Forum politique de haut niveau sur le développement durable,
9e & 10e séances – matin & après-midi               
ECOSOC/6784

Forum de haut niveau: « chiens de garde » ou prestataires de services, les acteurs du Programme 2030 doivent « incarner le changement qu’ils veulent voir »

« Vous devez incarner le changement que vous voulez voir dans ce monde »: c’est en citant Gandhi que le représentant spécial pour le Programme 2030 du Ministère norvégien des affaires étrangères a invité aujourd’hui l’ensemble des parties prenantes à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 à participer à sa réalisation.

Une partie des tables rondes de cette cinquième journée du Forum politique de haut niveau sur le développement durable a été consacrée à la contribution de ces différents acteurs aux politiques nationales, que ce soit pour la mise en œuvre du Programme 2030 lui-même, pour son suivi et pour son évaluation.  Un autre débat a porté sur les « expériences régionales » avant que le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Oh Joon, ne présente le bilan de cette semaine de travail.

Plusieurs des orateurs l’ont rappelé: les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000 pour l’horizon 2015, qui concernaient essentiellement les pays et les populations les plus pauvres, étaient avant tout le fait des gouvernements.  Les objectifs de développement durable (ODD) concernent tout le monde et instaurent des relations de partenariat plutôt que des interactions entre donateurs et récipiendaires.  Si c’est aux gouvernements qu’incombe en premier lieu la mise en œuvre du Programme 2030, il est clair que ce denier et ses 17 objectifs et 169 cibles ambitieux ne pourront être réalisés sans la participation active de tous les peuples et de tous les segments de la société, dont les grands groupes.

Au nombre de neuf, ces derniers ont été identifiés dans « Action 21 », le Programme d’action du Sommet de la Terre, organisé à Rio en 1992.  Il s’agit du monde du commerce et de l’industrie, des syndicats, de la communauté scientifique, des agriculteurs, des collectivités locales, des populations autochtones, des ONG, des femmes et des jeunes.

Ce matin, ces différents acteurs ont eu l’occasion de présenter leur contribution et leurs revendications qu’il s’agisse de l’expérience acquise au cours de cette première année de mise en œuvre du Programme 2030 ou des modes de collaboration adoptés au plan national.

La plupart des grands groupes et autres groupes, dont les personnes âgées et les personnes handicapées, ont demandé à être associés dès les premiers stades de la mise en œuvre et de l’évaluation des ODD aux plans national et régional.  Ainsi, les femmes ont regretté de n’avoir pas eu accès, à une exception près, à l’intégralité des premiers rapports nationaux de mise en œuvre qui seront présentés la semaine prochaine.  La participation de tous les segments de la société doit être « réelle et non symbolique », a estimé leur représentante.  Les personnes âgées ont rappelé que « les droits de l’homme ne changent pas avec l’âge » alors que les personnes handicapées demandaient à ne pas être seulement considérées comme des consommateurs d’aide mais aussi comme partenaires.  Le grand groupe des peuples autochtones a plaidé pour la reconnaissance des droits de ces peuples, dont le droit aux ressources, et pour l’abrogation de toutes les lois et politiques discriminatoires.  

Celui du monde du commerce et de l’industrie a souligné qu’il a des ressources et du savoir-faire qui doivent être utilisés au bon endroit et au bon moment.  Le grand groupe des collectivités locales a mis l’accent sur son « rôle stratégique » de lien entre les gouvernements et les citoyens.  Si celui des jeunes a demandé la mise en place de cadres juridiques nationaux pour leur participation, le grand groupe de la communauté scientifique s’est flatté d’apporter « responsabilité et humilité » à la mise en œuvre du Programme 2030.  Quant à celui des syndicats, il a mis l’accent sur la bonne pratique qu’est la négociation collective.

Les représentants de plusieurs pays considérés comme exemplaires –Finlande, Norvège, Allemagne– ont expliqué comment ces différents acteurs ont été associés à la prise des décisions et à leur évaluation.  Un membre de la société civile et de la délégation de la Finlande au Forum a ainsi confirmé ce double rôle de « chien de garde » et de « partenaire-prestataire de services ».  

