L’Instance permanente entend une multiplication de dénonciations du non-respect du consentement libre des peuples autochtones
L’Instance permanente sur les questions autochtones a consacré la troisième journée de sa session 2017 à l’examen des activités menées dans les six domaines d’action* de l’Instance en relation avec la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, l’occasion pour de nombreux représentants de mouvements autochtones de dénoncer, une fois encore, les nombreux décalages qui subsistent entre les engagements pris et la réalité qui prévaut sur le terrain.
À l’instar des deux journées précédentes, le respect du principe de « consentement libre, préalable et éclairé » a été considéré par beaucoup comme le meilleur moyen de garantir le respect du droit foncier, ainsi que les engagements pris sur le plan du développement socioéconomique et de la protection de l’environnement. Or, nombreux sont ceux qui ont constaté que ce principe est souvent bafoué.
En pleurs, la représentante d’Indigenous Environmental Network a dénoncé, de son côté, les violences commises par la police et l’armée américaines lors de l’éviction des militants autochtones qui s’opposent au passage d’un oléoduc sur les terres de la tribu sioux Standing Rock, dans le Dakota du Nord. Sa condamnation des violences subies par les femmes et la terre lui a notamment valu une ovation debout.
Autre moment fort, l’intervention d’un membre du Mejlis, l’organe représentatif des Tatars de Crimée désormais interdit d’exercice. Accompagné de trois femmes en vêtements traditionnels qui brandissaient des pancartes demandant la libération des prisonniers tatars, ce dernier a déclaré que, suite à l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, le peuple tatar était devenu une minorité sur son propre sol et que lui-même ne pouvait plus vivre chez lui.
Sur un autre continent, la représentante de Save Our Unique Landscape a condamné le fait que les héritiers d’une parcelle de terre confisquée à une communauté autochtone de Nouvelle-Zélande, et d’une importance culturelle considérable, ont été autorisés, l’an dernier, à en vendre une partie à une société transnationale pour y construire un lotissement de 480 maisons de luxe.
Les activités de forage menées au large des côtes de la Nouvelle-Zélande à la demande du Gouvernement, ont par ailleurs été dénoncées par la représentante de Two Feathers International qui a souligné que les conséquences des activités minières sous-marines ne sont pas encore bien connues.
Se voulant rassurante, la représentante de la Nouvelle-Zélande a mis en avant la « relation unique » que son pays entretient, selon elle, avec l’environnement en notant que le fleuve Whanganui a récemment été doté d’une personnalité juridique aux fins de sa protection.
D’autres représentants d’États Membres sont également intervenus pour mettre en avant les initiatives lancées par leur gouvernement respectif pour promouvoir les droits et le bien-être des communautés autochtones.
Ainsi la représentante de l’Australie a parlé de l’appui accordé, dans son pays, à la création d’emplois au sein des communautés autochtones, précisant que plus de 1 600 contrats directs ont été accordés à 500 entreprises autochtones, représentant un montant de 284 millions de dollars australiens.
La représentante du Brésil s’est de son côté félicitée de l’impact de la création d’un système de santé autochtone qui opère à présent dans 34 districts et qui, en alliant médecine moderne et médecine traditionnelle, permet aux membres de plus de 5 000 tribus de recevoir des soins.
En écho à ces annonces, le membre de l’Instance, Les Melezer, a souligné que l’identité des populations autochtones est une question fondamentale dans le contexte du droit à l’autodétermination.
La représentante du peuple amazigh a cependant signalé que l’inscription du berbère dans la Constitution marocaine ne s’était traduite par aucune avancée pratique sur le terrain. « Dire que le Maroc est un peuple arabe est une violation des réalités ethniques du peuple berbère », a lancé la représentante amazighe.
L’Instance poursuivra, demain matin, à 10 heures, son débat sur ses six domaines d’action avant de se pencher, dans l’après-midi, sur les suites données à ses recommandations sur l’autonomisation des femmes et des jeunes autochtones.
* La santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.
ACTIVITÉS MENÉES DANS LES SIX DOMAINES D’ACTION DE L’INSTANCE PERMANENTE EN RELATION AVEC LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Débat général
Déclarations
Mme PERNILLE BENGTSEN, du Gouvernement du Groenland (Danemark), a indiqué que son gouvernement reconnaît l’importance d’intégrer les connaissances des populations autochtones afin de faire face à la menace des changements climatiques dans la région de l’Arctique et assurer le développement durable.
