Forum sur le financement du développement: le Groupe des 77 et l’Union européenne regrettent des conclusions « sans substance » et « beaucoup moins ambitieuses »
Le Forum sur le suivi du financement du développement du Conseil économique et social (ECOSOC), qui se réunissait pour la première fois pour assurer le suivi du Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, a conclu ses trois jours de travaux en adoptant des Conclusions*, « sans substance » selon le Groupe des 77 et de la Chine, et « beaucoup moins ambitieuses que ce qu’on aurait souhaité », d’après l’Union européenne.
Dans ses Conclusions, le Forum sur le suivi du financement du développement confirme que le Programme d’action d’Addis-Abeba est une partie intégrante du Programme de développement durable à l’horizon 2030. « Il l’appuie et le complète et aide à contextualiser ses moyens de mise en œuvre par des politiques et actions concrètes ». Comme le disait le Secrétaire général de l’ONU, au premier jour du Forum, le Programme d’action d’Addis-Abeba contient à lui seul plus de 100 engagements politiques concrets sur toutes les sources de financement ainsi que sur les sciences, les technologies, l’innovation et le renforcement des capacités; et les données, le contrôle et le suivi.
Nous aurions espéré des Conclusions qui reflètent en effet de manière équilibrée tous les domaines d’actions du Programme d’Addis-Abeba, a avoué le représentant du Groupe des 77 et de la Chine devant un document qui tient en une page. Il a fustigé le manque de « substance » et prévenu que l’entêtement risque de compromettre les discussions futures du Forum. Avant que le représentant d’El Salvador ne critique « la forte opposition » aux références sur les grands engagements antérieurs, son homologue de l’Union européenne a reconnu que les Conclusions sont « beaucoup moins ambitieuses que ce qu’on aurait souhaité ». Compte tenu de la diversité et de la complexité des questions traitées, les délégations devraient avoir plus de temps pour discuter des Conclusions, a ajouté le représentant de la Fédération de Russie, soutenu par celle de la société civile.
En sa qualité de cofalicitateur des Conclusions, le représentant de la Croatie a expliqué que si le document final ne contient que quatre paragraphes c’est parce qu’il est le fruit d’un débat « très riche ». Les nombreuses idées constructives présentées au cours de ces trois jours ont en effet été saluées par le Président de l’ECOSOC, M. Oh Joon qui a invité les participants à s’approprier le projet du développement durable et à rechercher des solutions mutuellement avantageuses.
Dans ses Conclusions, le Forum se félicite des quelque 140 pages du tout premier rapport du Groupe de réflexion insterinstitutions sur le financement du développement et de son approche en trois angles: une brève présentation du contexte mondial et de ses implications; une vue d’ensemble concise de chaque chapitre du Programme d’action d’Addis-Abeba tout en couvrant la série d’engagements et de mesures dans une annexe en ligne; et une discussion sur des questions spécifiques.
Convoqué par le Secrétaire général, le Groupe de réflexion est composé de 50 agences, programmes et bureaux de l’ONU, de ses commissions régionales et d’autres institutions internationales pertinentes. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) y jouent un rôle central.
Pendant trois jours, les participants au Forum ont fait le point sur la mise en œuvre des engagements financiers pris à Addis-Abeba pour réaliser les 17 objectifs et 169 cibles du Programme sur le développement durable à l’horizon 2030, notamment par le biais de l’« Instance mondiale dédiée aux infrastructures » et du « Mécanisme de facilitation des technologies ». L’opérationnalisation, d’ici à 2017, d’une « banque de licences de technologies des Nations Unies pour les PMA » jouera un rôle décisif pour promouvoir la recherche et l’innovation scientifiques et favoriser la diffusion et le transfert de technologie et de la propriété intellectuelle. C’est le vœu qu’a formé aujourd’hui le Directeur général de l’Institut international de la propriété intellectuelle.
