En cours au Siège de l'ONU

Session de 2017,  
39e séance - matin     
ECOSOC/6851

ECOSOC: le Secrétaire général présente 38 idées, 8 lignes directrices et un pacte de financement pour le repositionnement du système de développement de l’ONU

Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a présenté ce matin son rapport sur le « repositionnement du système des Nations Unies au service de la coopération internationale pour le développement » en expliquant qu’avec un projet aussi audacieux que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, il fallait opérer des changements tout aussi audacieux dans le système onusien consacré aux questions de développement pour le rendre plus apte à la tâche.

« Vous m’avez chargé de mettre sur table des propositions adaptées à cette ambition pour réaliser les objectifs de développement durable », a rappelé le Secrétaire général en annonçant que ce rapport était le premier pas dans ce sens.  Une étape bien accueillie dans l’ensemble par les délégations malgré quelques critiques de la Fédération de Russie qui y a vu une « tentative d’affaiblir le contrôle exercé par les États Membres sur le système onusien de développement ».

Le Secrétaire général a rappelé que le système de l’ONU en matière de développement tel qu’il est actuellement ne fonctionnait pas à son plein potentiel.  Le rapport contient donc 38 idées et mesures concrètes pour entrer dans « une nouvelle ère de renforcement de la mise en œuvre » fondée sur le leadership, la cohésion, la responsabilité et les résultats. 

Puisque le Programme 2030 a été conçu comme une plateforme intégrée visant à répondre aux besoins des peuples et des gouvernements, le système de développement des Nations Unies doit lui aussi adopter une démarche intégrée dans sa réponse, a expliqué le Secrétaire général en voulant aussi un travail plus transparent et plus efficace dans tous les secteurs.

L’objectif est d’avoir un système de développement des Nations Unies focalisé davantage sur les peuples que sur les processus, visant à obtenir des résultats pour les plus pauvres et ce, avec moins de bureaucratie.  « Cela oblige à se poser des questions difficiles et profondes sur nos structures, nos compétences et l’architecture de nos actions. »

Pour rappeler les enjeux, le Secrétaire général a souligné combien le développement durable est important pour la vie de chaque personne: c’est le moyen d’améliorer la vie des gens, des communautés et des sociétés sans endommager la planète.  C’est la voie royale pour faire avancer les réalisations économiques, culturelles, sociales et politiques, ainsi que la paix et la sécurité mondiales.  C’est aussi le meilleur moyen que nous ayons en matière de prévention.

Pour toutes ces raisons, a-t-il poursuivi, « j’ai consciemment décidé d’être le plus explicite possible dans ce premier rapport en vertu d’une totale transparence et pour mettre sur la table des idées noir sur blanc afin d’engager la discussion et en débattre ».  Ce rapport, a-t-il précisé, est aussi une « composante intégrante d’une réforme plus large visant à renforcer les Nations Unies afin qu’elles soient adaptées aux défis complexes d’aujourd’hui ».

Les mesures à prendre comprennent la réforme de l’architecture de paix et de sécurité, qui doit donner la priorité à la prévention et à la paix durable; une réforme de la gestion, pour simplifier les procédures et décentraliser les décisions avec transparence, efficience et responsabilité; ainsi que des stratégies et des mesures précises pour réaliser la parité, mettre fin aux exploitations et abus sexuels et renforcer les structures de lutte contre le terrorisme.

Le Secrétaire général a assuré que les mandats de la procédure d’examen quadriennal complet avaient été respectés, en tenant de vastes consultations avec tous les États Membres et les acteurs du système de développement des Nations Unies.

Un mécanisme interne au Département des affaires économiques et sociales (DAES) et un groupe de travail sur le développement ont été créés pour travailler ensemble dans la transparence et la responsabilité.  En outre, un travail a été fait avec des experts externes pour analyser les données sur les fonctions et les capacités dans toute l’Organisation.

M. Guterres a ensuite présenté les huit idées directrices qu’il propose, sachant que certaines nécessitent davantage de consultations, tandis que d’autres peuvent être réalisées immédiatement.

