Instance permanente: les enjeux liés à l’eau continuent de mobiliser l’attention des organisations autochtones
Les enjeux liés à la protection et à l’exploitation des ressources hydriques ont continué de mobiliser l’attention de l’Instance permanente sur les questions autochtones, au quatrième jour des travaux de sa session 2017.
Qu’il s’agisse du problème de la privatisation de l’eau, du traitement des protecteurs de l’eau à Standing Rock, ou le forage sous-marin dans les territoires autochtones du Pacifique, ces situations, a estimé M. Dmitrii Kharakka-Zaitsev, un des experts de l’Instance, méritent d’aborder la Déclaration sur les droits des peuples autochtones dans un contexte plus vaste pour tenir compte des enjeux liés à la protection des ressources hydriques et des océans.
Au préalable, la représentante de « Land is Life » avait parlé des problèmes que rencontrent les peuples autochtones dans la région désertique du Chili où ils ont acquis une expérience unique en matière de préservation de l’eau, une ressource qui, a-t-elle dénoncée, est maintenant privatisée au profit de grandes industries.
De son côté, à la lumière du traitement subit par les militants de Standing Rock, le représentant de Pahtamawiiken n’a rien demandé de moins que le déploiement d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies aux États-Unis pour protéger les peuples autochtones ainsi que les ressources et terres ancestrales.
Ce dernier a justifié sa demande en affirmant avoir été le témoin, à Standing Rock, d’arrestations dégradantes, de surveillances déplorables et d’intimidations psychologiques inacceptables.
Autre source de préoccupation, la situation en Colombie où, selon le représentant de « National Colombian Indigenous Organization » les peuples autochtones continuent de voir leurs droits violés en dépit de la signature de l’Accord de paix, et en l’absence de toute législation pour les protéger. Il a lui aussi demandé l’envoi d’une mission sur place pour enquêter sur le meurtre, la semaine dernière, de quatre membres des communautés autochtones.
De son côté, le représentant de la « Society for Threatened People » a dénoncé la répression commise par le Gouvernement chinois contre les Ouigours, précisant que celle-ci s’était accrue en 2016 et 2017. Ce dernier s’est notamment inquiété du risque de voir cette communauté réprimée sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Suite à cette intervention, le représentant de la Chine a accusé l’organisation d’appuyer des activités terroristes, assurant par ailleurs que le Gouvernement chinois respecte la liberté religieuse et les coutumes des « ethnies » en Chine, y compris dans la région de Xinjiang.
Cet échange a valu à plusieurs experts de l’Instance, dont M. Les Malezer et Mme Tarcila Rivera Zea, de souligner qu’il ne faut pas faire d’amalgames entre l’appel des communautés autochtones pour le respect de leurs droits et les revendications des groupes terroristes.
La question du terrorisme a également été abordée dans l’après-midi lors de l’examen de la suite donnée aux recommandations* de l’Instance sur l’autonomisation des femmes autochtones et les jeunes autochtones.
Ainsi, la représentante du « Congrès mondial amazigh » a indiqué que la politique menée par les pays du Maghreb maintient les jeunes amazighs dans l’ignorance de leur langue, culture et histoire, et que de ce fait, nombre d’entre eux décident de rejoindre Daech, tandis que d’autres sont poussés au suicide ou sombrent dans la toxicomanie.
Le débat de la matinée était consacré à l’examen des activités menées dans les six domaines d’action* de l’Instance en relation avec la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.
L’Instance poursuivra ses travaux demain, à partir de 10 heures, avec l’examen du suivi du Document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones.
* E/C.19/2017/3, E/C.19/2017/6, E/C.19/2017/7 et E/C.19/2017/8
ACTIVITÉS MENÉES DANS LES SIX DOMAINES D’ACTION DE L’INSTANCE PERMANENTE EN RELATION AVEC LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Suite du débat général
Déclarations
M. OBED BAPELA (Afrique du Sud) a dit la volonté de son gouvernement de protéger la médecine traditionnelle comme moyen de garantir la santé des populations autochtones. L’Afrique du Sud s’évertue donc à protéger certaines plantes, animaux et minéraux. De nombreuses initiatives ont aussi été lancées pour protéger les droits culturels. Il a aussi mis l’accent sur la nécessité de sauvegarder les langues khoïsan.
M. WILTON LITTLECHILD, Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a recommandé à l’Instance de rappeler aux États Membres leur obligations de lutter contre la pauvreté et la faim, protéger les droits de l’homme, promouvoir l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi que de veiller à la protection de la planète et des ressources naturelles. Il a souligné que les conséquences de la pauvreté sont aggravées et liées à un développement non durable. M. Littlechild a aussi engagé les États à honorer et respecter les traités conclus avec les communautés autochtones, appelant par ailleurs les entreprises à être tenues pour responsables et à veiller à ce que l’exploitation des ressources ne se fasse pas en contravention de ces textes. L’Instance doit également rappeler aux États que le droit au développement des peuples autochtones fait partie intégrante du droit à l’autodétermination, a-t-il estimé.
M. VALENTIN LOPEZ, AIM WEST, a mis l’accent sur l’importance de protéger les sites patrimoniaux. Il a également dénoncé le non-respect des itinéraires commerciaux traditionnels employés par les autochtones de Californie.
Mme JUDIT ARENAS, de l’International Development Law Organization, a indiqué que son organisation milite en faveur du droit au développement des peuples autochtones, dont le principe fondamental repose sur le respect de la liberté, de l’état de droit, de la justice et du droit dans le contexte autochtone. Pour faire avancer l’application des principes d’égalité, l’organisation œuvre notamment à la promotion du pluralisme juridique pour faire en sorte que le droit commun tienne compte et respecte le droit coutumier et ancestral. L’organisation a notamment élaboré, l’année dernière, un plan axé sur la promotion de l’accès des peuples autochtones à la justice et la lutte contre l’inégalité qui met l’accent sur la nécessité de tenir compte du droit coutumier. Les quatre prochaines années seront consacrées à l’élaboration d’un document de travail sur la justice coutumière.
M. LUIS FERNANDO ARIAS, National Colombian Indigenous Organization, a dénoncé le fait qu’en dépit de la signature de l’Accord de paix en Colombie, les peuples autochtones, les paysans et les travailleurs sociaux continuent de voir leurs droits violés. Il a affirmé que des dizaines de personnes avaient été assassinées pendant le mois d’avril, dénonçant l’absence de toute législation pour garantir la protection des communautés autochtones. Des groupes paramilitaires continuent de sévir dans plusieurs régions du pays, y compris dans des territoires autochtones, en toute impunité, a-t-il indiqué. Le représentant a demandé l’envoi d’une mission exceptionnelle internationale pour vérifier et contrôler les conditions de vie des peuples autochtones et enquêter sur le meurtre, la semaine dernière, « par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) », de quatre membres des communautés autochtones. Il a aussi jugé nécessaire d’établir un processus de concertation sur la mise en œuvre de l’Accord de paix et d’inclure un « chapitre ethnique » dans le document.
