En cours au Siège de l'ONU

Seizième session,
13e séance – après-midi
DH/5357

Instance permanente: les délégations préoccupées par le sort des femmes et des jeunes autochtones

L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi, aujourd’hui, son examen des suites données à ses recommandations sur l’autonomisation des femmes et des jeunes autochtones, l’occasion pour les délégations d’attirer l’attention sur la vulnérabilité de ces deux groupes.

L’Instance avait, au préalable, achevé son débat sur l’examen des activités menées dans ses six domaines d’action*, en relation avec la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

Le représentant de l’Ogaden People’s Rights Organization a notamment attiré l’attention sur les multiples souffrances auxquelles font face les femmes autochtones dans la Corne de l’Afrique et notamment dans la région de l’Ogaden.  Outre un taux élevé de décès en couche, ces dernières seraient violées « par milliers » par l’armée éthiopienne et une force paramilitaire locale, souffriraient de détention arbitraire et d’actes de torture, et seraient souvent contrainte d’entreprendre des déplacements « périlleux » pour pouvoir trouver refuge ailleurs.  Face à cette situation, le délégué a réclamé l’envoi d’une mission d’établissement des faits dans la région.

Préoccupée par l’ampleur des abus commis à l’échelle mondiale, la représentante de Yamasi People a recommandé, de son côté, au Comité de lutte contre la torture de tenir compte des solutions proposées par les peuples autochtones pour combattre le viol, les abus sexuels et l’esclavage des femmes et des jeunes filles autochtones.  

La représentante de Enlace Continental de Mujeres Indígenas (ECMIA), s’est, quant à elle, préoccupé du sort des jeunes autochtones, « tués au nom de la défense des droits des peuples autochtones ».  Elle a aussi attiré l’attention sur la nécessité, pour les États, de concevoir des programmes de protection de jeunes, assortis de bourses pour les aider à étudier, et de garantir leur accès à un emploi digne. 

Cette journée de débat a également été marquée par les appels à l’action des organisations autochtones d’Amérique du Nord qui ont dénoncé avec force la violation de leurs droits, à l’instar de la déléguée de Yamasi People, qui a condamné les « actions terroristes » menées par les États-Unis contre son peuple.

Lui emboitant le pas, la représentante de l’International Native Tradition Interchange, Inc, a demandé aux Nations Unies de saisir les comptes bancaires des États-Unis pour dédommager les peuples autochtones d’Amérique du Nord, tandis que son homologue du Centre For Hawaiian Studies a plaidé pour l’inscription d’Hawaii sur la liste des territoires à décoloniser.  Cette dernière a également demandé à l’Instance d’envisager des options plus vigoureuses pour mettre en œuvre la Déclaration, suggérant par exemple d’accorder aux peuples autochtones le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale. 

L’Instance poursuivra ses travaux demain, 4 mai, à 10 heures, avec un débat consacré à l’examen du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avant de se pencher, dans l’après-midi, sur ses travaux à venir.

* La santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.

ACTIVITÉS MENÉES DANS LES SIX DOMAINES D’ACTION DE L’INSTANCE PERMANENTE EN RELATION AVEC LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DE L’INSTANCE PERMANENTE (E/C.19/2017/3, E/C.19/2017/6, E/C.19/2017/7 ET E/C.19/2017/8)

a) Autonomisation des femmes autochtones

b) Jeunes autochtones

Débat général

Mme INDAH NURIA SAVITRI (Indonésie) s’est enorgueillie de la mosaïque multiethnique et culturelle que forme son pays, en assurant que Djakarta contribue à la promotion des droits de l’homme de toutes les communautés.  Malheureusement, a-t-elle dit, l’Instance est utilisée « à mauvais escient » par les « prétendus » représentants de 430 tribus indonésiennes, qu’elle a accusées de colporter de fausses informations sur des violations supposées de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de Papua, qui, a-t-elle affirmé, doit être réintégrée dans le giron de « l’État unitaire d’Indonésie ».