« Premièrement, le système de développement des Nations Unies doit accélérer sa transition entre les objectifs du Millénaire pour le développement et le Programme 2030. »  L’idée est que si l’ONU ne peut pas tout faire partout, elle doit être en mesure de donner des conseils, de partager son expertise et d’aider les gouvernements à mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Elle doit aider à faire travailler ensemble les partenaires pour que les actions menées aient davantage d’ampleur.  En outre, les équipes de pays doivent bénéficier de meilleures coordination, planification et responsabilisation.

Deuxièmement, le Secrétaire général propose de se focaliser sur le financement du développement.  Les gouvernements et les peuples attendent de l’ONU qu’elle aide à faire respecter les engagements pris au titre de l’aide publique au développement (APD) et à ouvrir les portes des financements, de l’expertise, de la connaissance, du savoir-faire et des technologies.  Nous devons pour cela travailler avec le secteur privé, les institutions financières internationales et d’autres partenaires.

À cet égard, le rapport envisage un rôle de plaque tournante au niveau des pays pour les bureaux des coordonnateurs résidents, pour aider les gouvernements à renforcer leurs propres bases de ressource, pour lever des fonds en faveur du développement, et pour exploiter les expertises des agences.  De son côté, le DAES serait renforcé et travaillerait en collaboration avec les commissions régionales et le système de développement des Nations Unies pour donner des directives politiques et soutenir les coordinateurs résidents et les équipes de pays à aider les gouvernements à trouver des financements.

« Troisièmement, nous avons besoin de nouvelles générations d’équipes de pays qui soient adaptées aux besoins de chaque pays. »  Ces équipes doivent travailler avec plus de cohésion, être plus flexibles, moins grandes, plus efficientes et focalisées sur leur champ de compétence. 

C’est là qu’apparaît la nécessité de faire le lien entre le développement et l’humanitaire, et entre le développement et la consolidation et le maintien de la paix, a indiqué M. Guterres, rappelant que les États Membres en avaient débattu pendant des années.  Il veut qu’avant décembre 2017, des critères spécifiques soient soumis à l’examen des États Membres pour fixer une configuration optimale de l’ONU sur une base pays par pays. 

« Quatrièmement, nous devons résoudre l’ambiguïté du rôle des coordonnateurs résidents. »  Ils doivent être bien dotés en personnel et en ressources, avec un rôle de supervision directe de tous les membres des équipes de pays.  Cette plus grande autorité doit s’accompagner de davantage de responsabilités.

Le Secrétaire général s’est appuyé sur les consultations menées et les analyses pour expliquer l’intérêt qu’il y a à séparer les fonctions des Coordonnateurs résidents de celles des représentants résidents du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le développement durable doit être « le gène » des coordonnateurs résidents, a-t-il précise en annonçant des propositions plus détaillées avant décembre.

« Cinquièmement, pour permettre des changements sur le terrain, nous n’avons pas besoin de créer de nouvelles bureaucraties ou des superstructures. »  M. Guterres s’y est engagé en assumant « ses responsabilités de directeur général des Nations Unies » et en réaffirmant son « rôle de leadership dans les efforts de développement durable de l’ONU ».

Il a dit avoir demandé à la Vice-Secrétaire générale, Mme Amina J. Mohammed, qui était présente à la réunion, de superviser et de donner des directives stratégiques au Groupe de développement de l’ONU et de diriger un comité directeur pour améliorer la cohérence entre l’action humanitaire et le travail de développement.  La décentralisation est un objectif clef de tous les efforts de réforme, a-t-il souligné en misant sur le renforcement de la responsabilité aux sièges, tout en maintenant une attention concentrée sur le terrain.

« Sixièmement, nous devons faire en sorte que l’ONU exprime une voix politique plus cohérente au niveau régional. »  Le Secrétaire général a prévu à cet égard de lancer un examen des représentations et activités régionales des Nations Unies pour clarifier la division du travail dans le système et explorer les possibilités de renforcer la politique de l’ONU aux niveaux national, régional et mondial.

« Septièmement, la responsabilité du système de développement est une priorité » pour le Secrétaire général qui a visé l’amélioration de la transparence et des résultats.  Dans ce cadre, le rapport souligne trois domaines spécifiques dans lesquels les États Membres doivent s’engager: l’amélioration des directives et la surveillance des résultats dans tout le système avec l’ECOSOC au centre; plus de transparence sur les résultats collectifs y compris par le biais de rapports annuels et la création d’une fonction d’évaluation indépendante; et une responsabilité interne plus forte pour assurer que les mécanismes internes comme le Conseil des chefs de secrétariat et le Groupe des Nations Unies pour le développement respectent les mandats des États Membres et les accords internes.

