Forum politique de haut niveau sur le développement durable,
1re & 2e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6780

ECOSOC: le Forum politique sur le développement durable tient sa première réunion après l’adoption du Programme 2030 sur le thème « ne laisser personne sur le côté »

Un an après l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon » 2030, « nous sommes encore au stade de la lune de miel » mais il faut maintenant « redescendre sur terre » et s’attaquer aux défis, dont le principal est le financement, a déclaré ce matin un participant à l’une des quatre tables rondes qui ont marqué l’ouverture du Forum politique de haut niveau sur le développement durable qui se réunit, pour la première fois, muni du Programme 2030.

Élément central de l’architecture de suivi du Programme, de ses 17 objectifs de développement durable (ODD) et 169 cibles, le Forum politique de haut niveau doit faciliter l’échange d’expériences, fournir une direction politique, des orientations et des recommandations et encourager la cohérence et la coordination des politiques de développement durable à l’échelle de l’ensemble du système.  Cette première session, qui durera jusqu’au 20 juillet, est organisée sur le thème « Ne laisser personne sur le côté », principe fondamental du Programme 2030. 

Cette réunion est « d’une importance cruciale pour construire un monde inclusif, durable et prospère », a estimé le Président du Conseil économique et social, M. Oh Joon, qui a aussi précisé que l’accent y serait mis sur l’appropriation nationale, avec l’expérience de 22 pays qui viendront à titre volontaire présenter leurs défis dans la mise en œuvre du Programme 2030. 

« Nous sommes au début d’un magnifique voyage de transformation », a estimé le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Wu Hongbo, pour qui l’efficacité du Forum dépendra de la volonté de tous de mobiliser les synergies.  Le Programme 2030 est « un état d’esprit », a estimé le représentant du Kenya et, si l’on reste dans cet état d’esprit, il est possible de commencer très rapidement à réaliser les objectifs de développement durable.  

Le Secrétaire général a publié un rapport* qui examine les efforts du système des Nations Unies pour intégrer effectivement les trois dimensions du développement durable -économique, environnementale et sociale- dans son appui aux États Membres.  Le rapport présente trois exemples de coordination du système: l’eau, avec « ONU-Eau », les villes, avec la mise en place d’un programme intégré pour des villes et des établissements humains durable, et l’interaction développement/aide humanitaire.

Le rapport, qui passe en revue la réalisation des 17 objectifs de développement durable, un an après leur adoption, met notamment l’accent sur la nécessité, pour mieux comprendre quels groupes de population sont les plus désavantagés, de disposer de statistiques fiables et ventilées.  En la matière, l’élimination de l’extrême pauvreté reste le principal défi.  Or, si la part de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté a diminué de 26 à 13% durant la décennie 2000, quelque 800 millions de personnes souffrent toujours de la faim.  Pour atteindre les objectifs de développement durable, il faudra renforcer les partenariats et mobiliser toutes les ressources disponibles.

Mais, au niveau actuel, les financements ne suffisent pas.  Ancienne Secrétaire générale de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Mme Christiana Figueres a estimé qu’il fallait aller au-delà de la période de « lune de miel » et s’interroger sur notre niveau de tolérance à la situation des personnes vulnérables, y compris sur la nécessité d’un nouveau contrat social.

L’importance d’entendre la voix des communautés les plus défavorisées a été soulignée.  Il a été question notamment des personnes handicapées, des peuples autochtones, des femmes, des jeunes ou encore des populations des pays les moins avancés, mais aussi de l’intégration sociale de chacun dans la marche vers le progrès des pays les plus développés, comme les États-Unis.

Après les quatre tables rondes tenues aujourd’hui, le Forum politique de haut niveau sur le développement durable poursuivra ses travaux demain, mardi 12 juillet, avec trois autres tables rondes consacrées respectivement à la sécurité alimentaire, à la création de sociétés pacifiques et plus inclusives et à l’interface science-politique.