Mme SANDRAYATI MONIAGA, The Indonesian National Commission on Human Rights, a regretté le fait que peu de communautés locales aient reconnu le droit des peuples autochtones, même si le Gouvernement l’a déjà fait. Elle a affirmé que cette situation entrave notamment le respect du droit à la terre, précisant que la majorité des terres communales n’ont pas été restituées aux peuples autochtones dont les efforts pour remédier à cette situation font fréquemment face à de la résistance. Elle s’est notamment inquiétée de la situation des communautés autochtones de Papouasie occidentale. La représentante a engagé le Gouvernement indonésien à suspendre tout programme, politique ou projet qui entrave le respect ou viole les droits des peuples autochtones. Elle a également réclamé la création d’une commission indépendante pour enquêter sur les violences subies par les communautés autochtones.
Mme MILKA CHEPKORIR, Stichting Forest Peoples Programme, s’est inquiétée de la situation des communautés autochtones déplacées suite à des efforts de protection de l’environnement. Elle a notamment invité l’Union européenne à s’assurer que ses aides ne viennent pas appuyer des programmes de développement irrespectueux des droits des peuples autochtones. Illustrant son propos, elle a précisé que la police kényane a, en janvier 2014, chassé des centaines d’autochtones de leurs terres ancestrales en justifiant sa démarche par la mise en place d’un programme d’accès à l’eau potable financé par l’Union européenne. Des faits similaires ont aussi été signalés en Tanzanie.
M. ANTHONY WATSON, Kimberley Land Council, a appelé l’Instance à exhorter les États à reconnaître que la mise en œuvre effective de la Déclaration repose sur la participation des peuples autochtones au processus de prise de décisions. Il a ensuite appelé le Gouvernement australien à modifier la législation foncière australienne afin de tenir compte des enjeux liés à la protection des terres ancestrales. « Malgré l’adhésion de l’Australie à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones en 2009, nous manquons de mécanismes et plans d’action pour traduire cette adhésion théorique en réalités pratiques en matière de droits », a-t-il regretté. Il a engagé l’Australie à faire du règlement des revendications territoriales des peuples autochtones une priorité.
M. BOB ANTONE, American Indian Law Alliance, a indiqué que les peuples autochtones avaient besoin de l’aide des organisations internationales pour lutter contre les changements climatiques et promouvoir les langues autochtones. Il a parlé des dangers auxquels font face les communautés autochtones dans la province de l’Ontario où, dans une région, l’une d’elles vit à proximité de 62 usines pétrochimiques. Il a appelé à l’élaboration d’une convention sur l’eau, appelant par ailleurs l’ONU à se prononcer sur l’impact des pays industrialisés sur l’environnement. Il a également engagé l’ONU à appuyer la création de programmes scolaires en langues autochtones, à intervenir dans des domaines concernant les jeunes, ainsi qu’en matière de déplacements internationaux.
M. LUCIO AYALA SIRIPI, Coordinadora de Organizaciones Indigenas Campesinas y Comunidades Interculturales de Bolivia (COINCABOL), a parlé du processus de changement initié par son organisation dans le cadre d’un pacte de stabilité avec le Gouvernement bolivien et quatre autres organisations autochtones. Ce pacte a débouché sur des résultats positifs dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la langue autochtone, entre autres. Trois universités autochtones ont notamment vu le jour. Il a affirmé que les droits des peuples autochtones sont dorénavant garantis et respectés, et que les femmes autochtones sont reconnues comme des acteurs du développement. Il faut toutefois encore améliorer la situation, d’où la tenue d’une réunion mensuelle avec le Président Morales pour veiller au suivi des projets et identifier de nouveaux domaines d’intervention.
M. BIDHAYAK CHAKMA, Parbatya Chattagram Jana Samhaty Samti (PCJSS), a indiqué que la situation des droits de l’homme s’est dégradée dans la région montagneuse de Chittagong, au Bangladesh, en raison du manque de reconnaissance des peuples autochtones et de l’opposition de la part de certains « colons bengalais » à la mise en œuvre de l’Accord des « Chittagong Hill Tracts » de 1997. Il a dénoncé une impunité totale, affirmant que les atrocités commises par les forces de sécurité s’étaient intensifiées. Des individus sont détenus arbitrairement, et des maisons sont détruites. Le représentant a demandé à l’Instance permanente d’encourager le Gouvernement à pleinement mettre en œuvre l’Accord de Chittagong et d’assurer l’accès à la justice des peuples autochtones, y compris celui des femmes.
Mme FABIANA DEL POPOLO, de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a dit que la Commission a établi de nombreux indicateurs pour veiller à ce que la mise en œuvre du Programme 2030 et du Consensus de Montevideo tiennent compte des peuples autochtones. Ces indicateurs visent, entre autres, à appuyer la création d’un cadre normatif pour le respect des droits des peuples autochtones, notamment des femmes et des jeunes. Des projets ont également été créés à l’intention des communautés qui sont sur le point de disparaître.
M. CECIL LE FLEUR, National Khoi and San Council d’Afrique du Sud, créé par Nelson Mandela en 1999 pour tenir compte des préoccupations des peuples san et khoï, a cité une initiative du Gouvernement sud-africain pour reconnaître le droit de ces communautés autochtones sur leurs ressources traditionnelles. Il a toutefois estimé que davantage d’efforts sont nécessaires, notamment en ce qui concerne le respect des institutions coutumières, de la langue, et des droits fonciers.
Représentant 34 peuples autochtones de l’Amazonie bolivienne, M. VICTOR CABEZAS VALENCIA, Confederacíon Sindical de Comunidades Interculturales de Bolivia, a affirmé que les préoccupations concernant le respect des droits des communautés autochtones sont nombreuses. Il a exhorté l’ensemble des gouvernements à transformer leurs engagements en actions concrètes.
Mme TAWERA TAHURI, Seventh Generation Fund for Indigenous Peoples, s’est inquiétée des conséquences environnementales de projets de forages menés au large des côtes de la Nouvelle-Zélande, avertissant du risque de marées noires. Elle a souligné que l’océan faisait partie des territoires ancestraux des peuples autochtones qui s’opposent fermement aux études sismiques et au forage en mer. Elle a demandé à l’Instance d’établir une « commission autochtone sur les questions de gouvernance des océans ».
Mme YASSO KANTI BHATTACHAN, National Indigenous Women Forum, du Népal, a indiqué que la Constitution du Népal accorde la primauté à la caste dominante et a estimé que ce document doit être amendé afin de le rendre conforme à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Elle a aussi appelé le Gouvernement à établir un mécanisme de consultations législatives avec les communautés autochtones. La représentante a ensuite affirmé que le Gouvernement se sert des peuples autochtones pour réclamer de l’aide aux institutions financières internationales et à d’autres partenaires. Poursuivant, elle a signalé que la Cour suprême du Népal a demandé au Gouvernement de tenir compte des droits des peuples autochtones mais que l’exécutif refuse de s’y soumettre.
