Le Forum pour la coopération au développement cherche à faire de celle-ci un « formidable levier » des objectifs de développement durable
Comment faire de la coopération le « formidable levier » du Programme de développement durable à l’horizon 2030? C’est la question à laquelle vont tenter de répondre pendant deux jours les participants au cinquième Forum biennal pour la coopération en matière de développement du Conseil économique et social (ECOSOC).
Les enjeux sont de taille comme l’a montré le débat sur les infrastructures au service du développement durable. Le financement de ces infrastructures coûte cher, le déficit de financement étant dans les pays en développement de 1 000 à 1 500 milliards de dollars. Pour le combler, il existe trois grandes sources: les fonds publics, l’investissement privé et les partenariats entre secteur public et secteur privé, qui regroupent les ressources des deux parties.
C’est là qu’intervient la coopération au développement, symbole de la solidarité qui, « en ces temps de crise, est plus que jamais nécessaire », selon les mots du Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson. Cette coopération concerne toutes les activités visant explicitement à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales. Elle n’est pas axée sur le profit et prend des formes diverses: ressources financières, renforcement des capacités, mise au point et transfert de technologies, appui au changement de politiques nationales pour les rendre plus cohérentes, aider au traitement des problèmes systémiques mondiaux, ou encore multipartenariats.
Dans ce contexte, le rôle de l’aide publique au développement (APD) a été beaucoup discuté, y compris au sein des trois tables rondes organisées dans l’après-midi. L’APD a été présentée comme la seule forme de financement public international visant explicitement à promouvoir le développement et les intérêts des pays en développement, ce qui la distingue des autres financements qui peuvent être tributaires de facteurs comme les résultats obtenus à l’exportation par le pays donateur.
Bien que faible par rapport aux ressources publiques nationales –respectivement de 160 milliards de dollars et de 5 300 milliards de dollars en 2014- l’APD peut aussi apporter un effet de levier dans divers domaines, y compris pour mobiliser lesdites ressources nationales ou encore pour aider à la conclusion de partenariats public-privé. Or seul 0,1% de l’APD est utilisée à cette fin, a déploré le représentant de la Belgique.
Cette aide, a dénoncé la Directrice à la Fondation Dag Hammarskjöld, est devenu au fil du temps un levier de la politique néolibérale des marchés. Elle doit être mieux ciblée, a reconnu le Vice-Secrétaire général de l’ONU. Mais, comme l’a rappelé le représentant du Brésil, la coopération internationale ne se pas résume à l’APD. Il y a aussi le secteur privé et les partenariats mixtes. Le problème est que les informations officielles sur les 45 milliards qu’auraient déboursé, dans un but non lucratif, les entités privées -fondations philanthropiques, mécénat d’entreprise- en faveur du développement manquent.
De nombreuses délégations ont vanté les mérites de la coopération Sud-Sud qui, selon le représentant de l’Inde, permet de « contourner » les insuffisances de l’APD. Il s’agit, s’est dit convaincu son homologue du Venezuela, d’« un outil d’intégration et de stratégie qui tient compte de l’indépendance de chacun ». Cette assertion est conforme à une coopération au développement efficace qui doit reposer sur l’appropriation par les pays bénéficiaires des programmes d’aide et leur alignement avec les priorités nationales.
Demain, vendredi 22 juillet, le Forum tiendra trois autres tables rondes à partir de 9 heures avant de clôturer sa session avec l’adoption d’une déclaration ministérielle.
DÉBAT DE HAUT NIVEAU DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (ECOSOC) SUR LE THÈME « METTRE EN ŒUVRE LES ENGAGEMENTS DU PROGRAMME SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030: CONCRÉTISER LES ENGAGEMENTS »
Table ronde 1: « Mettre en œuvre le programme de développement pour l’après-2015: concrétiser les engagements »
Dans la note du Secrétaire général (E/2016/70), qui parle essentiellement des infrastructures économiques, sociales et environnementales, il est expliqué que le terme « infrastructure » désigne aussi bien les structures physiques que les institutions et les capacités humaines. Les infrastructures économiques englobent les réseaux de transport, de production d’énergie et de communication ainsi que les services financiers. Les infrastructures sociales et environnementales se rapportent à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement, aux établissements scolaires et hospitaliers et aux systèmes de santé, tandis que les infrastructures institutionnelles comprennent les installations, le matériel et le personnel nécessaires pour assurer la prestation de services et la bonne gouvernance.
Le terme « résilient », qui a pris une grande importance dans le contexte des changements climatiques et de la vulnérabilité, est lié à des notions de durabilité et d’efficacité sur le long terme au regard de certaines normes. Il désigne la capacité des infrastructures, mais aussi des écosystèmes et des systèmes sociaux auxquels elles sont étroitement liées, de faire face à des bouleversements, de continuer à fonctionner et de maintenir leur capacité structurelle. La résilience se mesure à la fois par rapport aux risques naturels (séismes, ouragans, inondations, sécheresse, etc.) et aux risques anthropiques (erreurs humaines ou encore attaques malveillantes).