*A/71/76

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Déclarations liminaires

Le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. OH JOON (République de Corée), a souligné l’importance de ce Forum politique de haut niveau qui est le premier à se tenir après l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dont la promesse fondamentale est de ne « laisser personne sur le côté ».  Les prochains jours, a estimé le Président, nous offrent l’occasion d’explorer les moyens de concrétiser cette promesse sous le prisme des 17 objectifs de développement durable. 

Nous allons voir où nous en sommes un an après l’adoption du Programme 2030 et comment renforcer l’appropriation nationale des objectifs de développement durable et intégrer ces objectifs dans les plans de développement de même que les trois dimensions du développement durable.  Les discussions du Forum porteront aussi sur la manière de mettre la science, l’innovation et la technologie au service des objectifs de développement durable. 

Le Président a ajouté qu’il s’agira également de voir si ces objectifs bénéficient vraiment aux pays qui ont des défis spécifiques à relever comme les petits États insulaires en développement, les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les pays en conflit et postconflit, sans oublier les pays à revenu intermédiaire.  La perspective régionale du Programme 2030 sera aussi explorée. 

Les trois jours de réunions ministériels seront l’occasion de faire passer le message du Forum politique aux ministres, a souhaité le Président.  Le rôle du Forum dans le suivi de la mise en œuvre du Programme 2030 est extrêmement important, a-t-il insisté, en attirant l’attention sur les 22 pays qui viendront, de manière volontaire, présenter leurs défis et faiblesses.  Tous les pays ont été encouragés à utiliser les moyens qu’ils veulent pour structurer leur évaluation nationale et partager les enseignements qu’ils ont tirés de leur expérience. 

Le Forum va aussi examiner le rapport que le Secrétaire général a préparé avec le concours du système de l’ONU et les commissions techniques du Conseil économique et social.  Le Forum n’oubliera pas d’impliquer les grands groupes et autres parties prenantes aux discussions et d’évaluer leurs contributions, ce qui deviendra une tradition car un Forum fort veut dire progrès rapides dans la mise en œuvre des 17 objectifs de développement durable, a conclu le Président.   

M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales (DAES), s’est félicité du programme riche et stimulant de ce Forum politique qui se déclinera en 22 présentations volontaires, en plus d’une centaine d’interventions, en une centaine de manifestations parallèles, en quelque 170 contributions diverses, en présence de 1 500 participants.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, comportant 17 objectifs et 169 cibles, constitue un plan d’action pour les individus et la planète qui doit être mis en œuvre par le biais d’un « partenariat international cimenté ».  Il a voulu que l’on s’attaque ensemble aux inégalités croissantes pour édifier des sociétés solidaires et répondre aux besoins de tous.  « Nous serons jugés en fonction du bien-être que nous apporterons aux groupes les plus vulnérables », a prévenu le Secrétaire général adjoint. 

Le succès dépend de six domaines spécifiques: le leadership politique des chefs d’État et de gouvernement; la capacité des institutions de donner aux organes existants les mandats d’application; la capacité des pays de garantir la cohérence des leurs actions respectives; le partage des enseignements tirés de l’expérience; la contribution des grands groupes et parties prenantes dont la société civile, et le secteur privé; et la capacité de la coopération internationale au développement de s’adapter aux enjeux du développement durable. 

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 confère au Forum un rôle de plate-forme mondiale de contrôle et de suivi mais l’efficacité dudit Forum dépend de la volonté de tous de mobiliser les synergies.  « Nous sommes au début d’un magnifique voyage transformateur » a-t-il conclu. 