Mme BOUBA HAWE HAMMAN, Mbororo Social and Cultural Development Association, a indiqué que pendant longtemps, la question des peuples autochtones était taboue en Afrique mais qu’il est indispensable d’en parler afin de répondre aux facteurs qui entravent l’avancée de la démocratie, la bonne gouvernance, le développement et la justice. Elle a indiqué que les progrès dans la protection des peuples autochtones sont lents dans le continent, mais que les résultats ne sont pas nuls pour autant, citant notamment la ratification, par la République centrafricaine, de la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail. Les communautés autochtones d’Afrique continuent toutefois d’être victimes de la discrimination et de la marginalisation et se voient notamment dépossédées de leurs terres en raison des activités des industries agroalimentaires et extractives, de la construction de routes et de barrages ou encore de l’exploitation forestière.
Mme HEATHER BEAR, Federation of Saskatchewan Indian Nations, du Canada, a constaté que le statut quo perdure en ce qui concerne la reconnaissance des droits des peuples autochtones du pays. Elle a averti que ces communautés sont en crise, les enfants ont faim, les familles n’ont pas accès à l’eau potable, ni d’argent pour payer les factures médicales, tandis que les jeunes sont poussés au suicide et sont victimes de racisme, notamment dans le Saskatchewan. Elle a appelé le Canada à faire des pas de géants pour assurer la pleine mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, notamment en respectant, en promouvant et en appliquant des traités signés avec les communautés.
Mme ILLA MAINALI (Népal) a regretté les critiques entendues à l’égard du Gouvernement népalais qui, a-t-elle affirmé, s’efforce de respecter les droits de tout un chacun en dépit de contraintes budgétaires. Elle a aussi estimé que la nouvelle Constitution népalaise, adoptée après consultation des peuples autochtones, est certainement l’une des plus progressistes du monde.
Mme KARINA WILLIS, Centro para la Autonomia y Desarollo de los Pueblos Indigenas, a salué les initiatives du Gouvernement du Nicaragua, se félicitant notamment de l’adoption d’une loi intégrant les spécificités autochtones dans les programmes scolaires, ainsi que du lancement d’initiatives visant à réduire la mortalité infantile et maternelle dans les communautés autochtones.
M. JENS DAHL, membre de l’Instance, a rappelé que les gouvernements ont l’obligation de négocier de bonne foi avec les peuples autochtones pour répondre à leurs inquiétudes. Il s’est inquiété des témoignages faisant état de terres confisquées, des exécutions extrajudiciaires d’autochtones en Colombie et des violations commises au Bangladesh. Il s’est aussi inquiété de la situation en Amérique du Nord, dénonçant le non-respect des traités.
Mme TARCILA RIVERA ZEA, experte de l’Instance, a mis en exergue les contributions des dirigeants autochtones qui sont actifs et qui mobilisent l’attention sur les domaines où il existe encore des lacunes. Elle a noté qu’en général, les situations des enfants et des jeunes autochtones demeurent en suspens. Les États Membres, comme le Canada, qui ont fait des progrès doivent progresser davantage, notamment en matière de respect des droits fondamentaux des peuples autochtones, à commencer par l’accès à la santé, l’éducation et à une alimentation saine.
M. BABLU CHAKMA, de Kapaeeng Foundation, au Bangladesh, a dit que dans ce pays la spoliation des terres autochtones se poursuit de plus belle. Plus de 62 kilomètres carrés de terres autochtones ont été récemment confisqués pour y installer une zone industrielle. Des milliers de famille ont été déplacées et 1 500 autres sont menacées d’expulsion. Il a indiqué que la loi foncière est ambiguë et est généralement non appliquée, signalant par ailleurs que la Commission foncière ne dispose pas de règlement intérieur, ce qui l’empêche de travailler normalement. Il a réclamé l’élaboration d’un plan stratégique pour régler la situation, appelant par ailleurs à doter la Commission de ressources financières et humaines nécessaires. Il faut, a-t-il insisté, restituer les terres arrachées aux peuples autochtones.
M. ELIFURAHA LALTAIKA, expert de l’Instance, a estimé nécessaire d’examiner davantage les situations d’expulsions des communautés autochtones provoquées par les efforts de protection de l’environnement.
Mme ROSA RAMOS, Land is Life, a attiré l’attention sur les problèmes que rencontrent les peuples autochtones dans la région désertique du Chili où, a-t-elle indiqué, les autochtones ont acquis une expérience unique en matière de préservation de l’eau. Elle a fustigé la tendance à la privatisation de l’eau au profit de grandes industries en rappelant que « l’eau est vivante et ne peut être privatisé ou vendue ». Elle a appelé à protéger les sources en eau, s’inquiétant notamment des menaces posées par l’industrie de l’énergie géothermique et la pollution.
M. ANTHONY JAY VAN DUNK, Pahtamawiiken, a dénoncé les abus dont il a été le témoin à Standing Rock, dans le Dakota du Nord, en décembre 2016, citant des arrestations dégradantes, des surveillances déplorables et intimidations psychologiques inacceptables. Il a averti que les peuples autochtones seront la victime des actions du « nouveau tyran en chef des États-Unis ». À la lumière des récents évènements de Standing Rock, le représentant de Pahtamawiiken a demandé le déploiement d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies aux États-Unis pour protéger les peuples autochtones et empêcher le Gouvernement américain de détruire des vies, ainsi que les ressources et terres ancestrales autochtones. Il a aussi réclamé la création d’un mécanisme pour veiller à la levée les poursuites à l’encontre des « prisonniers politiques » de Standing Rock.
M. JESUS GUADELOUPE FRENTE BLANCO, membre de l’Instance, a regretté que plusieurs représentants des peuples autochtones inscrits à la liste des orateurs ne fussent pas présents dans la salle au moment où on leur a donné la parole. Il a exhorté ces représentants à faire des efforts pour suivre les réunions de l’Instance avec plus d’assiduité.
Mme ODILE COIRIER, de Vivat International et Franciscans International, a expliqué que ces deux organisations sont très préoccupées par l’état de santé des peuples autochtones en Papouasie occidentale, aux Philippines et au Brésil qui, a-t-elle affirmé, ont deux fois de plus de chance de contracter le VIH/sida que le reste de la population. Elle a appelé les trois gouvernements concernés à consacrer davantage de ressources à la santé des communautés autochtones en identifiant notamment leurs besoins et en élaborant des solutions avec l’assentiment des populations. Elle s’est par ailleurs inquiétée de l’impact, aux Philippines, d’un projet minier qui représente un risque majeur pour les communautés touchées.