Le Forum sur le financement du développement avait commencé, le 18 avril dernier, par la Réunion spéciale de haut niveau de l’ECOSOC avec les institutions de Bretton Woods, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), suivie par un débat général et des tables rondes et réunions-débats ouverts au secteur privé et à la société civile. Aujourd’hui, par exemple, la question de la « dette » a été examinée en tant qu’obstacle majeur au financement du développement.
L’ECOSOC, qui a également adopté le rapport** sur la session du Forum, transmettra ses Conclusions à son Forum politique de haut niveau sur le développement durable.
*Document informel qui n’a été publié à ce jour qu’en anglais
**E/FFDF/2016/L.1
SUITE À DONNER AU PROGRAMME D’ACTION D’ADDIS-ABEBA ISSU DE LA TROISIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
Table ronde sur le thème « Dette et questions systémiques »
La table ronde était animée par M. JOSE ANTONIO OCAMPO, Directeur de la concentration du développement politique et économique à l’École internationale des affaires publiques de la « Columbia University ». La question essentielle, a-t-il dit, est de savoir dans quelle mesure les mécanismes existants de restructuration de la dette publique cités dans le Programme d’action d’Addis-Abeba sont-ils mis en œuvre et s’ils sont suffisants.
Pour M. ALIISTER SMITH, Directeur exécutif du Groupe de la Banque chargé d’une grande partie des Caraïbes, il ne fait aucun doute que depuis la crise économique de 2008, un certain nombre d’engagements ont été pris en faveur de la viabilité et de la restructuration de la dette. L’allègement de la dette a eu un impact dans la décennie écoulée, réduisant la vulnérabilité de beaucoup de pays. Mais la dette reste une préoccupation majeure pour la région des Caraïbes dont les pays sont exposés aux catastrophes naturelles et donc contraints d’emprunter pour la reconstruction. Malheureusement pour ces pays, la restructuration de la dette est devenue plus difficile après les dernières décisions du Club de Paris et du G-20.
Il faut, a préconisé le Directeur exécutif, un dialogue plus soutenu entre les argentiers à savoir le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale ou le Club de Paris, pour faciliter les processus de restructuration. Le Directeur exécutif a douté de voir un jour la création d’un cadre systémique pour la restructuration de la dette. Cette restructuration, a-t-il plutôt conseillé, doit faire partie intégrante des finances publiques. Il a attiré l’attention sur les exigences prescrites par la Banque mondiale dans sa politique d’emprunts non concessionnelles, sur celles prescrites par le FMI dans sa politique de limitation de la dette et sur les Principes de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) relatifs à la promotion des prêts et des emprunts souverains responsables.
Justement pour la CNUCED, représentée aujourd’hui par sa Directrice de la Branche « dette et financement du développement, Mme STEPHANIE BLANKENBURG, la question centrale est d’établir l’équilibre entre les besoins de financement et la faculté des pays à rembourser leur dette. Elle a, à son tour, insisté sur les Principes de la CNUCED et l’intérêt pour les États d’accepter, à titre exceptionnel, un soutien financier. Elle a aussi conseillé d’élaborer une législation sur la restructuration de la dette publique, ce qui a fait sursauter le représentant des États-Unis qui a mis en garde contre les risques d’« effrayer » le secteur privé. Un intervenant du secteur privé a d’ailleurs souligné le rôle important des créanciers qui rachètent les dettes publiques. Associer ces « investisseurs » aux discussions est, a-t-il plaidé, le meilleur moyen de minimiser les problèmes liés à la restructuration de la dette. Or, jusqu’ici les institutions publiques ne tiennent pas compte du secteur privé lequel a pourtant pour but ultime d’augmenter la valeur de ses investissements grâce à des solutions négociées et viables plutôt que des cadres juridiques « contraignants ».
