La Commission de la population et du développement s’informe sur les 230 indicateurs pour le suivi mondial des objectifs de développement durable
La Présidente de la Commission de statistique a présenté aujourd’hui le cadre des 230 indicateurs pour le suivi mondial de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par les chefs d’État et de gouvernement, en septembre dernier. La Présidente s’exprimait devant la Commission de la population et du développement qui poursuivait sa quarante-neuvième session entamée hier sur le thème « Enrichissement des données démographiques à l’appui du programme de développement pour l’après-2015 ».
Mme Wasmalia Bivar, Présidente de la Commission de statistique, a précisé que les 230 indicateurs pour mesurer l’état d’avancement des 17 objectifs et 169 cibles du Programme 2030, dont la plupart ont comme « dénominateur commun » la population, ne sont qu’« un point de départ pratique » destiné au suivi mondial. Les indicateurs, a-t-elle précisé, ne sont pas nécessairement applicables à tous les contextes nationaux. Pour les adapter aux réalités nationales et « ne laisser personne sur le côté », comme dit le Programme 2030, la désagrégation des données démographiques est « fondamentale », a insisté Mme Bivar qui a ajouté que l’importance de ces données ne saurait être surestimée ni celle du renforcement des capacités statistiques des pays.
La Présidente a appelé la Commission de la population et du développement à bien faire comprendre à la communauté internationale le travail que les statisticiens et les spécialistes de la population auront à faire pour que les pays puissent assurer la pleine mise en œuvre du Programme 2030. Elle a d’ailleurs rappelé que le Conseil économique et social (ECOSOC) a lancé, en juin 2015, le Programme mondial 2020 de recensement de la population et des ménages qui s’étalera entre 2015-2024 et qui exhorte chaque pays à effectuer au moins un recensement dans la décennie 2020.
Comme le dit le Département des affaires économiques et sociales (DAES) dans son rapport*, les recensements, les enregistrements et établissement des statistiques de l’état civil, et les enquêtes sur les ménages sont les sources traditionnelles des données démographiques nécessaires tant pour calculer les indicateurs que pour fournir des facteurs de pondération afin d’obtenir des estimations régionales ou mondiales.
Aujourd’hui le Professeur Andrew Tatem, de l’Université de Southampton au Royaume-Uni, a parlé des « méga données » et de leurs sources modernes que sont les images satellites ou les téléphones portables. Lors de l’épidémie à virus Ebola, les téléphones portables avaient par exemple permis de suivre les mouvements de population et d’anticiper la propagation de la maladie.
Mais, a avoué le Professeur, ces méthodes modernes auront toujours besoin des méthodes traditionnelles pour vérifier et compléter les données. Hier, le représentant de l’Union européenne insistait sur le fait que l’utilisation des méga données doit se fonder sur des règles claires, comme le respect de la confidentialité et de la vie privée.
Pour revenir aux mouvements de population, le représentant du Liban a rappelé que son pays abrite plus d’1,2 million de réfugiés syriens qui exercent des pressions sociales, démographiques, environnementales et économiques immenses, exacerbant les vulnérabilités, surexploitant les ressources limitées et les services sociaux de base, aggravant le chômage et affectant la stabilité et la sécurité, sans compter les risques pour la poursuite du Programme d’action du Caire sur la population et le développement.
Son homologue turc dont le pays accueille le double de réfugiés syriens et « le plus grand nombre d’immigrés en situation irrégulière au monde », a dit attendre beaucoup du Sommet humanitaire qui aura lieu les 23 et 24 mai à Istanbul.
Devant les appels des Maldives, de Madagascar ou du Togo à la coopération en matière de données démographiques et de transfert de technologies, le représentant d’Israël a exprimé la disposition de son pays à partager son expérience. Celui du Canada a rappelé l’engagement du sien à consacrer 220 millions de dollars canadiens au Mécanisme mondial de financement « Toutes les femmes, tous les enfants » dont 100 millions au renforcement des systèmes de registres et statistiques d’état civil.
La Commission de la population et du développement poursuivra ses travaux demain, mercredi 13 avril, à partir de 10 heures.
