En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/18770-SC/13047

Le Secrétaire général invite le Conseil de sécurité à appuyer d’urgence le G5 Sahel et à réfléchir à une réponse multidimensionnelle dans la région

On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors de la réunion du Conseil de sécurité tenue aujourd’hui sur la paix et sécurité en Afrique:

Je remercie le gouvernement français d’avoir initié ce débat, qui fait suite à la visite du Conseil de sécurité au Sahel.  Je remercie aussi les Ministres des pays membres du G5 Sahel pour leur présence aujourd’hui.

Et permettez-moi de rendre hommage aux trois casques bleus tchadiens de la MINUSMA décédés ce jeudi ainsi qu’à leurs collègues blessés.  Je veux saluer leur courage et leur dévouement à ramener la paix et la sécurité au Mali.

Leur sens du sacrifice nous oblige à trouver urgemment des solutions permettant de lutter contre le terrorisme au Mali, tout en assurant la sécurité et la sûreté des contingents de la MINUSMA.

La situation dans le Sahel nous interpelle tous.

La pauvreté, le sous-développement et le changement climatique ont contribué aux crises humanitaires et sécuritaires.

La faiblesse des institutions, l’exclusion et la marginalisation de certains groupes sont exploitées par les extrémistes et les terroristes.

Les frontières poreuses facilitent la traite des êtres humains, les trafics de drogue et d’armes, et d’autres activités criminelles.

Les récentes attaques mortelles contre les gendarmes nigériens et les soldats américains, et les attaques incessantes contre les Forces maliennes de défense et de sécurité, les casques bleus de la MINUSMA, et les soldats de la Force Barkhane, illustrent l’ampleur de la menace sécuritaire.

La crise humanitaire s’aggrave.  Près de cinq millions de personnes sont déplacées.  Vingt-quatre millions ont besoin de l’aide humanitaire.

Les taux de natalité sont parmi les plus élevés au monde.  Mais des millions d’enfants sahéliens n’ont pas accès aux soins de santé et ne vont pas à l’école.

Face à l’urgence de la situation, il faut réfléchir à des actions innovantes en soutien aux efforts du G5 Sahel dans le domaine sécuritaire, mais aussi dans les domaines du développement et de la gouvernance. 

Le temps joue contre nous.  Nous devons de toute urgence aligner nos efforts afin de juguler les causes profondes de l’instabilité dans la région.

 

La création de la Force conjointe démontre la volonté des pays du G5 Sahel de coopérer étroitement afin de faire face, ensemble, à la menace. 

Nous avons aujourd’hui l’opportunité de les soutenir et d’ensemble inverser le cours des évènements.

Nous le devons aux populations du Sahel.

Nous le devons aux États du G5 Sahel qui ont pris cette initiative courageuse.  J’ai soutenu dès leur appel une force dotée d’un mandat à la hauteur des menaces auxquelles elle sera confrontée et d’un financement pérenne. 

Nous le devons aussi à tous ceux qui ont payé de leur vie leur engagement contre la menace terroriste et en faveur de la paix au Sahel. 

Au vu de l’évolution rapide de la situation et des risques de contagion généralisée, ne pas agir pourrait avoir de graves conséquences pour la région et au-delà. 

J’invite donc ce Conseil à faire preuve d’ambition dans le choix qu’il doit faire.  Un soutien politique fort au G5 Sahel et un soutien matériel et opérationnel à la mesure des défis sont indispensables. 

Le Conseil de sécurité est saisi de quatre options contenues dans mon rapport. 

Les Nations Unies pourraient mobiliser rapidement un soutien essentiel, en complément de l’action des partenaires bilatéraux. 

Un tel soutien viendrait non seulement renforcer utilement la force G5 Sahel, mais contribuerait également à atténuer les menaces qui affectent directement la MINUSMA.  Tout comme la MINUSMA, la Force conjointe opèrera en soutien au processus de paix malien.  Les deux forces sont profondément complémentaires et peuvent se renforcer mutuellement.

