En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/18471-SC/12762

Le Secrétaire général dénonce « l’absence de volonté politique » des autorités du Soudan du Sud

On trouvera, ci-après, le message du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcé aujourd’hui à la séance du Conseil de sécurité sur le Soudan du Sud:

Je vous remercie, Monsieur le Président, de votre présence ici aujourd’hui à l’occasion de cette importante séance sur le Soudan du Sud.

Avant de passer à l’ordre du jour de la présente séance, je tiens à présenter une fois de plus nos sincères condoléances au peuple et au Gouvernement britanniques après l’attaque terroriste commise hier à Londres, qui a fait des morts et des blessés.  L’ONU se tient aux côtés du peuple britannique, comme elle le fait avec tous ceux qui subissent la menace du terrorisme dans le monde entier.  Nos pensées sont avec les victimes et leurs familles.

Le conflit au Soudan du Sud continue de causer de profondes souffrances.  L’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et les forces l’opposition conduisent des opérations militaires dans plusieurs régions, avec des conséquences dévastatrices sur les civils, qui semblent confrontés à une violence sans fin et sont forcés de quitter leur foyer.  Actuellement, la situation est particulièrement alarmante dans la région du Haut-Nil, où des affrontements militaires ont lieu sur les rives du Nil, à l’intérieur et aux alentours de Malakal, dans les comtés en état de famine de l’État de l’Unité et dans des zones auparavant stables du nord de l’État de Jongleï. 

Au cours des trois derniers mois, la région de l’Équatoria a encore une fois été marquée par des combats intenses et l’insécurité, l’APLS et les milices qui lui sont alliées menant des opérations de représailles contre des groupes rebelles présumés et les communautés soupçonnées de les soutenir.  Les civils continuent d’être visés par de terribles attaques, notamment le viol et le recrutement d’enfants.  Plus de 1,9 million de personnes ont été déplacées, dont plus de 220 000 sont parties chercher refuge sur des sites de protection de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).  Quelque 1,6 million de personnes ont trouvé refuge dans les pays voisins. 

La crise humanitaire continue de s’aggraver, avec plus de 100 000 personnes victimes de la famine, 1 million de personnes qui en sont sous la menace imminente et 5,5 millions de personnes qui pourraient se trouver en situation d’insécurité alimentaire grave d’ici l’été.  Au moins 7,5 millions de personnes au Soudan du Sud – près des deux tiers de la population – ont besoin d’une aide humanitaire.  Trois années de conflit ont érodé les moyens de subsistance et perturbé l’agriculture, notamment dans les Équatoria, qui sont le fournil du pays.  Les complexes et les fournitures humanitaires sont la cible de pillages récurrents.  Le Gouvernement continue d’entraver l’acheminement d’une aide vitale, notamment par le refus d’accès et les entraves bureaucratiques.  Récemment, le Gouvernement a décidé d’instituer une énorme augmentation du prix des permis de travail pour les travailleurs humanitaires.

Pourtant, en dépit du signal d’alarme lancé par l’ONU et la communauté internationale concernant cette crise, le Gouvernement n’a toujours pas exprimé une véritable préoccupation ou adopté des mesures tangibles pour régler le sort de sa population.  Au contraire, ce que nous entendons le plus souvent sont des dénis – un refus par les autorités ne serait-ce que de reconnaître la crise ou d’assumer la responsabilité qu’elles ont d’y mettre un terme. 

Le processus de paix est dans l’impasse.  Si les déclarations du Président Kiir dans lesquelles il a fait part de son intention d’organiser un dialogue national sont à saluer, elles ne sont pas convaincantes dans le contexte des hostilités en cours, de l’absence de consultations avec les acteurs clefs, de la répression systématique des libertés politiques fondamentales, des restrictions à l’accès humanitaire et de la fragmentation croissante des deux parties au conflit.

