Les nouveaux moyens de raconter le conflit israélo-palestinien lors du Séminaire international des médias sur la paix au Moyen-Orient à Prétoria
Le Séminaire international des médias 2016 sur la paix au Moyen-Orient s’est tenu du 31 août au 2 septembre à Pretoria, en Afrique du Sud, et a réuni cinéastes, journalistes, responsables politiques, universitaires et autres experts, qui ont discuté lors de plusieurs tables rondes des nouveaux moyens, notamment visuels, qui permettraient de raconter l’histoire complexe et en constante évolution du conflit israélo-palestinien.
Organisé par le Département de l’information des Nations Unies (DPI), en coopération avec le Département des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud et l’ambassade de Suède, le séminaire s’est ouvert sur un message vidéo du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon.
Celui-ci a expliqué que l’ONU comptait sur les médias pour expliquer au monde qu’une paix durable au Moyen-Orient ne pourra être obtenue que par une solution négociée, juste et complète de deux États, grâce à laquelle Israéliens et Palestiniens pourront vivre côte à côte dans la paix et la sécurité.
Depuis un quart de siècle, les séminaires annuels ont favorisé le dialogue entre Israéliens et Palestiniens, en permettant de discuter de la façon dont les médias locaux et internationaux pourraient traiter du Moyen-Orient.
Ils ont toujours mis l’accent sur la nécessité d’éviter d’attiser les flammes de la haine et de la violence et de construire, au contraire, des ponts de compréhension et de respect. « La vie et les aspirations de millions de personnes sont en jeu », a fait observer le Secrétaire général.
Pour sa part, la Directrice par intérim de la Division de la communication stratégique du DPI, Mme Margaret Novicki, a rappelé que ces séminaires annuels visaient deux objectifs: débattre de la manière dont les médias racontent l’histoire d’Israël-Palestine et sensibiliser à la question de Palestine.
« Si vous voulez faire la paix avec votre ennemi, vous devez travailler avec votre ennemi, puis cet ennemi devient votre partenaire », a-t-elle rappelé, citant l’ancien Président sud-africain Nelson Mandela. C’est dans cet esprit qu’elle a invité les participants au séminaire à discuter des tendances médiatiques liées à la situation et de la région.
Plus politique, la première table ronde a porté sur « les perspectives d’une solution politique du conflit israélo-palestinien et la détérioration de la situation humanitaire dans le Territoire palestinien occupé ».
La manière dont l’Afrique du Sud a travaillé pour mettre fin à l’apartheid par le dialogue, la négociation et la réconciliation a été citée comme un exemple qui pourrait être mieux partagé au profit d’autres pays qui connaissent un conflit racial ou ethnique.
Toutefois, l’ancienne représentante de la Palestine auprès de l’Union européenne Leïla Shahid a insisté sur le fait que la Palestine « n’est pas une situation de conflit mais d’occupation ».
Elle a reproché aux Nations Unies de parler de manière trop diplomatique et jugé qu’un nouveau vocabulaire et un nouveau récit étaient nécessaires, pour montrer que, dans la lutte contre le terrorisme, Israël n’est pas le « gentil » et que, si le processus d’Oslo a échoué c’est parce que les cinq gouvernements israéliens qui se sont succédés depuis l’assassinat du Premier Ministre Yitzhak Rabin avaient mené une « politique de l’autruche ».
D’autres intervenants ont dénoncé une « ritualisation » des discussions sur le sujet aux Nations Unies, marquée par la persistance d’un discours sur la paix et le compromis alors qu’aucune des conditions nécessaires à cette fin n’est en vue et que les relations israélo-palestiniennes sont plus éloignées que jamais de celles nécessaires à des négociations de bonne foi.
Consacrée au thème de « l’histoire israélo-palestinienne dans les documentaires et les films », une deuxième table ronde a permis de critiquer l’approche jugée simpliste des grands médias qui se concentrent sur la question de la stagnation politique, de la violence ou de l’extrémisme.
Or, la vie sous l’occupation ne se limite pas à deux parties qui se combattent. C’est une expérience beaucoup plus complexe dans laquelle apparaissent de multiples problèmes – liés par exemple au couvre-feu ou aux restrictions de déplacement, dont le public occidental n’a même pas idée.
Un exemple en a été donné par le documentaire « The Wanted 18 », sur les habitants de Beit Sahour, ville palestinienne proche de Bethléem, dont les habitants décidèrent de boycotter pacifiquement les produits israéliens pendant la première Intifada en 1987.
Plutôt que d’acheter du lait de sociétés israéliennes, les habitants avaient décidé d’acheter 18 vaches à agriculteur israélien et appris à faire leur propre lait. Projeté le deuxième jour du séminaire, le documentaire a ensuite fait l’objet d’un dialogue interactif spécifique.
Considérée traditionnellement comme une « arme des faibles contre les puissants », l’approche satirique de l’information a été abordée lors d’une autre table ronde, sous le thème « lorsque la satire politique devient un artisan de paix S».
Si un des intervenants a estimé que l’on vivait actuellement un « âge d’or de la satire », d’autres ont remarqué que la satire perdait de son efficacité si elle en arrivait à se substituer à des actions politiques plus efficaces comme des manifestations pacifiques ou les élections. Il a aussi été fait observer qu’il était difficile à la satire de fonctionner au plan mondial, du fait des différences culturelles. Elle doit plutôt s’adresser à une audience spécifique.
Une dernière table ronde a porté sur la manière dont les technologies virtuelles de « réalité augmentée » pourraient être utilisées par les journalistes pour aider les gens à travers le monde à comprendre l’histoire israélo-palestinienne et, au-delà, à agir pour changer les choses.
On y a notamment présenté le projet « The Enemy », créé en 2014 par un photojournaliste de guerre et mis en œuvre aussi en Salvador et en République démocratique du Congo.
Il s’agit, en utilisant des avatars combattants créés sur la base des récits de combattants palestiniens et israéliens interviewés par le responsable du projet, de provoquer un débat autour de la question: « Pourrais-je être vous si j’étais de l’autre côté? » « Votre ennemi est toujours invisible. Quand il devient visible, il cesse d’être votre ennemi », a déclaré une responsable du projet.
Si le travail du journaliste est d’informer les gens et de les amener à s’interroger et à agir, la technologie virtuelle est le meilleur moyen de plonger les gens dans une histoire.
Toutefois, comme l’a rappelé un participant à propos d’un autre projet intitulé « Al Aqsa 360 » -qui vise à plonger le participant dans un lieu où il n’est jamais allé, à savoir Jérusalem– si la « réalité virtuelle » est capable de toucher les gens au plan émotionnel, intellectuel ou esthétique, elle ne remplace pas la réalité.