Selon le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, le déficit de financement des infrastructures qu’enregistrent annuellement les pays en développement serait de 1 000 à 1 500 milliards de dollars. Pourtant, des infrastructures de qualité offrent des avantages sur plusieurs plans. Elles contribuent de façon cruciale au développement économique et industriel, jouent un rôle moteur dans l’amélioration du bien-être individuel et social et de l’accès aux ressources, et ont d’importants effets sur l’environnement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les infrastructures sont visées dans l’ensemble du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et plus particulièrement l’objectif 9. Ces dernières années, bon nombre d’initiatives ont été lancées aux niveaux mondial, régional et national, notamment par le G20, le Forum économique mondial et plusieurs banques multilatérales de développement. Conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba, une Instance mondiale dédiée aux infrastructures a été créée et pilotée par des banques multilatérales de développement. Sa réunion inaugurale s’est tenue en avril 2016 au siège de la Banque mondiale, à Washington, avec la participation des autres banques multilatérales de développement, des agences de l’ONU et des nouvelles banques de développement. L’Instance pourra s’imposer comme une plateforme de coordination des initiatives relatives à l’infrastructure et constituera un espace de dialogue ouvert à tous.
Il existe en effet trois grandes sources de financement pour les infrastructures: les fonds publics, les partenariats entre secteur public et secteur privé, qui regroupent les ressources des deux parties, et l’investissement privé. Le Programme d’action d’Addis-Abeba souligne l’énorme potentiel que représentent le financement mixte et les partenariats public-privé.
Au cours de la table ronde, Mme LAURA CHINCHILLA MIRANDA, ancienne Présidente du Costa Rica et Membre du Club de Madrid, est revenue sur la progression des infrastructures tout au long de l’histoire et leur changement en fonction de la demande de biens et services, influencée par les conditions de vie. Dans un monde où l’homme a dominé la planète et ses ressources et où des pays font usage du droit de préemption sur les toutes les ressources naturelles du monde, la science et la technologie sont venues prolonger l’espérance de vie. La question qui se pose aujourd’hui est: quelles sont infrastructures qui répondent à cette nouvelle donne?
Les infrastructures ne sont pas une fin en soi, elles répondent en effet aux besoins de l’homme, avec un nouveau paradigme: la nécessité de protéger l’environnement. Comment relever ces nouveaux défis? L’objectif 9 de développement durable sur « l’industrie, l’innovation et l’infrastructure » est une réponse possible, a dit l’ancienne Présidente avant de citer trois domaines d’action: la participation plus poussée des citoyens, des scientifiques, de la société civile à la conception des infrastructures; la viabilité et la résilience de ces dernières; et le renforcement du « rôle d’arbitre » de l’État face à l’amenuisement des ressources. Le financement est le nerf de la guerre, a souligné le Sous-Secrétaire général aux affaires économiques, M. THOMAS GASS, modérateur.
Un appui financier a été demandé par le Ministre de l’environnement des Maldives, M. THORIQ IBRAHIM, au nom des petits États insulaires en développement (PEID). Il a insisté sur la nécessité pour ces pays de développer leurs infrastructures liées à l’eau, à l’énergie et aux technologies de l’information et des communications, en assurant leur résilience, compte tenu de leur vulnérabilité aux phénomènes climatiques. Sans partenariat, les PEID ne peuvent en aucun cas assumer le coût des infrastructures.
L’Ouganda, qui mise sur le développement agricole, le tourisme et l’exploitation des ressources pétrolière et gazière, ne réalise que trop bien le problème épineux des infrastructures, a avoué le Directeur de l’Autorité ougandaise du plan, M. JOHN B. SSEKAMATTE-SSEBULIBA. Le pays privilégie les partenariats public-privé. Devant l’urgence de la situation, le Gouvernement a opté pour une politique d’expansion budgétaire, en changeant les niveaux de dépense et de fiscalité, dont les effets pourraient être difficiles à court terme. Mais sur le moyen et long termes, l’équilibre sera vite trouvé parce que la politique tient compte de l’équilibre entre développement, environnement et social.
Dans son appui aux pays, la Banque africaine de développement (BAD) concentre son action en faveur des infrastructures dans cinq domaines: l’électricité et l’énergie, l’alimentation, l’amélioration du niveau de vie, l’intégration africaine, et l’industrialisation, a expliqué son Envoyée spéciale sur les questions de genre, Mme GERALDINE FRASER-MOLEKETI. Sur les cinq prochaines, la Banque compte investir entre 60 et 75 milliards de dollars. En Afrique, les problèmes sont le fossé énorme entre les besoins en infrastructures et les investissements et l’absence de projets structurés, faute de capital humain, et de ressources publiques. Or, il se trouve que les investisseurs étrangers jugent que l’Afrique est un continent à haut risque.
L’absence de projets structurés est un vrai problème, a reconnu le Directeur principal du Partenariat public-privé de la Banque mondiale, M. LAURENCE CARTER. L’Instance mondiale dédiée aux infrastructures a produit une étude qui montre que sur 58 pays en développement, 7 seuls ont des projets d’infrastructures. Pourtant, le temps presse car le développement de projets viables et durables est un long processus qui doit s’appuyer sur de bonnes données, un capital humain compétent, des normes certifiées, un climat d’affaire attractif pour les investisseurs et une bonne capacité d’entretien des infrastructures.
