En cours au Siège de l'ONU

Innovations pour le développement des infrastructures,
29e & 30e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6845

ECOSOC: Une réunion spéciale appelle à combler le fossé dans les domaines des infrastructures, de l’industrialisation et de l’innovation

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a organisé, aujourd’hui, une réunion spéciale sur les innovations pour le développement des infrastructures et la promotion d’une industrialisation durable, au cours de laquelle les appels se sont multipliés pour combler les lacunes dans l’infrastructure, l’industrialisation et l’innovation des pays en développement.

À cette occasion, le Président de l’ECOSOC, M. Frederick Musiiwa Makamure, a souligné que les infrastructures, l’industrialisation et l’innovation sont des facilitateurs de la croissance et du développement durable, à commencer par la réalisation de l’objectif 9 qui invite la communauté internationale à « bâtir une infrastructure résiliente, à promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et à encourager l’innovation ».

Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales, M. Wu Hongbo, a d’ailleurs rappelé la portée « catalytique et transversale » que revêt cet objectif. 

Il a également a appelé à développer des technologies capables de renforcer l’accès aux infrastructures et à une industrialisation durable dans les zones rurales qui concentrent 75% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde.

« Au cours des 20 dernières années, les pays qui ont réussi à faire décoller leur secteur manufacturier ont également pu faire baisser leur taux de pauvreté, a justement fait observer le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), M. Li Yong, pour qui le développement des infrastructures serait le chaînon manquant pour le développement durable des pays en développement.  D’où des projets tels que le Programme de partenariat entre pays (PCP) et l’Initiative pour le développement de l’agribusiness et des agro-industries en Afrique (ID3A), que l’ONUDI promeut en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

C’est dans cette mouvance de partenariat que le représentant de l’Équateur, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a appelé à établir un mécanisme de transfert des technologies et à rendre opérationnelle la Banque de technologies pour les pays les moins avancés (PMA), invitant les pays industrialisés « à ne pas faire tomber l’échelle » qu’ils ont eux-mêmes utilisée pour atteindre leur niveau de développement industriel actuel.

Le Directeur général du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), M. Ibrahim Mayaki, a toutefois estimé que ce continent est « parfaitement capable » de financer sa propre industrialisation, arguant que des fonds peuvent être mobilisés en venant à bout des flux financiers illicites. 

Outre les déclarations liminaires, cette journée de travaux a également été ponctuée par la tenue de trois sessions interactives portant sur le lien industrialisation-infrastructure dans les pays en développement, le potentiel des systèmes agro-industriels et agricoles aux fins du développement durable et, enfin, le renforcement des capacités et mobilisation des ressources pour l’infrastructure, l’industrialisation et l’innovation

La Haute-Représentante pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), Mme Fekitamoeloa Katoa Utookamanu, a notamment indiqué que l’innovation dans l’énergie durable permettrait d’améliorer la situation des pays en développement sans littoral et les PEID qui font face à un « désavantage géographique » qui les contraint à dépenser davantage pour assurer le transport de leurs produits, ce qui augmente le prix des importations et des exportations. 

La nécessité de moderniser les systèmes agricoles, en Afrique notamment a été soulignée par M. Anrez Bvumbe, du Groupe de la Banque mondiale, qui a relevé que le secteur agricole représente le quart du produit intérieur brut (PIB) du continent, alors que celui-ci importe plus de 2 milliards de dollars de vivres par an.  Malgré la place de l’agriculture dans l’économie des pays africains, a-t-il déploré, seulement 5% des prêts bancaires sont dirigés vers ce secteur.

On ne peut parler d’agro-industrie dans ce contexte d’agriculture de subsistance, a par ailleurs souligné M. Bvumbe, déplorant notamment l’utilisation de technologies agricoles désuètes, les problèmes de stockage des récoltes ou encore la question de la propriété foncière, « véritable catalyseur des prêts bancaires mais qui souffre de législations peu claires ».

De nombreuses préoccupations ont également été soulevées au sujet du manque d’investissements dans les infrastructures qui, selon le Représentant spécial de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de l’ONU, M. Marcos Bonturi, ont atteint un niveau historiquement faible à l’échelle mondiale.

Ce dernier a signalé que l’aide publique au développement (APD) est actuellement la principale source de soutien aux infrastructures des pays en développement, et a argué que le meilleur moyen d’attirer davantage d’investissements privés serait de mettre fin aux restrictions réglementaires et au manque de transparence qui pèsent sur les marchés publics.  Les technologies vertes, a-t-il précisé, sont particulièrement affectées par ces obstacles réglementaires.

Les résultats de la Réunion spéciale serviront de contribution à la session de fond de l’ECOSOC de 2017 et au Forum politique de haut niveau de 2017, organisé sous les auspices de l’ECOSOC.  Cette Réunion spéciale avait été précédée de deux sessions préparatoires à Dakar, au Sénégal, en mars dernier, et à Victoria Falls, au Zimbabwe en avril de cette année.

La prochaine réunion du Conseil économique et social sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

RÉUNION SPÉCIALE SUR LES INNOVATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES ET LA PROMOTION D’UNE INDUSTRIALISATION DURABLE

Observations d’ouverture: L’approche intégrée pour atteindre l’objectif du développement durable 9

Déclarations

M. FREDERICK MUSIIWA MAKAMURE SHAVA, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé qu’au début de son mandat, il avait identifié les questions des infrastructures, de l’industrialisation et de l’innovation comme une priorité du travail de l’ECOSOC en 2017.  Il a également rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment les 17 objectifs de développement durable reconnaissent l’importance de ces trois domaines pour l’éradication de la pauvreté et l’expansion des opportunités pour les populations, surtout les plus pauvres, comme l’indique l’objectif de développement durable 9.