Le représentant des Fidji, M. Peter Thomson, qui présidera la prochaine session de l’Assemblée générale à partir du 13 septembre, a annoncé la mise en place d’une équipe de huit experts chargée de travailler exclusivement et quotidiennement sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Avant cela, le représentant du Kenya avait rappelé la tenue cet automne à Nairobi de la deuxième Réunion de haut niveau du Partenariat mondial pour une coopération internationale efficace, qui devra trouver un accord sur des approches novatrices, dans la droite ligne du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

Après avoir écouté les structures régionales qui ont toutes dit espérer un appui cohérent du système des Nations Unies, le Président de l’ECOSOC a conclu que les Forums régionaux sur le développement durable, constitués au sein des cinq commissions régionales des Nations Unies, seront la clef du suivi et de l’application du Programme 2030.  Il a dit avoir retenu des tables rondes que le Forum tient depuis lundi dernier, que l’intégration sociale, base du développement durable, reste un défi pour les pays développés comme les pays en développement.  Les groupes vulnérables ou marginalisés ne sont pas encore les partenaires, les détenteurs de droits et les sources de connaissances qu’ils devraient être.

Le Forum poursuivra ses travaux lundi 18 juillet à partir de 9 heures avec un segment ministériel.

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Table ronde 1: « De l’inspiration à l’action: L’implication des parties prenantes dans la mise en œuvre »

Président de la table ronde, M. JÜRG LAUBER (Suisse), Vice-Président de l’ECOSOC, a dit que l’un des principes fondamentaux du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est que sa mise en œuvre doit être ouverte, non sélective, participative et transparente et faciliter le partage des informations entre toutes les parties concernées.   Les gouvernements décident de la mise en œuvre, mais il est clair que le Programme et ses objectifs ambitieux ne peuvent être réalisés sans la participation active et la contribution de tous les peuples et de tous les segments de la société, dont les grands groupes.  Au nombre de neuf, ces grands groupes ont été identifiés dans « Action 21 », le Programme d’action du Sommet de la Terre, organisé à Rio en 1992.  Il s’agit du monde du commerce et de l'industrie, des syndicats, de la communauté scientifique, des agriculteurs, des collectivités locales, des populations autochtones, des ONG, des femmes et des jeunes.

Le Programme 2030 a changé la donne, a estimé la modératrice, Mme BARBARA ADAMS, Conseillère principale pour les politiques au Global Policy Forum.  Il faut réfléchir dès lors aux moyens de maintenir l’élan, dans un contexte financier difficile.  Nous avons déjà un large éventail de mécanismes de financement pour mettre en œuvre le Programme 2030, a affirmé M. MACHARIA KAMAU (Kenya).  Ce qu’il faut, c’est un changement de mentalité.  La question est: quelle démarche suivre pour nouer des partenariats en faveur du financement du Programme 2030?  Les ressources financières, techniques, humaines et autres sont là.  Ce qui manque c’est la capacité de coordination, a poursuivi le représentant, avant d’annoncer, du 30 novembre au 2 décembre 2016, à Nairobi, au Kenya, la deuxième Réunion de haut niveau du Partenariat mondial pour une coopération internationale efficace.  Ce sera un évènement très important car à la fin, on devrait avoir un résultat négocié sur les questions de mise en œuvre et de financement. 

Nous voulons, a-t-il insisté, que tout le monde y participe pour pouvoir faire l’inventaire des principes et des engagements agréés.  Il s’agira de trouver des approches novatrices dans la droite ligne du Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.  Quelque 80 pays ont déjà annoncé leur présence à cette Réunion qui permettra aussi de voir sur quels critères les donateurs débloquent leur argent, comment canaliser l’aide au développement et comment savoir si cette aide contribue effectivement au développement.  Sur les 260 milliards de dollars d’aide publique au développement (APD), est-ce qu’on a obtenu les résultats attendus?  La Réunion dira si l’APD et les investissements étrangers directs (IED) influent sur le développement des pays récipiendaires.  Tel est le nouvel engagement, a conclu le représentant: obtenir des donateurs qu’ils veillent à ce que leurs fonds produisent les résultats escomptés.  Le tout est d’apprendre à aller directement au but.  En effet, car selon le représentant du Bénin, seuls 50% de l’aide internationale promise à l’Afrique est effectivement débloquée et la moitié de ces 50% est « empochée » par les donateurs eux-mêmes.  Il y a « une mafia » à laquelle il faut s’attaquer et elle demande en effet un changement de mentalité.