Les 20 prochaines années seront déterminantes parce que si les pays en développement ont un besoin d’infrastructures, celles des pays développés vieillissent, a souligné M. AMAR BHATTACHARYA, Brookings Institution. Des opportunités sont à saisir comme le faible taux d’intérêt actuel sur les marchés mondiaux. Les technologies sont là et peuvent apporter des avancées extraordinaires, notamment dans le domaine de l’énergie solaire. Pour M. Bhattacharya, il faut améliorer le rapport qualité/quantité des infrastructures et éliminer les subventions à l’énergie fossile pour libérer des fonds. Il a encouragé le secteur privé à se montrer plus audacieux et les États à prendre des mesures pour atténuer les risques. Quant aux banques de développement et banques régionales, « elles ont besoin de stéroïdes pour assumer leur rôle ».
Quels sont les critères d’un bon partenariat public-privé? s’est demandé le Sous-Secrétaire général aux affaires économiques et sociales. Le Directeur chargé de ces partenariats à la Banque mondiale a répondu sur les critères de la résilience, lesquels, a-t-il avoué, n’ont pas été bien intégrés dans le Programme 2030. Il faut donc les améliorer, les vulgariser et travailler à leur acceptation. Ce qui est important, c’est obtenir un retour d’informations et faire participer les parties prenantes dès la conception des projets. En définitive, le partenariat n’est qu’un outil parmi d’autres.
L’Ouganda planifie-t-il sa politique d’infrastructures avec le secteur privé? a demandé le Directeur adjoint du Programme « économie mondiale et développement » de la Brookings Institution. Le Directeur de l’Autorité ougandaise du plan a révélé que c’est surtout le secteur agricole qui intéresse les investisseurs privés. Le partenariat public-privé ne peut être considéré comme une panacée car il est difficile d’attirer un secteur privé craintif des risques. Tout repose donc, a estimé la Brookings Institution, sur capacité des États à gérer et à atténuer les risques. Ce ne sont pas les risques que le secteur privé craint dans les petits États insulaires en développement. D’après le Ministre de l’environnement des Maldives, c’est surtout la petite taille des projets considérés comme non rentables et cela se fait dans un contexte où les pays à revenu intermédiaire n’ont pas accès aux prêts concessionnels.
FORUM POUR LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT
Ouverture du cinquième Forum biennal
Le rapport du Secrétaire général sur les tendances et les progrès en matière de coopération internationale au développement (E/2016/65*) souligne que cette forme de coopération s’entend dans la pratique de toute activité qui vise explicitement à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales, n’est pas axée sur le profit, favorise les intérêts des pays en développement et est basée sur des relations de coopération tendant à renforcer l’appropriation par les pays en développement. Cette définition n’est pas un outil de mesure; elle pose simplement les principes permettant d’établir les paramètres nécessaires pour l’examen des objectifs, des caractéristiques et des types de coopération pour le développement dans l’optique des objectifs de développement durable.
Vue sous cet angle, la coopération pour le développement couvre un large pan de l’action internationale et prend plusieurs formes: ressources financières, renforcement des capacités, mise au point et transfert de technologies, changement de politiques (c’est-à-dire veiller à la cohérence des politiques nationales et aider au traitement des problèmes systémiques mondiaux) et multipartenariats. Toutes ces modalités de coopération auront une importance essentielle, compte tenu de l’ampleur et de l’étendue de l’appui qui devra être fourni pour la mise en œuvre du Programme 2030. L’accent est mis fortement, et à juste titre, sur le montant extraordinaire des ressources financières requises, mais les objectifs de développement durable mettent aussi en avant l’importance des formes non financières de coopération pour le développement.
L’aide publique au développement (APD) reste un outil unique et important de coopération pour le développement. Accordée aux pays qui ont un accès limité aux marchés financiers internationaux, elle est la seule forme de financement public international qui vise explicitement à promouvoir le développement et les intérêts des pays en développement, ce qui la distingue des autres formes de financement public international qui peuvent être tributaires d’autres facteurs, comme les résultats obtenus à l’exportation par le pays donateur. Les données partielles de 2015 montrent que l’APD demeure stable mais qu’il faudra néanmoins surveiller de près les effets que l’augmentation des dépenses dans les pays donateurs pourrait avoir sur elle.
Mais l’APD ne représente qu’une très faible proportion de la totalité des ressources combinées dont disposent les pays en développement pour investir dans le développement durable. En 2014, l’APD fournie aux pays en développement (160 milliards de dollars) a été très largement dépassée par les ressources publiques nationales (5 300 milliards de dollars), qui, globalement, représentent de loin le plus gros volume de ressources disponibles. Or, d’après des travaux de recherche récents, ce sont les pays enregistrant les plus forts taux de pauvreté qui reçoivent les montants d’aide les plus faibles.