Mme SHOUSHAN TOWER, de l’Assyrian Aid Society, en Iraq, a rappelé que plus 4 000 maisons d’Assyriens ont été mises à sac, et 700 autres habitations brulées à Ninive par Daech. Elle a demandé au Gouvernement iraquien d’allouer davantage de fonds pour aider à la reconstruction dans la région de Ninive, ainsi qu’à la mise en œuvre de projets de création d’emplois à l’intention des communautés autochtones. Elle a aussi réclamé un accès aux crédits et des prêts pour les peuples autochtones afin qu’ils puissent participer à la reconstruction de Ninive y compris l’université de Bakhdeda. Elle également appelé l’ONU à allouer des fonds de manière à bénéficier les peuples des plaines de Ninive.
Père REY ONDAP, CP, de Passionist International, qui est présente aux Philippines, a dit que les peuples autochtones des Philippines continuent de vivre dans des conditions de vie difficiles, s’inquiétant notamment de la situation dans la région de Sarangani où ils souffrent d’une pauvreté persistante et d’un manque d’opportunité pour améliorer leur situation économique. Le prélat a demandé des mesures spéciales pour améliorer ces conditions de vie des peuples autochtones non seulement aux Philippines mais aussi dans le reste du monde.
« Je suis Standing Rock », a dit Mme LADONNA ALLARD, International Native Tradition Interchange, en appelant à la mise en place d’instances d’autochtones élus pour représenter des droits et les intérêts autochtones partout dans le monde. Elle a dit que le seul moyen de faire cesser les activités des industries extractives qui menacent la terre est d’encourager la ratification de la Convention 169 de l’OIT. Elle a également indiqué que le combat de Standing Rock, aux États-Unis, pour la protection de la « Terre Mère » et le respect du droit à une eau propre, bénéficiait d’un appui considérable.
Mme NAIT SID KAMIRA, Congrès mondial amazigh, a dénoncé les abus dont sont victimes des communautés amazighes en Algérie en citant des menaces, des détentions ainsi qu’une trentaine de morts. Elle a particulièrement appelé l’Instance à sauver un militant amazigh qui est à sa cent unième journée de grève de la faim. Elle a dit que les militants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie sont persécutés par les autorités. Elle a aussi cité les abus dont sont victimes les Amazighs en Libye, indiquant par ailleurs qu’au Maroc des femmes et des enfants meurent faute d’avoir accès à des soins de santé. Elle a aussi dénoncé la saisie et la profanation de terres. La représentante a exhorté les pays du Maghreb à mettre en œuvre sans attendre la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
M. DMITRII KHARAKKA-ZAITSEV, membre de l’Instance, a jugé nécessaire d’aborder la Déclaration sur les droits des peuples autochtones dans un contexte plus vaste pour tenir compte des enjeux liés à la protection des ressources hydriques et des océans, les projets industriels mal conçus provoquant des dommages irréparables sur l’environnement. De surcroît, les communautés autochtones sont contraintes soit de quitter leurs terres, soit d’y vivre en faisant face à des dangers considérables. Il a aussi estimé que la question de la migration forcée doit être envisagée sous l’angle des situations de vie ou de mort qu’affrontent de nombreuses communautés.
Mme ANITA BROUGHTON, Kanienkehaka Traditional Council, a appelé la Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones à enquêter sur les politiques appliquées par la Nouvelle-Zélande à l’encontre de son peuple qui, a-t-elle indiqué, est victime d’assimilation forcée ou voit sa culture détruite en étant forcé de se joindre à des groupes tribaux plus importants. Elle a appelé les États Membres à prendre des mesures pour veiller à ce que les petits groupes tribaux ne soient pas assujettis à l’assimilation forcée.
M. RUSSELL DIABO, de l’Indigenous Network on Economics and Trade, a affirmé que les sociétés multinationales représentent une nouvelle forme de colonialisme et qu’il n’existe pas de proclamation d’émancipation pour les peuples autochtones. Il a réclamé la mise en place d’un pacte mondial pour mettre fin au colonialisme.
M. GUY REITER, Ingrid Washinawatok El-Issa Flying Eagle Woman Fund for Peace, Justice and Sovereignty, s’est opposé au projet « Back Forty Mine », une mine de sulfures métalliques à ciel ouvert, qui est prévu sur les rives du fleuve Menominee, dans le Michigan. Il a indiqué qu’une société canadienne cherchait à obtenir des permis pour lancer ce projet qui se trouve à proximité de monticules funéraires et de jardins surélevés de la nation Menominee. Le représentant a indiqué que sa communauté s’organise pour stopper le projet et sensibiliser le public sur les impacts nocifs de la mine. Arborant une casquette « Make America Native again », le représentant a dit que « nous sommes la résistance et nous n’allons pas laisser nos terres et nos langues être menacées ».
Au nom du Groupe des jeunes autochtones, Mme QIVIOQ NIVI LOVSTROM, a souligné le danger que représentent les industries extractives pour les droits des peuples autochtones. Conformément à l’article 41 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, la représentante des jeunes autochtones a exhorté les gouvernements à veiller à la pleine participation des communautés autochtones, notamment des jeunes, en ce qui concerne la gestion et l’exploitation durable des terres autochtones. Elle a aussi condamné les techniques d’intimidation employées par les forces de l’ordre à l’encontre des communautés autochtones.
Mme ANNE NUORGAM, membre de l’Instance, a estimé qu’il y a avait une constante aujourd’hui sur la nécessité d’établir des mécanismes pour préserver les ressources en eau, et résoudre les conflits entre les communautés autochtones et les industries extractives.
M. DMITRII KHARAKKA-ZAITSEV, membre de l’Instance, a souhaité que les organisations autochtones apportent des précisions et informations sur les évolutions et progrès observés en matière d’enseignement dans les langues minoritaires ou autochtones et notamment de formation des maîtres. Cela permettrait à l’Instance de formuler des recommandations en la matière.
Mme NAMAKA RAWLINS, représentante du MOKUOLA HONUA, d’Hawaï, a mis l’accent sur l’importance de l’enseignement immersif en langue autochtone. Elle a rappelé qu’une des recommandations du Groupe d’experts sur la question est de faire de 2019 l’année internationale des langues autochtones. Elle a invité l’Instance à commander un rapport sur la question qui fera des recommandations sur des stratégies concrètes capables de revitaliser les langues autochtones et créer de nouvelles générations de locuteurs. Elle a rappelé que cette question est gouvernée par les articles 13, 14 et 16 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
M. OMER KANAT, Society for Threatened People, a dénoncé la répression commise par le Gouvernement chinois contre les Ouigours, précisant que celle-ci s’était accrue en 2016 et 2017. Leurs droits culturels, religieux et linguistiques sont notamment bafoués et des mesures juridiques sont nécessaires à tous les niveaux. Le représentant a dénoncé le fait que les Ouigours soient assimilés à des terroristes. La loi chinoise qui régit la province autonome Ouigour est suffisamment vague pour prêter le flanc à toutes les interprétations possibles y compris celle de réprimer les Ouigours sous prétexte de lutte contre le terrorisme, s’est-il alarmé. Il a demandé le respect des droits de l’homme des Ouigours et s’est opposé à l’expulsion, hier, d’un Ouigour de la salle de réunion.