Table ronde 1: « Où en sommes-nous un an plus tard? »

« Le point annuel sur les objectifs de développement durable » (E/2016/75) a été présenté par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales.  Le rapport du Secrétaire général, qui se base sur les indicateurs mondiaux, fait un premier point de la réalisation des 17 objectifs du Programme 2030 dans le monde.  Certaines cibles ne sont pas prises en compte à ce stade initial, soit parce que les données y relatives ne sont pas disponibles en suffisance, soit parce qu’elles sont mesurées par des indicateurs qui sont toujours en cours de développement.  Pour la plupart des indicateurs considérés, les valeurs représentent des ensembles régionaux et/ou sous-régionaux et sont calculées à partir des données nationales collectées par des institutions internationales auprès des systèmes statistiques nationaux, sur la base de leur mandat respectif et de leur spécialisation.  Les données nationales sont souvent ajustées afin de pouvoir être comparées au niveau international et lorsqu’elles font défaut, les institutions internationales procèdent à des estimations. 

Le rapport comporte trois sections qui traitent des problèmes mondiaux relatifs à la réalisation des objectifs de développement durable.  À la section II, le Secrétaire général résume la situation et les tendances régionales et mondiales pour chaque objectif, sur la base d’une sélection d’indicateurs pour lesquels des données sont disponibles.  S’inspirant du thème principal du Forum politique de haut niveau, il met en évidence, à la section III, certaines des inégalités rencontrées en ce qui concerne l’ensemble des objectifs et cibles, en s’appuyant sur des données ventilées.  Dans la dernière section, il apporte des précisions sur la disponibilité des données et l’utilisation qui en est faite pour mesurer les indicateurs mondiaux.  Il décrit également les difficultés rencontrées par les organismes nationaux de statistique et la communauté statistique internationale. 

Les objectifs de développement ont donc pris leur envol, s’est réjoui M. DEBAPRIYA BHATTACHARYA, Président de la « Southern Voice on Post-MDG International Development Goals ».  Mais la tâche reste difficile, a-t-il avoué, des défis de deuxième génération ayant émergé.  Au-delà de tous les défis, le principal problème est le financement et à cet égard, les objectifs de développement durable auraient dû être formulés dans des termes « énergiques et contraignants » s’agissant, en particulier du partenariat.

Par souci d’efficacité, commençons par « ceux qui sont les plus loin du développement », a conseillé Mme CHRISTIANA FIGUERES, ancienne Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Il faut des mesures nationales d’application du Programme 2030 surtout dans les pays en développement où les données font défaut.  On ne peut plus travailler comme avant.  Nous devons savoir « très exactement » ce que nous voulons en 2030. 

À ce propos, M. JOSÉ MARÍA VIERA, Conseiller aux droits de l’homme et à la politique de développement à « World Blind Union », a souligné que les personnes handicapées sont des participants clefs à la réalisation du Programme 2030.  Il a regretté qu’au niveau international, la voix des personnes handicapées aient été étouffées par celle des autorités.  Notre rôle a été relégué au second plan, s’est-il plaint, en montrant du doigt une » double discrimination ».

Beaucoup de gens ne comprennent pas ce que les objectifs de développement durable signifient, s’est désolé M. MARTIN TSOUNKEU, Représentant général de « Africa Development Interchange Network.  Il a insisté sur des statistiques nationales fiables et leur bonne exploitation. 

En matière de mise en œuvre du Programme 2030, « nous sommes encore au stade de la lune de miel », a reconnu le Président de la « Southern Voice on Post-MDG International Development Goals ».  Nous devons désormais descendre sur terre et s’attaquer aux défis, à savoir les mesures d’application et la collecte des données.   Au niveau de l’ONU, il faut insuffler de la vie aux structures existantes, a commenté à son tour l’ancienne Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Le Programme 2030 est un nouveau contrat social et à ce jour, personne n’a encore pris de mesures remarquées pour sa concrétisation.

Le Programme 2030 est surtout un état d’esprit et si on l’a, on peut commencer très rapidement la réalisation des objectifs de développement durable, a estimé le représentant du Kenya.  Avec une économie mondiale générant énormément de fonds, la question est de savoir comment réorienter cet argent vers les objectifs de développement durable.  Nous avons le Programme 2030, ses 17 objectifs et ses 169 cibles, la question n’est plus de savoir, s’est impatienté le représentant, comment aider les populations à parvenir au développement.