Selon des estimations prudentes, les flux financiers privés au titre de la coopération pour le développement atteindraient en 2011 un montant de 45 milliards de dollars, soit l’équivalent d’un tiers de la totalité de l’APD fournie par les membres du Comité d’aide au développement la même année. La coopération Sud-Sud a de son côté continué de croître malgré le ralentissement des économies émergentes et la chute des prix des produits de base. On estime qu’elle a dépassé les 20 milliards de dollars en 2013. D’après les données partielles de 2014, elle pourrait avoir largement dépassé ce montant, en raison principalement de l’accroissement considérable de l’aide fournie par l’Arabie saoudite, qui a plus que doublé en 2014.
Les données existantes témoignent également d’une croissance régulière de la coopération au service du développement fournie par la Chine et l’Inde qui a annoncé une enveloppe de 10 milliards de dollars de crédits à des conditions avantageuses à l’Afrique dans les cinq années à venir, ainsi qu’une subvention de 600 millions de dollars en plus des lignes de crédit actuellement ouvertes. La Chine a annoncé la création d’un fonds de 2 milliards de dollars visant à aider les pays en développement à appliquer le Programme 2030 et a lancé son Fonds chinois de coopération Sud-Sud pour le climat. Les sources de financement de la coopération Sud-Sud se sont diversifiées et ne se cantonnent plus aux recettes publiques. Les banques nationales de développement, y compris en Afrique, occupent aussi une place plus importante dans le financement des infrastructures régionales et sous-régionales.
Cela dit, les principes d’une coopération efficace sont de plus en plus souvent invoqués, mais leur application n’a pas fait les progrès correspondants. Parmi ces principes, on cite de la prise en main des programmes par les pays et l’alignement des activités de coopération au service du développement menées par les partenaires extérieurs.
M. OH JOON, Président de l’ECOSOC, a espéré que cette réunion du Forum biennal sera l’occasion d’aller plus loin dans le partage des bonnes pratiques et de tirer les leçons des échecs dans un domaine crucial, la coopération internationale en matière de développement, pour la mise en œuvre du Programme 2030.
« En ces temps de crise, la solidarité est plus que jamais nécessaire », a affirmé le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan ELIASSON, ajoutant que cette solidarité s’était traduite par les grands accords qui ont jalonné l’année écoulée, tels que le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, le Programme 2030 et l’Accord de Paris sur le climat. Ces accords, a-t-il prévenu, exigent une plus grande coordination, ce qui est précisément le but de ce Forum.
Le premier objectif de la coopération internationale doit être de protéger les plus pauvres et les plus vulnérables des conflits, des catastrophes naturelles ou des crises financières. Les sources de financement étant de plus en plus diverses, il a rappelé que le Programme d’action d’Addis-Abeba reconnait le rôle clef du secteur privée. L’APD de son côté doit être augmentée et mieux ciblée en faveur des plus démunis, a poursuivi M. Eliasson. Il a invité à faire fond sur les avancées enregistrées lors de la Conférence d’examen à mi-parcours du Programme d’Istanbul en faveur des pays les moins avancés (PMA), à l’occasion de laquelle les pays développés se sont de nouveau engagés à consacrer de 0,15 à 0,2% de leur revenu national brut aux PMA.
Il a ensuite appelé de ses vœux la mise en place de partenariats dans tous les domaines du développement, s’agissant notamment de la mobilisation de ressources financières et non financières et de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire. L’ONU a un rôle clef à jouer dans la facilitation de ces partenariats, a poursuivi M. Eliasson, ajoutant que l’action de l’Organisation doit être mieux adaptée aux réalités locales. Pour les pays à revenu intermédiaire, il a demandé à l’ONU un soutien technique et politique. La coopération en matière de développement doit promouvoir la cohérence entre les différents programmes et activités de développement, en vue d’appuyer une mise en œuvre efficace du Programme 2030, a-t-il dit. Il a affirmé que l’aide humanitaire, bien que nécessaire, ne devait pas être déboursée aux dépens des investissements sur le long terme. L’utilisation stratégique de la coopération en matière de développement devrait nous permettre de trouver un équilibre entre les différents programmes et priorités, a conclu M. Eliasson.
Huit cents millions de personnes souffrent de faim et le fossé entre le Nord et le Sud ne fait que grandir, s’est alarmé M. WANG BINGNAN, Vice-Ministre du commerce de la Chine, qui a insisté sur l’éradication de la pauvreté, « notre plus grand défi ». Il a appelé les pays développés à honorer leurs engagements en matière d’APD, en respectant le choix des pays en développement et en insistant sur le renforcement des capacités de ces derniers. La Chine est le plus grand pays en développement au monde, a-t-il dit, ajoutant que son but était de faire sortir 55 millions de Chinois de la pauvreté. Le treizième Plan quinquennal servira à mettre en œuvre le Programme 2030 en renforçant la coordination des politiques intersectorielles, 43 agences chinoises étant impliquées. La présidence chinoise mettra le développement tout en haut de l’ordre du jour du G20, a-t-il dit, précisant que le G20 mettra pour la première fois l’accent sur l’industrialisation des pays africains et des PMA.
La Chine a offert une assistance de 400 milliards de renminbis ces 20 dernières années, conduit 2 700 projets et formé des milliers de personnes, a-t-il dit, ajoutant que la coopération Sud-Sud était un complément utile de la coopération Nord-Sud. Il a vanté les mérites d’une coopération Sud-Sud qui respecte les priorités des pays récipiendaires et promis que la Chine allait renforcer ses efforts. La Chine est un partenaire « fiable » du développement.
