demandé aux organismes du système des Nations Unies de consulter plus systématiquement les peuples autochtones. L’année dernière, notre Conseil exécutif a examiné une version révisée de la politique d’engagement avec les peuples autochtones, a affirmé l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
C’est la qualité de l’engagement des États Membres qui doit surtout nous préoccuper, a insisté l’Afrique du Sud. La mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, s’est-elle expliquée, a été marquée par des failles. Ni la Suède, ni la Finlande, ni la Norvège n'ont mis en place des plans d'action ou des stratégies de mise en œuvre de la Déclaration, a renchéri le Parlement sami de la Suède, au nom des Parlements sami de Finlande et Norvège. Au Bangladesh, a expliqué, Parbatya Chattagram Jana Samiti, malgré des progrès remarquables, le rapport national volontaire qui a été présenté aux Nations Unies en 2017 a judicieusement omis les problèmes auxquels sont toujours confrontés les peuples autochtones, en particulier les femmes et les enfants. Au Luxembourg aussi, il y a eu des progrès, selon l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Parlement luxembourgeois vient de ratifier la Convention n°169 relative aux peuples indigènes et coloniaux. Mais, l’OIT a dit attendre un « cadre juridique clair » car bien souvent les mesures d'exécution sont mises en place sans pour autant renforcer les capacités institutionnelles. Le Parlement sami de la Suède a quant à lui prévenu qu’il rejetterait tout texte qui ne parlerait pas d’autonomie, conformément à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
Mais quelle est la définition internationale exacte de « peuples autochtones »? s’est demandé la Fédération de Russie. Les définitions varient d’un pays à l’autre, a-t-il fait observer, voyant là la difficulté juridique d’appréhender des peuples qui s’étendent par-delà les frontières. De toute façon, en Russie, les droits des peuples autochtones n’existent tout simplement pas, a rétorqué un représentant des Peuples autochtones de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe. On nous a dépossédé, a-t-il accusé, de plus de 90%. « Ne croyez pas aux mensonges des autorités russes » sur une situation où presque tous les hommes autochtones ont un casier judiciaire. Une nouvelle fois, la Bolivie a exigé la création d’un tribunal international pour défendre les droits des peuples autochtones.
Ce qu’il nous faut, c’est une convention juridiquement contraignante sur la protection des peuples autochtones, a ajouté l’Afrique du Sud. Blackstar Community for Better Living Initiatives Inc., a soulevé un problème plus urgent, celui de la crise de l’eau. Il a appelé l’Instance à convoquer un groupe de coordination autochtone sur l’eau et une réunion pour réfléchir à la création d'un forum mondial des peuples autochtones sur l’eau.