La représentante des grands groupes des femmes et des enfants a appelé les gouvernements à faire participer les grands groupes à l’élaboration des rapports nationaux de mise en œuvre.  À ce propos, celle de la Colombie a voulu que l’on évite les doublons entre les niveaux national et local.  La représentante des Maldives, au nom de l’Alliance des petits États insulaires en développement, a plaidé pour un appui au renforcement des capacités statistiques et d’analyse des données.  Son homologue du Brésil a soulevé la question du cadre institutionnel, de la sécurité et des changements climatiques à laquelle il faut réfléchir attentivement, conformément à l’objectif 16 du Programme 2030. 

Table ronde 2: « Veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte: Imaginer un monde inclusif pour 2030 »

« Il n’y aura pas de développement inclusif si les groupes vulnérables n’ont pas voix au chapitre et si les données statistiques ne montrent pas leur réalité », a répété M. HECTOR ALEJANDRO PALMA CERNA (Honduras), Vice-Président de l’ECOSOC.

« Nous ne pouvons pas parler d’un monde inclusif sans parler de l’objectif 10 du Programme 2030 sur la lutte contre les inégalités, a renchéri M. ION JINGA, Président de la Commission du développement social.  Son homologue de l’Instance permanente sur les questions autochtones, M. ALVARO ESTEBAN POP AC, a prévenu qu’un « monde inclusif signifie respect des droits des peuples autochtones ».  Cela signifie aussi respect des droits des personnes handicapées, a ajouté le MIBRAHIM ISMAIL ABDALLAH, Président de l’Organisation arabe des personnes handicapées (AOPD).  Les droits de la femme ont été mis en avant par Mme ONALENNA SELOLWANE, Membre du Comité exécutif du Forum de l’autonomisation socioéconomique des femmes du Botswana.

Les fusillades qui ont eu lieu la semaine dernière au Minnesota, au Texas et en Louisiane ont été invoqué par la représentante du Département de la justice des États-Unis pour montrer que tous les pays ont un long chemin à parcourir pour que « chacun soit inclus dans la marche vers le progrès ».  Mme LISA FOSTER a rappelé les dires du Président Barack Obama selon lesquels les inégalités sont le grand ennemi du développement.  La Maison Blanche prend très au sérieux l’appel à des indicateurs fiables.   

Pour les Africains, le défi est de réussir à trouver la prospérité dans les 15 prochaines années alors que nous n’y sommes pas parvenus lors des 45 dernières, a avoué une membre du Comité exécutif du Forum de l’autonomisation socioéconomique des femmes.  Elle a rappelé que malgré les milliards dépensés dans les Pays les moins avancés (PMA) depuis 45 ans, 70% des plus de 24 ans au Mali, en Gambie ou au Mozambique n’ont jamais été à l’école.  Faisant le lien entre inégalités et insécurité, elle a prévenu que les populations analphabètes sont les plus prédisposées à la violence.

La réalité des populations autochtones doit être reflétée dans les statistiques nationales, a plaidé à son tour le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Il a dénoncé les barrages et les projets hydroélectriques sur les terres autochtones dont la construction provoque des déplacements forcés de population.  Il a aussi dénoncé les conséquences des changements climatiques sur lesquels les peuples autochtones devraient avoir leur mot à dire.  Les personnes handicapées qu’on devrait cesser de considérer comme des dépendants ont aussi leur mot à dire, a ajouté le Président de l’Organisation arabe des personnes handicapées (AOPD), en plaidant pour des systèmes de santé et de protection sociale plus inclusifs.

Le représentant du Sri Lanka s’est enorgueilli de la création d’un Ministère sri-lankais du développement durable en 2015, le seul de la région Asie-Pacifique.  La représentante du grand groupe des femmes a appelé à la fin des « structures patriarcales dépassées.  Celui du grand groupe des jeunes et des enfants a rappelé que les moins de 26 ans représentent 50% de la population mondiale.