Changer les mentalités, c’est aussi difficile, a ironisé Mme FRANCES ZAINOEDDIN, « Panthères Grises », que de dégager un consensus aux Nations Unies.  Elle en a profité pour prévenir que la « bulle juvénile » est en train très rapidement de céder la place à la « bulle du troisième âge ».  La vie ne s’arrête plus à 60 ans et « les droits des gens ne changent pas avec leur âge ».  Dans le monde d’aujourd’hui, deux personnes fêtent toutes les deux secondes leur soixantième anniversaire, a rappelé l’oratrice en plaidant pour l’accès à la santé et la dignité de ce segment de la population. 

Pour changer les mentalités, le secteur privé est un bon vecteur, a estimé Mme SARAH MENDELSON (États-Unis).  Prônant aussi des partenariats avec le monde académique et les associations, la représentante a ajouté que dans son pays, il s’agit de former la nouvelle génération pour faire en sorte que le Programme 2030 devienne l’« ADN » de la société.  La première réunion des entreprises sur les objectifs de développement durable a été annoncée pour la semaine prochaine par Mme YVONNE HARTZ-PITRE, grand groupe du monde du commerce et de l’industrie.  Le succès, a-t-elle prévenu, à son tour, dépend des partenariats avec toutes les autres parties prenantes.  Les entreprises ont des ressources et du savoir-faire qui doivent être utilisés au bon moment et au bon endroit.  Dans la mise en œuvre du Programme 2030, il ne faut pas oublier les réalités nationales et internationales du secteur privé, a dit Mme Hartz-Pitre en proposant la convocation d’un forum international sur les meilleures pratiques. 

Au titre de ces meilleures pratiques, M. MARCO MARZANO DE MARINIS, Secrétaire général de l’Organisation mondiale des agriculteurs et représentant du grand groupe des agriculteurs, a appelé la communauté internationale « à sortir des murs de l’ONU » et à contribuer »à « démystifier » les objectifs de développement durable auprès des gens.  Il a rappelé que pas moins de six objectifs concernent son grand groupe: ceux liés à la faim, à l’eau, à l’énergie propre, aux modes de consommation et de production durables, à la préservation des écosystèmes et aux partenariats.  Les partenariats entre le secteur privé, les gouvernements et la société civile sont de la plus grande importance, a insisté M. ALOK RATH, Directeur pour l’Ouganda et l’Éthiopie de Voluntary Service Overseas, en attirant l’attention sur la contribution des millions de volontaires  dans le monde. 

La capacité de créer des partenariats inclusifs entre les niveaux local et sous-national sera en effet « critique » pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a insisté, à son tour, M. BERRY VBRANOVICH, maire de Kichena (Canada), au nom du grand groupe des collectivités locales.  Il a souligné que ces collectivités occupent une place stratégique en tant qu’intermédiaire entre les gouvernements et leurs citoyens, mettant l’accent sur la nécessité de « localiser » les objectifs de développement durable et de promouvoir « l’appropriation locale ».  Au Mexique, un dialogue a été instauré avec la société civile dont la participation est considérée comme le point de départ de la mise en œuvre nationale du Programme 2030, a affirmé une Directrice générale au Ministère mexicain des affaires étrangères, Mme NORMA MUNGUIA ALDARACA.  C’est la Présidence qui assure d’ailleurs le leadership de cette initiative visant à forger une « Alliance pour la durabilité ».

À ce propos, Mme JOAN CARLING, grand groupe des peuples autochtones, a proposé quelques mesures: la reconnaissance « juridique » des peuples autochtones, de leurs droits, en particulier le droit sur leurs ressources; l’abrogation de toutes les lois et politiques discriminatoires à l’égard de ces peuples; la création d’un mécanisme inclusif et transparent pour garantir leur participation aux processus décisionnels locaux et nationaux; la collecte de données ventilées; l’établissement de partenariats basés sur le développement autonome; et le renforcement des capacités dans la concrétisation du lien entre les droits de l’homme et le Programme 2030.  La sensibilisation des gens à ce Programme sera essentielle, a prévenu M. PETER THOMSON des Fidji, alors que « peu de gens ont entendu parler des objectifs de développement durable ».  Cela est préoccupant car que se passerait-il si le Programme échouait?  Si l’objectif 13 sur les changements climatiques échouait, les sociétés d’assurances tomberaient en faillite et si l’objectif 14 sur l’exploitation durable des océans, des mers et des ressources marines échouait, les océans deviendraient des déserts.  Le Programme 2030 doit être dans toutes les bouches, a insisté le représentant. 