M. THOMAS SILBERHORN, Secrétaire d’État du Ministère de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, a appelé à l’amélioration de la qualité de la coopération en matière de développement. Il a défendu la création d’un mécanisme de suivi « rigoureux » du Programme 2030, prévenant que l’APD n’est qu’une part minimale de la somme nécessaire pour atteindre le niveau de transformation recherché par le Programme. Le financement privé doit donc être augmenté, a-t-il poursuivi. Appelant à une meilleure collecte de l’impôt, M. Silberhorn a appuyé l’initiative fiscale du Programme d’action d’Addis-Abeba et rappelé les fonds « précieux » qui disparaissent chaque année du fait de la corruption.
M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, qui a présenté le rapport du Secrétaire général sur les tendances et progrès en matière de coopération internationale pour le développement, a demandé une meilleure adaptation de cette coopération aux situations locales et défendu des partenariats multipartites plus larges, insistant sur le rôle du secteur privé.
Il reste un long chemin à parcourir pour réaliser la promesse des accords internationaux conclus l’année dernière, a prévenu Mme MARY ROBINSON, Présidente de la « Fondation Mary Robinson - Justice climatique », ancienne Présidente de l’Irlande et ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Les mécanismes de financement devront être adaptés à la nouvelle ère de développement qui s’ouvre, a-t-elle affirmé. Le Programme 2030 et l’Accord de Paris sur le climat sont des « triomphes diplomatiques » et devront être mis en œuvre de concert, a-t-elle dit. Les objectifs de développement durable sont une fenêtre d’action unique pour lutter contre les changements climatiques, a poursuivi Mme Robinson.
Elle a rappelé que les pays pauvres qui n’ont aucune responsabilité dans le réchauffement climatique étaient les premiers à être frappés. Elle a appelé à un changement de paradigme pour que personne ne soit laissé sur le côté, insistant sur l’incapacité actuelle de la communauté internationale de régler des questions complexes, comme la famine, les violations des droits de l’homme ou les changements climatiques. Seule une approche intégrée permettra de résoudre ces questions, a-t-elle dit, citant la question de la justice climatique et d’une utilisation raisonnée des ressources.
Les pays industrialisés doivent prendre au sérieux de l’Accord sur le climat, a poursuivi Mme Robinson qui a reconnu « la tâche ardue » pour les pays en développement de devoir se développer sans combustible fossile. Tous les pays doivent participer à la transition énergétique, en même temps et ensemble, même si cela parait injuste, a-t-elle dit, ajoutant qu’un appui international devra être fourni.
Les droits de l’homme doivent être au cœur de l’Accord sur le climat « même si la tentation existe » de les mettre à l’écart. Une stratégie bonne pour la planète mais qui serait mauvaise pour les plus pauvres ne serait pas tout à fait bonne, a-t-elle dit, prenant l’exemple du maïs pour produire de l’éthanol au risque de grimper les prix et d’aggraver l’insécurité alimentaire. Il faut relever le défi de l’énergie pour la mise en œuvre du Programme 2030, car d’ici à 2040, les 500 millions et plus d’Africains n’auront pas accès à l’électricité, a-t-elle averti.
L’économiste et ancien Sous-Secrétaire général aux affaires économiques et sociales, M. JOMO KWAME SUNDARAM, a avancé l’idée d’un nouveau Plan Marshall pour mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre du Programme 2030, car la coopération internationale ne se résume pas à l’APD, a souligné le délégué du Brésil, en insistant, à son tour, sur le rôle du secteur privé et invitant l’ECOSOC à ne pas mettre l’accent sur des concepts « controversés ».
Le fait que l’APD ne soit pas la seule source de financement n’a pas empêché la représentante de la République dominicaine d’exiger, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CARICOM), le respect des engagements pris, assorti d’un échéancier contraignant. Elle a attiré l’attention sur les difficultés des pays à revenu intermédiaire, interdits d’accès aux prêts concessionnels, en raison du critère injuste du revenu par habitant.
Interrogée par le délégué de l’Union interparlementaire sur les subventions aux combustibles fossiles –entre 300 et 400 milliards par an-, la Présidente de la Fondation Mary Robinson s’est catégoriquement prononcée pour leur interdiction. Elle a rappelé que les petits États insulaires en développement demandent « en vain » un traité sur l’interdiction du charbon.
Table ronde 2: « Appuyer les mesures nationales pour parvenir à la réalisation de tous les objectifs du Programme 2030, ne pas faire de laissés-pour-compte? »
Présidée par M. HÉCTOR ALEJANDRO PALMA CERNA (Honduras), Vice-Président du Conseil économique et social, cette table ronde devait permettre de répondre à trois questions principales: comment faire pour que la coopération au développement -sous toutes ses formes– appuie mieux les efforts nationaux et locaux des pays en développement pour réaliser les ODD, sans faire de laissé-pour-compte? Comment cette forme de coopération peut-elle aider les pays les moins avancés (PMA) et autres à atteindre leurs groupes les plus vulnérables et marginalisés? Enfin, sachant que l’aide publique au développement (APD) demeure un financement unique, comment mieux la cibler et l’utiliser au profit des personnes les plus démunies et des pays ayant les capacités les plus faibles?