La représentante de l’Union européenne a vu une autre preuve de la nécessité d’avoir des données ventilées.  Une société inclusive n’est pas un rêve, c’est un impératif », a déclaré une représentante des « Sœurs des missions américaines », au nom du grand groupe des ONG

Revenant sur la question du financement, le Président de la cinquante-quatrième session de la Commission du développement social a appelé à des coalitions politiques larges entre la société civile, le monde universitaire et le monde des entreprises, « parce que l’APD ne pas peut pas tout faire ».  Il a affirmé que le souci de sa Commission est d’aligner son travail sur celui du Forum et de l’ECOSOC pour plus de complémentarité et d’efficacité vis-à-vis des objectifs de développement durable.

Table ronde 3: « Veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte – Sortir les gens de la pauvreté et répondre aux besoins de base »

Le Vice-Président de l’ECOSOC, M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a rappelé qu’un des grands défis des objectifs de développement durable consistait à trouver le moyen de cibler les services de base sur ceux qui en ont le plus besoin.  Le Programme 2030, a commenté la modératrice, Mme SARINA PRABASI, PDG de WaterAid America, contient des engagements qui représentent un formidable défi pour la communauté internationale.  Ces objectifs sont liés entre eux et, si certains objectifs se voyaient accorder la priorité par rapport à d’autres, on ne pourra y arriver.  Ce qu’il faut, c’est placer les plus démunis au centre de nos politiques.

Les défis sont en effet interconnectés, a insisté Mme ALICE ALBRIGHT, Directrice générale du Partenariat mondial pour l’'éducation.  Malgré les progrès réalisés grâce aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), des millions d’enfants -et surtout des filles- n’ont toujours pas accès à une éducation primaire de qualité et encore moins à l’éducation secondaire.  Il faut, a-t-elle plaidé, renforcer les systèmes d’enseignement, insister sur l’éducation des filles et améliorer l’apprentissage et les systèmes d’évaluation des enseignants.

C’est du secteur de la santé qu’a parlé M. MICHAEL PARK, Directeur de la stratégie et des opérations du partenariat pour la santé de l’Institut Aspen, qui s’est aussi présenté comme le petit-fils d’un agent de santé communautaire en République de Corée.  Ces agents, qui vivent au milieu de communautés isolées, ont pour mission d’alerter sur les risques d’épidémie, d’apporter des services de base tels que la vaccination ou les moustiquaires et de servir de point d’accès à la santé en milieu rural.  En la matière, le manque de ressources et surtout le manque de compétences en matière de gestion rendent les choses difficiles.  Il a donc plaidé pour le renforcement des capacités de ces travailleurs.  Pour assurer les services élémentaires, il faut investir dans les ressources humaines et non dans les nouvelles technologies ou les nouveaux produits, a-t-il prévenu, car, en général, les outils nécessaires existent déjà: ce qu’il faut, c’est savoir les utiliser à bon escient.

La question  des agents de santé communautaire a été abordée par d’autres intervenants.  Le représentant du Bénin a aussi insisté sur leur formation,  regrettant qu’ils n’aient souvent « aucun niveau ».  Son homologue du Rwanda, pays cité en exemple, a expliqué que dans son pays, les agents de santé communautaire sont des bénévoles, dont l’action se place dans la lignée des traditions d’entraide communautaire.  La représentante a mis l’accent sur leur rôle dans le succès des programmes de sensibilisation des femmes à la vaccination ou aux soins génésiques, ajoutant qu’ils permettent de garantir une couverture santé universelle.