En tant que Président de la prochaine session de l’Assemblée générale, il a annoncé la création d’une équipe de huit experts qui travaillera exclusivement et quotidiennement sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  « J’espère qu’au terme de la soixante-onzième session, je pourrais montrer que d’importants progrès ont été accomplis et je compte pour cela sur la société civile. »  La participation des parties prenantes ne doit pas se limiter à des consultations.  Elles doivent pouvoir s’approprier le processus, a estimé le représentant de Sri Lanka.  Celui du grand groupe des jeunes a indiqué que dans son pays, les Pays-Bas, plus de 800 jeunes ont commencé des initiatives en faveur des objectifs de développement durable et d’autres initiatives avec des congénères d’autres pays sont en train d’être lancées.  

Table ronde 2: « Ne pas faire de laissés-pour-compte: La mise en œuvre du Programme 2030 par les grands groupes et autres parties prenantes »

Lors de cette partie du débat consacré à l’implication des parties prenantes dans la mise en œuvre du Programme 2030 , les « grands groupes » et autres acteurs ont eu l’occasion de présenter les modes de collaboration adoptés au plan national pour contribuer à la mise en œuvre du Programme 2030, y compris dans le cadre des processus d’examen national.

Tout en faisant observer que le grand groupe des femmes aura l’occasion de participer à la discussion sur les programmes nationaux présentés la semaine prochaine par 22 États, Mme MABEL BIANCO, Présidente de la « Fundacion para Estudio e Investigación de la Mujer », a précisé que son grand groupe a effectué un sondage en demandant aux associations nationales de femmes d’expliquer si et comment elles ont été consultées lors de l’élaboration des rapports nationaux de mise en œuvre.  Certaines associations n’ont eu accès qu’au rapport finalisé et d’autres, à de simples résumés, un des 22 États n’ayant même pas donné accès au rapport. 

La participation des grands groupes doit être réelle et non symbolique.  L’étude montre que moins de 10% des pays incluent la société civile et notamment les femmes dès le début du processus d’élaboration des décisions.  D’autres invitent des représentants de la société civile et surtout les grandes organisations dont les femmes sont plutôt exclues.  D’autres États enfin n’invitent les membres de la société civile qu’à la fin de la rédaction de leur rapport, ne leur laissant que très peu de temps pour faire faire valoir leur opinion.  Très peu de pays ont incorporé la problématique de l’égalité des sexes dans leur rapport, a encore déploré Mme Bianco, qui a suggéré que les groupes de femmes présentent des rapports alternatifs. 

Contrairement à ce qui s’est passé avec les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les objectifs de développement durable sont pour nous une occasion d’être entendus et de participer, a déclaré Mme YETNEBERSH NIGUSSIE, avocate principale à « Light for the World », au nom du milliard de personnes handicapées dans le monde.  La participation de ces personnes à l’élaboration des rapports nationaux n’est pas mauvaise partout.  Mme Nigussie a cité des exemples d’inclusion, comme en Allemagne ou au Togo.  Mais, a-t-elle prévenu, le groupe des personnes handicapées n’est pas homogène: on y compte des femmes, des autochtones, des personnes à handicap mental ou physique.  Il est temps de considérer les handicapés non plus seulement comme des bénéficiaires ou des consommateurs d’aide mais aussi comme des partenaires permettant d’améliorer les dividendes de l’aide au développement.

