ECOSOC et Commission de consolidation de la paix,
Séance conjointe -matin                
ECOSOC/6773-CCP/116

La Commission de consolidation de la paix et l’ECOSOC se penchent sur les moyens d’approfondir les liens entre le Programme 2030 et les activités de paix

Le Vice-Secrétaire général de l’ONU et les Présidents du Conseil économique et social (ECOSOC) et de la Commission de consolidation de la paix (CCP) ont plaidé, aujourd’hui, pour une action unie et cohérente de l’ONU afin d’approfondir les liens entre Programme de développement durable à l’horizon 2030 et activités de paix.  

« Les objectifs de développement durable contenus dans ce Programme ne seront pas atteints si nous ne parvenons pas à une paix durable », a averti le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, qui a plaidé pour un changement d’état d’esprit au sein de l’ONU.

Le Président de la CCP, M. Macharia Kamau, du Kenya, a affirmé que le Secrétariat de l’ONU devait s’adapter au Programme de développement « et non pas l’inverse », avant de plaider, à l’instar du Président de l’ECOSOC, M. Oh Joon, de la République de Corée, pour un renforcement des liens entre les deux organes.

Cette première réunion conjointe de la CCP et de l’ECOSOC, qui a vu la tenue d’une table ronde intitulée « Programme de développement à l’horizon 2030 et paix durable », au cours de laquelle une vingtaine de délégations ont pris la parole, se tenait près de deux mois après l’adoption par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale d’une résolution* identique sur le renforcement de l’architecture de paix de l’ONU.

Cette résolution « historique », comme l’a qualifiée M. Jan Eliasson, préconise davantage de cohérence, de coordination et de continuité dans les activités menées par le système des Nations Unies pour consolider la paix, insistant en particulier sur le concept de « pérennisation de la paix ».

« Nous devons travailler ensemble pour aider les pays qui sortent de conflit à mettre en œuvre leurs engagements », a estimé le Président de l’ECOSOC, qui a rappelé que les conflits et les troubles anéantissaient les progrès réalisés en matière de développement.  Il a souligné la nécessité de faire face aux défis immédiats de la paix et de la sécurité et de remédier, dans le même temps, aux causes profondes des conflits.

Le Président de la CCP a, lui, rappelé que les liens entre le Programme de développement et les activités de paix ne concernaient pas le seul objectif numéro 16 dudit Programme, qui a trait à la promotion de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable.  « Évitons ce piège qui pourrait saper l’accord fondamental auquel nous sommes parvenus », a-t-il dit, en rappelant que les objectifs de développement durable étaient « universaux, liés entre eux et intégrés ».  « Nous ne devons pas les amoindrir », a-t-il affirmé.

M. Kamau a ensuite proposé que la Commission appuie l’Assemblée générale, l’ECOSOC et le Forum politique de haut niveau dans son examen de suivi du Programme, en mettant l’accent sur les pays touchés par un conflit.  L’ECOSOC et la CCP pourraient examiner les bonnes pratiques visant à remédier aux causes profondes des conflits et à prévenir l’apparition, l’escalade, la continuation et la résurgence des conflits, a—t-il affirmé.

Dans le droit fil des résolutions de l’Assemblée et du Conseil précitées, M. Eliasson a plaidé pour une approche horizontale entre paix, sécurité, développement et droits de l’homme.  Il a également rappelé que, selon ces résolutions, c’est l’ensemble du système onusien qui a la responsabilité de la consolidation de la paix.  « Nous devons prêter plus d’attention à la phase précédant l’apparition de la violence et celle suivant la fin d’un conflit violent », a-t-il dit.

Estimant que la mobilisation des ressources supplémentaires ne suffira pas, le Vice-Secrétaire général a demandé des réponses institutionnelles cohérentes et un changement d’état d’esprit.  La présence de l’ONU sur le terrain, en mission comme hors mission, doit viser à répondre de « manière stratégique et opérationnelle » aux défis du Programme de développement et aux résolutions de pérennisation de la paix, a-t-il conclu.