Mme DEIDRE MCGRENRA, Fonds international de développement agricole (FIDA), a indiqué que la coopération entre le FIDA et les populations autochtones a commencé en 1979 avec l’octroi d’un prêt visant à appuyer des initiatives lancées par ces populations. Depuis, a-t-elle dit, nous avons appuyé 127 projets autochtones dans le monde par le biais de 1,6 milliard de dollars de prêts et 40 millions de dollars de dons.
Mme NINA VEYSALOVA, Russian Association Of Indigenous Peoples of the North (RAIPON), a jugé fondamental de faire comprendre aux populations autochtones l’importance de faire valoir leurs droits, et indispensable d’informer les entreprises présentes sur les territoires autochtones de la nécessité de les respecter. Elle a expliqué que RAIPON s’efforce d’apprendre aux jeunes autochtones comment utiliser leurs droits pour assurer l’avenir de leurs communautés.
M. SLUMBER TSOGWANE, Ministre de la gouvernance locale et du développement rural du Botswana, a détaillé l’action lancée par son pays pour améliorer l’autonomie des communautés autochtones dans les zones reculées, en leur fournissant notamment des infrastructures et en promouvant leur accès aux services sociaux. Mon pays vise également à autonomiser les communautés locales dans la gestion des ressources naturelles, a-t-il indiqué. Le Ministre a aussi mentionné une initiative pour développer le delta de l’Okavango en vue d’une gestion durable des ressources et du développement du secteur touristique.
M. MARTIN OELZ, Bureau international du Travail, a rappelé la vulnérabilité des peuples autochtones, ceux-ci souffrant de nombreux désavantages. Les membres de ces communautés occupent souvent des emplois dans le secteur informel, a-t-il ainsi noté. Il a toutefois estimé que ces peuples ne doivent pas être uniquement considérés comme des victimes. Ces peuples, a-t-il expliqué, qui sont en première ligne dans la lutte contre les changements climatiques, possèdent des connaissances traditionnelles qui peuvent aider à l’édification de sociétés résilientes et durables d’un point de vue environnemental.
M. ROYAL JOHAN KXAO /UI/O/OO (Namibie) a indiqué que son pays veillait à éliminer la pauvreté des communautés autochtones par l’intermédiaire de programmes spécifiques éducatifs et d’aide à la réinstallation. Personne ne doit être laissé à l’écart de la maison namibienne, a-t-il dit. Il a insisté sur les efforts déployés par son pays pour diminuer le taux d’analphabétisme au sein de ces communautés, précisant que le nombre d’enfants scolarisés avait considérablement augmenté ces dernières années. Enfin, le délégué a mentionné les efforts fructueux visant à la réinstallation des communautés ovatue et ovatjimba dans des villages différents et à l’amélioration de l’accès aux soins des communautés autochtones.
Mme TRISHA RIEDY, Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), a mis l’accent sur les 16 programmes de formation organisés au niveau international par l’UNITAR à l’intention des populations autochtones, lesquels, a-t-il précisé, accordent une attention particulière à la paix.
M. JERALD JOSEPH, Human Rights Commission of Malaysia, a indiqué que suite à une étude sur les droits fonciers des populations autochtones en Malaisie, le Gouvernement a proposé d’établir un moratoire sur les projets d’exploitation minière et forestière dans l’attente de l’application des recommandations pour la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
Mme VALERIE GARRIDO-LOWE, Ministre des affaires autochtones du Guyana, a cité une politique adoptée par son gouvernement qui s’appuie sur les six domaines d’action de l’Instance, dont un programme de promotion de l’agriculture. Elle a aussi cité la mise à disposition de bateaux, bicyclettes et bus aux communautés pour permettre aux enfants d’être scolarisés.
M. OMEDO, Union internationale pour la conservation de la nature, a estimé que les peuples autochtones avaient le droit à la protection de leur environnement. Il a insisté sur l’importance de la participation des peuples dans la prise des décisions dans ce domaine. L’Union a mis au point divers outils pour contribuer à garantir ce droit, a-t-il dit. Enfin, il a exhorté tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux à suivre des normes communes afin de garantir au mieux le droit précité.