L’Allemagne a en effet organisé un processus particulièrement actif pour la préparation de son rapport national, a reconnu Mme BARBARA ADAM, de Global Policy Forum et modératrice du débat.  Mme HARRIET LUDWIG, Chef de division adjointe au Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement, a souligné que le Programme 2030 nécessite effectivement une nouvelle démarche de partenariat actif.  C’est là une différence avec les OMD, dont la mise en œuvre était avant tout le fait des gouvernements.  L’Allemagne a ainsi prévu une participation générale de toutes les parties prenantes.  C’est d’ailleurs, a fait observer Mme Ludwig, une tradition ancienne d’inclure les organisations de la société civile dès le début de l’élaboration des rapports, ce qui renforce la crédibilité de l’action gouvernementale et permet une meilleure acceptation des décisions par le public.  Estimant que les bons exemples sont nombreux mais qu’il y a aussi des éléments à améliorer, elle a expliqué qu’il faudrait élargir encore la participation citoyenne dans le cadre des objectifs de développement durable.  

Le Gouvernement, a-t-elle expliqué, organise plusieurs fois par an des forums et autres rencontres entre ses représentants, les donateurs, le secteur privé, la société civile, les organisations religieuses, etc.  Les échanges critiques, pas toujours faciles, permettent néanmoins de faire ressortir de très nombreuses propositions constructives.  En outre comme les représentants de la société civile ne sont pas tous pleinement satisfaits, la tradition est d’avoir un membre de la société civile présent à la présentation du rapport, lequel peut prendre la parole. 

Le Plan d’action de Johannesburg sur le développement durable prévoit d’ailleurs la formation de conseils de jeunes et d’enfants, a rappelé Mme ANNISA TRYANTI, Point focal pour la réduction des risques de catastrophe du grand groupe des jeunes.  Mais il faut encore que les jeunes reçoivent les ressources nécessaires pour faire leur travail.  Comme pour les autres grands groupes, rien ne devrait se faire sans l’avis des jeunes.  Or, dans certains pays, on leur refuse la parole.  Les jeunes doivent avoir des espaces d’expression et un cadre juridique qui permette leur engagement au niveau national.

Un autre problème a été soulevé par Mme ANTONIA WULFF, Coordonnatrice à « Education international ».  Au nom du grand groupe des syndicats, elle a dénoncé les attaques contre la liberté d’association et la négociation collective dans le monde.  C’est une question de droits de l’homme mais aussi de ressources.  Or, on constate qu’en 2016, première année de mise en œuvre des objectifs de développement durable, la majorité des États souhaitent réduire leurs dépenses publiques.  Mme Wulff a décrit le dialogue social comme une « bonne pratique », même si elle ne peut résoudre toutes les questions liées aux objectifs de développement durable.  Les syndicats ne devraient pas être invités à la table seulement pour évaluer les plans nationaux mais aussi pour les élaborer.  Sommes-nous en train de renoncer à l’objectif 10 sur la réduction des inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre, alors qu’il est essentiel? s’est-elle inquiétée, d’autant plus, a-t-elle estimé, qu’aucun des indicateurs pertinents de la Commission de statistique de l’ONU ne permet d’évaluer l’efficacité des mesures contre les inégalités entre pays.

La réduction des inégalités est au cœur même des objectifs de développement, a rassuré M. CARLOS SERGIO SOBRAL DUARTE (Brésil), qui a rappelé que cela concernait la réduction des inégalités de revenus, mais aussi celles qui existent dans l’exercice des droits de l’homme.  Après avoir rappelé que c’est au Sommet de Rio en 1992 que la participation de la société civile a été pour la première fois acceptée, comme en ont témoigné les 17 000 représentants d’ONG au « Forum alternatif », il a ajouté que le Brésil pratique depuis longtemps la concertation avec la société civile et compte le faire de nouveau pour assurer la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

Pour le grand groupe de la communauté scientifique et technologique, a dit M. GUÉLADIO CISSÉ, membre du Comité de la liberté et la responsabilité dans la conduite des sciences du Conseil international pour la science, il s’agit d’apporter « responsabilité et humilité » dans la mise en œuvre du Programme 2030 pour autant qu’il y ait les ressources financières suffisantes.  Pour la Norvège, ce Programme est une nouvelle occasion de susciter une profonde transformation socioéconomique, a déclaré M. INGE HERMAN RYDLAND, Représentant spécial pour le Programme 2030 au Ministère norvégien des affaires étrangères.  Alors que les OMD visaient essentiellement les plus pauvres, les ODD concernent tout le monde, placent chacun au même niveau, et instaurent des relations de partenariat plutôt que des interactions entre donateurs et récipiendaires, a-t-il fait observer.  Il a ensuite expliqué que 25% du budget de l’aide de la Norvège est alloué à la société civile, que ce soit dans le pays ou à l’extérieur.  Il ne s’agit pas seulement d’une question d’altruisme, mais aussi de droits, a-t-il ajouté: la réussite de la mise en œuvre nationale et internationale du Programme 2030 dépend de la coopération de chacun. 