DÉBAT GÉNÉRAL CONSACRÉ À L’EXPÉRIENCE DES PAYS EN MATIÈRE DE POPULATION: ENRICHIR LES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES À L’APPUI DU PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT POUR L’APRÈS-2015
Déclarations
M. VALENTIN RYBAKOV, Vice-Ministre des affaires étrangères de Bélarus, a dénoncé la volonté du système des Nations Unies de généraliser l’approche du dividende démographique lequel, a-t-il tranché, n’est pas adaptable à tous les pays. Il faut, a-t-il suggéré une approche « individualisée » qui tienne compte des spécificités et des caractéristiques nationales. Aujourd’hui, a-t-il indiqué, le Bélarus est confronté à la « perte de population », ce qui a conduit le Gouvernement à mettre en place les programmes sur la consommation d’alcool et de tabac. D’autres mesures ont été prises contre le VIH/sida. La famille étant la base du développement, le Gouvernement ne cesse de promouvoir des programmes de soutien aux jeunes parents et au renforcement des relations intrafamiliales.
M. HASSAN ABBAS (Liban) a souligné que ces dernières années, le Moyen-Orient a été témoin d’une vague massive de déplacements forcés inédite depuis la fin de la Second Guerre mondiale. La crise en cours en Syrie a poussé des millions de personnes hors de chez elles vers d’autres endroits dans le pays et à travers les frontières, dont au Liban où ont atterri plus d’1,2 million de réfugiés, qui poursuivent l’objectif de traverser la Méditerranée vers l’Europe et au-delà. Cet afflux de réfugiés a exercé des pressions sociales, démographiques, environnementales et économiques immenses sur les pays hôtes, exacerbant les vulnérabilités, surexploitant les ressources limitées et les services sociaux de base, aggravant le chômage et affectant la stabilité et la sécurité. Le représentant a prévenu qu’échouer à résoudre cette situation grave compromettrait la poursuite du Programme d’action du Caire au Liban et pourrait même provoquer un recul dans certains domaines.
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et celui d’Addis-Abeba sur le financement du développement reconnaissent tous deux l’importance de relever les défis des crises humanitaires, y compris de renforcer la résilience des pays hôtes, a rappelé le représentant. Pour ce faire, a-t-il estimé, il faut améliorer la cohérence et la coordination entre les agences des Nations Unies aux niveaux national et régional et fournir une aide au développement suffisante et prévisible aux pays hôtes, en plus de l’aide humanitaire à court terme. Malgré les défis posés par la crise des réfugiés, le Liban croit toujours aux opportunités de la migration. Quand elle se fait sans danger et de manière ordonnée, la migration peut enrichir les économies et les sociétés des pays de destination par la productivité et la diversité des migrants. Elle peut aussi contribuer à la croissance économique des pays d’origine grâce aux milliards de dollars que les migrants envoient chaque année dans leur pays.
Mme G. WISEMAN, Directrice du bureau de santé de Canada, a déclaré que malgré les progrès réalisés à ce jour, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer les systèmes d’information de santé au niveau des pays. Des données détaillées sur les naissances et les décès, ventilées par âge et par sexe, s’avèrent nécessaires pour cerner les nouvelles tendances de santé. Afin d’améliorer l’accès aux données sur les événements démographiques et de renforcer la responsabilisation au niveau national, il est également essentiel d’accroître l’interopérabilité des données entre les systèmes de santé et les systèmes de registres et statistiques d’état civil (RSEC).
Nous devons, a poursuivi la représentante, investir dans les solutions novatrices qui mettent à contribution de nouveaux partenaires et qui, en même temps, soient axées sur les populations les plus vulnérables et mises en œuvres à l’initiative des pays. C’est pourquoi le Canada s’est engagé à consacrer 220 millions de dollars canadiens au Mécanisme mondial de financement « Toutes les femmes, tous les enfants ». Sur ce montant, 100 millions de dollars serviront à renforcer les systèmes RSEC, d’une importance cruciale pour améliorer les résultats et la responsabilisation au profit de groupes vulnérables.