Il faudra faire de nouveaux choix et utiliser de nouveaux outils, a tranché M. VANDI CHIDI MINAH (Sierra Leone). Les PMA, dont fait partie la Sierra-Leone, ont besoin de financements supplémentaires pour se blinder contre les chocs internes comme externes. Dans ce contexte, ils devront renforcer leurs institutions nationales de mobilisation de ressources disponibles. Mais, a rappelé le représentant, l’Afrique pourrait trouver les ressources nécessaires si l’on mettait fin aux flux financiers illicites, qui lui font perdre près de 50 milliards de dollars par an.
Se concentrant sur le rôle de l’APD, M. MARK VAN DE VREKEN, Chef de Cabinet adjoint du Ministre de la coopération au développement de la Belgique, a souligné que cette aide est le seul outil qui met l’accent sur l’élimination de la pauvreté. Elle doit être utilisée de manière très ciblée et plus efficace. Toutefois, l’APD ne peut être le moteur principal de la coopération au développement. Elle doit rester l’élément déclencheur de la mobilisation des ressources intérieures. Or, à l’heure actuelle, seul 0,1% de l’APD est utilisé à cette fin. Le représentant a également mis l’accent sur le secteur privé et les financements innovants, comme l’émission d’actions à vocation humanitaire à moyen terme –cinq ans– rémunérées en fonction des résultats.
Recouvrons « le principe de solidarité » de l’APD, a encouragé Mme ANITA NAYAR, Directrice à la Fondation Dag Hammarskjöld, dénonçant le fait que cette aide soit devenue le levier de la politique néolibérale des marchés plutôt que celui de la mise en place d’infrastructures sociales et économiques. Aujourd’hui, l’argent est en fait donné aux États africains pour qu’ils puissent couvrir le coût des ajustements structurels, c’est-à-dire qu’il ne leur permet pas d’utiliser ces ressources pour un développement fondé sur des priorités nationales librement fixées, a-t-elle affirmé. Pour Mme Nayar, les objectifs de développement durable ne seront jamais atteints si la formulation des politiques nationales n’est pas « autonome » et alimentée par les populations. Si c’est pour les marginalisés que l’on met en œuvre les objectifs de développement durable, ils doivent pouvoir contribuer aux efforts. De plus en plus d’argent est consacré à la crise des réfugiés et de moins en moins au développement, a encore constaté Mme Nayar, qui a rappelé que les budgets de la défense n’ont jamais cessé d’augmenter.
La coopération au développement est la seule politique qui permette de corriger les asymétries et les inégalités provoquées par les marchés, a estimé, M. JOSÉ ANTONIO ALONSO RODRÍGUEZ, Professeur d'économie appliquée à l’Université Complutense et membre du Comité des politiques de développement des Nations Unies. Il faut passer de la simple APD au concept plus large de coopération pour le développement dont il faut encore définir le périmètre. Il faut aussi des règles claires et respecter la marge de manœuvre des États pour développer leur propre stratégie de développement.
La question de la marge de manœuvre dans la formulation des politiques nationales a aussi été soulignée par M. JAIME MIRANDA, Vice-Ministre de la coopération au développement d’El Salvador, qui a expliqué que son pays avait d’abord cherché à « socialiser » les ODD. Le Plan national de développement a été analysé pour vérifier sa concordance avec le Programme 2030, ce qui a supposé un examen attentif des capacités du système statistique. El Salvador a établi un conseil national regroupant tous les acteurs concernés pour suivre la réalisation des objectifs de développement durable. Pour le Vice-Ministre, la coopération au développement doit se concentrer sur l’appui aux changements structurels nécessaires pour mettre en œuvre le Programme 2030.
En la matière, il faut se souvenir de l’« indivisibilité » des objectifs du Programme, a commenté M. BABATUNDE OSOTIMEHIN, Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), en prévenant qu’il faudra non pas des milliards de dollars comme pour les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), mais « des milliers de milliards de dollars ». Il faut donc des partenariats entre tous les acteurs, dont le secteur privé. Le système des Nations Unies peut apporter de nombreuses contributions, a poursuivi le Directeur du FNUAP, mais la première ressource des États, c’est leur population: 67% de la population africaine a moins de 35 ans.
Les pays doivent investir dans cinq domaines: les services de base –santé, nutrition– en se concentrant sur les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles; la collecte et l’analyse des données; les infrastructures, pour les rendre durables et résilientes; les institutions, qui doivent être fortes, y compris pour collecter l’impôt et attirer les investisseurs étrangers; et enfin la paix, a préconisé Mme MINH-THU PHAM, Directrice générale des politiques de la Fondation des Nations Unies. Elle a avoué avoir l’impression « un peu décourageante » que le financement de la mise en œuvre des objectifs de développement durable avait tendance à devenir moins prioritaire.