Ce processus de coopération et d’appropriation est déjà en cours en Norvège, au sein de la société civile comme du secteur privé.  Certes, les grands groupes jouent encore principalement un rôle de « chien de garde » mais ils doivent aussi être considérés comme des partenaires.  D’ailleurs, des représentants des grands groupes font partie de la délégation officielle de la Norvège au Forum et ils pourront prendre la parole à la présentation du rapport national de mise en œuvre, mardi prochain.  Rappelant l’objectif 16 sur la promotion de sociétés pacifiques et ouvertes à tous, M. Rydkland a conclu son intervention en citant Gandhi: « Vous devez incarner le changement que vous voulez voir dans ce monde ».

Dans la même ligne, la représentante de la Finlande a expliqué que l’approche multipartite est celle de son pays depuis 20 ans, ajoutant qu’en matière d’objectifs de développement durable, le Gouvernement bénéficie de la participation active de deux grands organismes, dont la Commission nationale du développement durable, qui comptent chacun 60 groupes de parties prenantes.  Un membre de la société civile participant à la délégation officielle finlandaise a confirmé que la société civile cherche à dialoguer avec le Gouvernement, étant à la fois prestataire de services et « chien de garde ».

Table ronde 3: « Expériences régionales »

Conduite par M. OH JOON (République de Corée) en sa qualité de Président de l’ECOSOC, cette dernière table a été l’occasion de tirer quelques leçons de la mise en œuvre du Programme de développement 2030, au niveau régional.

M. CHRISTIAN FRIIS-BACH, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Europe (CEE) et Coordonnateur des cinq commissions régionales de l’ONU, a insisté sur l’appui de sa Commission à la compilation et à l’analyse des statistiques.  Le régionalisme, a-t-il dit, se renforce, lequel régionalisme exige que la communauté internationale et les organisations régionales intensifient leur travail pour appuyer la mise en œuvre du Programme 2030.  Son homologue de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), Mme GIOVANIE BIHA, a dit s’être rendue dans 23 pays africains pour appuyer l’intégration des objectifs de développement durable dans les stratégies nationales de développement, s’agissant en particulier de la collecte de statistiques et de l’industrialisation.    

Après que le Ministre du développement durable et de la nature du Sri Lanka, M. GAMINI JAYAWICKRAMA PERERA, a présenté le Forum régional d’Asie-Pacifique sur le développement durable qui s’est entendu sur les principes d’une feuille de route, la Ministre de la solidarité sociale de l’Égypte a parlé des leçons tirées par le Forum régional africain sur le développement durable.  Mme GHADA WALY dont le message clef est la transition harmonieuse entre les OMD et les ODD et la coordination entre le Programme 2030 et la « Vision 2063 » de l’Union africaine.  La Secrétaire exécutive de la CEA a fait remarquer que 36 des 174 cibles de la Vision ne figurent pas dans les cibles du Programme 2030.  En Afrique, les progrès dépendront de la disponibilité des ressources mais aussi de la bonne gouvernance, de la transparence et de la redevabilité.  

Le Forum régional de l’Europe a, selon M. JANIS KARKLINS (Lettonie), Président du Forum, insisté sur l’importance des données et le renforcement des capacités des instituts de statistiques.  M. JUAN JOSÉ GÓMEZ CAMACHO (Mexique), Président du Forum régional de l’Amérique latine et des Caraïbes, a indiqué que pour les 33 pays de la région, la lutte contre les inégalités est la priorité des priorités, laquelle exige une approche multidimensionnelle.  Quant au Forum arabe, M. AMJAD MOHAMMAD SALEH AL-MOUMANI (Jordanie) a expliqué que l’accent a été mis sur le développement social dont la création d’emplois dans une région marquée par les conflits et l’occupation.  L’importance qu’il y a à améliorer la collecte et l’analyse des données y a également été soulignée.    