Dans la poursuite de ces efforts pour améliorer les données démographiques, elle a souligné que la vision ambitieuse qui sous-tend les objectifs du développement durable ne saurait se réaliser sans accorder une attention soutenue aux droits de la femme, de l’enfant et de l’adolescent. Nous devons aider les femmes et les adolescentes à vivre dans la dignité, sans coercition, à l’abri de la discrimination et de la violence. Or, cela n’est possible que si elles ont accès à l’information, aux commodités et aux services nécessaires à leur santé sexuelle et reproductive ainsi qu’à l’exercice de leurs droits en ce domaine. Le mois dernier, le Canada avait annoncé une contribution de 76 millions de dollars canadiens au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour des initiatives en faveur de la santé sexuelle et reproductive et des droits qui s’y rattachent.
La représentante a poursuivi en estimant que lutter contre les mariages précoces et forcés exige la mobilisation de tous les secteurs de la société, de meilleures données pour guider nos actions, et l’inclusion des femmes et des filles aux discussions qui les concernent. Depuis octobre 2013, le Canada a investi dans la prévention de ces mariages. Cette contribution a aidé à mobiliser l’action en faveur de la création du Programme mondial UNICEF-FNUAP pour accélérer l’action contre le mariage d’enfants, lancé en mars dernier, a indiqué la représentante.
Les données socioéconomiques et démographiques doivent être au cœur de tout suivi et toute évaluation sérieux d’un agenda du développement, a déclaré M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka). La méthode la plus traditionnelle de collecte des données est le recensement et en la matière, le Sri Lanka dont le premier recensement remonte à la fin du IXe siècle est un pionnier. Le recensement de 2012, intervenu 31 ans après le précédent, a montré que d’ici à 2041, la population totale du pays sera de 21,7 millions de personnes et qu’aujourd’hui les femmes dépassent les hommes de 646 000. Mais surtout, s’est réjoui le représentant, les chiffres ont montré que le Sri Lanka est dans une période de dividende démographique qui devrait durer 25 ans. C’est une donnée importante de la feuille de route qui sera élaborée pour la réalisation du Programme 2030. Dans ce contexte, le représentant a tout de même voulu souligner que dans les efforts visant à renforcer la base des données démographiques par de nouvelles sources, l’on réfléchisse sérieusement aux aspects de la gouvernance, de la protection de la vie privée, de la transparence et des droits de l’homme.
M. JUAN MANUEL GOMEZ ROBLEDO (Colombie) a indiqué que la Cour constitutionnelle colombienne vient de consacrer la légalité des mariages de personnes de même sexe. La Colombie a aussi progressé dans la collecte des données démographiques, les statistiques étant un outil fondamental pour diagnostiquer les problèmes et définir les politiques publiques. Nous savons ainsi qu’il faut encore faire plus contre le taux de grossesses chez les adolescentes. Des enquêtes de population et de ménages ont été menées pour sonder la population rurale et urbaine, les autochtones, les Colombiens d’ascendance africaine et les Rom. Le prochain recensement est prévu pour cette année et viendra compléter le travail des deux systèmes d’informations sur les jeunes et les adolescents. Le représentant n’a pas oublié de mentionner l’enquête sur la démographie et la santé que le Ministère de la santé et une organisation privée mènent tous les cinq ans.
M. SIBONISO DOUGLAS MASILELA (Swaziland) a rappelé que son pays avait périodiquement entrepris des études et des recensements en vue d’améliorer les données démographiques et socioéconomiques au niveau national. Ainsi, a-t-il annoncé, le Gouvernement est en train de préparer le prochain recensement, qui aura lieu en 2017, pour lequel il s’appuiera sur des moyens modernes jamais employés auparavant. Le Swaziland a ainsi développé une base de données, « Swazi-Info », qui tire le meilleur parti des technologies de l’information et des communications pour compiler et disséminer les indicateurs de développement. Elle croise des données locales et globales rassemblées par de multiples sondages, recensements et autres sources d’information. Toutefois, confronté à des ressources insuffisantes, le pays s’est engagé à renforcer ses capacités institutionnelles et à mettre à jour sa législation pertinente, a précisé la délégation.