« Huitièmement, il faut faire face aux conséquences inattendues du financement qui ont entravé notre capacité à agir de concert. »  Environ 85% des financements sont actuellement affectés et environ 90% de ces financements proviennent d’un seul donateur pour les programmes d’une seule agence.  « Je souhaite explorer avec les États Membres la possibilité d’un pacte de financement à travers lequel le système s’engagerait pour une plus grande efficacité, pour l’optimisation des ressources et la reddition de comptes des résultats à l’échelle du système. »

Après cet exposé, une vingtaine de délégations ont commenté cette première démarche qui vise à rendre le système de développement des Nations Unies plus efficace en vue de permettre la réalisation du Programme 2030.

Au nom des pays nordiques, le représentant de la Suède a jugé important de veiller à ce que les initiatives de réforme soient liées les unes aux autres, avant de noter que les questions de sécurité, de développement et de droits de l’homme sont interdépendantes.  Il a jugé indispensable d’adapter le système de développement aux contextes et besoins locaux, d’intégrer l’égalité entre les sexes à tous les niveaux opérationnels, et d’adapter l’architecture de financement aux ambitions et objectifs de la mise en œuvre de Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Au nom de l’Alliance des petits États insulaires, la représentante des Maldives a salué la démarche inclusive du nouveau Secrétaire général pour rendre le système de développement plus efficace.

Parlant au nom des pays les moins avancés, dont 35% de la population vivent dans une pauvreté absolue, le représentant du Bangladesh s’est félicité de l’accent mis sur la nécessité d’un système plus responsable et plus redevable par le biais d’un système de coordonnateurs résidents renforcé.  Si le représentant des PMA a salué le rôle spécial accordé à la Vice-Secrétaire générale dans cette réforme du système de développement, celui du Japon s’est inquiété d’une démarche appelant les Nations Unies à appuyer le bureau de la Vice-Secrétaire générale.  Le représentant japonais a souhaité que la réforme du système de coordonnateur résident soit examinée plus avant en tenant compte des implications financières et juridiques de cette démarche.

« La bonne nouvelle est que nous pouvons faire mieux, et que nous devons le faire immédiatement en réformant l’ONU », s’est exclamé le représentant du Royaume-Uni en estimant qu’il existait une demande sans précédent pour une réponse multilatérale aux défis internationaux.  Face au poids et à l’inertie de la bureaucratie, il est nécessaire selon lui de se recentrer et se renouveler.  Il a particulièrement salué la pertinence du rapport du Secrétaire général qui met l’accent sur la responsabilisation et la redevabilité.  À l’instar des autres délégations il a noté que si ce premier rapport est certes un excellent départ, ce n’est qu’un premier pas qu’il faudra consolider avec un rapport plus complet en décembre prochain.

« Comment va-t-on prendre en compte les remarques des États Membres pour la rédaction du rapport final en décembre », a demandé à cet égard la représentante du Bélarus en souhaitant que l’exercice d’aujourd’hui ne se limite pas à une opération de communication « vis-à-vis de l’extérieur ».  À l’instar des représentants du Pakistan et du Cameroun, elle a souhaité que cet exercice ne se traduise pas par de nouvelles contraintes pour les pays récipiendaires.    

« Nous sommes surpris que ce rapport du Secrétaire général soit plus audacieux que les autres rapports », s’est exclamé pour sa part le représentant de l’Allemagne en ajoutant que ce document était la première pièce d’un puzzle pour une meilleure réalisation du Programme 2030.  Il a appelé à affiner la question du financement en notant que si le financement peut être moteur de croissance, il peut aussi être source de fragmentation.   

Le représentant de la Suisse a jugé « courageuses et nécessaires » les propositions de séparer la fonction de coordonnateur résident et celles de représentant résident du programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ainsi que la fusion progressive des conseils d’administration des fonds et programmes basés à New York.  Cela rendra à son avis le système de développement des Nations Unies « plus cohérent, collaboratif et efficace ». 