Les infrastructures, l’industrialisation et l’innovation sont des facilitateurs de la croissance et du développement durable, a-t-il poursuivi, soulignant que les progrès réalisés sur l’objectif 9 auront des répercussions positives sur les autres objectifs de développement durable.  De ce fait, cet objectif de développement durable doit donc être une priorité politique aux niveaux national, régional et mondial, a-t-il insisté.  M. Shava a invité les participants à proposer des étapes pratiques que l’ECOSOC pourrait adopter.  Il a noté que cette réunion a été précédée par deux rencontres préparatoires, dont une organisée à Dakar, au Sénégal en mars sur le thème les « Innovations pour le développement des infrastructures et la promotion de l’industrialisation durable  ».  À cette occasion, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (ECA) avait indiqué qu’au moins de 93 milliards de dollars seront nécessaires pour moderniser les infrastructures africaines d’ici à 2020.  La seconde réunion préparatoire a eu lieu à Victoria Falls, au Zimbabwe, en avril dernier sur le thème du développement de l’agriculture et de l’agro-industrie.  Cette réunion a aussi permis de relever que l’amélioration des chaînes de valeurs agricoles, et leur connexion aux marchés locaux, régionaux et mondiaux aura un grand impact sur le bien-être des populations.

M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales, a rappelé la portée « catalytique et transversale » que revêt, au sein du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’objectif de développement durable 9, intitulé « Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ».

Si les investissements sont suffisants et mis en œuvre de façon « innovante et efficace », a déclaré le Secrétaire général adjoint, les infrastructures et l’industrialisation durable engendreront des « bénéfices multidimensionnels énormes » pour les pays en développement, concernant notamment la croissance économique, la réduction de la pauvreté et des inégalités, ainsi que la promotion de l’environnement durable.  L’accès aux infrastructures et la promotion de l’industrialisation durable, a poursuivi M. Wu, sont également essentiels pour établir des sociétés ouvertes.

À cette fin, le Secrétaire général adjoint a appelé à combler le fossé entre pays développés et pays en développements en matière d’infrastructures.  Précisant que le déficit de financement des infrastructures dans le monde est actuellement estimé entre 1 000 milliards et 1 000 milliards et demi de dollars par an, il a rappelé que le Programme d’action d’Addis-Abeba prévoyait la création d’une instance mondiale dédiée aux infrastructures précisément dans le but de combler ce fossé.  Selon M. Wu, pour répondre à ces besoins de financement, il est impératif de mobiliser des ressources nationales, de mieux cibler l’aide publique au développement (APD) et de garantir la participation du secteur privé.

Sachant que le nombre de personnes habitant dans des villes est supposé doubler d’ici à 2030, ce qui ajouterait deux milliards de citadins supplémentaires dans le monde, le Secrétaire général adjoint a par ailleurs estimé que les investissements dans les infrastructures urbaines étaient essentiels pour garantir une urbanisation durable.

M. Wu a en outre appelé à développer des technologies capables de renforcer l’accès aux infrastructures et à une industrialisation durable dans les zones rurales, qui concentrent 75% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde.

« Le moment est venu d’agir », a lancé le Secrétaire général adjoint, tout en insistant sur la définition de politiques intégrées, le renforcement des capacités, la création de partenariats et la mise à disposition de données et d’informations sur les infrastructures afin de réaliser un suivi.

M. Wu a enfin prôné une approche multipartite, basée sur un fort engagement des banques de développement et du secteur privé.  Il a aussi appelé à utiliser des données factuelles pour évaluer les politiques mises en œuvre au moyen d’indicateurs fiables.

M. LI YONG, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a rappelé qu’au cours des 20 dernières années, les pays qui ont réussi à faire décoller leur secteur manufacturier ont également pu faire baisser leur taux de pauvreté.  Entre 1990 et 2013, a-t-il notamment indiqué, les pays d’Asie et du Pacifique qui ont mis l’accent sur l’industrialisation ont vu diminuer leur taux de pauvreté.  L’Afrique, quant à elle, a vu son taux de pauvreté croître, le continent n’ayant pas connu de progrès notable en matière d’industrialisation.  Il a néanmoins cité en exemple les cas de l’Éthiopie qui a investi dans l’industrie vestimentaire, et du Rwanda qui a su attirer des investissements étrangers, promouvant ainsi l’industrialisation et la création d’emplois. 

L’industrialisation peut créer des emplois et améliorer les conditions de vie des populations, mais pour les pays les moins avancés, le chemin est encore long, a concédé le Directeur de l’ONUDI.  Il a expliqué que ces pays n’ont pas encore les capacités requises pour être compétitifs et attirer les investissements.  En outre, le développement des infrastructures apparaît comme le chaînon manquant pour leur développement durable.  En effet, le développement des infrastructures doit leur permettre de faire baisser le coût de l’énergie, entre autres.