 

* A/70/L.43

 

« PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030 ET MAINTIEN DE LA PAIX »

Table ronde sur le thème « Le Programme de développement à l’horizon 2030 et la paix durable »

Exposés

M. CARLOS LOPEZ, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, s’exprimant par vidéoconférence depuis Addis-Abeba, a offert une perspective régionale en disant que l’Afrique avait éprouvé les pires difficultés à mettre en œuvre les engagements du développement.  Après avoir énuméré les contraintes de l’économie africaine, il a parlé des perspectives favorables, comme les taux de croissance élevés et soutenus, des ressources d’investissements et les projets d’infrastructure.  Les Africains doivent trouver eux-mêmes les causes des conflits.  Les groupes privés de ressources sont exclus et marginalisés comme les jeunes qui deviendraient des combattants non pour la paix mais pour les conflits. 

Sur le 54 États africains, huit seulement n’ont pas connu des conflits armés ou de la violence depuis leur indépendance.  En moyenne, 2,3% du produit national brut est perdu dans les conflits.  La priorité de l’Afrique est de s’attaquer aux causes des conflits.  La seule façon d’y faire face est l’inclusion, a-t-il dit. 

Mme ANNIKA SÖDER, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Suède, a dit que le Programme de développement durable était une feuille de route pour tout le système onusien.  « Ce Programme vise à nous éloigner des approches cloisonnées », a-t-elle ajouté.  Elle a invité tous les États à concourir à la réalisation des objectifs de développement durable.  L’ONU doit être présente avant et après les conflits, a-t-elle affirmé.  Soulignant la nécessité de dégager des ressources pour le Programme, elle a indiqué qu’il fallait éviter la concurrence entre les fonds.  Elle a aussi souligné l’importance de la consolidation de la paix en Amérique centrale, avant de demander un renforcement des liens entre l’ONU et l’Union africaine.  « Nous devons dépasser la division entre pays développés et en développement pour parvenir à la réalisation de nos objectifs communs », a-t-elle conclu.

M. DAVID DONOGHUE (Irlande) a rappelé que les négociations de l’objectif numéro 16 sur la justice, la paix et des institutions efficaces avaient été très difficiles.  Deux écoles de pensées se sont opposées, celle qui voulait lier sécurité, paix et développement et celle qui pensait qu’une telle approche se ferait au détriment du développement.  Certains pensaient aussi que cette approche laisserait une place trop grande au Conseil de sécurité, a-t-il affirmé.  Un consensus s’est dégagé sur l’importance de facteurs comme l’état de droit et la transparence.  Les questions de violence, de corruption, ou de manque de gouvernance ont aussi été traitées dans le but d’assurer un développement durable pour tous.

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a espéré que les résolutions précitées permettront de concrétiser le changement d’état d’esprit dont l’ONU a besoin.  Il faut une approche plus holistique des efforts de consolidation de la paix, a-t-elle dit, ajoutant que l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix devaient à cette fin conjuguer leurs efforts.  Elle a expliqué que ces résolutions et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 intéressaient tous les États et répondaient à des aspirations communes.  Il s’agit de créer des sociétés stables.  

Elle a plaidé pour la pleine application des résolutions précitées, guidée par un objectif d’éviter les doublons.  L’unité d’action au sein de l’ONU est pour l’instant un vœu pieux, a-t-elle dit, ajoutant que chaque entité onusienne préférait plutôt défendre son pré carré.  Il est essentiel que le prochain Secrétaire général en fasse sa priorité, a-t-elle poursuivi.  Elle a également plaidé pour la mise en place d’un mécanisme de responsabilité à haut niveau.  La question du financement est épineuse et nous ne l’avons pas encore réglée, a-t-elle conclu.  

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a déclaré qu’un changement de paradigme devait avoir lieu aux Nations Unies, 70 ans après sa création.  « Nos priorités ne sont plus exactement ce qu’a prévu la Charte.  Les Nations Unies devraient investir dans la paix et mettre l’individu au cœur de l’action.  Si 75% des ressources vont aujourd’hui à la gestion des conflits, combien allons-nous consacrer à l’homme?  On a besoin d’une Organisation qui s’attache à la prévention des conflits, ce qui explique l’importance du financement.  Les tissus sociaux doivent être sains et ne débouchent pas sur les guerres ou la criminalité organisée.  