Lors du débat, modéré par l’économiste et ancien Sous-Secrétaire général aux affaires économiques et sociales, M. JOMO KWAME SUNDARAM, la représentante du Honduras est revenue sur les problèmes des pays à revenu intermédiaire et a réclamé des propositions sur l’appui du système des Nations Unies à ces pays, sur la base de règles qui ne sauraient se limiter au critère du revenu par habitant. Celle du Ghana a insisté sur la marge de manœuvre des pays pour fixer leurs propres priorités car il n’existe pas de recette applicable à tous en matière de développement. L’Union européenne, a confié son représentant, est en train de mettre au point sa nouvelle stratégie de coopération au développement qui aura en son centre l’appropriation nationale.
Son homologue de l’Afrique du Sud a, devant l’œuvre inachevée des OMD, a tout simplement douté de la capacité à mettre en œuvre les objectifs de développement durable à 2030. Les pays ne sont pas tous confrontés aux mêmes difficultés, a rappelé le représentant d’Haïti où l’instabilité politique nuit à son développement, ne serait-ce que parce que l’appui budgétaire de la communauté internationale y a été suspendu, contraignant le pays à financer sur fonds propres les élections. La seule aide extérieure venant du Venezuela, ce sont des millions de personnes qui risquent d’être « laissées sur le côté », a prévenu le représentant.
Table ronde 3: « Alignement de la coopération en matière de développement en vue de contribuer aux différents aspects du Programme 2030 »
L’intervenant principal, M. CHOI JONG-MOON, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, a plaidé pour que la coopération en matière de développement tienne davantage compte de l’innovation que porte et promeut le secteur privé. L’APD ne suffisant pas, il faut impliquer davantage le secteur privé. Il a donc exhorté les gouvernements à élaborer des politiques favorables au secteur privé, reconnaissant aux pays en développement le droit de s’approprier leur propre développement et insistant sur le fait que c’est aux partenaires financiers de s’y adapter et pas le contraire.
Il est impératif de mobiliser les partenaires, les financements, les projets et les connaissances dans un même élan pour assurer le développement durable, a commenté M. ADMASU NEBEBE, Directeur au Ministère des finances et du développement économique de l’Éthiopie. Le pays, qui vient d’intégrer les objectifs de développement durable dans son nouveau Plan quinquennal de développement, a déjà procédé aux réformes institutionnelles nécessaires et défend l’idée que les ressources doivent être orientées en priorité vers les investissements à long terme.
Les partenaires internationaux ont besoin de garanties, a reconnu M PALOUKI MASSINA, Secrétaire général du Gouvernement du Togo et membre du Comité d’experts des Nations Unies sur l’administration publique. Au Togo aussi, a-t-il ainsi indiqué, une réforme institutionnelle a été menée pour fusionner les administrations de l’impôt et des douanes. Pour améliorer le climat des affaires, le temps de création d’une entreprise est passé de 52 à 2 jours et la dette publique a été apurée. En matière de coopération, le Togo insiste sur le transfert des technologies et le renforcement des compétences, avec l’idée de faire participer sa diaspora aux efforts de développement.
Les priorités de la coopération finlandaise, a expliqué Mme RIKKA LAATU, Directrice générale adjointe de la coopération au développement au Ministère des affaires étrangère de la Finlande, sont la promotion des droits des femmes et des filles; le renforcement des économies pour booster la création d’emplois; la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance; et la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et l’énergie, l’exploitation durable des ressources naturelles. Le Gouvernement collabore avec les ONG qui ont des relais dans les pays bénéficiaires.
Malgré le Brexit, je voudrais vous assurer que mon pays entend continuer de respecter l’engagement à consacrer au moins 0,7% de son PIB à l’APD, a déclaré non sans humour M. MARTIN SHEARMAN (Royaume-Uni). En novembre prochain, un document sur la nouvelle stratégie de la coopération internationale sera publié, dont le premier objectif devrait être l’éradication de la pauvreté, suivi par la paix et la sécurité, la bonne gouvernance et le renforcement de résilience aux crises, climatique ou sanitaire, comme avec l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, il y a deux ans.
Comment pouvons-nous parler de lutte contre les inégalités et continuer de discuter avec des pays qui confisquent les terres des plus démunis ou qui négocient des traités qui ne tiennent pas compte de l’intérêt général de leur population? s’est scandalisé M. ADRIANO CAMPOLINA, Président Directeur général d’« Action Aid ». La seule manière de mettre fin aux inégalités est de répartir équitablement les fruits de la croissance, a-t-il dit, en dénonçant l’écart salarial entre hommes et femmes et appelant, pour y remédier, à des changements « structurels et systémiques » et à la lutte contre l’évasion fiscale. Il faut davantage de redevabilité, non seulement envers les donateurs, mais d’abord et surtout envers les populations censées bénéficier de l’aide.
Toutes les parties prenantes doivent avoir accès à l’information et les processus de prise de décisions doivent être inclusifs, a acquiescé M. MICHAEL O’NEILL, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Modérateur, M. DANNY SRISKANDARAJAH, Secrétaire général de « Civicus-World alliance for citizen Participation », a repris, à la fin du débat, une préoccupation partagée par la quasi-totalité des panélistes, à savoir qu’il est crucial d’avoir des données fiables pour de meilleures programmation et évaluation.