M. Li a estimé que la communauté internationale, y compris les Nations Unies, peut jouer un rôle crucial en appuyant les investissements dans ces pays et en facilitant le transfert des technologies.  Il a aussi expliqué que l’ONUDI dispose de connaissances et d’un savoir-faire avérés pour assister les pays sur la voie de l’industrialisation, en insistant sur le principe d’appropriation nationale.  C’est ce qui se passe dans le cadre du Programme de partenariat entre pays (PCP) qui permet aux pays d’identifier des sous-secteurs prometteurs et à l’ONUDI de les accompagner dans la recherche et la mobilisation de partenaires et d’investisseurs étrangers.  Il s’est félicité du succès rencontré par ce programme au Sénégal et en Éthiopie où l’ONUDI vient de participer au lancement d’un « parc industriel », une sorte de zone franche qui devrait favoriser, à terme, la création de plus de 130 000 emplois dans le pays, notamment en faveur des jeunes et des femmes. 

Le Directeur général de l’ONUDI a aussi parlé de l’Initiative pour le développement de l’agribusiness et des agro-industries en Afrique (ID3A), qui permet d’appuyer les programmes d’investissements afin de faire de l’agriculture un secteur porteur pour les pays en développement.  Par ailleurs, dans le cadre de la troisième Décennie du développement industriel de l’Afrique (2016-2025), l’ONUDI envisage de renforcer le Programme de partenariat entre pays à d’autres pays du continent.

S’exprimant par visioconférence, M. JOSÉ GRAZIANO DA SILVA, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a insisté sur le rôle fondamental du développement de l’agro-industrie, non seulement pour la réalisation de l’objectif de développement durable 9, consacré à l’investissement dans des infrastructures résilientes et la promotion d’une industrialisation durable, mais également pour la réalisation d’autres objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment l’éradication de l’extrême pauvreté.

Le développement de l’agro-industrie, a en effet estimé le Directeur général de la FAO, doit permettre de réduire les pertes agroalimentaires, ainsi que l’insécurité alimentaire des populations dans les pays en développement.  Pour cela, il a appelé à venir à bout des obstacles faisant entrave au développement de l’agro-industrie, y compris le déficit d’infrastructures, le manque de compétences adaptées et les difficultés à l’exportation.

À cette fin, M. da Silva a indiqué que la FAO continuerait d’appuyer les différentes initiatives visant à développer l’agro-industrie, y compris l’Initiative pour le développement accéléré de l’agribusiness et des agro-industries en Afrique (3ADI).  Le Directeur général a également annoncé son intention de renforcer la coopération de la FAO avec l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) et le Fonds international de développement agricole (FIDA).

Débat général

M. JONATHAN VIERA (Équateur), s’exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, a relevé que l’industrialisation et le développement des infrastructures sont interdépendants, et que les infrastructures sont un préalable à la compétitivité, au progrès économique et à la diversification.  Pour combler ce déficit d’investissement dans les infrastructures des pays en développement, qui représente entre 1 000 milliards et 1 000 milliards et demi de dollars par an, il a appelé à renforcer la mobilisation des fonds publics et des investissements privés tout en améliorant les partenariats public-privé.

Il y a urgence, a-t-il souligné, de canaliser l’assistance technique et le renforcement des capacités en tenant compte des besoins spécifiques et des contraintes des pays en développement.  En plus des infrastructures résilientes et durables, M. Viera a estimé que la diversification économique demande à ces pays d’améliorer leur secteur financier et d’investir dans le commerce et l’innovation.  Il a indiqué que les pays en développement ont besoin de transferts technologiques qui leur sont favorables, appelant par ailleurs au renforcement et à l’amélioration du régime de la propriété intellectuelle pour permettre aux pays en développement de rattraper leur retard technologique.  Il a également appelé à établir un mécanisme de transfert des technologies et à rendre opérationnelle la Banque de technologies pour les pays les moins avancés (PMA).  Il a expliqué que la promotion d’un développement industriel, ouvert et durable, permettrait aux pays en développement de faire face à leurs défis majeurs, notamment la croissance et l’emploi, la pollution et les changements climatiques, l’innovation et l’inclusion sociale.  À cette fin, il a invité les pays industrialisés à ne pas faire tomber l’échelle qu’ils ont eux-mêmes utilisée par le passé pour atteindre leur niveau de développement industriel actuel.

Au nom du Groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), M. LIU JIEYI (Chine) a rappelé l’importance de l’innovation en matière d’accès aux infrastructures et d’industrialisation.  Il a estimé que les infrastructures étaient essentielles pour assurer le développement des pays en développement, stimuler leur croissance économique et améliorer les conditions de vie de leurs habitants.  Pour y parvenir, le représentant a appelé la communauté internationale à aider les pays en développement à réaliser les objectifs de développement durable, notamment pour améliorer leur capacité de développement technologique, de recherche et d’innovation. 

La communauté internationale, a-t-il estimé, doit également prendre en compte les besoins spécifiques de chaque pays pour mettre en place des infrastructures durables, en construisant non seulement des ponts et des routes, mais également en améliorant l’accès à l’électricité et aux technologies de l’information et des communications.

Le délégué chinois a également appelé à aider les pays en développement à « effectuer une transformation industrielle de façon durable, ouverte et transparente » pour créer des emplois décents, notamment en investissant en priorité dans les petites et moyennes entreprises et l’agriculture.