Il s’agit simplement, s’est expliquée la représentante de la CNUCED, de mettre l’accent sur la responsabilité des créanciers et non de « décourager » les investissements privés. Il s’agit de faire prévaloir une « rationalité collective » pour minimiser les risques liés à une crise de la dette. Une crise dont les contours ont été dessinés par M. LEE BUCHHEIT, du Cabinet d’affaires Cleary, Gottlieb Steen et Hamilton LLP, lequel a participé à la renégociation de la dette argentine. Dans les pays en développement, a-t-il estimé, la crise de la dette est souvent due à la volatilité des capitaux qui affluent quand l’économie va bien et qui se retirent très vite quand les choses commencent à aller mal. Les pays en développement, ne pouvant contrer de tels cycles, plongent dans une crise alors que leur ratio dette/PNB est moins élevé que par le passé. Le G-20 réfléchit à la question, a assuré le représentant de la France. C’est une question liée aux institutions financières internationales, régionales et même bilatérales dont l’une des raisons d’être est précisément de jouer un rôle « contre-cyclique ». À ce titre, le représentant français a cité comme exemple de cette approche élargie, l’« International development finance Club », le réseau des banques de développement nationales et sous-régionales connues pour leur travail dans le financement du développement.
Le processus de ce financement, a maintenu le représentant du Cabinet d’affaires Cleary, Gottlieb Steen et Hamilton LLP, ne va pas dans le bon sens parce qu’il ne reconnait pas le caractère « systémique » de l’économie mondiale. Il faut certes des instruments de gestion de la dette mais il faut aussi en réformer les cadres multilatéraux, en commençant par les outils d’analyse de la viabilité de la dette, notamment sous l’angle de la trésorerie et avec des indicateurs assez fins pour saisir la complexité des processus actuels d’endettement dont la question des « dettes cachées ».
En Europe, a-t-il poursuivi, le ratio dette/PIB a 90% alors qu’au-delà de 60%, on tombe dans la « zone rouge » des insolvables. Des pays, qui ne pouvaient pas émettre des obligations, ont pu le faire pour la première fois, grâce à des taux d’intérêt zéro. En conséquence, les investisseurs se sont intéressés aux obligations. Mais comme contre toute attente, les cours des matières premières se sont effondrés et les taux d’intérêt ont augmenté, le monde a connu les problèmes actuels. La seule solution: la restructuration de la dette publique, a prôné l’avocat d’affaires. « Il en va de la réalisation des objectifs de développement durable qui suppose la stabilisation du système financier mondial. L’avocat d’affaires a dit partager le point de vue « révolutionnaire » de la CNUCED sur « la responsabilité du créancier », ce qui touche effectivement aux questions systémiques, dont la représentation des pays en développement dans les institutions financières multilatérales.
Le Directeur exécutif adjoint du FMI, M. MIN ZHU, a assuré que le Fonds a lancé des réformes, dont un système de quotas, pour garantir la participation des pays en développement à la définition de l’architecture financière pour le développement durable. Le FMI est bien plus transparent qu’avant, a reconnu Mme JO MARIE GRIESGRABER, Directrice exécutive à la « Global Finance Coalition ». Elle a tout de même demandé une nouvelle formule de quota pour le FMI où ce sont les individus qui seraient représentés. Elle a en revanche dénoncé le manque de progrès à l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et à la Banque, même s’il faut se féliciter d’une meilleure cohérence entre ces deux organisations et le FMI.
Le Directeur exécutif adjoint du FMI, est également revenu sur le rôle de premier plan qu’assume le FMI depuis 2008 pour aider le monde à s’adapter aux nouvelles réalités. Il faut, a-t-il convenu, poursuivre le dialogue sur la réforme du système monétaire international qui relève d’une responsabilité partagée. Aujourd’hui, les filets de sécurité financière sont toujours aussi fragmentés et imprévisibles. Les flux financiers transfrontières sont toujours très mal gérés. N’existent toujours pas une réglementation et une surveillance des marchés propres à assurer la stabilité financière et monétaire. Ces questions concernent à la fois le monde développé et le monde en développement.