M. MAMY RATOLOJANAHARY (Madagascar) a indiqué avoir participé, à Addis-Abeba, il y a une semaine, à la neuvième réunion annuelle conjointe du Comité technique spécialisé de l’Union africaine sur les finances, les affaires monétaires, la planification économique et l’intégration ainsi qu’à la Conférence des ministres africains des finances, de la panification et du développement économique de la Commission économique pour l’Afrique. Les Comités ont formulé des recommandations allant de l’allocation d’au moins 0,015% des budgets nationaux à consacrer aux activités des structures de statistiques, en passant par l’opérationnalisation de l’institut des statistiques de l’Union africaine et du Centre de formation en statistique, jusqu’à la promotion de l’innovation et l’utilisation de la technologie pour améliorer la qualité des statistiques produites.
Pour le cas spécifique de Madagascar, la contextualisation des statistiques aux réalités du pays s’avère plus que nécessaire, d’autant plus que le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) remonte à 1993.
Le Plan national de développement, 2015-2019 a donc prévu que le RGPH3 se tiendra cette année 2016. Toutefois, la mobilisation des ressources n’est pas bouclée et la contribution des partenaires au développement de Madagascar est vivement sollicitée.
Par ailleurs, le pays s’est attelé à la réactualisation de sa Stratégie nationale de développement de la statistique, à la restructuration de l’Institut national de la statistique, à la constitution des nouveaux comptes de base du système de la comptabilité nationale, à la création d’un centre de formation d’agents et adjoints de statistique. Pour Madagascar, l’existence d’un organisme national de statistique financièrement viable, efficace et efficient est plus que primordiale.
En dépit des progrès accomplis par son pays, Mme HELEN KUYEMBEH (Sierra Leone) a déclaré qu’il faisait face à trois défis. Le premier, c’est la nécessité d’améliorer la santé maternelle et infantile, dont le Président sierra-léonais a fait une priorité de santé publique. Aussi la représentante a-t-elle plaidé pour que les partenaires au développement redirigent leur investissement dans le secteur de la santé dans le cadre du plan de relèvement post-Ebola. Le second défi de la Sierra Leone consiste à « percevoir le dividende démographique » alors que la population active est formée à 65% de personnes âgées de 15 à 35 ans, une majorité d’entre elles étant au chômage. C’est la raison pour laquelle les bailleurs de fonds devraient aussi investir dans l’éducation et la formation professionnelle, a dit Mme Kuyembeh. Enfin, la délégation a insisté sur le problème posé par le taux élevé de grossesses précoces, qui rend nécessaire la prise en charge des mères adolescentes et de leurs enfants. Elle avait précisé dans un premier temps que le cadre de développement national sierra-léonais, « L’Agenda pour la prospérité 2013-2018 », permettrait d’assurer le suivi des objectifs de développement durable.
M. AHMED SAREER (Maldives) a déclaré que 20 ans après le Programme d’action du Caire, l’espérance de vie aux Maldives est passée de 47 ans à 78 ans, la santé maternelle et infantile connaissent également des progrès. Les données démographiques sont au cœur même des mécanismes de suivi des objectifs de développement durable et les autorités entendent harmoniser les données nationales à travers une vaste enquête qui a débuté l’année dernière. Le représentant a néanmoins fait observer que le petit État insulaire en développement (PEID) que sont les Maldives rend difficile la collecte de données démographiques. Le pays est en effet formé de petites îles isolées les unes des autres et sujettes à d’énormes problèmes de communication. Le représentant a donc invité les partenaires au développement à soutenir les efforts nationaux de collecte de données.
Au nom du Groupe des Amis de la famille, M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a souligné que la famille est « un élément incontournable » du renforcement de la base des données démographiques pour la mise en œuvre du Programme 2030. Le succès de ce dernier et de celui du Programme d’action du Caire dépendent de politiques qui promeuvent le rôle de la famille dans toutes les sociétés, d’autant plus que personne ne doit être laissé de côté. Une institution familiale renforcée ne peut que contribuer à l’épanouissement de l’être humain et, par conséquent, au bien-être des sociétés.