M. LES MALEZER, expert de l’Instance, a proposé l’organisation, en 2018, d’une manifestation parallèle sur le respect de l’état de droit, y compris les droits des peuples autochtones par les États Membres. L’expert a ensuite rappelé que l’exercice du principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’est qu’un élément de l’autodétermination. Il a demandé aux États Membres si le principe de la « souveraineté territoriale » s’applique ou non aux peuples autochtones et à leurs territoires.
M. CHU GUANG (Chine), en réponse au représentant de Society for Threatened People, a affirmé que la Chine est un pays unifié et composé de plusieurs groupes ethniques dont les Ouigours. Il a indiqué que la notion de peuples autochtones est la conséquence directe de la colonisation occidentale. Le représentant a signalé qu’au Turkménistan oriental, il existe plus 24 000 mosquées où travaillent des milliers de personnes, assurant par ailleurs que le Gouvernement chinois respecte la liberté religieuse et les coutumes des ethnies en Chine, y compris dans la région de Xinjiang. Il a ensuite accusé la Society for Threatened People d’appuyer des activités terroristes.
Mme THIDA CHAU, Khmers Kampuchea-Krom Foundation, a demandé la reconnaissance, par le Viet Nam, de l’identité de sa communauté dont les droits fonciers ont été violés. Elle a aussi dénoncé les obstructions faites aux droits religieux des autochtones dans son pays, s’inquiétant notamment de l’endommagement de certains sites du patrimoine.
M. GERVAIS NZOA, membre de l’Instance, s’est inquiété des difficultés des peuples autochtones à engager des procédures judiciaires aux niveaux local, national et international pour protéger leurs droits. Il a regretté aussi l’insuffisance de pression internationale pour favoriser la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, ainsi que l’absence de dialogue entre les gouvernements et les peuples autochtones. Il a par ailleurs jugé opportun de revoir les méthodes de travail de l’Instance afin de lui permettre de pleinement honorer son mandat.
Réagissant à la déclaration de la représentante de Khmers Kampuchea-Krom Foundation, le représentant du Viet Nam a déclaré que cette dernière ne pouvait pas prétendre représenter le groupe Khmers Kampuchea. Il a regretté que soit autorisé à participer à cette réunion de l’Instance une organisation connue pour avoir organisé des actes politiques visant à la sécession d’une partie du territoire vietnamien. Il a dit que 54 groupes ethniques vivent en parfaite harmonie et solidarité depuis des générations au Viet Nam.
M. ADI ASENACA CAUCAU, Fiji Indigenous Peoples Foundation, a souhaité que les peuples autochtones des Fidji recouvrent leurs droits « volés par le Gouvernement ». Il a dénoncé le résultat des élections dans le pays, indiquant que les communautés autochtones se sont vu empêcher de participer au processus politique. Il a affirmé que ces dernières voient leurs droits violés de manière systématique, pointant notamment du doigt la répression contre les langues autochtones ainsi que le non-respect des « aînés autochtones fidjiens ». Il a demandé au Gouvernement de respecter la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et les droits de l’homme. Il a aussi exigé la remise en place du Grand Conseil des chefs, et a demandé à l’Instance permanente de garantir un processus électoral libre et transparent aux Fidji.
M. LES MALEZER, expert de l’Instance, a réagi à la déclaration de la délégation du Viet Nam qui s’est opposée à l’intervention de la représentante de Khmers Kampuchea-Krom Foundation, mettant en garde contre les amalgames entre les défenseurs des droits des peuples autochtones et les groupes terroristes. Il a demandé à la délégation de la Chine, et d’autres États qui estiment que les communautés autochtones ont un lien avec le terrorisme, d’apporter des contributions positives au débat. Il ne faut pas faire d’amalgames entre l’appel au respect des droits des communautés autochtones et les revendications des groupes terroristes, a-t-il mis en garde.
Mme TARCILA RIVERA ZEA, experte de l’Instance, a dit que l’on ne peut plus effacer les avancées enregistrées ces 10 dernières années depuis d’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Elle a aussi souligné qu’on ne peut pas qualifier les peuples autochtones ainsi que les défenseurs de leurs droits, de terroristes.
SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DE L’INSTANCE PERMANENTE (E/C.19/2017/3, E/C.19/2017/6, E/C.19/2017/7 ET E/C.19/2017/8)
Déclaration liminaire
Présentant la note du Secrétaire général « Point sur l’application des recommandations de l’Instance permanente » (E/C.19/2017/3), M. BRIAN KEANE, Rapporteur de l’Instance, a indiqué que depuis sa première session en 2002, l’Instance permanente a émis au total 1 328 recommandations à l’intention des États Membres, des organisations de peuples autochtones, du système des Nations Unies et d’autres parties prenantes, dans les six domaines d’action que sont le développement économique et social, la culture, l’environnement, l’éducation, la santé et les droits de l’homme. « Lors de ses premières sessions, l’Instance permanente a formulé plus de 100 recommandations par session. Depuis 2014, ce chiffre a été ramené à environ 40 par session », a-t-il ajouté.
M. Keane a cité cinq domaines dans lesquels des progrès ont été observés en citant notamment l’inscription de la question de l’autonomisation des femmes autochtones à l’ordre du jour de la Commission de la condition de la femme (recommandation du paragraphe 36 en particulier et recommandations des paragraphes 35, 37, 38 et 39), et le renforcement de la participation des jeunes autochtones au sein de l’Organisation des Nations Unies (recommandation du paragraphe 32 en particulier et recommandations des paragraphes 33 et 34).
Il a cité aussi la recommandation consistant à proclamer l’année 2019 Année internationale des langues autochtones (recommandations des paragraphes 9 et 12). Il a noté que depuis sa création, l’Instance permanente appelle l’attention sur le risque de disparition des langues des peuples autochtones à travers, notamment, plusieurs recommandations et deux réunions de groupes d’experts internationaux sur les langues autochtones, organisées par le Département des affaires économiques et sociales en 2008 et en 2016. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), en collaboration avec d’autres organismes compétents, dans la limite des ressources disponibles, a accepté de jouer le rôle de chef de file lors de cette Année internationale.
Il a aussi cité la promotion des droits des peuples autochtones dans le cadre du Programme 2030 (recommandation du paragraphe 28 en particulier et recommandations des paragraphes 42, 74 et 75), et le renforcement du plan d’action à l’échelle du système lancé en mai 2016.
Dialogue interactif
Au cours de ce dialogue, les participants ont été invités à donner directement leurs avis sur l’application des recommandations de l’Instance permanente au Rapporteur de l’Instance.