Dans l’état actuel des choses, les économies européenne et américaine menacent l’économie mondiale, a acquiescé le Directeur de la concentration du développement politique et économique à l’École internationale des affaires publiques de la « Columbia University. Le système actuel a malgré tout fonctionné relativement bien pour la plupart des pays, a conclu M. LEE BUCHHEIT, du Cabinet d’affaires Cleary, Gottlieb Steen et Hamilton LLP. Pour lui, il s’agit essentiellement de l’améliorer et non de le rejeter.
Table ronde sur le thème « Le commerce, la science, la technologie, l’innovation et le renforcement des capacités »
Comment la communauté internationale peut-elle faire pour garantir un commerce international inclusif et des accords commerciaux régionaux préférentiels, tels que le Partenariat transpacifique, qui n’exacerbent pas la marginalisation des pays les moins avancés (PMA) et des économies les plus vulnérables? Quelles mesures les États peuvent-ils prendre pour veiller à ce que le commerce et les accords sur l’investissement ne remettent pas en cause les politiques publiques mais contribuent plutôt à la réalisation du développement durable? Quelles sont les lacunes persistantes en matière d’innovation et de capacités technologiques dans les pays en développement? Enfin, comment le Forum sur le financement pour le développement peut-il contribuer au succès du Mécanisme de facilitation de la technologie?
Voilà les questions soulevées lors de cette table ronde modérée par M. ALFREDO SUESCUM, Président du Conseil du commerce et du développement de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
M. PUVAN SELVANATHAN a expliqué que les objectifs du Centre du commerce international (ITC), qu’il dirige, sont de renforcer l’intégration du secteur des affaires des pays en développement et des économies en transition dans l’économie globale; d’améliorer la performance des institutions d’appui au commerce et à l’investissement pour en faire bénéficier les petites et moyennes entreprises (PME); et de renforcer la compétitivité de ces mêmes PME dans le commerce international. Dans le cadre des objectifs de développement durable, a-t-il rappelé, la croissance économique et le commerce constituent les moteurs de la lutte contre la pauvreté et pour le développement. « Les PME, en tant que foyers d’innovation et générateurs d’emploi, seront la base essentielle de cet effort », a conclu M. Selvanathan, en affirmant que l’amélioration de leur compétitivité est la « véritable raison d’être de l’ITC ».
Il est vrai que beaucoup de pays sont dépourvus de structures commerciales véritables, a reconnu M. HANS-PETER WERNER de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) alors que les accords commerciaux se multiplient au niveau régional, voire entre pays de régions différentes, souvent sur le plan bilatéral. Ces accords ne sont pas tous bénéfiques, a mis en garde Mme DEBORAH JAMES, Directrice des programmes internationaux au Centre pour la recherche économique et politique. Elle a argué, par exemple, que si l’Accord de Partenariat transpacifique devait être appliqué, « il porterait gravement préjudice aux pays en développement », compliquant notamment leur accès aux médicaments. L’experte a donc constaté un paradoxe flagrant entre, d’un côté, les obligations qui incombent aux États Membres en vertu du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et, de l’autre, la logique dominante de la majorité des investissements, qui profitent davantage aux investisseurs qu’aux pays. Les années d’expérience montrent que les traités bilatéraux ont eu des répercussions négatives considérables sur les secteurs de la santé ou de l’éducation, « ce qui montre qu’ils sont inadaptés à la réalisation du Programme 2030 ». Or, a observé Mme James, certaines clauses permettent de rendre caduques l’adhésion de certains pays.