La Déclaration universelle des droits de l’homme consacre la famille comme unité naturelle et fondamentale de la société ayant droit à la protection de ladite société et de l’État. Ce message est toujours « extrêmement pertinent » dans le contexte du développement durable et les accords que les États viennent de conclure à la Commission de la condition de la femme confirment ce rôle important. La famille a été en effet reconnue comme un contributeur du développement, y compris les objectifs du développement durable. La famille est toujours celle qui prend soin de chaque individu qu’il s’agisse du soutien physique, économique ou spirituel. Nous devons continuer, a conclu le représentant, de chérir la famille et de mettre l’accent sur l’appui et le confort qu’elle offre généreusement à chacun de nous.
En sa capacité nationale, le représentant a insisté sur le caractère essentiel de politiques de population « culturellement sensibles, pragmatiques et holistiques » doublées d’une approche orientée vers le développement pour faire avancer les objectifs de développement durable. Il a indiqué que plus de 31% des 80 millions d’Iraniens ont entre 15 et 29 ans, un profil démographique très jeune qui représente une chance de croissance économique rapide. Selon l’indice de développement humain, l’Iran, a affirmé le représentant, est le deuxième pays en développement qui a fait le plus de progrès entre 1990 et 2012. Le Gouvernement est déterminé à maintenir le droit au développement au centre de ses politiques, a conclu le représentant.
Mme JOYCE MASSIE (Botswana) a reconnu que le défi est de collecter des données et des statistiques sectorielles pour influer sur les processus nationaux de planification. Le pays a donc lancé un système national de suivi et d’évaluation et adopté une stratégie nationale pour le développement des statistiques. Les lacunes actuelles sont pour lui l’occasion d’améliorer la génération des données et d’adopter des approches novatrices comme les interviews de personnes par ordinateur qui réduisent le temps entre la collecte de données et leur analyse. Les partenariats avec les instituts de recherche, les universités et la société civile faciliteraient « cette révolution des données ». La génération de données à partir des enquêtes pour mieux tracer les indicateurs économiques et sociaux offrirait l’occasion de produire des données désagrégées au niveau national et au niveau des districts pour affiner les politiques et la fourniture des services, a reconnu la représentante.
M. DAVID ROET (Israël) a indiqué que le Bureau central des statistiques d’Israël élabore des plans spécifiques pour répondre aux besoins et aux valeurs de chaque communauté. Le Bureau est en contact étroit avec les dirigeants communautaires pour affiner les enquêtes afin qu’elles répondent mieux aux préoccupations des communautés et afin d’encourager la coopération. D’ailleurs, la coopération et la coordination entre les producteurs de données statistiques sont essentielles pour avoir des données complètes et fiables. Israël vient ainsi de créer l’unité de coordination du Système national des statistiques pour renforcer la qualité des données. L’unité apprend aux organes de production des données les méthodologies statistiques agréées au niveau international. Israël attache aussi une grande importance à la coopération entre les producteurs et les utilisateurs de données statistiques. Le Conseil national de statistiques offre ainsi un forum où producteurs et utilisateurs échangent régulièrement leurs points de vues. Cette coopération étroite crée un processus continu d’adaptation des statistiques nationales aux besoins des utilisateurs, promouvant le recours aux données pour la prise de décisions. Israël, a assuré le représentant, est prêt à partager son expérience et à travailler avec d’autres pour identifier les pratiques exemplaires de la prise en compte des données dans les processus de prise de décisions.
Mme BADOHOUN-WOMITSO E. VICTORINE, Directrice des études de population au Ministère de la planification du développement du Togo, a déclaré que la consolidation des données démographiques par leur enrichissement afin d’appuyer les programmes de développement post 2015 doit passer par la prise en compte de la dynamique démographique comme vecteur endogène influençant le développement et l’investissement dans le capital humain afin de réaliser le dividende démographique. Pour ce faire, la collecte et la disponibilité de données fiables deviennent des préalables et le Togo dispose, entre autres, des données du quatrième recensement général de la population et de l’habitat (RGPH4) 2010 qu’il compte actualiser d’ici à 2020.