M. TUOMAS ASLK JUUSO, Vice-Président du Parlement sami de Finlande, s’est dit très préoccupé par les nombreuses violations des droits du peuple sami que le Gouvernement finlandais continue de commettre. Il a affirmé que la Finlande continue d’adopter des lois qui vont à l’encontre du bien-être et des droits du peuple sami, en appliquant, notamment, une réglementation de la pêche qui ne respecte pas leurs droits. Il a aussi déclaré que la Finlande ne mettait pas en œuvre la Déclaration.
Mme ANNA OTKE (Fédération de Russie) a insisté sur l’importance de la question foncière pour les peuples autochtones. Elle a indiqué que le Parlement d’une communauté autochtone en Russie avait demandé l’annulation d’une loi fédérale russe relative à une question foncière la concernant. Le Gouvernement russe étudie notre proposition, a-t-elle dit, ajoutant, en conclusion, que les décisions concernant les peuples autochtones devaient être préalablement validées par eux.
Mme SANDRA DEL PINO, Organisation panaméricaine de la santé, a parlé des initiatives lancées par son organisation pour prévenir les grossesses précoces au sein des populations autochtones. Elle a souligné la valeur ajoutée de la médecine traditionnelle pour améliorer le bien-être des populations autochtones dans la région.
Mme PANIA NEWTON, Save Our Unique Landscape, a indiqué qu’une parcelle de terre appartenant à une communauté autochtone de Nouvelle-Zélande avait été confisquée, dans le passé, par la Couronne britannique. Elle a précisé que cette terre est d’une importance culturelle considérable, celle-ci étant notamment le site d’un ancien lieu d’inhumation et de vestiges de murs de pierre précoloniaux. En dépit de l’opposition de la communauté autochtone, les descendants des propriétaires de l’ère coloniale ont été autorisés à vendre, en 2016, une partie de cette parcelle à une société transnationale pour y construire un lotissement de 480 maisons de luxe. Elle a appelé l’Instance à intervenir auprès des autorités néo-zélandaises.
M. PEDRO SITTON, Direction nationale des questions autochtones du Panama, a indiqué que l’épouse du Président du Panama avait lancé une initiative pour autonomiser les populations autochtones en appuyant l’autonomisation des femmes autochtones. Il a aussi parlé de l’adoption du décret exécutif no 274, du 31 août 2007, créant la Direction nationale de l’éducation interculturelle bilingue chargée de la planification, de la programmation et de la coordination de toutes les activités reliées à la mise en œuvre de l’éducation interculturelle bilingue. Il a également cité l’officialisation des langues et alphabets autochtones et le caractère obligatoire de l’éducation bilingue langue nationale-langue autochtones.
Mme PRATIMA GURUNG, Indigenous persons with disabilities global network, a indiqué que l’exercice, par les personnes autochtones handicapées, de leurs droits nécessitait une attention accrue en raison des discriminations qui frappent ces dernières. Il y a de graves lacunes en matière d’accès à la culture, à l’éducation et à la santé, a-t-elle insisté. Elle a également mentionné la vulnérabilité de ces personnes face aux catastrophes naturelles. Enfin, elle a encouragé les États Membres à élaborer un rapport sur cette question et à le remettre à l’Instance permanente.
Mme DEVONNEY MCDAVIS (Nicaragua) a détaillé les efforts fructueux de son pays pour garantir les droits des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine. L’accès à la téléphonie mobile, à Internet et aux réseaux d’assainissement a été nettement amélioré, s’est–elle félicitée. « Le rêve d’un arrimage des peuples autochtones au reste du pays s’est réalisé. » Enfin, elle a mentionné la lutte menée par son pays contre le déboisement au bénéfice des communautés autochtones.
M. MARCOS MATIAS ALONSO, Altepetl Nahuas de la Montaña de Guerrero, a déploré l’intérêt réduit qu’accordent les États Membres au respect des droits des peuples autochtones. L’effervescence suscitée en 2007 par l’adoption de la Déclaration est bien loin, a-t-il dit, en déplorant que seulement une poignée de pays ait remis les rapports demandés. Il a constaté que la Déclaration n’avait pas eu d’incidence sur les conditions de vie des peuples autochtones, lesquels souffrent de retards immenses dans leur développement et de nombreuses discriminations. Les pertes de terre et de ressources naturelles sont quotidiennes a-t-il dit. Enfin, il s’en est pris à son pays, le Mexique, qui n’a pas mis en œuvre la Déclaration et a réduit les ressources publiques consacrées aux peuples autochtones.