Il faut trouver des solutions à la hauteur de la complexité des objectifs de développement durable, en « réimaginant le monde », a acquiescé M. ANDREW HIRSCH, Directeur général de l’Institut international de la propriété intellectuelle. La priorité? Répondre aux besoins des pays les moins avancés (PMA) qui doivent bénéficier massivement du transfert des technologies, en évitant toutefois de reproduire les erreurs commises par le passé. À cette fin, l’opérationnalisation, d’ici à 2017, d’une « banque de licences de technologies des Nations Unies pour les PMA », en vertu du Programme d’action d’Addis-Abeba, est une bonne chose, a estimé le panéliste. L’objectif est de promouvoir la recherche et l’innovation scientifiques et favoriser la diffusion et le transfert de technologie et de la propriété intellectuelle vers ces pays.
Dans cette optique, M. AMBUJ SAGAR, Professeur d’études politiques à l’Institut indien de technologie et membre du Mécanisme de facilitation des technologies, a assuré que l’erreur la plus importante à ne pas commettre est celle d’une « approche unique ». « Il faut comprendre le contexte national dans lequel seront diffusées les technologies », a mis en garde l’expert, encourageant à identifier les priorités nationales et les voies par lesquelles brevets et technologies peuvent être disséminés. Mais nombreux sont les pays qui ne disposent pas des capacités suffisantes pour « assurer le déploiement » de ces technologies. Compte-tenu de cette situation, que faire? Pour M. Sagar, les gouvernements doivent développer des capacités humaines et institutionnelles et se doter de politiques appropriées. Ils doivent également, de concert avec les « programmes internationaux », garantir des financements adéquats et « soutenir les connaissances à différents stades du cycle technologique ».
Le succès du commerce international c’est d’abord la lutte contre les protectionnismes, a simplifié le représentant de l’Indonésie qui a prôné l’élargissement du « Mécanisme de surveillance du protectionnisme » du G-20 à l’ensemble des membres de l’OMC. Il a en outre souligné la nécessité de conclure, après 15 ans de retard, le Cycle des négociations de Doha. Un intervenant du secteur privé est revenu sur l’accès équitable aux technologies, en demandant aux gouvernements d’intervenir quand se posent des difficultés d’accès aux capitaux. C’est tout particulièrement vrai de l’Afrique, confrontée à une expansion démographique porteuse de problèmes de résilience ou d’urbanisation. Une représentante de la société civile a dit craindre que les technologies ne « captent » les financements, au détriment de la santé et de l’éducation. Réagissant à ces propos, la délégation des Pays-Bas a indiqué que, dans son pays, l’aide publique au développement (APD) parvenait à assurer l’équilibre entre les priorités.
Les pays en développement ont besoin de deux types d’infrastructures, a estimé le représentant du Groupe des experts sur les infrastructures. Il a parlé des « infrastructures de technologies financières », qui sont par nature électroniques et des infrastructures physiques comme les routes, les systèmes d’assainissement ou les installations portuaires. Pour y arriver, l’intervenante de l’Association mondiale des élus locaux a réclamé le transfert aux autorités locales d’au moins 25% des recettes fiscales nationales, ce qui est la moyenne dans les pays développés.
Table ronde sur le thème « Les données, le contrôle et le suivi »
Présidée par M. ANDRÉ VALLINI, Secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie de la France, et animée par M. LENNI MONTIEL, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique au Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, la table ronde a permis de souligner l’importance de données fiables et désagrégées pour assurer le suivi des politiques mises en œuvre, et à terme, la redevabilité des dirigeants.
Dans son propos liminaire, le Secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie de la France a indiqué que la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030 suscite trois défis en matière de suivi: la désagrégation des données sur les nouveaux domaines qualitatifs; les nouvelles technologies; et l’entrée en jeu de nouveaux acteurs, notamment les entreprises et la société civile. Le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique au Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies s’est demandé comment faire en sorte que les méthodes traditionnelles de collecte de données soient consolidées tout en explorant de nouvelles méthodes.