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), le représentant de la Thaïlande a indiqué que son Association s’attèle déjà à mettre en place des mécanismes, y compris un dialogue de haut niveau avec les Nations Unies.  Le représentant de la Ligue des États arabes a indiqué que la Ligue a organisé dès 2015 au Caire une réunion sur la mise en œuvre du Programme 2030.   

Cette mise en œuvre, a prévenu l’Observatrice permanente de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) auprès de l’ONU, sera compromise dans notre région par la dette publique « gigantesque ».  En outre la propension de s’appuyer sur la coopération internationale ne permet pas toujours aux partenariats public-privé de s’épanouir.  La CARICOM est en train de mettre en place un plan stratégique 2015-2019 fondé sur l’objectif de résilience économique.

La représentante du Comité sur la sécurité alimentaire, forte de 137 membres, a vanté les mérites de son Comité dont sa faculté à négocier des instruments politiques ciblant les plus marginalisés et les plus vulnérables.  Il faut faire preuve de souplesse pour que chaque région puisse dessiner son propre plan pour la mise en œuvre du Programme 2030, à partir de la masse critique des compétences disponibles, argué le représentant de l’Afrique du Sud.  Le poids démographique en Afrique doit être au centre des préoccupations, a-t-il encore insisté.  Au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), la représentante des Maldives a rappelé que la « Voie de Samoa » demande au système de l’ONU d’améliorer sa collaboration avec ces États dans le domaine du renforcement des capacités.  La dispersion géographique de ces États nécessite des efforts particuliers en matière de coordination, a-t-elle prévenu.  Son homologue du Ghana s’est félicité de la tenue, la semaine dernière au Sénégal, d’une réunion entre l’ONU et les institutions africaines pour favoriser l’émergence d’un cadre d’intégration des différents programmes de l’ONU dans les programmes nationaux africains.  

Les Secrétaires exécutifs des Commissions économiques pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), l’Asie occidentale (CESAO) et l’Amérique latine (CEPALC) ont aussi fait des déclarations liminaires.  Celle de la CEPALC, Mme ALICIA BÁRCENA, a demandé le changement du modèle du développement compte tenu des incertitudes du monde actuel, citant les troubles du système financier international, les inégalités et les problèmes environnementaux qui exigent tous une gouvernance forte et un nouvel consensus international.

Le représentant du Bénin a insisté sur le fait que l’Afrique a des besoins et des exigences qui vont au-delà des objectifs de développement durable.  Il a donc exhorté la communauté internationale à trouver les moyens nécessaires pour faire face aux difficultés particulières de l’Afrique.  Il a espéré que la « Vision 2063 » profitera effectivement de l’élan du Programme 2030.  Son homologue du Bélarus a annoncé la tenue d’une conférence à Minsk en octobre 2016 qui devra permettre aux experts du développement de faire des propositions sur les moyens d’accélérer les processus d’intégration économique à l’Europe d’ici à 2030.  Le représentant de la France a rappelé la création en 2003 du Réseau européen de développement durable qui permet aux administrations d’échanger, au cours d’une conférence annuelle, sur la manière d’intégrer le développement durable dans les politiques publiques.

Le représentant de l’Association « Ensemble pour 2030 », qui regroupe 80 pays, a jugé incontournable une meilleure ouverture à la société civile.  Celui du grand groupe des ONG a dit l’importance de comparer les performances entre les différents pays et de vulgariser le Programme 2030 aux niveaux local et national.  Elle a aussi estimé que les mécanismes existants des droits de l'homme devaient être utilisés pour favoriser l’appropriation du Programme.  Sur le même ton, le représentant du grand groupe des jeunes a appelé à défendre la participation des jeunes à la mise en œuvre des objectifs de développement durable en jugeant insuffisants les réseaux de communication actuels.

Le représentant des personnes handicapées s’est inquiété de ce que les droits de ces personnes, reconnus au niveau international, le soient beaucoup moins aux niveaux régional ou national.  Celle du grand groupe des femmes s’est interrogée sur les procédures en place au niveau des institutions régionales africaines pour assurer la participation des femmes à toutes les activités de suivi du Programme 2030.     

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