Mais seule la mise en œuvre intégrale de l’accord de paix pourrait rétablir l’autorité de l’État et la stabilité.  Je renouvelle mon appel aux parties signataires pour qu’elles accélèrent la mise en œuvre de l’accord et de ses réformes institutionnelles clés.    

Pendant ma dernière rencontre informelle avec le Conseil, j’ai eu l’occasion de vous transmettre mes opinions et mes préférences.  Naturellement quelle que soit votre décision, le Secrétariat fera de son mieux pour appuyer le G5 Sahel dans le cadre défini par le Conseil.

Ce soutien à la Force conjointe s’inscrirait aussi dans le cadre du partenariat stratégique en vue de renforcer les réponses africaines aux crises affectant le continent. 

Qui dit partenariat stratégique dit engagement mutuel, accompagné de garanties, de critères et d’indicateurs de succès convenus entre les pays du G5 Sahel et les partenaires internationaux.

Les pays du G5 Sahel ont défini un cap et réalisé des progrès remarquables dans ce sens au cours des derniers mois, qu’il s’agisse de l’élaboration du Concept d’Opérations, de la mise en conformité de certains instruments et cadres normatifs internes ou la mise à disposition de moyens nationaux, ainsi que la mobilisation des partenaires régionaux et internationaux.

Tous ces efforts démontrent une volonté politique de définir une stratégie et de prendre les mesures nécessaires en vue de la mettre en œuvre.

Certains aspects mériteraient néanmoins d’être davantage précisés et consolidés.

C’est dans cette optique que j’ai présenté des recommandations pour renforcer la direction politique de la Force conjointe et son insertion dans l’architecture de paix et de sécurité africaine.  J’ai aussi suggéré d’introduire des mécanismes de suivi et d’accompagnement transparents et crédibles susceptibles de renforcer la légitimité et le cadre politique de la Force conjointe, ainsi que l’adhésion de la région et de ses partenaires. 

Il est notamment indispensable d’établir des mécanismes de contrôle pour assurer le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, dans le cadre des opérations militaires.  L’Union africaine et les Nations Unies peuvent appuyer le G5 Sahel dans la mise en place de systèmes adéquats, avec le concours de partenaires, notamment l’Union européenne. 

Dans ce domaine, il est urgent de définir les modalités des poursuites transfrontalières; des arrestations, détentions et actions judiciaires; de réduction des risques; et de la plus large protection des civils.

J’encourage les membres du G5 Sahel à travailler à la finalisation du concept d’opérations, clarifiant les objectifs et le calendrier de montée en puissance de la Force conjointe.

La coopération sécuritaire dans le Sahel est essentielle.

Mais seule une réponse multidimensionnelle pourra mettre un terme à l’instabilité.

J’ai chargé la Vice-Secrétaire générale de coordonner et de redynamiser la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Nous devons ensemble renforcer notre action en faveur de la gouvernance, du développement et de la résilience.

A cette fin, nous présenterons en décembre, au cours de la conférence de Bruxelles, une stratégie d’investissements pour la région.  J’espère pouvoir compter sur le soutien de tous nos partenaires.  

J’aimerais aussi appeler à une cohérence renforcée entre les différentes initiatives nationales, régionales et internationales.

Seule la présence effective et le renforcement de l’État de droit peuvent assurer la pérennité de ces initiatives.

Dans un contexte aussi difficile et complexe, cela implique aussi de soutenir l’action des personnels humanitaires et des agences œuvrant au développement durable.

Depuis ma prise de fonctions, la prévention est une priorité absolue.

Dans le Sahel, cela signifie empêcher la région de sombrer dans le chaos, qui pourrait avoir des conséquences dangereuses pour le continent et le monde entier.

J’appelle donc à un partenariat gagnant-gagnant: un cadre de responsabilité partagée qui formaliserait nos obligations mutuelles, en vue de remédier aux causes profondes de la crise. 

Je vous remercie de votre attention. 

 

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