Étant donné la mobilité des capitaux, des biens et des services dans l’économie mondiale actuelle, le représentant a en outre appelé à faciliter davantage la mobilité des travailleurs dans le monde.  Il a enfin insisté sur l’importance des banques de développement pour le financement de projets, ainsi que sur la nécessité de promouvoir l’intégration régionale, notamment en Afrique.

M. TAREQ ARIFUL ISLAM (Bangladesh), s’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), a indiqué que l’un des principaux obstacles du développement des PMA est l’absence d’infrastructures résilientes, une réalité qui sape la diversification économique et leur développement social.  Il a relevé qu’au cours de la dernière décennie, les produits fabriqués dans les PMA représentaient seulement 10% ou moins du produit intérieur brut (PIB) mondial.  Il a constaté qu’alors que les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) consacrent 2,4% de leur PIB à la recherche, ce pourcentage est de presque zéro dans les PMA.  Il a, de ce fait, appelé la communauté internationale à fournir un appui solide à ces pays, rappelant que la Banque des technologies est censée faciliter leurs capacités d’innovation.  Il a déploré le fait que les fonds d’investissements, qui pourraient largement contribuer à la mise en place d’infrastructures, sont davantage intéressés par des investissements immédiatement rentables.  D’où la nécessité pour les PMA de rendre les infrastructures bancables, a-t-il préconisé. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. REMONGAR T. DENNIS (Libéria) a déclaré que l’industrie constituait un moteur important de la transformation économique et de la croissance, ainsi que de la création d’emplois et du développement humain.  Dans l’ensemble, a-t-il dit, les activités manufacturières et industrielles représentent les catalyseurs les plus solides d’un développement « autopropulsé », à l’heure où l’Afrique s’efforce d’atteindre le développement durable.  Le représentant a toutefois déploré l’absence de moyens de financements et d’investissements destinés à l’industrie, les insuffisances technologiques, l’entreprenariat inadapté et le faible pouvoir d’achat qui caractérisent certaines économies africaines.

Pour surmonter ces difficultés, a-t-il poursuivi, de nombreux pays africains ont entrepris des réformes économiques globales.  Ces politiques, a estimé le représentant, ne suffisent cependant pas pour assurer le développement durable.  À ses yeux, la transformation industrielle requière une mobilisation intelligente des ressources, financières comme non financières. 

Aussi, le représentant a appelé à aller au-delà des déclarations d’intention pour l’industrialisation de l’Afrique, qui ne se sont jusqu’ici jamais traduites, selon lui, par des mesures concrètes et une mobilisation de ressources tangibles pour y parvenir.  Il a estimé que la troisième Décennie du développement industriel de l’Afrique devrait établir des mécanismes inter-institutions pour la coordination et la mise en œuvre de la stratégie et mettre en œuvre un mécanisme substantiel de mobilisation des ressources et d’identification de projets concrets.

Le représentant a par ailleurs appelé à aider les États Membres à élaborer des stratégies d’industrialisation durable efficaces.  Cela ne sera possible, a-t-il dit, qu’en augmentant le volume et la qualité des investissements publics et privés vers les secteurs prioritaires et stratégiques en Afrique, en particulier les infrastructures.

La promotion des capacités nationales manufacturières devrait également constituer une priorité des gouvernements africains, a poursuivi le représentant, appelant ces derniers à promouvoir les petites et moyennes entreprises.  Le délégué a enfin appelé à intensifier la coopération internationale pour prévenir l’évasion fiscale et les transferts illicites de capitaux.

Session 1: Le lien industrialisation-infrastructure dans les pays en développement

La première table ronde de cette Réunion spéciale de l’ECOSOC avait trait à l’interdépendance du lien entre industrialisation et infrastructure dans les pays en développement.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 reconnaît en effet que l’investissement dans les infrastructures est une condition nécessaire à l’industrialisation durable, qui est elle-même une condition nécessaire à la transformation structurelle et à la diversification économique des pays en développement. 

Appelant à tirer parti de ce lien synergique, le modérateur de la table ronde, M. Macharia Kamau, Représentant permanent du Kenya, a invité les délégations à définir des politiques et programmes visant à surmonter les obstacles à l’investissement dans les infrastructures et à l’industrialisation durable dans les pays en développement.

Dans une intervention liminaire, Mme Fekitamoeloa Katoa Utoikamanu, Haute-Représentante pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, a souligné que ces obstacles sont particulièrement importants dans les trois groupes de pays qu’elle représente. 

Ces derniers, a-t-elle indiqué, souffrent en effet d’une capacité de production limitée, notamment dans le domaine agricole, ainsi que d’un accès souvent insuffisant aux infrastructures, y compris à l’électricité et aux technologies de l’information et des communications.  Renforcer le lien entre infrastructures et industrialisation dans ces pays permettrait, selon elle, de les rendre plus compétitifs, notamment dans le secteur agricole, mais également d’améliorer leur gouvernance et leurs systèmes éducatifs et de santé.

La Haute-Représentante a particulièrement insisté sur les obstacles auxquels font face les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement qui, en raison de leur « désavantage géographique », dépensent plus de ressources pour assurer le transport et l’acheminement de leurs produits, ce qui augmente le prix des importations comme des exportations.  À ses yeux, l’innovation dans l’énergie durable permettrait d’améliorer cette situation.

La composition géographique particulière des archipels, a ajouté la Haute-Représentante, augmente en outre la dépendance des îles les plus éloignées envers les systèmes de transport et de communication, ce qui contribue à pérenniser les disparités entre ces îles reculées et les îles principales.