M. NABA KUMAR KISHORE TRIPURA (Bangladesh) a indiqué que la Constitution du Bangladesh reconnaît les droits de l’ensemble des citoyens. Il a estimé que le terme « populations autochtones » doit être employé avec prudence afin de ne pas heurter les réalités et législations nationales. Il a cité l’adoption de la loi du 1er août 2016 visant à régler les différends fonciers qui concernent les autochtones dans les collines de Chittagong, qui se trouvent dans le sud-est du pays, à la frontière de l’Inde et du Myanmar.
Mme PHYLLIS YOUNG, American Indian Movement of Colorado, a indiqué que sa communauté continuait d’être victime de discriminations.
Le membre de l’Instance, LES MELEZER, a souligné que l’identité des populations autochtones est une question fondamentale dans le contexte du droit à l’autodétermination.
M. JUAN EDUARDO FAÚNDEZ (Chili) a dit que la mise en œuvre de la Déclaration était un défi que son pays s’efforçait de relever. La tolérance est à la base d’une société prospère et pacifique, a-t-il noté. Il a souligné la place accrue accordée aux communautés autochtones dans la vie publique du Chili, tout en reconnaissant que cette place demeure encore insuffisante. Le budget pour les investissements sociaux au bénéfice des communautés autochtones a triplé, s’est-il félicité. Il a affirmé que la culture autochtone était fortement valorisée au Chili, notamment la médecine ancestrale des peuples autochtones. Il a aussi noté l’émergence récente de dirigeantes autochtones.
Mme GWENDOLYN PIMENTEL-GANA, Commission on Human Rights of the Philippines, a dit que le droit au développement des peuples autochtones incluait le droit à l’autodétermination s’agissant des ressources naturelles. « L’environnement est un être sacré pour ces peuples », a-t-elle dit, en appelant les gouvernements à le protéger. Elle a déploré l’absence de données sur le niveau de développement des peuples autochtones aux Philippines. Elle a aussi dénoncé la « pénalisation » croissante des pratiques autochtones, comme l’accouchement à domicile.
M. TEODORO L. LOCSIN, Jr. (Philippines) a déclaré que le Gouvernement a donné le pouvoir politique aux peuples autochtones du pays qui sont au nombre de 14 millions. Les Philippines promeuvent leur pleine participation dans la conception et la mise en œuvre des politiques et programmes qui les affectent. En 2016, il y avait 2 707 représentants des peuples autochtones dont 18 au niveau provincial, 258 au niveau municipal, et 2 406 au niveau villageois. En cette année où l’on célèbre le dixième anniversaire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, a ajouté le représentant, nous savons que des fossés existent et de nombreux défis restent à relever. « J’appelle les États Membres à renouveler leur engagement en vertu de la Déclaration, abandonner les excuses et travailler encore plus fort pour sa réalisation », a plaidé M. Locsin.
Mme TARCILA RIVERA ZEA, membre de l’Instance permanente, a repris à son compte l’idée avancée par un orateur d’une collaboration accrue avec les instances onusiennes chargées des questions de santé, en vue d’élaborer des réponses concrètes. Elle a souhaité recevoir des recommandations concrètes notamment sur la question de la grossesse chez les adolescentes dans les communautés autochtones.
M. BRANDON MAKA’AWA’AWA, International Indian Treaty Council, a souligné le droit à l’autodétermination des populations autochtones avant de saluer les initiatives de l’État d’Hawaï pour répondre aux besoins des peuples premiers. Il a demandé le respect de la souveraineté du peuple hawaïen, faisant notamment référence à l’Article 73 de la Charte des Nations Unies. Il est revenu sur les excuses du Gouvernement des États-Unis pour avoir renversé le Royaume d’Hawaï à la fin du XIXe siècle
M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ (Paraguay) a souligné les efforts déployés par son pays pour protéger les 19 peuples autochtones qui vivent sur son territoire et qui se répartissent en cinq familles linguistiques et 400 communautés. Il a précisé que le Paraguay reconnaît deux langues officielles, dont le guarani, principale langue autochtone parlée au Paraguay.