La solution est d’abord de mettre fin au cloisonnement et de travailler de manière transversale pour traiter les causes des conflits.  Un dialogue et une coopération doivent être mis en place entre l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix.  Le Secrétariat doit s’adapter au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et aux besoins des États Membres et non inversement.

Discussion interactive

Lors du débat interactif qui a suivi, animé par le représentant du Kenya et Président de la Commission de la consolidation de la paix, M. MACHARIA KAMAU, les délégués ont mis l’accent sur l’importance d’abattre les cloisonnements au sein du système des Nations Unies, de consolider les liens entre les différents organes de l’Organisation, et de coordonner les financements du développement et de la consolidation de la paix.

Ils ont aussi fait part de leurs visions respectives ou celles des groupes d’États qu’ils représentent, sur les liens entre le développement durable et la paix durable.  Le délégué du Rwanda a estimé que la résolution conjointe est un pas dans la bonne direction.  Son homologue d’El Salvador a plaidé pour un lien fort entre l’ECOSOC et la Commission de consolidation de la paix.  L’ECOSOC, comme le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale doivent davantage solliciter la Commission, a-t-il dit. 

Liens forts, certes, a poursuivi la représentante de la Thaïlande, qui parlait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, mais il faut que les Nations Unies et ses organes prennent en compte les besoins différents de chaque pays, le faire de façon efficace en renforçant les institutions nationales.  Pour leur part, les délégués du Venezuela et de la Fédération de Russie ont plaidé pour un strict respect des mandats de chaque organe, dans la mesure où, comme l’a affirmé la déléguée russe, « lorsqu’on s’occupe de tout on finit par s’occuper de rien ». 

Pour le représentant du Japon, les objectifs de développement durable devraient être réalisés par les pays eux-mêmes sur le terrain.  Si la question de financement du développement et de la paix est importante, il faut d’abord régler le problème de la fragmentation des financements au sein même des Nations Unies. 

Pour son homologue du Burundi, la stabilité politique est l’élément le plus important pour attirer les investisseurs étrangers à s’installer dans les pays.  Le Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique a dit qu’en matière de financement, il fallait créer les conditions favorables à l’investissement. 

La représentante des États-Unis a abordé la question sous l’angle de la réforme du système des Nations Unies en soulignant l’existence de consensus sur cette réforme.  En revanche, le représentant du Bangladesh, qui parlait au nom du Groupe des pays les moins avancés (PMA), a rappelé que les six pays inscrits au programme de la Commission de consolidation de la paix étaient tous des PMA, un changement de paradigme s’imposait si l’on veut que ces pays puissent réaliser la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Ils ont besoin d’un appui politique adéquat tenant compte de leurs besoins nationaux.  Les pays développés ont la responsabilité de concrétiser leurs engagements de financer le développement, a-t-il insisté. 

De nombreux délégués ont également mis en exergue les liens entre le développement durable et la consolidation de la paix à l’instar du délégué de la Colombie, qui a rappelé qu’un accord de cessez-le-feu historique a été signé hier dans son pays entre le Gouvernement et la rébellion après 50 ans de conflit, déclenchant les applaudissements nourris de la salle.  « Nous allons nous attacher à la promotion d’une paix durable », a-t-il promis.  Plus globalement, le représentant du Japon a souligné l’importance de mener un examen approfondi des différentes phases des conflits et d’avoir des démarches intégrées en matière de développement, de paix et de coopération.  

Le représentant de la République de Corée a dit que le maintien de la paix était essentiel à la réalisation de l’objectif numéro 16 sur la paix, la justice et des institutions efficaces.  Sur le terrain, la paix est une notion transversale qui passe par la paix et se traduit en paix. 

La représentante de la Norvège a indiqué que si la réalisation des objectifs de développement durable signifiait se concentrer sur les droits de l’homme et l’aide au développement pour faire cesser les conflits, il fallait des accords de paix inclusifs.  L’objectif numéro 16 est un point d’entrée pour conjuguer les efforts dans ce sens.

Mais pour le représentant de l’Égypte, l’objectif de développement durable numéro 1 sur l’élimination de la pauvreté extrême et la faim reste le plus grand défi à réaliser.  « Notre devoir est de tout faire pour que les conditions du développement durable soient réunies.  Il faut aussi combattre le terrorisme et l’extrémisme violent. »

 

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