Il faut non seulement faire sortir les plus pauvres de la pauvreté mais aussi éviter que d’autres y sombrent, a pour sa part estimé Mme RAJUL PANDYA-LORCH, Chef du personnel et Chef de l’Initiative Vision 2020 à l’International Food Policy Research Institute (IFPRI). En effet, a-t-elle rappelé, il y a eu beaucoup de progrès dans la réduction de la pauvreté et de la faim, mais beaucoup de personnes sont encore laissées pour compte.  Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue a été réduit de moitié mais elles sont encore 900 millions, les plus vulnérables étant les femmes et les enfants.  En 1950, un milliard de personnes connaissaient la faim.  Aujourd’hui, elles sont 795 millions, dont 280 millions en Asie du Sud, alors que 20% de la population d’Afrique subsaharienne est dans cette situation.  En outre, a prévenu l’oratrice, les changements climatiques, l’urbanisation et les conflits ne feront qu’aggraver la situation.

Mais grâce aux technologies, des progrès rapides sont possibles.  Mme Pandya-Lorch a cité en exemple le Brésil, qui a ciblé des groupes sociaux pour réduire la faim et la Chine, qui a rendu beaucoup plus facile pour les petits paysans d’acheter de la nourriture et des moyens de production, ainsi que la Thaïlande, le Ghana ou encore le Chili.  Il y a là une série d’expériences qui offrent des modèles variés à suivre par d’autres pays.  Le chemin est encore long mais on voit la lumière au bout du tunnel, a assuré la responsable de l’IFPRI, qui a plaidé pour une croissance inclusive, l’amélioration de l’accès au savoir, l’accélération des investissements dans la santé et la nutrition et le renforcement de la résilience des plus vulnérables.  Mme Pandya-Lorch a aussi souhaité que les programmes de lutte contre la pauvreté permettent aux plus démunis de faire entendre leurs points de vue dès le départ.

Cette participation des premiers concernés a été largement réclamée par plusieurs autres intervenants.  Il faut prendre en compte les points de vue et les connaissances des laissés-pour-compte et garantir ainsi leur dignité, a ainsi plaidé Mme CRISTINA DIEZ, Directrice de la formation aux relations internationales du Mouvement international ATD Quart Monde.  Pour elle, le caractère interconnecté et indivisible des différents besoins élémentaires est encore plus vrai quand il s’agit des plus démunis.  Pourquoi ne sont-ils pas impliqués dans la définition de leurs besoins élémentaires?  Ce qu’ils souhaitent est tout aussi important que la méthodologie, a martelé l’oratrice.  Pour elle, il faut surtout étudier les conditions dans lesquelles sont fournis les services de santé ou d’éducation, qui doivent être gratuits et réellement accessibles à tous, dans des sociétés qui accordent trop d’importance à l’argent, aux diplômes et au pouvoir.

C’est un aspect trop souvent oublié par les institutions, programmes et projets, qui multiplient les conditions d’accès aux services sociaux de base, alors que ce sont précisément ces conditions qui, le plus souvent, empêchent les plus démunis d’y accéder.  Si on veut réaliser les objectifs de développement durable, il faudra trouver de nouvelles voies et inclure de nouvelles personnes avec de nouvelles expériences et de nouvelles idées, y compris ici même, a conclu Mme Diez, qui a rappelé qu’une des définitions de la folie est l’utilisation récurrente des mêmes méthodes en espérant qu’elles produiront des résultats différents.

Le même thème de la participation et de la dignité a été repris par les intervenants de différents groupes parmi les plus vulnérables ou les plus soumis à des discriminations.  Ainsi, la représentante du grand groupe des peuples autochtones a souhaité que ces peuples ne soient pas seulement des bénéficiaires de l’assistance, mais des partenaires reconnus comme tels et propres à partager leurs propres connaissances ancestrales.  Parmi les besoins essentiels des peuples autochtones figurent la reconnaissance et le respect de leurs droits collectifs.  Les objectifs d’éradication de la pauvreté devraient donc intégrer la propriété collective des terres et reconnaître les modes de vie et pas seulement le niveau des revenus.  De la même manière, la représentante des personnes handicapées a rejeté l’idée de programmes spécifiques pour les handicapés et demandé que les programmes généraux soient conçus pour assurer la participation de tous handicapés ou non. 