Mme ANJALI PROBHA DAIMARI, de Boro Women’s Justice Forum, a affirmé que la diversité du peuple boro est méprisée par le Gouvernement indien, qui le contraint à s’intégrer dans les « groupes dominants » et l’empêche de s’épanouir librement.  Notre droit coutumier n’est pas reconnu, a-t-elle argué, en prévenant du risque de voir « nos cultures et traditions » s’éteindre, sous réserve d’un changement d’attitude du Gouvernement.

M. DIEGO SAAVEDRA, Coordinadora de Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica, a préconisé que soient renforcées les réponses aux questions suivantes: qui sont les peuples autochtones du monde entier?  Et quelle doit être notre contribution en tant que tels?  Selon le représentant, les « actions territoriales locales » doivent être partagées chaque année, de même que les problèmes rencontrés.

M. GUILLERMO SANTIAGO RODRIGUEZ, du peuple de Chiapas, s’en est pris aux programmes sociaux initiés par le Gouvernement du Mexique qui ont freiné les capacités d’autodétermination des peuples autochtones.  Ces programmes ne respectent pas leurs droits de s’épanouir, a-t-il dénoncé, s’inquiétant par ailleurs des crimes dont sont victimes les Chiapas.  Il a également dénoncé les détournements de fonds affectés au budget pour la promotion de la santé des peuples chiapas. 

M. RONALD SUAREZ, de Consejo Shipibo-Konibo y Xetebo – COSHIKOX, a indiqué que son organisation représente les 35 000 Shipibo et Xetebo qui vivent au Pérou. Il a dénoncé les activités menées, sur leurs territoires, par l’industrie extractive, estimant que la présence de ces industries met en péril les droits des peuples autochtones.  Il s’est aussi alarmé des conséquences de l’absence de l’État sur place qui « exacerbe cette souffrance ».  « Quel est notre avenir?  Où allons vivre? » a-t-il lancé avant d’exiger la reconnaissance intégrale des peuples autochtones afin qu’ils puissent consolider leurs droits.  Il a aussi réclamé la suspension des grands projets industriels sur les terres des peuples autochtones et la promotion d’un avenir durable qui respecte la nature et les connaissances traditionnelles.

M. SAMARJIT SINGHA, de Greater Syllet Indigenous Peoples Forum, du Bangladesh, s’est inquiété du risque de disparition des langues autochtones.  Il a appelé à garantir la protection des langues minoritaires en veillant notamment à ce qu’elles soient enseignées dans les « écoles primaires autochtones ».  Le représentant a ensuite réclamé une minute de silence en mémoire d’une militante de la protection des langues minoritaires assassinée au Bangladesh. 

Mme SYLVIA PLAIN, de la nation Anishinabek, a déploré les « tonnes de déchets nucléaires » que le Gouvernement canadien ferait transiter sur le territoire de sa tribu, voire enfouir « au fond d’un lac », entre autres sites, en violation non seulement d’un traité signé avec cette tribu, mais aussi de l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Elle donc demandé que cesse le transport de déchets radioactifs en l’absence d’accord préalable.

M. CARLOS DE JESUS ALENJANDRO, de l’Asamblea Nacional Indigena Plural por la Autonomia (ANIPA), a constaté, à regret, que l’État mexicain ne respecterait pas les décisions prises par les juridictions nationales pour la défense des ressources naturelles.  Il a expliqué que son peuple se heurtait à un manque de volonté politique, dénonçant aussi le rôle des industries extractives, l’emprisonnement de militants, ou encore la guerre contre le narcotrafic, à l’origine de déplacements forcés.

M. LUIS MALES (Équateur) a affirmé que la Constitution de son pays reconnaît le quechua comme langue officielle, son pays ayant pour ambition de préserver toutes les langues maternelles de chaque peuple autochtone par le biais de la recherche et du développement.  « Les langues et les connaissances sont le cœur d’un peuple », a déclaré le représentant, en invitant la communauté internationale, les organisations internationales et en particulier l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à redoubler d’efforts en ce sens. 

Mme LOURDES TIBÁN GUALA, experte de l’Instance, a recommandé à l’Instance d’aider les militants et défenseures des droits des peuples autochtones notamment au Mexique.