M. ROBERT YORK, Chef de la Division des institutions financières au Département des statistiques du FMI, a expliqué que le Fonds a mis en place le Système général de diffusion des données (SGDD) en 1997 afin d’aider les pays à améliorer la transparence de leurs statistiques et leur exploitation. Avant cela, a-t-il noté, la norme spéciale de diffusion des données (NSDD) avait été créée en 1996 pour aider les pays à communiquer des données économiques et financières au public. En 2012, la NSDD Plus a été créée.
En matière des données, ce sont les autorités nationales qui doivent d’abord identifier clairement leurs besoins et leurs priorités avant de demander l’appui de la communauté internationale. Il ne faut pas oublier que malgré le rôle de plus en plus croissant des technologies de l’information et des communications (TIC), les outils traditionnels de collecte des données garderont toute leur pertinence.
Cette assertion a été appuyée par M. JOHN JAMES PULLINGER, Statisticien du Royaume-Uni, qui a plaidé pour le renforcement des capacités d’analyse des gouvernements, ce qui implique des partenariats avec le secteur privé et la société civile. Le secteur privé est prêt à aider en ce sens, notamment en matière d’innovation, a affirmé un représentant de ce secteur, avant que M. PULLINGER n’appelle à la mise sur pied d’un réseau virtuel de statisticiens du Nord et du Sud pour partager les expériences. Les premiers responsables de collecte des données sont les gouvernements, a souligné une représentante de la société civile, en parlant des recensements ou des registres d’état civil qui, il est vrai, font défaut dans de nombreux pays en développement alors que les données sont étroitement liées à la redevabilité gouvernementale, a renchéri une représentante d’ONG.
Pourquoi la désagrégation inquiète? s’est demandée la représentante du Canada. Comment évaluer, par exemple, les avancées en matière d’autonomisation des femmes. Les données désagrégées sont importantes mais il ne faut pas oublier qu’ils ont un coût, a rappelé le Chef de la Division des institutions financières au Département des statistiques du FMI. Elles exigent des investissements énormes que ni le secteur privé ni les décideurs ne veulent engager, peut-être parce que l’absence de données désagrégées permet de masquer l’inaction, a soupçonné l’Administrateur de la « Society for International development.
Prenons tout de même garde aux risques de « mort subite due à une overdose de données », a-t-il concédé, regrettant que ce Forum sur le financement du développement n’ait mené de discussions franches sur les méthodes de collecte des données car sans cela on risque de perdre en fiabilité et d’influer négativement sur le suivi du Programme d’action d’Addis-Abeba. Il a demandé au Forum de s’impliquer réellement dans la « nouvelle gouvernance mondiale » pour donner tort à ceux qui lui jettent aujourd’hui « un regard dubitatif ».
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. VIRACHAI PLASAI (Thaïlande) s’est déclaré déçu que le mandat du Forum, qui est d’évaluer les progrès, d’identifier les obstacles et les défis, de traiter des questions nouvelles et émergentes et de faire des recommandations politiques à la communauté internationale, ne se reflètent pas dans les « Conclusions » du Forum. Nous aurions espéré, a-t-il dit, des « Conclusions » qui reflètent de manière équilibrée les éléments de tous les domaines d’actions du Programme d’Addis-Abeba. Fustigeant le manque de « substance » et faisant valoir la constance, le caractère constructif, la bonne volonté et la grande souplesse dont son Groupe a fait montre pendant les négociations, le représentant a dénoncé un entêtement qui risque de compromettre les discussions futures du Forum. Il a espéré que cette situation ne créé pas « un précédent », appelant encore une fois à des « Conclusions significatives et substantielles pour refléter la transformation de la vision mondiale en des actions concrètes propres à améliorer la vie des gens dans le monde ».
Le représentant de l’Union européenne, a constaté que les « Conclusions » sont beaucoup moins ambitieuses que ce qu’on aurait souhaité. Il s’est félicité une nouvelle fois du rapport du Groupe de réflexion insterinstitutions sur le financement du développement qui est le témoignage de ce qui a été convenu à Addis-Abeba.