Celle du grand groupe des femmes a estimé que le Programme 2030 n’aborde pas les problèmes systémiques et structurels qui maintiennent femmes et fillettes dans la pauvreté.  Enfin, le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes a mis l’accent sur une approche centrée sur les droits, afin de garantir l’accès aux services de base.  Il s’est félicité que ce type d’approche soit utilisé dans le cadre d’Habitat III et dans le contexte du onzième objectif de développement durable sur les habitats humains et les villes durables.

Plus généralement, la représentante du grand groupe des ONG a estimé que, pour jeter des bases solides sur lesquelles les besoins élémentaires des personnes sont satisfaits, il faut renforcer l’implication de la société civile et encourager de nouveaux partenariats, y compris multisectoriels.  Elle a jugé important de disposer de données ventilées pour que les ressources soient allouées aux secteurs où elles sont le plus nécessaires.

Certains des intervenants ont toutefois mis l’accent sur le rôle des autorités publiques.  Le représentant du Bénin a estimé que ce sont les gouvernants, que ce soit dans les pays pauvres ou dans les pays riches, qui doivent changer de mentalité, faute de quoi on n’atteindra pas plus les objectifs de développement durable dans 15 ans.  Celle de la Chine a longuement expliqué ce qu’a fait son pays pour réduire la pauvreté grâce à un effort en faveur de la prospérité commune, dans lequel le Gouvernement a joué un rôle dirigeant, y compris en adoptant des programmes visant des groupes spécifiques - femmes, enfants, handicapés, minorités ethniques– ou des politiques spécifiques pour différentes provinces.  La représentante du Rwanda a insisté sur « l’esprit visionnaire » qui a permis de mettre fin aux conditions qui ont été à l’origine du génocide de 1994 par la construction d’institutions fortes, le renforcement des capacités et une politique de croissance économique durable assurant la participation des citoyens à leur propre développement. 

Celui de la Malaisie a expliqué que son pays avait réduit le taux de pauvreté de 60% en 1990 à 0,6% en 2015, grâce à une démarche multisectorielle visant à créer des emplois dans tous les secteurs d’activités, à améliorer l’éducation et la santé et à créer des filets de sécurité sociale.  Le pays a également mis en place un nouveau système d’évaluation de la pauvreté qui prend en compte non seulement le revenu, mais l’accès à différents services de base et l’autoévaluation du « bonheur national brut ».  Son collègue de la Ligue des États arabes a évoqué les efforts déployés par sa Ligue pour lutter contre la pauvreté par l’éducation, la santé, la productivité sociale, l’action en faveur des petites entreprises ou encore des programmes de formation.  

Enfin, la représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a rappelé que les pauvres des zones rurales représentent les trois quarts des personnes vivant dans la pauvreté.  Tout le monde peut être gagnant si on allie production et protection sociale, par exemple en garantissant l’accès à l’éducation et à la santé des filles et des femmes, qui peuvent ensuite être des actrices économiques beaucoup plus productives.  Elle a également cité en exemple les cantines scolaires qui peuvent garantir la sécurité alimentaire des enfants scolarisés en même temps que des revenus pour les producteurs locaux.

Table ronde 4: « Veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte: Stimuler la croissance économique, la prospérité et la viabilité »

Présidé par M. SVEN JÜRGENSON (Estonie), Vice-Président de l’ECOSOC, cette table ronde a été l’occasion de rappeler que la croissance économique n’est pas forcément créatrice d’emplois et de prospérité.  Les intervenants ont donc souligné l’importance des politiques publiques pour garantir une croissance orientée vers le respect de l’environnement et le développement social.  La protection sociale a été érigée au rang de « base » de la prospérité.

Nous n’avons pas de plan B, a prévenu le modérateur M. VINICIUS PINHEIRO, Directeur du Bureau de New York de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en insistant sur les trois dimensions du développement durable: économique, environnementale et sociale.  Ces trois dimensions doivent être considérées comme d’égale importance.  M. TIM JACKSON, Directeur du Centre pour la compréhension de la prospérité durable (CUSP) à l’Université de Surrey, a en effet souligné que la croissance économique ne conduit pas automatiquement à la création d’emplois ou à l’amélioration de la santé et de l’éducation.  La prospérité ou bien-être social va bien au-delà des considérations purement matérielles.       