Mme LORI JOHNSTON, de Yamasi People, a dénoncé les « actions terroristes » menées par les États-Unis contre son peuple qui souffre d’un manque d’accès aux services de santé et notamment d’empoisonnements en raison de la présence d’industries militaro-industrielles américaines sur son territoire.  Elle a accusé les États-Unis de s’approprier les ressources des Yamasis et de mener un véritable trafic.  La représentante a par ailleurs voulu que les enfants de sa communauté puissent suivre une éducation en langue autochtone, afin de protéger la culture traditionnelle.  Elle a aussi appelé le Comité spécial de la décolonisation à examiner la question de l’occupation des territoires autochtones par les États-Unis.

Mme SAGHIR SHAIKH, de World Sindhi Congress, a indiqué que les peuples autochtones ne s’étaient pas vu octroyer la citoyenneté thaïlandaise, signalant que cela les empêche d’obtenir des aides du Gouvernement.  Elle a appelé le Gouvernement de Thaïlande à adopter une nouvelle politique pour permettre aux « anciens » des communautés autochtones d’obtenir la nationalité thaïlandaise.

Évoquant le sort des peuples autochtones déracinés par les migrations, Mme MARIA MERCEDES GUOU, Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (CONAIE), a demandé à l’Instance une révision de la Déclaration pour que les droits de tous soient respectés, y compris en dehors de leur pays d’origine.

Mme DONNA CAMUEL, Centre For Hawaiian Studies, a demandé à l’Instance d’envisager des options plus vigoureuses pour mettre en œuvre la Déclaration, suggérant par exemple d’accorder aux peuples autochtones le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale.  Elle a aussi plaidé pour l’inscription d’Hawaii sur la liste des territoires à décoloniser.  La représentante a en outre appelé la Rapporteuse spéciale à enquêter sur les préoccupations de « nos frères de la Nouvelle-Zélande », qui se heurteraient à la « destruction » de leur territoire.

Mme BELEN BERNAL VILTE, Enlace Continental de Mujeres Indígenas (ECMIA), a déclaré que, 10 ans après son adoption, la Déclaration n’est toujours pas mise en œuvre et que les violations des droits des peuples autochtones se multiplient. C’est la raison pour laquelle les États devraient concevoir des « politiques interculturelles intégrales » et des programmes de protection de jeunes, assortis de bourses pour aider ces derniers à étudier.  La représentante a également souligné l’importance de garantir l’accès à un emploi digne.  Aujourd’hui, a-t-elle rappelé en conclusion, des jeunes sont tués au nom de la défense des droits des peuples autochtones. 

M. ABDIRAHMAN MAHDI de l’Ogaden People’s Rights Organization, a dit qu’il était important de lutter pour les droits des femmes et enfants autochtones, précisant que plus de 80% des peuples autochtones de l’Ogaden sont des familles pastorales qui se heurtent à de nombreux problèmes dont l’exclusion des enfants du système éducatif et des femmes du système sanitaire.  Le représentant a indiqué que les familles autochtones de la Corne de l’Afrique connaissent un taux élevé de décès en couche.  Il a également dénoncé les violations répandues dont souffrent les femmes dans la région de l’Ogaden.  Des milliers de femmes nomades sont violées par l’armée éthiopienne et une force paramilitaire locale.  Les femmes sont également victimes de détention arbitraire et de torture, et contraintes d’entreprendre des voyages périlleux pour pouvoir trouver refuge.  Il a réclamé l’envoi d’une mission d’établissement des faits dans la région, ainsi que des mesures pour trouver une issue au conflit.

Mme JOANN SPOTTED BEAR, de l’International Native Tradition Interchange, Inc, a indiqué que les peuples autochtones vivent en Amérique du nord depuis l’ère avant Jésus Christ, mais qu’en dépit de leurs droits sur cette terre, ils y ont été massacrés et tués, tandis que leurs droits ont été violés.  Elle a demandé aux Nations Unies de saisir les comptes bancaires des États-Unis pour dédommager les peuples autochtones d’Amérique du nord.  Elle a aussi demandé le soutien des peuples autochtones du monde face aux violations des traités signés par les États-Unis.

Mme LORI JOHNSTON, de Yamasi People, a recommandé au Comité de lutte contre la torture de tenir compte des solutions proposées par les peuples autochtones pour combattre le viol, les abus sexuels et l’esclavage des femmes et des jeunes filles autochtones.  

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