M. JAMIL AHMAD, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a dit la volonté du PNUE de défendre les défenseurs autochtones de l’environnement. Il a précisé qu’une résolution adoptée par le PNUE en mai 2016 reconnaît l’importance du savoir et de l’expérience autochtone dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
Mme LOUNES, du Congrès mondial amazigh, a dénoncé la discrimination dont est victime son peuple au Maroc, pointant notamment du doigt le gel de l’officialisation de la langue amazighe qui est pourtant reconnue depuis six ans. Elle a indiqué que les Amazighs vivent sous l’oppression économique car ils sont encore régis par une loi datant du protectorat français. Ils sont exclus du développement et lorsqu’ils réclament leurs droits, leurs manifestations sont réprimées par la force, s’est-elle indignée. En outre, les femmes amazighes continuent de mourir en couche, les enfants ne reçoivent pas de soins lorsqu’ils sont malades et les jeunes sont poussés au suicide.
Mme RACHEL O'CONNOR (Australie) a dit que son gouvernement est prêt à appuyer les entreprises et les entrepreneurs autochtones par le biais de la création d’emplois dans le secteur public, de projets d’infrastructures et de bourses du Gouvernement. Elle a souligné que les entreprises autochtones bénéficient des mêmes privilèges que les autres entreprises australiennes, précisant en outre que plus de 1 600 contrats directs ont été accordés à 500 entreprises autochtones, représentant un montant de 284 millions de dollars australiens. L’objectif d’ici à 2020 est d’atteindre 3% de marché public pour les entreprises autochtones. Le Gouvernement reconnaît également le rôle des femmes autochtones qui ont accès à des fonds pour créer des entreprises.
M. JENS DAHL, expert de l’Instance permanente, a reconnu que les gouvernements ont fait des progrès en faveur des peuples autochtones grâce à la création de projets pour les peuples autochtones qui ont notamment permis aux femmes autochtones de jouer un rôle plus important. On a créé des infrastructures pour eux et les gouvernements ont reconnu leurs droits. Il s’est toutefois inquiété des nombreuses plaintes formulées au sujet de la confiscation de terres appartenant aux peuples autochtones. Il a appelé à s’attaquer à ce problème, exhortant par ailleurs les gouvernements à mettre en œuvre des projets qui tiennent compte des droits des peuples autochtones et par l’intermédiaire de processus justes et transparents.
La représentante du Conseil sami, au nom du Groupe arctique, a indiqué que les accords de pêche signés par la Norvège et la Finlande mettaient en danger la culture des Samis. Elle a demandé une réunion du Groupe d’experts pour aider les États Membres à comprendre l’importance du consentement libre et éclairé. Les États en Arctique sont parmi les plus riches au monde, pourtant les peuples autochtones qui y vivent continuent d’endurer des discriminations, a-t-elle dénoncé. Enfin, elle a invité l’Instance permanente à s’attaquer aux causes profondes des retards de développement dont souffrent les peuples autochtones.
M. ELIAS GONZALEZ PATAL (Guatemala) a souligné les progrès faits par son pays pour mettre en œuvre la Déclaration, mentionnant la récente loi sur les langues nationales et l’accord sur les droits et l’identité des peuples autochtones. Il a ajouté que son pays entendait poursuivre résolument la mise en œuvre des six domaines d’action visés par la Déclaration. La question des droits des femmes et des jeunes autochtones doit continuer d’être au centre de nos discussions, a-t-il conclu.
Mme KANDI MOSSET, Indigenous Environmental Network, a affirmé que chaque droit consacré par la Déclaration avait été violé à Standing Rock, à commencer par le droit à un consentement libre et éclairé. Elle a aussi dénoncé les violences commises contre les femmes et la terre. Des larmes dans la voix, elle a indiqué que ce sont la police et l’armée américaines qui ont commis ces violences à Standing Rock. Enfin, toujours en pleurs, et sous un tonnerre d’applaudissements, elle a exhorté les États-Unis à mettre en œuvre la Déclaration et cesser de violer la Terre nourricière.