C’est là qu’entre en jeu la notion de croissance inclusive.  M. BART VERSPAGEN, Directeur à l’Université de Maastricht et à l’Université des Nations Unies, a appelé à l’innovation.  Attention, a mis en garde M. WELLINGTON CHIBEBE, Secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale internationale (CSI/ITUC).  Les beaux mots et les beaux concepts peuvent conduire à « une crise des attentes ».  Ce qu’il faut c’est la protection des droits et des acquis sociaux.  Les politiques publiques pour une croissance inclusive ne peuvent réussir sans un véritable dialogue social, a dit celui qui a défendu « la négociation collective ».  Pour lui, la protection sociale est « la base » de la prospérité.  On ne peut parler de protection sociale sans une discipline fiscale, a argué le Secrétaire général adjoint de la CSI qui en a profité pour parler des flux financiers illicites qui, partant de l’Afrique, sont supérieurs à l’aide publique au développement(APD).  

Ceci montre qu’il faut des institutions publiques fortes pour garantir le développement social, tout particulièrement l’autonomisation des femmes, a ajouté le représentant du Danemark.  Il faut surtout des financements novateurs car les prêts à 40% d’intérêts proposés par les banques traditionnelles ne sont pas viables, a tranché le représentant de l’Association nationale des petits exploitants agricole du Malawi (NASFAM).

Le huitième objectif du Programme 2030 concerne « la promotion d’une croissance économique soutenue, partagée et durable, du plein emploi productif et d’un travail décent pour tous ».  L’objectif 8.1 parle spécifiquement de « maintenir un taux de croissance économique par habitant adapté au contexte national et, en particulier, un taux de croissance annuelle du produit intérieur brut d’au moins 7% dans les pays les moins avancés ».  Dans ce contexte, le représentant du Tchad a insisté sur une exploitation viable des ressources naturelles.  Une croissance durable doit avoir pour condition préalable le respect des droits individuels et collectifs, a souligné la représentante des populations autochtones.  Elle s’est particulièrement inquiétée de l’impact des industries extractives sur les droits des peuples autochtones.  La Chine, a expliqué son représentant, a pris des mesures pour que le PIB ne tombe pas sous la barre des 6,5% pendant la période 2016-2020.  Pour la première fois, la part des services vient de dépasser celle de l’industrie manufacturière.  Des réformes ont été lancées pour promouvoir un développement « vert et partagé ».  Il faut en effet trouver des solutions pour se développer dans les limites de notre planète, a souligné le représentant de la Suisse.  « Ce sont les choix que nous allons faire en termes de technologie qui vont faire la différence dans les 20 ou 30 années à venir », a estimé le Directeur à l’Université de Maastricht et à l’Université des Nations Unies.  Beaucoup d’entreprises dans le monde fonctionnent déjà dans le respect des principes de bonne gouvernance et le souci de leur d’impact social, a affirmé la représentante du grand groupe du secteur privé.  L’emploi étant le meilleur moyen de sortir de la pauvreté, elle a appelé le Forum à se pencher sur les meilleurs moyens de booster ce secteur.

Le représentant de la Serbie a quant à lui proposé au Forum de se pencher sur l’impact qu’aura la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne -Brexit- sur le développement durable.  Le Brexit est le résultat de l’angoisse des gens devant la défaillance des institutions publiques, a affirmé le Directeur du Centre pour la compréhension de la prospérité durable (CUSP) à l’Université de Surrey.  Le Forum, a aussi voulu le représentant de la Serbie, doit également se pencher sur la question des réfugiés.  Quelque 600 000 réfugiés du Moyen-Orient ont traversé la Serbie en 2015 et 300 réfugiés supplémentaires arrivent chaque jour. 

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