Ainsi le représentant d’une ONG pakistanaise a demandé au Rapporteur de l’Instance de se rendre au Pakistan pour constater par lui-même la situation dans laquelle vivent les peuples autochtones. Le Commissaire aux droits de l’homme de Malaisie a dit que la protection des droits de l’homme relève du Gouvernement, estimant que la Commission qui travaille en partenariat avec les peuples autochtones doit pouvoir transmettre ses conclusions à l’Instance. La représentante de l’Association des peuples autochtones des Fidji a dénoncé la répression que subissent les peuples autochtones dans son pays précisant que le sort des femmes autochtones aux Fidji s’était dégradé en raison des actions du Gouvernement. « Comment l’Instance peut-elle intervenir dans une situation où il n’y a pas de liberté, comme aux Fidji? » s’est-elle interrogée. Le représentant des peuples mosquitos du Nicaragua a de son côté voulu savoir quel rôle l’Instance permanente pourrait jouer dans le conflit qui oppose les communautés autochtones au Gouvernement du Nicaragua. La représentante du Congrès mondial amazigh a dénoncé la spoliation des terres autochtones en vertu de l’application d’une loi datant du protectorat français au Maroc. Elle a voulu savoir comment pousser l’État marocain à s’asseoir autour d’une table pour résoudre ce problème.
Le Rapporteur de l’Instance a indiqué que les peuples autochtones peuvent directement inviter les membres de l’Instance à venir dans leurs pays respectifs, précisant que les modalités de ces déplacements doivent être examinées pour en réduire les implications budgétaires sur l’ONU. Les communautés peuvent également demander à leur gouvernement d’inviter les membres de l’Instance. Il a ensuite dénoncé le fait que plus de 30 membres des communautés autochtones avaient été tués au Nicaragua en 2016. Il a encouragé les représentants des Mosquitos et le Gouvernement du Nicaragua à participer à une réunion prévue la semaine prochaine pour discuter ouvertement de la situation.
Débat général
a) Autonomisation des femmes autochtones
M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA, Président de la soixante et unième session de la Commission de la condition de la femme, s’est félicité d’une bonne coopération Sud-Sud pour et avec les femmes autochtones. Il a constaté que ces dernières font face à de nombreuses menaces, en raison de la prévalence de la violence domestique, des abus sexuels, de l’exploitation et de la traite, sans oublier l’impact des changements climatiques. Il a souligné que les femmes autochtones étaient des agents actifs du changement et qu’elles font partie de la solution à de nombreux problèmes. Les changements climatiques sont une question particulièrement pressante pour les femmes autochtones compte tenu de leurs rôle et liens avec les activités de substance, a-t-il indiqué. Il a aussi mis l’accent sur les liens entre la promotion de l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.
Au nom du Groupe des États nordiques, M. PASI PÖYSÄRI (Finlande), a déclaré que les femmes autochtones sont des agents actifs des droits des peuples autochtones et des piliers de la transmission de la langue et culture autochtones. Il a jugé pertinent d’identifier et de répondre aux multiples formes de discrimination subies par les femmes et d’examiner les conséquences de la violence dont sont victimes les femmes et filles autochtones. Il a notamment appelé à promouvoir la protection de leurs droits sexuels et reproductifs, soulignant qu’elles doivent pouvoir faire des choix informés concernant leur propre corps.
M. JOHN SCOTT, Secrétariat exécutif de la Convention sur la biodiversité, a indiqué que les connaissances traditionnelles, l’usage coutumier de la biodiversité et la participation des peuples autochtones avaient été intégrés à la Convention. Il a fait savoir que la treizième Conférence des États parties avait notamment débouché sur l’adoption des directives volontaires de Mo’otz Kuxtal qui, a-t-il expliqué, permettent au Gouvernement et d’autres parties de respecter le principe du consentement préalable, libre et éclairé des communautés autochtones. Des avancées ont également été réalisées pour inclure les communautés autochtones dans la mise en œuvre des stratégies nationales de biodiversité. « D’ici à 2020, les connaissances traditionnelles des autochtones doivent être respectées et pleinement prises en compte dans la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones », a-t-il insisté.
Mme JUNE OSCAR, Australian Human Rights Commission, a dit que les femmes autochtones détiennent les solutions pour résoudre des conflits complexes. Il faut aller au-delà d’une définition du développement économique qui se limite aux investissements dans les infrastructures pour envisager des investissements dans des initiatives concernant les familles et les communautés. Elle a indiqué que plusieurs communautés avaient réussi à créer des perspectives économiques qui reposent sur leur culture en créant des économies fondées sur l’art, l’alimentation traditionnelle ou le tourisme. Elle a appelé l’Instance à engager les États à financer correctement les organisations autochtones de manière à promouvoir la participation des femmes et d’établir des mécanismes de reddition des comptes afin d’attirer l’attention sur les progrès réalisés en matière de réduction de la violence, du taux d’incarcération et du nombre d’enfants retirés à leurs parents.
Mme VALERIE GARRIDO-LOWE, Ministre des peuples autochtones du Guyana, a indiqué que tout le travail du Gouvernement se focalise sur la lutte contre la vulnérabilité des jeunes et des femmes autochtones. Un projet pour promouvoir l’épanouissement des jeunes a été doté de 5 millions de dollars, et des mesures existent également pour faciliter leur accès à l’université et à Internet. Le Gouvernement apporte son appui aux entreprises des femmes autochtones. Il améliore les services de santé maternelle et œuvre pour réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes autochtones. Le Gouvernement se mobilise également pour combattre la traite et la violence contre les femmes autochtones.
Mme BEATRICE DUNCAN, Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a parlé de son travail au Brésil où ONU-Femmes a aidé à affirmer le rôle des femmes autochtones en tant que « décideurs » en lançant notamment un projet de formation au leadership. En 2016, les dirigeantes autochtones se sont réunies pour la première fois pour adopter un plan national qui vise à renforcer la participation des femmes autochtones dans les instances nationales notamment, a-t-elle indiqué. Elles ont également créé un mécanisme de réaction urgente pour protéger les femmes autochtones contre la violence.
Mme AGNES LEINA, de l’Indigenous Peoples of Africa Coordination Committee, a annoncé que plus de 15 millions de filles, dont 15% de filles autochtones, sont mariées de force chaque année. Elle a recommandé d’augmenter le rôle des hommes et des garçons dans la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles. Les États africains doivent s’engager à lutter contre le mariage des enfants et inclure les femmes autochtones dans les processus de prise de décisions les concernant, ainsi que dans la gestion des ressources naturelles. Des initiatives doivent également être lancées en faveur de leur autonomisation économique.