Cependant, des défis multiples et multiformes en termes de données détaillées, régulières et standardisées au-delà de 2015 demeurent. En plus, les indicateurs retenus dans le suivi des objectifs de la CIPD doivent bénéficier d’une attention particulière. C’est pourquoi, le Togo souhaite voir ces questions de données de population occuper une place prioritaire dans la mise en œuvre du Programme 2030. Le Togo, a conclu le représentant, compte sur le renforcement du partenariat Nord-Sud et Sud-Sud dans la production de données démographiques et le transfert de compétences et de technologies en matière de population.
M. IB PETERSEN (Danemark) a réitéré le rôle clef des données démographiques dans le suivi de la réalisation des objectifs de développement durable. « Les données sont déterminantes dans l’élaboration de stratégies durables et opportunes, fondées sur des informations pertinentes et vérifiées », a-t-il expliqué. Les sources traditionnelles et nouvelles de données devraient être simultanément explorées, afin de veiller à une couverture maximale, a préconisé la délégation, pour qui les capacités en la matière devraient être renforcées au besoin, notamment dans l’exploitation des registres d’état civil. Pour le Danemark, toutefois, il est nécessaire de respecter les droits de l’homme dans la collecte de données relatives au suivi du Programme 2030. Le représentant a tenu à souligner l’importance du Programme d’action du Caire pour le Forum politique de haut niveau pour le développement durable. Ce document demeure pertinent pour continuer de veiller au respect de la santé reproductive et sexuelle des femmes et des filles, a dit M. Petersen.
Mme ÖZNUR ÇALIK (Turquie) a déclaré que pour une mise en œuvre efficace du Programme 2030, il faut à tout prix combler le fossé scientifique dans la collecte de données. La Turquie a donné la priorité à l’amélioration de son système de registres d’état civil dans son dixième Plan national de développement, pour suivre les naissances, les décès, l’immigration et l’émigration. Dans ce contexte, le pays a établi une coopération avec EUROSTAT laquelle permet d’harmoniser les méthodologies de collecte de données et de comparer les questions de population d’un pays à l’autre. La Turquie participe aussi plus fréquemment aux enquêtes internationales sur la structure familiale, le vieillissement, la violence domestique et la consommation de drogues.
Aujourd’hui, a souligné la représentante, la Turquie abrite le plus grand nombre d’immigrés en situation irrégulière au monde. Le pays a lancé une base de données qui intègre tous les réfugiés et demandeurs d’asile dans un même système national. L’enregistrement des étrangers à la recherche d’une protection est un processus et, à cet égard, la représentante a dit attendre beaucoup du tout premier Sommet humanitaire qui aura lieu les 23 et 24 mai à Istanbul. Le Programme 2030, a-t-elle conclu, exige une meilleure coopération aux niveaux international et national ainsi que des mécanismes de suivi fondés sur des objectifs et des indicateurs réalistes. « C’est un must. »
M. FERNANDO WAHNON FERREIRA (Cabo Verde) a déclaré que son pays a lancé de multiples réformes dans le domaine des statistiques et sur la « e-gouvernance » pour améliorer les systèmes intégrés et surmonter les défis liés à la redevabilité et au renforcement des capacités dans la prise de décisions, la formulation des politiques et la planification. Si des efforts et des progrès ont été faits, il faut encore, a avoué le représentant, combler les fossés en matière de données et renforcer les capacités des instituts de statistiques. À cette fin, il a souligné l’importance des moyens de mise en œuvre et des partenariats pour la mise en œuvre du Programme 2030. Le pays apprécierait, a-t-il souligné, l’aide du système des Nations Unies, en particulier le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour améliorer la qualité de données démographiques désagrégées, fiables et actualisées.
Mme WASMÁLIA BIVAR, Présidente de la Commission de statistique, a rappelé que sa Commission s’est mise d’accord, comme point de départ, sur le cadre global comprenant 230 indicateurs pour les objectifs et les cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Mais la Commission a aussi reconnu que le développement d’un cadre d’indicateurs solide et de haute qualité est un processus technique qui prendra du temps.