Débat général
M. ANDRE VALLINI, Ministre d’État du développement et de la Francophonie de la France, a affirmé que la France s’est résolument engagée dans l’application du Programme d’Addis-Abeba notamment par le biais de son Agence de coopération et la mobilisation de quatre milliards d’euros supplémentaires pour le financement du développement. Le partenariat mondial renouvelé doit, selon lui, se concrétiser grâce à des coalitions d’acteurs, publics et privés, internationaux et nationaux et une combinaison de sources de financement. La France est au rendez-vous pour promouvoir des modèles innovants au sein de sa coopération internationale, a poursuivi le Ministre.
Rappelant qu’en 2013 les flux illicites de capitaux étaient de l’ordre de 1 100 milliards de dollars alors que l’aide au développement ne représentait que 135 milliards, le Ministre a appelé à la lutte contre la corruption et pour la transparence. Abordant ensuite la question des changements climatiques, il a affirmé que le climat était d’abord un enjeu de développement et qu’il fallait qu’il soit intégré dans toutes les politiques de développement durable. Au-delà des financements publics dans ce domaine, le financement est également une question des acteurs privés ou encore d’outils nouveaux comme les obligations vertes ou les avantages pour les infrastructures « bas carbone ». Enfin, le Ministre a réitéré l’intention de la France de soutenir les pays les moins avancés, en particulier les 16 pays africains qu’elle soutient. La France reste mobilisée pour préserver et mettre en œuvre ses engagements dans le contexte du Programme de développement durable, a conclu le Ministre.
M. IGOR LUKŠIĆ, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères et de l’intégration européenne du Monténégro, a souligné que l’APD devait rester un élément important du financement du développement. Nous devons toutefois mobiliser des ressources additionnelles de manière indépendante, a-t-il recommandé. Il a aussi plaidé en faveur de l’appropriation nationale des mesures d’appui au développement des pays, en appelant aussi à prendre en compte les spécificités de chaque région.
M. PAUL OQUIST KELLE (Nicaragua) a fustigé le capitalisme sauvage en demandant d’en finir avec cette accumulation sans fin et dépourvue de sens. Les gains des banques étaient de 6% dans les années 80, un chiffre qui a augmenté à 40% en 2007, a-t-il fait remarquer. Il a ajouté à ce problème celui des conflits qui génèrent des flux importants de réfugiés, et celui des changements climatiques qui compromet l’avenir de la planète. Plutôt que de l’eau pour tous, une personne sur quatre n’aura pas accès à l’eau en 2030, a-t-il prévenu en citant les rapports officiels.
M. NGOAKO RAMATLHODI, Ministre des services publics de l’Afrique du Sud a prévenu que l’impact négatif de la crise financière mondiale sur le développement et le redressement fragile, ainsi que la chute des prix des produits de base et l’instabilité des marchés de capitaux ont fait dérailler les progrès. Il faut finir le travail, a demandé le Ministre, jugeant toutefois indispensable de respecter la marge de manœuvre politique des États. Il faut créer un contexte économique mondial caractérisé par une meilleure gouvernance pour pouvoir atteindre les objectifs de développement durable. Les pays en développement doivent pouvoir participer à l’architecture financière internationale, a demandé le Ministre qui a salué la réforme initiée par le FMI.
Il a plaidé pour le respect des engagements pris en matière d’APD et demandé à l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) de présenter un rapport à la prochaine réunion du Forum. Abordant également l’Accord de Paris sur les changements climatiques, il s’est dit impatient de participer à sa signature et a espéré que les engagements seront tenus et que les financements seront distincts de l’APD. Il a aussi appelé à redoubler d’efforts dans la lutte contre la corruption et les flux illicites de capitaux.