M. MAMANI NAVARRO, El Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qullasuyu, a rappelé les terribles conditions de vie dont souffraient les peuples autochtones dans son pays avant 2006. Il a indiqué qu’à partir de 2006, la lutte menée par les 36 nations autochtones de la Bolivie avait permis de mettre en place un gouvernement autochtone dirigé par le Président Evo Morales. Nous progressons petit à petit, s’est-il félicité, et aujourd’hui, il importe de coordonner les actions du Gouvernement central avec celles des communautés autochtones. Il a affirmé que les peuples autochtones ne sont plus marginalisés en Bolivie et que les langues des 36 nations sont notamment reconnues. Il a ensuite appelé à améliorer le bien-être des peuples autochtones en élaborant un programme de développement allant jusqu’en 2035.
Mme FRANCA, du Réseau des jeunes autochtones d’Amérique latine, a jugé nécessaire d’améliorer la santé des jeunes autochtones. Elle s’est dite préoccupée par l’absence de perspectives dans les domaines du développement et de l’intégration interculturelle. Elle a estimé que les jeunes autochtones devraient pouvoir exercer leurs droits sexuels, s’inquiétant du fait qu’ils vivent dans une grande vulnérabilité en raison de la marginalisation et de la discrimination. Elle a aussi indiqué que le manque de données concernant les jeunes handicapés autochtones ainsi que l’absence de politique spécifique pour cette catégorie de population sont particulièrement préoccupants. La représentante a recommandé l’élaboration d’un plan régional de santé pour les jeunes autochtones en Amérique latine.
Mme ZAIRA ZAMBELLI TAVEIRA (Brésil) a indiqué qu’un système de santé autochtone opérait à présent dans 34 districts, permettant aux membres de plus de 5 000 tribus de recevoir des soins de santé. Elle a indiqué que ces centres emploient la médecine moderne et la médecine traditionnelle. Elle a précisé que cette initiative a permis d’améliorer la santé des enfants, s’inquiétant toutefois de l’augmentation du taux de suicide chez les jeunes autochtones. Des projets ciblés ont donc été élaborés pour faire face à cette situation. La représentante a aussi fait savoir que, grâce à une stratégie de scolarisation lancée dans les districts autochtones, plus de 80% des enfants autochtones de moins de 15 ans avaient complété leur scolarité au niveau primaire en 2016.
Mme JULIE TURNER, Two feathers International, a déploré les risques de marée noire, en raison des activités de forage par de grandes compagnies pétrolières, à la demande du Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, au large des côtes de ce pays. Les activités minières au fond des mers sont un secteur nouveau et nous n’en connaissons pas les conséquences, a-t-elle martelé, en soulignant que les autorités n’ont pas d’expérience dans le contrôle de ce type d’activités. Elle a exhorté le Gouvernement néo-zélandais à retirer son appui à ces activités.
Mme JACLYN WILLIAMS (Nouvelle-Zélande) a loué la relation unique de son pays avec l’environnement. Le fleuve Whanganui a récemment été doté d’une personnalité juridique aux fins de protection, a-t-elle dit. Elle a insisté sur les progrès accomplis dans la promotion de la langue maorie, avant d’indiquer que son pays veillait actuellement à remédier à la surreprésentation des Maoris dans la population carcérale.
M. ESKENDER BARIIEV, du Crimean Tatar Mejlis, au nom de l’Indigenous Crimean Tatars of Crimea (Ukraine), a déclaré que le peuple tatar était devenu une minorité sur son propre sol suite à l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. La Cour suprême russe a interdit le Mejlis, l’organe représentatif des Tatars de Crimée, en le taxant d’extrémisme, a-t-il dénoncé, rappelant que les Tatars n’avaient pas reconnu le « référendum illégitime » sur la Crimée. Membre du Mejlis, il a indiqué qu’en 2014, 20 hommes armés avaient fait irruption dans son domicile et menacé sa famille. Les Tatars de Crimée ont besoin de l’aide de la communauté internationale, a-t-il conclu, alors que trois femmes en vêtements traditionnels brandissaient des pancartes demandant la libération des prisonniers tatars.
M. ROLANDO CASTRO CORDOBA (Costa Rica) a indiqué que son gouvernement avait adopté la Déclaration sur les droits des peuples autochtones ainsi que la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT). En outre, la Constitution du pays a été amendée pour faire du Costa Rica un pays multiculturel et multiethnique. Il a affirmé que son gouvernement a fait du respect des droits des peuples autochtones une priorité, ayant notamment publié un décret sur l’éducation autochtone et lancé un programme de logements pour les autochtones. Le Gouvernement s’efforce aussi d’atténuer les problèmes fonciers dans les territoires autochtones. Il s’investit également dans la création d’emplois pour les peuples autochtones, et a par ailleurs mis en place un système de subventions pour les chômeurs autochtones ainsi qu’un programme de formation en vue de leur réinsertion dans le monde du travail.