M. MOORE (Canada) a noté que seulement 36% des femmes autochtones ont entamé des études secondaires, et qu’elles sont moins à même que les hommes ou les femmes non autochtones de pouvoir surmonter les obstacles d’ordre économique en raison d’un accès limité au capital et d’un manque d’éducation financière et de ressources. Il a aussi averti que la violence contre les femmes et les filles, à tous les échelons de la société, est une épidémie qui mine le Canada, une femme sur trois en étant victime. Le Canada a lancé une enquête pour identifier les causes systémiques de toutes les formes de violences dont souffrent les femmes et les filles autochtones. Il a également souligné que l’autonomisation économique est essentielle au rétablissement de l’autorité et du respect envers les femmes et les filles autochtones. Le représentant a ensuite indiqué qu’au cours de deux dernières années, le Gouvernement canadien s’est engagé à contribuer près de 12 milliards de dollars canadiens pour combler les écarts socioéconomiques dans les communautés autochtones.
M. WILTON LITTLECHILD, Mécanisme d’experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a transmis une invitation au deuxième Jeux des peuples autochtones, qui se tiendront du 1er au 9 juillet 2017 à Alberta, au Canada, avec la participation de 30 peuples autochtones. Outre des jeux et compétitions traditionnels, des manifestations culturelles et des conférences sur les droits de l’homme sont également prévues.
Mme ELEANOR DICTAAN-BANG-OA, Asia Indigenous Women’s Network, s’est inquiétée des obstacles qui subsistent à la réalisation des droits des femmes et filles autochtones en Asie, exhortant notamment les États à permettre aux femmes un accès égal à la propriété foncière. Elle a aussi réclamé le retrait des groupes armés militaires ou autres qui se trouvent en territoire autochtone. Elle a, par ailleurs, estimé nécessaire de renforcer la capacité des communautés à répondre aux causes sous-jacentes de la violence dont sont victimes les femmes autochtones.
Mme JANINE MADELINE OTÁLORA MALASSIS, Présidente du Tribunal électoral du Mexique, a estimé que les gouvernements doivent mettre en place des structures pour une participation accrue de tous à l’accès à la justice, y compris les peuples autochtones. En 2016, le Gouvernement du Mexique a créé le protocole de lutte contre les violences faites aux femmes pour défendre le droit des victimes de violences. Il a aussi créé un mécanisme facilitant l’accès à la justice et à la représentation. L’accent est mis sur la parité entre les hommes et les femmes dans ce mécanisme, a précisé la Présidente, pour qui « c’est une question fondamentale pour défendre les droits des femmes autochtones ».
Mme MARIA BELEN CONSTANZA BERNAL, de Centro de Culturas indígenas del Perú, s’est inquiétée de la faible application des engagements de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Pour y pallier, elle a recommandé au Conseil des droits de l’homme d’assurer un équilibre entre les sexes en son sein, de garantir la protection des défenseurs des droits des peuples autochtones ainsi que des lanceurs d’alerte, et de libérer tous les prisonniers autochtones. Elle a revendiqué le droit à la santé sexuelle pour les femmes autochtones qui, a-t-elle souligné, doivent être consultées dans tous les projets de développement les concernant, y compris la santé.
Mme MARINA MOREIRA COSTA PITTELLA (Brésil) a dit que l’autonomisation des femmes autochtones est essentielle pour leur émancipation. Le Gouvernement a inclus une jeune autochtone dans la délégation brésilienne à la dernière réunion de la Commission de la consolidation de la femme.
Mme ANDREA CARMEN, International Indian Treaty Council, s’est inquiétée des conséquences de l’utilisation, au Mexique notamment, de pesticides hautement toxiques sur la malformation de nouveau-nés, les organes reproductifs et le taux de mortalité infantile. Elle a exhorté ce pays à cesser l’importation de ces produits. Elle a aussi demandé des recommandations en faveur d’un examen de cette question au regard des droits des enfants.
Mme MARIA ROSELIA POL CAL (Guatemala) s’est félicitée de la décision de faire de l’autonomisation de la femme autochtone une question prioritaire des travaux de la soixante et unième session de la Commission de la condition de la femme. Elle a dit que le Gouvernement du Guatemala a lancé 10 mesures visant à favoriser la formation et le recrutement des femmes autochtones, et des projets précis ont été dotés d’enveloppes budgétaires.
M. PETER WILLE, National Human Rights Institution of Norway, a cité les défis culturels et barrières linguistiques qui entravent l’autonomisation des femmes samies, ainsi que leur accès aux services de santé, entre autres. Il a estimé que les forces de police devraient être plus conciliantes, jugeant par ailleurs nécessaire de continuer à donner la priorité à la lutte contre les violences dont sont victimes les femmes et les filles autochtones.
Mme RACHEL O’CONNOR (Australie) a évoqué le troisième plan d’action de lutte contre les violences contre les femmes autochtones, qui comprend notamment des services thérapeutiques pour les enfants touchés par les violences familiales. Elle a souligné qu’une bonne éducation et la sécurité financière permettraient aux femmes de pouvoir davantage contrôler leur vie. « Il faut que les femmes autochtones aient accès aux possibilités qui existent dans un pays comme l’Australie », a-t-elle insisté.
Mme LUCY MULENKEI, représentante de MADRE, au nom de plusieurs organisations de femmes autochtones d’Afrique, a préconisé d’inclure les femmes et les filles autochtones dans les stratégies d’adaptation aux changements climatiques et d’établir un mécanisme pour évaluer l’impact du phénomène dans leur vie. Elle a exhorté l’Instance permanente à travailler étroitement avec les autres organes de l’ONU pour créer un mécanisme de contrôle et de suivi de la Déclaration. Selon elle, « la violence contre l’eau » devrait être abordée comme prochain thème.
Les femmes maories accordent beaucoup d’importance à la vie des communautés, a reconnu Mme JACLYN WILLIAMS (Nouvelle-Zélande). Souvent, leur travail n’est pas rémunéré. Le Gouvernement et les groupes maoris travaillent ensemble pour améliorer leurs conditions de vie, à travers des programmes de formation et des prêts.
Mme TERESA ZAPETA, Forum international des femmes autochtones, a regretté la persistance de grandes inégalités entre les femmes et les hommes. Elle a appelé les États à affecter des ressources financières à la promotion des activités des femmes autochtones, tout en tenant compte de leurs connaissances traditionnelles.