Appelant à pallier l’insuffisance « d’infrastructures physiques et virtuelles » dans les trois groupes de pays qu’elle représente, Mme Utoikamanu a en outre mentionné les principales entraves aux politiques visant à surmonter les obstacles à l’investissement dans les infrastructures et à l’industrialisation durable. 

Ces entraves, a-t-elle affirmé, ont trait au manque d’investissements locaux, aux difficultés d’accès au crédit, à la sous-utilisation du secteur privé et au manque de compétences pour attirer des financements multipartites. 

Pour remédier à ces lacunes, elle a insisté sur le rôle que doivent jouer les partenariats public-privé et les banques de développement dans l’apport d’une aide technique à ces pays.  L’intégration régionale, a-t-elle ajouté, doit aussi aider à renforcer le lien entre industrialisation et infrastructures dans ces pays.

De son côté, M. IBRAHIM MAYAKI, Directeur général du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) a appelé à venir à bout des flux financiers illicites (FFI) afin de libérer le fort potentiel de mobilisation de ressources de l’Afrique, un continent parfaitement capable, selon lui, de financer sa propre industrialisation. 

À ses yeux, il n’est en effet pas normal que l’Afrique ne contribue qu’à hauteur de 0,1% aux 3,5% de prévision de croissance mondiale annoncée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour 2018.

« Le continent ne crée pas suffisamment de valeur dans ces processus de production, ce qui tient à son manque d’industrialisation », a insisté le Directeur général du NEPAD, citant l’exemple de la Chine, qui contribue à hauteur de 15% à l’économie mondiale, en raison notamment de son choix d’investir dans l’industrialisation. 

Pour inverser cette tendance, il a notamment appelé à impliquer davantage le secteur privé dans les investissements en infrastructures.

La meilleure façon d’accroître la participation du secteur privé, a estimé M. Abdou Maman, Ministre de l’industrie du Niger, est de réaliser des réformes pour favoriser l’investissement dans les infrastructures et l’industrialisation. C’est cet esprit que le Niger a pris des mesures pour assouplir un certain nombre de lois, et appuyé de nombreux projets et initiatives visant à créer des infrastructures.  Le Ministre a notamment cité la création du port sec de Dosso qui doit servir de plateforme logistique entre le port de Cotonou, au Bénin, et l’intérieur du pays. Une ligne de chemin de fer est en cours de construction pour relier Cotonou à Ouagadougou via Niamey, de même qu’un réseau routier transsaharien. Le Ministre a aussi parlé de la création par son gouvernement d’un programme pour le développement de l’agribusiness et des agro-industries qui tient compte de l’initiative 3ADI.

En tant que représentant d’un pays en développement sans littoral, M. Brian Mushimba, Ministre des transports et de la communication de la République de Zambie, a insisté, de son côté, sur les obstacles supplémentaires que rencontrent ces pays en raison du non-accès aux ports maritimes et, par conséquent, aux difficultés rencontrées pour écouler leurs marchandises sur différents marchés.  Cette situation, ajoutée au coût des transports élevé pour exporter ou importer des marchandises, pèse structurellement sur les capacités de production des pays en développement sans littoral.

Outre ces éléments liés à la géographie, M. Mushimba s’est également inquiété de la trop grande dépendance de la Zambie à la production de cuivre.  « Chaque fois que les cours du cuivre baissent, cela ébranle notre économie », a-t-il déploré.

Le Ministre a par conséquent appelé les pays en développement à créer davantage de valeur en produisant des produits transformés plutôt que des matières premières.  Il les a également appelés à diversifier leur économie en l’élargissant à l’agriculture, au tourisme et à l’industrialisation. 

Pour cela, le Ministre de la Zambie a engagé les gouvernements à investir davantage dans la construction d’infrastructures, y compris la construction de routes, mais également à entreprendre des réformes fiscales, bancaires et législatives pour changer la vision que les investisseurs ont des pays en développement.

Il convient en outre d’investir là où les infrastructures bénéficieront le plus à l’économie du pays, a ajouté Mme Maria Kiwanuka, Conseillère présidentielle spéciale du Président de l’Ouganda.  Elle a expliqué que les pays voisins de l’Ouganda importent beaucoup de nourriture en provenance de son pays et qu’en tant que pays sans littoral, l’Ouganda doit profiter de cet atout économique pour construire des routes.

Tout en reconnaissant que le développement d’infrastructures dans les secteurs de production comme l’agriculture et le secteur minier relevait de la responsabilité des gouvernements –y compris la construction de réseaux de transports, d’énergie, d’irrigation et Internet– la Conseillère présidentielle a aussi insisté sur le rôle du secteur privé, qui est capable, selon elle, « d’agir plus vite » que le secteur public.

Les partenariats public-privé peuvent parfois avoir mauvaise réputation, a-t-elle nuancé, mais ils doivent se faire au service du plus grand nombre et ne pas consommer plus de ressources qu’ils n’en mettent à disposition des populations.

Tout en reconnaissant que l’innovation doit jouer un rôle dans l’industrialisation des pays en développement, Mme Kiwanuka a par ailleurs mis en garde contre les conséquences parfois néfastes des innovations sur les marchés du travail. Elle a notamment parlé des risques que fait peser l’autonomisation sur les emplois, appelant les pays à trouver de nouveaux débouchés pour les personnes dont les emplois sont supprimés.