La Commission a souligné que les 230 indicateurs sont destinés au suivi international du Programme 2030 et ne sont pas nécessairement applicables à tous les contextes nationaux. L’appropriation nationale demeure essentielle pour réaliser le développement durable et la Commission a répété que les évaluations nationales doivent être volontaires et menées par les pays eux-mêmes. Ces évaluations prendront en compte les différentes réalités, capacités et niveau de développement nationaux et respecteront la marge de manœuvre politique et les priorités du pays.
La Commission a mis l’accent sur le fait que la mise en œuvre du cadre d’indicateurs représentera un défi dans presque tous les pays et que des efforts pour renforcer les capacités statistiques nationales seront nécessaires. Il est important, a dit la Présidente, de souligner que la population est « le dénominateur commun » de beaucoup d’indicateurs. La Commission a aussi reconnu que l’amélioration de la désagrégation des données est fondamentale pour la pleine mise en œuvre du cadre d’indicateurs et pour « ne laisser personne sur le côté ». À cet égard, l’importance des données démographiques pour le cadre d’indicateurs ne saurait être surestimée. La Présidente a prévenu que les pays devront renforcer leurs capacités.
Mis à part le cadre d’indicateurs, le cycle 2020 du recensement de la population et des ménages qui s’étalera entre 2015-2024 est une des composantes essentielles du processus de renforcement des capacités nationales de statistiques et donneront des statistiques fiables, justes et régulières sur la population. Le Conseil économique et social (ECOSOC) a d’ailleurs lancé, en juin 2015, le Programme mondial de recensement de la population et des ménages 2020.
Ce Programme exhorte chaque pays à effectuer au moins un recensement de la population et des ménages dans la décennie 2020. Il souligne l’importance qu’il y a à respecter les normes de qualité internationalement recommandées et les principes fondamentaux des statistiques officielles. Le Programme met également l’accent sur la place centrale des recensements de la population et des ménages dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable et demande aux Nations Unies d’élaborer des normes, des méthodes et des lignes directrices et de surveiller la mise en œuvre du Programme mondial de recensement 2020. La Commission des statistiques a déjà lancé et adopté une série de principes et de recommandations révisés pour le recensement de 2020 et demandé l’élaboration de manuels et de guides.
La Présidente a appelé la Commission de la population et du développement à aider la communauté internationale à comprendre la nécessité des données et le travail que les statisticiens et les spécialistes de la population doivent faire pour contribuer à la pleine mise en œuvre du Programme 2030.
Le représentant de Cuba a voulu savoir pourquoi le nombre des indicateurs a changé et ce qu’il va advenir du « Groupe d’experts des Nations Unies et de l’extérieur chargé des indicateurs relatifs aux objectifs de développement durable ». Au début, a répondu la Présidente de la Commission des statistiques, on avait retenu 2 300 indicateurs mais au final, ce dont on avait besoin, c’étaient des indicateurs exclusivement liés au Programme 2030. Elle a aussi précisé que le Groupe d’experts s’attaquera désormais aux questions de méthodologies et à l’évaluation des capacités nationales dans la collecte des données.
Le Professeur ANDREW TATEM, de l’Université de Southampton au Royaume-Uni, a ensuite fait un exposé sur le thème « intégration des sources de données et des technologies traditionnelles et nouvelles: des recensements aux méga données ». Il a expliqué qu’il travaille sur un projet impliquant le milieu universitaire, les fondations et autres organisations philanthropiques et les Nations Unies, et qui vise à fournir des données démographiques fiables et actualisées sur les pays à revenu intermédiaire et les pays les moins avancés (PMA). Il a d’emblée affirmé que les recensements de populations demeurent encore aujourd’hui la source la plus importante de collecte de données démographiques. Mais, vu que certains pays, faute de moyens, n’ont pas procédé à des recensements depuis des années, il faut bien trouver d’autres moyens de fournir des données utiles pour la formulation des politiques, et c’est là que les méga données entrent en jeu.