De son côté, le représentant du Brésil a voulu plus de précisions sur le renforcement de la direction, de l’appropriation nationale et des capacités nationales.

« Le système n’a pas été conçu pour se transformer lui-même », a prévenu le représentant du Mexique avant de juger nécessaire que les États Membres, qualifiés « d’éléphants avec leurs inerties » accompagnent le Secrétaire général dans son rôle de réformateur autour des huit principes.  « Il faut être conscient que les États Membres et leurs intérêts contradictoires sont souvent les premiers obstacles aux réformes qu’ils sont pourtant les premiers à appeler. »

Sur un ton plus critique, le représentant russe a déclaré que ce rapport n’était « pas source d’espoir mais de profonde préoccupation » pour son pays.  Il a fustigé une tentative d’affaiblir le contrôle exercé par les États Membres sur le système de développement et dénoncé une démarche qualifiée de mépris du rôle des États membres.  Il a notamment jugé inopportun d’intégrer la prévention des conflits aux activités de développement.  Il a dit que l’essence même du rapport quadriennal est le renforcement de la transparence et pas une bureaucratisation accrue par la complication de la structure.  Il a souhaité que l’on ne remette pas en cause le rôle directeur des États Membres dans le domaine du développement durable.

« Si les Nations Unies ne sont pas pertinentes et plus efficaces dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, elles vont échouer », a répondu le représentant du Canada à son homologue russe.  Néanmoins, « si le rapport présenté s’inscrit bien dans la mission confiée au Secrétaire général pour décloisonner », le représentant du Canada a dit reconnaître la difficulté d’identifier les nouveaux talents et de répartir les moyens financiers et humains aux différentes structures.

La représentante des États-Unis a jugé indispensable cette réforme en mettant l’accent sur la meilleure coordination nécessaire entre le Siège et les représentants pays.  Celui de la Chine a appelé à une réforme axée sur la promotion du Programme 2030 tenant compte des priorités des États Membres.  Il a demandé que le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies joue un rôle accru en matière de coordination des politiques.

 Si le représentant de la Colombie a appelé à examiner le contenu des résolutions pertinentes pour arriver à un système de développement renforcé, celui du Singapour a exprimé tout son appui au Secrétaire général et à la Vice-Secrétaire générale pour parvenir à une meilleure efficacité dans une meilleur transparence après une analyse pertinente des lacunes existantes. 

Après les interventions des délégations et notamment celle du Tchad, au nom du Groupe des États d’Afrique, le Secrétaire général a reconnu que la mesure du succès du Programme 2030 dépendait de la réussite de ce Programme en Afrique et de de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  S’agissant du financement, il a souhaité que les États Membres suivent l’exemple de la Suède qui s’acquitte de sa part très tôt et qui affecte 1% du PIB à l’APD. 

M. Guterres a aussi rassuré les petits États insulaires en développement au sujet des problèmes sur lesquels l’ONU se penche.

S’agissant des coordonnateurs résidents, ils doivent tenir compte des priorités des pays et avoir la capacité de répondre aux besoins des gouvernements, a-t-il expliqué en précisant qu’ils devaient être désignés en consultation avec les États Membres.  Le rôle du PNUD ne sera pas non plus réduit et il continuera de donner un appui clef aux coordonnateurs résidents, ainsi qu’aux États hôtes.  Le Secrétaire général a assuré que « nous ne sommes pas ici pour détourner les ressources du développement pour la paix ou inversement ».

En réponse au délégué japonais, le Secrétaire général a indiqué qu’il soumettrait un plan de travail dès la fin de la session du Forum politique de haut niveau sur le développement durable.  À propos du rôle de la Vice-Secrétaire générale que certaines délégations ont critiqué, M. Guterres a invité à suivre la résolution de l’Assemblée générale relative à cette question. 

« La transparence est essentielle à la confiance entre le système et les États Membres; nous mettrons tout en œuvre pour la transparence et la confiance. »

« L’interprétation russe n’est pas la mienne », a réagi M. Guterres en rejetant l’idée de centraliser ou de politiser le système.  « Nous voulons renforcer la relation entre l’ECOSOC et l’Assemblée générale, et pour cela, il faut que l’ECOSOC soit au centre », a-t-il dit pour conclure ce débat. 

 

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