Débat interactif

À l’issue de ces interventions, la représentante du Kirghizistan a parlé du programme de transformation numérique lancé par son gouvernement dans le but de donner un coup d’élan à son développement économique.

Son homologue des Émirats arabes unis est de son côté revenu sur le Sommet mondial sur l’Industrie manufacturière et l’industrialisation, qui s’est tenu à Abou Dhabi au mois de mars, et qui visait à promouvoir une stratégie pour aligner le développement industriel aux évolutions du commerce international et des meilleures pratiques.

Session 2: Le potentiel des systèmes agro-industriels et agricoles aux fins du développement durable

La présente session a permis de mettre en évidence les enseignements tirés et les innovations réussies pour améliorer les contributions apportées par l’agriculture et les agro-industries au développement durable, en particulier dans les pays en développement.  Des systèmes alimentaires durables et résilients sont en effet importants pour assurer la sécurité alimentaire, créer des opportunités d’emploi, soutenir le développement de la chaîne de valeur et renforcer les efforts d’éradication de la pauvreté. 

D’entrée de jeu, l’animateur de la session, M. GERARDO PATACCONI, Directeur par intérim du Département du développement de l’agro-industrie de lOrganisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a souligné que le potentiel industriel de l’agriculture n’est pas encore véritablement exploité, notamment dans les pays les moins avancés (PMA).  Il a par exemple regretté que 40% de la production agricole mondiale soit perdue pour diverses raisons et n’arrive pas sur la table du consommateur.  L’innovation et les partenariats font partie des solutions, a-t-il argué. 

Mme LISA DREIER, Chef des initiatives de sécurité alimentaire et d’agriculture au Forum économique mondial, a appelé à organiser l’agriculture en un vaste système mondial ouvert qui rassemblerait toutes les parties prenantes.  Cette approche a été mise en pratique par son organisation en Afrique, par le biais du projet « Grow Africa », et en Asie avec « Grow Asia », ainsi qu’au sein de certains pays individuels comme le Nigéria ou le Mexique.  Elle a expliqué que ces partenariats ont permis de mobiliser plus de 10 milliards de dollars provenant du secteur privé.   

Au Viet Nam, a-t-elle enchaîné, un groupe de travail public–privé a, par exemple, été mobilisé pour organiser les petits agriculteurs et améliorer la productivité agricole.  Elle a relevé que ces partenariats multipartites sont une solution efficace, mais que le coût de leur mise en œuvre s’avère très élevé car il faut rassembler des parties prenantes de divers horizons.  

M. MAGNUS ARILDSSON, Chef de la gestion des produits de l’Internet des objets à Ericsson, a expliqué qu’Ericsson a adopté des mesures pour soutenir les objectifs de développement durable.  La société a pu, par exemple, installer des capteurs dans des mangroves indonésiennes afin d’en recueillir des données importantes pour leur préservation.   

Il a insisté sur l’importance d’établir des partenariats public-privé efficaces pour promouvoir les technologies et l’innovation.  Dans le domaine agricole, a-t-il indiqué, les petits exploitants pourraient envoyer des informations de terrain aux autorités pour qu’elles soient centralisées et traitées dans des bases de données, tandis que les décideurs pourraient renvoyer des informations utiles sur le terrain pour informer les agriculteurs des périodes propices aux semis par exemple.

Il a ensuite parlé qu’une innovation qui permet de placer des capteurs dans l’estomac des vaches afin de mesurer les mouvements de l’animal, sa température, son taux d’hormone, et ainsi de suite.  Ces informations, a-t-il indiqué, permettraient de mieux s’occuper des vaches et d’en tirer le maximum de lait.  Par ailleurs, les images satellites permettent aussi de surveiller la qualité des plants et savoir à quel moment irriguer ou arroser les champs.  Autant d’innovations technologiques qui peuvent aider au développement de l’agro-industrie, a-t-il relevé.  

M. BILL POLIDORO, Président d’ACDI/VOCA, une organisation créée il y a 55 ans pour aider les communautés agricoles du monde, a, pour sa part, détaillé le fonctionnement d’un système de services financiers destiné aux agriculteurs qui repose sur l’entreposage des récoltes.  Ce système permet aux petits exploitants agricoles ayant besoin de prêts bancaires de déposer une partie de leur récolte dans un entrepôt agréé qui leur délivre un reçu indiquant la valeur numéraire du dépôt.  Ce reçu peut ensuite servir de garanti pour l’octroi d’un prêt équivalent ou inférieur à la valeur marchande du produit entreposé.  Il a toutefois signalé qu’un tel système nécessite parfois entre 10 à 15 ans avant de fonctionner pleinement.

À son tour, M. ANDREZ BVUMBE, du Groupe de la Banque mondiale, a relevé que le secteur agricole représente le quart du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique, alors que le continent importe plus de 2 milliards de dollars de vivres par an.  Malgré la place de l’agriculture dans l’économie des pays africains, seulement 5% des prêts bancaires sont dirigés vers ce secteur, soit 7 milliards investis par an, alors que le secteur connaît un déficit de 33%.  On ne peut parler d’agro-industrie dans ce contexte d’agriculture de subsistance, a—t-il tempéré, déplorant notamment l’utilisation de technologies agricoles désuètes, les problèmes de stockage des récoltes ou encore la question de la propriété foncière, véritable catalyseur des prêts bancaires mais qui souffre de législations peu claires.