M. Tatem a relevé que les méga données sont de trois ordres, les fichiers géocodés, les données satellites et les données collectées à partir des téléphones portables. Les fichiers géocodés permettent de produire des données en accès libre sur la répartition spatiale des populations, en faisant par exemple ressortir des informations telles que la densité, la proximité aux centres de santé ou aux écoles, toutes choses de première importance en matière de planification du développement, a-t-il expliqué. Des études géocodées menées au Nigéria ont par exemple permis d’identifier sur des cartes les zones du pays où les femmes analphabètes sont davantage localisées, notamment dans le nord du pays et dans des zones rurales. De telles données peuvent permettre des mesures gouvernementales plus ciblées.
Le Professeur a ensuite parlé des données collectées à partir des images satellites. Les observations menées en zones rurales au Kenya ont permis de voir que les établissements humains sont concentrés autour des grandes routes. Des données satellites ont permis de comprendre la répartition des infrastructures de santé en fonction de la densité de la population, ce qui peut permettre aux décideurs de tabler sur les besoins réels.
La troisième voie est l’exploitation des données collectées par les opérateurs de téléphonie mobile avec qui des accords sont signés. Dans les pays en développement, la proportion des utilisateurs de téléphone portable est passée de 10% il y a quelques temps à presque 90% aujourd’hui. Il est ainsi facile de déterminer la densité de la population sur une zone précise en examinant le nombre de téléphones utilisés. Les informations ainsi collectées sont sujettes à des autorisations administratives dans les pays où les recherches sont en cours, a-t-il précisé. Le Professeur s’est félicité de ces nouvelles possibilités qu’offrent les technologies modernes pour collecter des données démographiques, lesquelles serviront à planifier la politique de mise en œuvre des objectifs de développement durable.
Avec les téléphones portables, l’une des grandes innovations est que la mobilité des utilisateurs est une mine d’or pour les décideurs qui peuvent ainsi en savoir plus sur les habitudes des populations. Cela a permis aux agences humanitaires de se rapprocher des zones où s’étaient réfugiés les sinistrés après le tremblement de terre qui a frappé le Népal il y a un an. Le suivi des données sur les déplacements des populations dans les pays touchés par l’épidémie à virus Ebola avait permis de prévoir et anticiper la propagation de la maladie.
M. Tatem a insisté sur le fait que les nouvelles possibilités offertes par les technologies modernes permettent de localiser les populations qui ont des besoins spécifiques, et d’y répondre. Il a tout de même tempéré en disant que ces méthodes modernes ont besoin des technologies traditionnelles pour être vérifiées et complétées.
Le représentant de Cuba a justement demandé comment combiner les systèmes traditionnels et les technologies modernes. Les méthodes traditionnelles peuvent toujours servir de base pour la collecte d’informations, en ce qu’elles permettent de mieux comprendre et de mieux interpréter les données collectées à partir des nouvelles sources, a répondu le Professeur qui a tout de même insisté sur le fait que les technologies modernes permettent de collecter des données à moindre coût.
Si elles sont si fiables, pourquoi ces technologies modernes comme le satellite n’ont-elles pas permis de géolocaliser les filles enlevées par Boko Haram à Chibok, il y a bientôt deux ans, a demandé, dubatif, le représentant de la Guinée. Pourquoi ne permettent-elles pas de localiser et de sauver les migrants qui se noient dans la Méditerranée?
Comme les filles de Chibok ne peuvent probablement pas utiliser leur téléphone portable, il est difficile de les localiser, a répondu le Professeur. Pour le cas des migrants qui meurent en tentant de joindre l’Europe, il a expliqué que comme ces migrants changent de pays en même temps que de puces téléphoniques, il est donc, ici aussi, difficile de les suivre.
Le Professeur a aussi réagi à la question des États-Unis sur la possibilité de collecter également les messages envoyés par texte via des téléphones portables. C’est possible, a-t-il affirmé, puisque les serveurs des opérateurs téléphoniques enregistrent également ce type de données. Il a tout de même précisé que la recherche à laquelle il prend part respecte les législations nationales des pays concernés, y compris le droit à la vie privée.