Table ronde 4: « Partenaires des pays du Sud pour la progression d’échanges de connaissances et la prévision de la contribution de la coopération Sud-Sud aux fins du développement durable »
Présidée par M. HÉCTOR ALEJANDRO PALMA CERNA (Honduras), Vice-Président de l’ECOSOC, et animée par Mme MARÍA EUGENIA CASAR, Directrice de l’Agence du développement et de la coopération internationale au Ministère des affaires étrangères du Mexique, cette table ronde a été l’occasion d’entendre les acteurs de la coopération Sud-Sud expliquer comment ils peuvent contribuer à la mise en œuvre du Programme 2030. Au-delà des moyens, les intervenants ont estimé que les freins au développement étaient d’abord politiques et pour surmonter les problèmes, ils ont prôné la recherche de paramètres et d’indicateurs pour évaluer la qualité de leur coopération.
M. RATHIN ROY, Directeur au Ministère des finances de l’Inde, a estimé que la coopération Sud-Sud est un moyen de « contourner » les insuffisances de l’APD dans, par exemple, l’élargissement de l’accès aux technologies. Il a d’ailleurs salué l’initiative en la matière du « Centre Kofi Annan » pour la promotion de l’accès aux technologies dans les pays du Sud. Tant qu’il y aura autant de « barrières », la question de l’accès aux moyens financiers et technologiques restera une question politique avant d’être une question de moyens, a-t-il insisté.
La coopération Sud-Sud a un potentiel unique s’agissant du renforcement des capacités, a déclaré M. ABDIRAHMAN YUSUK A. AYNTE, Ministre de la planification et de la coopération internationale de la Somalie. La diversité des modalités qu’offre cette coopération est une véritable chance pour développer des stratégies de développement multidimensionnelles, a commenté, à son tour, M. JOÃO ALMINO, Directeur de l’Agence brésilienne de la coopération (ABC). Il a fustigé la tendance des pays développés à vouloir quantifier la coopération Sud-Sud, en se servant de critères conçus pour d’autres réalités. Attardons-nous plutôt sur la qualité et la viabilité des résultats et cette session est un moment opportun pour vous annoncer qu’ABC célèbrera son trentième anniversaire en 2017 et le Plan d’action de Buenos Aires pour la coopération Sud-Sud, ses 40 ans, en 2018, a rappelé M. Almino, en estimant que ces étapes devraient être l’occasion d’obtenir de nouveaux engagements internationaux en faveur de cette coopération.
Alors que de plus en plus de pays du Sud sont devenus des « exemples » de développement, M. JORGE CHEDIEK, Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud, a vu l’occasion rêvée d’apprendre des uns et des autres s’agissant des investissements et de la croissance.
Le représentant de l’Allemagne est revenu sur l’importance qu’il y a à quantifier toutes formes de contribution au développement durable. Il s’est interrogé sur la pertinence du concept « pays du Sud », relevant que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale classent parmi les 25 pays au potentiel économique prometteur des membres du Groupe des 77 alors que des pays européens ne viennent qu’à la cinquantième place. Le point commun de tous ces pays, a répondu M. RATHIN ROY, Directeur au Ministère indien des finances, est qu’ils font tous face à des problèmes de développement asymétrique.
La coopération Sud-Sud, qui doit être rendue plus visible, selon le représentant de la Colombie, a été expliquée par son homologue du Venezuela comme « un outil d’intégration et de stratégie qui tient compte de l’indépendance de chacun ». Le Programme « PetroCaribe » est un bon exemple de coopération Sud-Sud qui permet de fournir de l’énergie à 100 millions de personnes en Amérique latine et dans les Caraïbes. La question qui se pose est celle du coût des transactions financières.
La coopération Sud-Sud doit intensifier le partage des meilleures pratiques, a estimé, à son tour, la représentante de la Thaïlande dont le pays entend faire une contribution de 520 000 dollars au Fonds d’affection spéciale Pérez de Cuéllar pour cette coopération. Après avoir rappelé que des pays du Groupe du 77 ont des droits de propriété intellectuelle sur l’énergie solaire, le représentant de l’Union européenne a argué que la coopération Sud-Sud fait parfois obstacle au commerce. La coopération ne doit pas se limiter aux gouvernements, elle doit aussi se faire entre villes, a plaidé le représentant de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Dans cette coopération Sud-Sud, la démarche fondée sur les droits fait souvent défaut, a jugé la représentante du grand groupe des ONG, estimant qu’une appropriation démocratique de cette coopération Sud-Sud impose que l’on soit comptable de ses actes devant les bénéficiaires du développement. Comme exemple de coopération Sud-Sud, le représentant de l’Algérie a dit que depuis 2010, son pays a contribué à la réduction de la dette de 16 pays pour un montant total de 1,6 milliard de dollars et parachevé la route transsaharienne jusqu’au Niger. Il a aussi cité la coopération entre l’Algérie et le Fonds international de développement agricole (FIDA) pour promouvoir le partage des connaissances et le développement rural. Comment faire pour que l’ECOSOC et le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud aident les pays du Sud à partager leur expérience en matière de coopération? s’est-il demandé.