M. Bvumbe a également souligné qu’une agriculture adaptée aux changements climatiques est cruciale, d’où la nécessité d’améliorer les méthodes d’irrigation, notamment dans des zones arides et coutumières des sécheresses.  Les processus agricoles sont naturellement à risque, a-t-il expliqué, et réussir dans l’agro-industrie nécessite de réduire ces risques au maximum en Afrique.

Débat interactif

Au cours des discussions qui ont suivi les présentations, la représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a souligné que l’appui au secteur agricole est particulièrement important si on  espère réduire la pauvreté, car c’est dans des zones rurales agricoles que vivent 75% des pauvres du monde.  

La déléguée de la Thaïlande a expliqué comment son pays a mis sur pied des infrastructures de rétention d’eau afin d’irriguer les plantations en période de sécheresse et assurer ainsi la production de riz « qui fait la réputation de son pays ».  Une stratégie également adoptée par l’Éthiopie dont le représentant a par ailleurs voulu savoir comment inciter le secteur privé à s’engager dans des initiatives agricoles de long terme.

La panéliste du Forum économique mondial lui a conseillé de constituer une plateforme de dialogue avec le secteur privé au niveau gouvernemental afin de déterminer les moyens de renforcer les investissements.

Le délégué du Fonds international de développement agricole (FIDA) a pour sa part voulu savoir s’il n’était pas judicieux de regrouper les petits exploitants agricoles.  Cette idée a été favorablement accueillie par le représentant de la Banque mondiale qui a cité l’expérience de l’Inde et des coopératives agricoles.

Session 3: Le renforcement des capacités et mobilisation des ressources pour l’infrastructure, l’industrialisation et l’innovation

Partant du constat que le montant global investi chaque année dans les infrastructures n’est pas suffisant pour répondre aux besoins existants, notamment dans les pays qui accusent un retard en la matière, la troisième et dernière table ronde de cette journée avait pour but de réfléchir à la façon de renforcer les capacités et mieux mobiliser les ressources au profit des infrastructures, de l’industrialisation et de l’innovation. 

Dans la mesure où le développement des infrastructures et l’industrialisation durable s’appuient sur des ressources humaines et institutionnelles qui font parfois défaut dans certains pays, la modératrice de cette table ronde, Mme Lisa Dreier, Chef de la sécurité alimentaire et des initiatives agricoles du Forum économique mondial, a appelé les pays en développement à prendre exemple sur les initiatives novatrices en cours, susceptibles d’indiquer la voie à suivre pour la réalisation de l’objectif de développement durable 9. 

Parmi ces initiatives innovantes, les participants à la table ronde étaient invités à se pencher sur le cas de la ville de Godoy Cruz, en Argentine.  M. Tadeo Garcia Zalazar, maire de Godoy Cruz, a rapporté que, suite au séisme dévastateur qui a frappé sa ville en 1985, Godoy Cruz avait fait appel à l’innovation pour surmonter les conséquences de la catastrophe et, plus récemment, pour se mettre sur la voie du développement durable.

Le maire de Godoy Cruz a notamment mentionné la création d’un réseau argentin de villes pour lutter contre les changements climatiques, comprenant plus d’une centaine de municipalités, dont la sienne.  Ce réseau, a-t-il expliqué, développe des initiatives concrètes pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, comme la mise en place de plans d’action communs. 

M. Zalazar a par ailleurs indiqué que sa ville travaillait actuellement sur un projet visant à développer l’énergie durable dans sa municipalité.  Dans le cadre de ce projet, a-t-il dit, Godoy Cruz a adopté un nouveau texte réglementaire pour faire en sorte que tous les logements familiaux investissant dans des panneaux solaires reçoivent des subventions municipales, une mesure qui entrera en vigueur dès le mois de juillet 2017.

Le maire de Godoy Cruz a également fait part d’une autre initiative innovante dans sa ville, qui vise à développer un nouveau modèle pour améliorer l’accès au logement.  Selon ce nouveau modèle, a-t-il précisé, la construction de nouveaux logements s’effectuera de la façon suivante: l’État fournira les terrains; le secteur privé procèdera à la construction des logements; et les futures bénéficiaires des logements apporteront une contribution financière.  Selon lui, cette initiative permettra de pallier au déficit d’investissements dans les logements urbains.

S’agissant justement du manque d’investissements dans les infrastructures,  M. Marcos Bonturi, Représentant spécial de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de l’ONU, a déclaré que l’investissement était à un niveau historiquement faible à l’échelle mondiale, ce qui rend selon lui plus difficile la réalisation des objectifs de développement durable.

Le Représentant spécial a vanté les mérites des investissements dans les infrastructures, qui se soldent généralement par un excellent retour sur investissement et bénéficient à l’ensemble de la société.  « Alors pourquoi ces investissements sont-ils si faibles? » s’est-il demandé, avant d’ajouter que cette situation s’expliquait avant tout par une défaillance au niveau des marchés publics.

L’aide publique au développement (APD) est la principale source de soutien aux infrastructures à l’heure actuelle dans les pays en développement, a par ailleurs noté le Représentant spécial, « ce qui est largement insuffisant », a-t-il dit.  Il a constaté que les pays donateurs de l’APD multipliaient les financements mixtes, à savoir des projets utilisant des fonds à la fois publics et privés, afin de s’assurer que ces fonds soient bien utilisés dans des projets d’infrastructure concrets.  Mais ces financements mixtes restent complexes, a-t-il précisé, ajoutant qu’une minorité des fonds de l’APD bénéficiaient au final aux infrastructures des pays en développement.