Mme LANISHA BELL (États-Unis) a indiqué qu’une loi de 2013 autorise les pouvoirs judiciaires des réserves à exercer un jugement pénal à l’encontre d’auteurs de violences non indiens. Elle a annoncé la création, en 2016, d’un Groupe de travail trilatéral d’Amérique du Nord contre les violences à l’encontre des femmes et filles autochtones qui, a-t-elle précisé, rassemble les États-Unis, le Canada et le Mexique.
b) Jeunes autochtones
Mme JESSICA VEGA, Groupe mondial des jeunes, a salué l’avancée du concept des droits individuels et collectifs des peuples autochtones. Elle s’est félicitée de l’intérêt marqué pour la question du suicide parmi les jeunes autochtones. Elle a invité les États Membres à prendre compte des besoins de la jeunesse autochtone dans l’élaboration des plans de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les jeunes représentent un cinquième de la population mondiale, soit 1,2 milliards de personnes, a noté Mme NICOLA SHEPHERD, Coprésidente du Réseau interinstitutions des Nations Unies pour l’épanouissement des jeunes. Le nouveau Secrétaire général de l’ONU, s’est-elle félicitée, « a mis les jeunes au premier plan de son programme ». Les 50 entités sur les jeunes membres du Réseau travaillent ensemble et appuient l’inclusion des jeunes autochtones, notamment les jeunes femmes, dans les réunions onusiennes. L’Organisation internationale du Travail (OIT), par exemple, s’est attaquée à la question d’un travail décent pour les jeunes autochtones. Le PNUD travaille avec eux pour protéger la forêt vierge dans le sud-est de l’Asie. Le Réseau souhaite continuer de mettre en œuvre les résolutions existantes et futures de l’Instance permanente.
M. IGOR BARINOV, représentant de la région autonome de Nénétsie de la Fédération de Russie, a expliqué qu’une aide financière était accordée aux jeunes agriculteurs et éleveurs de rennes. Il a mentionné la lutte contre les problèmes d’alcoolisme, de toxicomanie et de suicide chez les jeunes autochtones. Quatre-vingt-douze pour cent des enfants autochtones sont scolarisés, a-t-il par ailleurs précisé.
M. YON FERNANDEZ DE LARRINOA, de l’Organisation alimentaire mondiale (FAO), a indiqué que la FAO avait accueilli à Rome, il y a deux semaines, une réunion du Groupe mondial des jeunes autochtones, avec 20 représentants de pays membres, pour mieux expliquer son travail sur la sécurité alimentaire.
M. DMITRII KHARAKKA-ZAITSEV, membre de l’Instance, a demandé aux États Membres de fournir à l’Instance de manière plus systématique des informations détaillées sur les politiques entreprises à l’intention de la jeunesse autochtone
Mme KAMIRA NAIT SID, Congrès mondial amazigh, a dénoncé la politique menée par les pays du Maghreb qui, a-t-elle affirmé, maintiennent les jeunes amazighs dans l’ignorance de leur langue, de leur culture, et de leur histoire. Elle a appelé à renforcer les perspectives pour les jeunes, s’inquiétant du fait que nombres d’entre eux sont poussés au suicide, sombrent dans la toxicomanie ou décident de rejoindre Daech. Elle a aussi cité le cas de terres autochtones amazighes spoliées au profit de notables de la région du Golfe.
Mme O’CONNOR (Australie) a reconnu l’importance de la contribution des jeunes autochtones à la conception des politiques et l’efficacité des interventions du Gouvernement. Elle a également évoqué le lancement de plusieurs initiatives pour renforcer les perspectives des jeunes.
M. IVAN INGRAM, représentant d’Indigenous Peoples Law and Policy Program, a indiqué que son organisation avait continué de participer au partenariat mondial pour faire cesser la violence contre les enfants autochtones. Il a indiqué que ces derniers sont notamment victimes de négligence, de violence physique, d’abus sexuel, de mariage forcé, d’esclavage, de la traite, de recrutement forcé ou encore de kidnapping.
M. INTY QUIMBO (Équateur) a vu évoluer de façon positive la vision du rôle des jeunes autochtones pour la construction du pays au cours de la dernière décennie, notamment grâce à la Constitution de 2008. Le Gouvernement a adopté des politiques publiques pour promouvoir l’autonomisation des jeunes autochtones, éliminer la discrimination raciale, et revitaliser les langues et les savoirs ancestraux.
Mme AMANDA VICK, représentante de Gitanmaax Band, a fait remarquer que 60% des femmes disparues ou manquantes au Canada sont autochtones. Aux États-Unis, ces dernières courent un risque d’être violées 2,5 fois plus important que les autres femmes. La violence environnementale, y compris les pesticides, pourtant interdits dans les pays exportateurs, menace également la santé maternelle, s’est-elle inquiétée.
Mme PERNILLE BORGBO (Danemark) a dit que son pays considérait les jeunes comme des acteurs déterminants de la coopération pour le développement et l’action humanitaire. Il faut écouter les préoccupations des jeunes autochtones, a–t-elle insisté.
Mme PETRA LAITI, Finnish Sami Youth Organization, s’est dite choquée que l’État finlandais accorde aux touristes des droits de pêche en Finlande qui n’ont jamais été accordés aux Samis. Elle a appelé les États Membres à respecter les droits des autochtones liés à la pêche traditionnelle.
Mme WILLIAMS (Nouvelle-Zélande) a indiqué qu’une étude menée en 2015 sur le système de protection des enfants a conclu qu’il fallait changer beaucoup de choses pour améliorer la santé des enfants notamment des enfants maoris. Elle a cité la création, en 2017, d’un ministère des enfants vulnérables qui a pour objectif d’aider toutes les familles à rétablir un sentiment de bien-être, et réduire notamment les risques de suicide.
Mme DUNEN FANEIBYA MUELAS, représentante du Pueblo Arhuaro de la Sierra Nevada de Santa Maita de Colombie, a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes autochtones dans son pays. Elle a reproché au Gouvernement colombien de continuer d’octroyer des titres miniers pour l’exploitation des territoires appartenant aux peuples autochtones sans les consulter au préalable. Elle s’est également inquiétée de l’impact de ces industries sur la santé procréative des femmes et leurs savoirs traditionnels. « Nos pensées ne disparaitront jamais », a-t-elle lancé.
M. BABLU CHAKMA, représentant de Kapaeeng Foundation, a attiré l’attention de l’Instance sur la discrimination et la marginalisation dont sont victimes les jeunes autochtones pris au piège dans le cycle de la pauvreté. Il a demandé l’accès à l’éducation et à des services de qualité culturellement sensibles, jugeant par ailleurs nécessaire d’accorder plus d’attention au problème du suicide.
Mme CHRISTINE DIINDIISI MCCLEAVE, représentante du National Native American Boarding School Healing Coalition, a parlé de « génocide culturel ». Elle a demandé des enquêtes sur le sort des jeunes enfants amérindiens qui ne sont jamais rentrés chez eux après avoir été déplacés de force vers des pensionnats. Elle a entendu célébrer « comme il se doit » l’Année des langues autochtones en 2019.
Mme TARCILA RIVERA ZEA, membre de l’Instance, a appelé à des mesures plus efficaces et à des actions beaucoup plus déterminées de la part des organismes compétents, notamment des organismes du système des Nations Unies, pour lutter contre les violences à l’égard des filles autochtones. Elle a appelé à des mesures spécifiques à destination des communautés locales. Il est nécessaire d’avoir un tableau exact de la situation pour pouvoir mesurer l’action à mener.