M. BROOKLYN RIVERA, Los habitantes de la Costa Caribe de Nicaragua, a dénoncé la discrimination et la violence dont sont victimes les peuples autochtones au Nicaragua en particulier de la part des « colons ». Ces dernières années, 33 autochtones sont morts des suites de ces violences, 33 personnes ont été victimes d’enlèvement et plus de 1 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Le représentant a aussi accusé le Gouvernement du Nicaragua d’avoir mis à mal les structures traditionnelles autochtones en mettant en place des organismes régionaux qui ne travaillent pas au bénéfice des peuples autochtones.
M. ANDERS PRIMDAHL VISTISEN (Danemark) a dit que la réalisation des engagements de la Déclaration nécessite un suivi et une évaluation des efforts de mise en œuvre, les peuples autochtones continuant en effet de voir leurs droits bafoués. Il s’est notamment inquiété de la situation au Bangladesh où les droits fonciers des peuples ne sont pas respectés. Le représentant a appelé le Gouvernement du Bangladesh à respecter et à mettre en œuvre la Déclaration, pointant notamment du doigt la situation à Chittagong qui constitue, à ses yeux, une grave source de préoccupation. Il a espéré que la paix et la sécurité deviennent une réalité dans cette région.
M. DIMITRII KHARAKKA ZAITSEV, expert de l’Instance, a interrogé la perception qu’ont les États des peuples autochtones. Certains États les considèrent comme des intrus et des obstacles, a-t-il dit. Il a souligné que les discriminations existant dans certains États étaient liées à une ignorance de l’approche permettant de garantir les droits de tous les peuples autochtones. Il a demandé que les États fassent part de leur réaction aux déclarations des représentants des peuples autochtones.
Mme ANNE DENNIS, New South Wales Aboriginal Land Council, a demandé à tous les États de mettre en œuvre les instruments de défense des droits des peuples autochtones. Elle a invité l’Instance permanente à aider les peuples autochtones à jouir de leur terre aux fins de développement. Enfin, elle a demandé l’application, sans plus tarder, des articles 3, 23 et 26 de la Déclaration.
Mme MARAMA PALA, Canadian Aboriginal Aids Network, a indiqué qu’elle vivait avec le virus du VIH depuis 24 ans. La communauté maorie, à laquelle elle appartient, est stigmatisée et cela est inadmissible, a-t-elle dit. Les États doivent aider les communautés avec une forte prévalence de séropositivité à renforcer leur résilience et garantir leur droit à la santé, a-t-elle affirmé. Elle a insisté sur la nécessité de lutter contre le virus et d’y associer les peuples autochtones, avant de recommander, en conclusion, une déclaration sur les droits des peuples autochtones et le virus du VIH.
Mme HEATHER MILTON-LIGHTENING, de l’Indigenous Climate Action, a engagé l’Instance permanente à appuyer les organisations autochtones dans leur lutte contre l’impact des changements climatiques sur leurs communautés. Elle a ensuite dénoncé le fait que les gouvernements et l’industrie extractive continuent leurs activités en niant notamment le droit des peuples à l’autodétermination. Le principe minimum de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, n’est même pas garanti aux peuples autochtones, s’est-elle indignée. Elle a averti que sans « décolonisation », il n’y aura pas de mise en œuvre concrète de la Déclaration des droits des peuples autochtones, soulignant que c’est aux peuples autochtones, et non pas aux gouvernements, de choisir leurs droits.
Mme NAZARETH CABRERA GUERRERO, Consejo Regional Indigena del Medio Amazonas, a appelé au respect de la nature dans laquelle vivent les peuples autochtones, indiquant que ce sont souvent les femmes autochtones qui en assurent l’exploitation et la survie. Plaidant aussi pour le respect des droits des femmes autochtones, elle a indiqué qu’elles assurent aussi la transmission des connaissances, des coutumes et des traditions autochtones, notamment la médecine traditionnelle. Elle a dénoncé les discriminations et les violences dont sont victimes les femmes autochtones qui sont parfois forcées de migrer vers les villes qui sont peu sûres pour elles.