Le Secrétaire général adjoint, M. Hervé Ladsous, est rentré hier d’un déplacement au Soudan du Sud, où il a visité la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud et salué le travail important qu’accomplit notre personnel courageux dans ce pays.  Il était accompagné du Secrétaire général adjoint désigné aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, qui prendra ses fonctions après le 1er avril.  M. Ladsous a rencontré le Président Kiir, le Premier Vice-Président et des ministres, et il a insisté sur l’importance capitale d’un processus politique sans exclusive pour garantir le bien-être de la population du pays.

De fait, un dialogue crédible ne peut se dérouler sous la menace d’une arme à feu.  Lorsque les membres de la société civile et de l’opposition ne peuvent se réunir ou s’exprimer librement, lorsqu’une grande partie de la population ne peut participer aux débats et lorsque de nombreuses communautés sont déplacées ou exposées au risque de famine, il est peu probable que le dialogue aboutisse.  Il en va de même pour les élections, qui ne pourront se dérouler qu’une fois la stabilité rétablie.

En collaboration avec l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’ONU s’emploie à relancer le processus politique et à régler les différends intercommunautaires de longue date au Soudan du Sud et dans la sous-région.  Nous appuyons le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation, M. Festus Mogae, et le Haut Représentant de l’Union africaine pour le Soudan du Sud, M. Alpha Konaré, dans leurs rôles respectifs.  La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud et l’équipe de pays des Nations Unies appuient le dialogue intercommunautaire et les conférences de paix locales.  Nous continuons par ailleurs d’œuvrer au déploiement d’une force de protection régionale, en dépit des obstacles que continue d’imposer le Gouvernement sud-soudanais.

Toutefois, aucune force ni aucun effort diplomatique ne peuvent combler l’absence de volonté politique des gouvernants du pays.  Il est largement admis que les dirigeants sud-soudanais doivent faire plus pour montrer leur attachement au bien-être de leur population, l’une des plus pauvres au monde.  Pour susciter le moindre espoir que ces dirigeants abandonneront leurs calculs actuels, il faut davantage de pression.  Cela signifie avant tout que la région et le Conseil de sécurité doivent s’exprimer d’une seule voix.

Ne sous-estimons pas la dangerosité de la trajectoire du Soudan du Sud.  Des atrocités sont commises en toute impunité, et la possibilité d’une grave détérioration de la situation reste bien réelle.  Il est impératif de mettre en place des mécanismes de responsabilisation crédibles.  Pour chaque enfant qui meurt, pour chaque femme ou fille qui est violée dans l’impunité, pour chaque jeune garçon enrôlé de force et nourri seulement de haine, il y a une mère, un père, une sœur ou un frère en colère, plongé dans la souffrance, qui alimente le cycle de vengeance.

Pour éloigner le pays de l’abîme et lui permettre d’échapper à une famine croissante, nous devons collectivement axer nos efforts sur trois priorités immédiates.  La première est la cessation immédiate des hostilités.  La deuxième est le rétablissement du processus de paix, qui suppose de garantir la représentation et la participation de l’opposition, de la société civile et de tous les Sud-Soudanais, indépendamment de leur ethnie, dans le cadre de la transition et du dialogue national proposé.  La troisième est de garantir un accès humanitaire sans entrave, notamment la liberté de mouvement de la MINUSS et d’une future force de protection régionale.

Dans deux jours, les chefs d’État de l’IGAD se réuniront à Nairobi.  J’exhorte les membres du Conseil de sécurité et les dirigeants de l’IGAD à déclarer unanimement leur appui à ces trois objectifs et à encourager les parties sud-soudanaises à les mettre en œuvre. 

L’optimise né de la création du Soudan du Sud s’est totalement effondré du fait des divisions internes, des rivalités et du comportement irresponsable de certains dirigeants.  En conséquence, un pays qui avait brièvement entrevu l’espoir d’un avenir meilleur est replongé dans les ténèbres.  Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour remédier à cette situation.

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