Selon le Représentant spécial, le meilleur moyen d’attirer davantage les investissements privés serait de mettre fin aux restrictions réglementaires et au manque de transparence qui pèsent sur les marchés publics et font obstacle à l’implication du secteur privé.  Les technologies vertes, a-t-il précisé, sont particulièrement affectées par ces obstacles réglementaires.

Le Représentant spécial a indiqué que l’OCDE travaillait sur des projets visant à contourner ces restrictions.  Il a ajouté que la disponibilité des ressources ne garantissait pas le succès des projets, mais bien la bonne gouvernance, à savoir la capacité à identifier les besoins et les bonnes parties prenantes.  À ses yeux, une meilleure gouvernance permettrait non seulement d’améliorer les retours sur investissement, mais également d’attirer les investissements privés.

De même, le Représentant spécial a appelé à lutter contre la corruption et les pots-de-vin dans les partenariats public-privé, en particulier la manipulation des appels d’offres concernant les marchés publics.

Enfin, le Représentant spécial a invité tous les États à se joindre aux efforts de l’OCDE pour améliorer le niveau de l’investissement dans les pays en développement.

À cette fin, M. Paul Winters, Vice-président associé au Département stratégie et connaissances du Fonds international de développement agricole (FIDA), a appelé à considérer les agriculteurs comme des investisseurs privés.  « Les agriculteurs dépensent leur argent pour produire », a-t-il dit, ajoutant que leurs investissements bénéficiaient aux infrastructures et à l’ensemble de la société.

M. Winters a par conséquent appelé à investir directement auprès des agriculteurs, citant notamment le cas de l’Afrique subsaharienne, où moins de 5% des terres sont irriguées.  Pour éviter de dépendre uniquement de l’irrigation pluviale et combler le retard de cette région en matière d’irrigation, il a appelé à investir pour permettre aux agriculteurs de développer des systèmes d’irrigation à petite échelle.

Le panéliste a par ailleurs précisé que l’industrialisation ne passait pas forcément par l’urbanisation.  « Il faut trouver un équilibre entre l’industrialisation urbaine et rurale », a-t-il affirmé, ajoutant que de nombreux pays n’avaient pas assez investi dans les zones rurales et que les ministères de l’agriculture étaient souvent négligés.

Enfin, M. Winters a estimé que les institutions financières internationales ne s’adressaient pas assez directement aux personnes travaillant dans l’agro-industrie.

Débat interactif

Le représentant de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a indiqué que la coopération de la CEA avec le secteur privé sur le continent africain s’employait à remettre en cause les préjugés selon lesquels les partenariats public-privé en Afrique étaient risqués.

Une telle remise en cause passe en priorité par la lutte contre les flux financiers illicites, a renchéri le représentant du Zimbabwe.  « Des sommes colossales quittent l’Afrique chaque année », a-t-il déploré, précisant que son pays s’efforçait de rendre plus licite le secteur informel et de mobiliser davantage de ressources publiques à destination de projets d’infrastructure. 

Le Gouvernement fait par ailleurs appel à la diaspora zimbabwéenne pour soutenir financièrement des projets d’investissement dans les infrastructures, a indiqué le représentant, qui a ajouté que le Zimbabwe s’efforçait également d’améliorer les analyses coût-bénéfice des projets afin de mieux les sélectionner.

Certes, mais de nombreux pays en développement n’ont pas la capacité à développer des projets à grande échelle, a toutefois fait observer le représentant du Chili.

Conscient de cette difficulté, le panéliste du FIDA a appelé les banques de développement à financer des initiatives à moindre échelle, comme investir dans des petits producteurs locaux.

Le Maire de Godoy Cruz a, de son côté, vanté l’utilité de la création de réseaux de villes pour pallier à la lenteur des politiques nationales. 

Pour accélérer les processus nationaux, la modératrice a d’ailleurs indiqué que le Forum économique mondial coopérait avec des gouvernements nationaux pour mettre en relation l’offre et la demande concernant les projets d’infrastructure, en rassemblant les investisseurs publics et privés. 

La représentante de la République de Corée a enfin souligné la nécessité de prendre en compte la résilience face aux changements climatiques dans les projets d’infrastructure, notamment pour combler le fossé entre les besoins et les ressources disponibles.

Observations finales

Dans ces remarques de clôture, M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint pour les affaires économiques et sociales, a déclaré que la croissance économique et la création d’emplois dépendaient d’une augmentation de la productivité dans les pays en développement et de la modernisation de leurs secteurs industriels.  « Les infrastructures matérielles et immatérielles se renforcement mutuellement », a-t-il ajouté, soulignant l’importance de prendre des « mesures intégrées » pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

M. Wu a rappelé que le principal objectif était de mobiliser les ressources nécessaires pour tenir les promesses du Programme en matière d’infrastructures, d’industrialisation et d’innovation.

M. FREDERICK MUSIIWA MAKAMURE, Président de l’ECOSOC, a pour sa part appelé à construire des sociétés prospères en s’appuyant sur les infrastructures, l’industrialisation et l’innovation.

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