Mme TERESA RIBEIRO, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a indiqué que son ministère, en coopération avec le Ministère de la planification et des infrastructures, assurerait la coordination d’ensemble de la mise en œuvre du Programme durable à l’horizon 2030 et du processus de financement pour le développement, qui sont étroitement liés. Dans la mesure où ces agendas dépassent la sphère gouvernementale, un système de consultation avec la société civile portugaise est en cours d’élaboration, en vue d’adopter « un plan national d’action intersectoriel ».
Dans le même esprit, le réseau portugais pour le Pacte mondial des Nations Unies a récemment créé une plateforme pour une « alliance des objectifs de développement durable » impliquant des représentants du secteur privé et d’autres acteurs concernés. Le Portugal, a expliqué Mme Ribeiro, continuera de centrer ses efforts sur l’éducation, la santé, la formation et le renforcement des capacités, tout en s’intéressant à l’efficacité énergétique, l’environnement et l’économie bleue. Il a l’intention de recourir à des financements mixtes en catalysant les ressources publiques et en mobilisant le secteur privé à travers son Institution de financement du développement (SOFID).
M. JESÚS GRACIA ALDAZ, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Espagne, a estimé que le texte adopté reflète bien le lien entre le Programme d’Addis-Abeba et le Programme 2030 et les moyens à mettre en œuvre pour réaliser le dix-septième objectif de développement durable sur les partenariats internationaux. Il a cependant voulu que l’on évite les doublons, préconisant d’examiner la mise en œuvre du Programme d’Addis-Abeba une seule fois par an, dans le cadre exclusif du Forum. Les deux Programmes essaient d’en finir avec « le paradigme Nord-Sud », a-t-il estimé, en promettant que l’Espagne va travailler à l’amélioration de la transparence fiscale et financière, au renforcement des capacités institutionnelles des pays en développement et à la coopération internationale en matière fiscale. L’Espagne n’oublie pas que le secteur privé a beaucoup à apporter au financement du développement, a conclu le Vice-Ministre.
M. AHMED KOUCHOUK, Vice-Ministre des finances de l’Égypte, a souligné que les pays en développement sont un moteur de la croissance économique mondiale et que leur accès au développement fournira de nouvelles opportunités de croissance aux économies avancées. L’Égypte, a-t-il dit, a mis en place des programmes pour le développement, y compris une réforme fiscale et une politique de subventions. Il reste toutefois encore beaucoup à faire et le temps est une donnée essentielle. Par conséquent l’Égypte attend l’accélération de la mise en œuvre du Programme d’Addis-Abeba et appelle les économies avancées à faciliter et améliorer les conditions d’accès des pays en développement aux marchés financiers. L’Égypte aspire à plus de progrès tangibles d’ici le prochain examen.
M. MOHAMED AHMED SHIDE, Ministre d’État au Ministère des finances et de la coopération économique de l’Éthiopie, a fait part de son expérience en termes d’intégration des Objectifs de développement durable. L’alignement des objectifs nationaux sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est une première étape, a-t-il dit, affirmant qu’il travaillait pour la mobilisation de tous les types de financement. La transformation du secteur privé, est l’un des neuf piliers de notre développement national, a-t-il précisé, avant d’évoquer le cadre juridique mis en place cette année pour encadrer les partenariats entre le secteur public et le secteur privé.
M. DEGOL MENDES, Secrétaire d’État à l’économie de la Guinée-Bissau, estime que vu l’importance du Programme d’action d’Addis-Abeba pour les pays comme le sien, il faut cibler les actions correspondant aux spécificités des pays. À ce titre, il a cité les menaces à la biodiversité qui exigent des financements spéciaux sous la forme d’un fonds d’affectation spéciale. La Guinée-Bissau a créé depuis 1992 des territoires protégés, plaçant la protection de la biodiversité au cœur de son développement.
Au nom de la Communauté de Caraïbes (CARICOM), Mme RHONDA KING (Saint-Vincent-et-Grenadines) a, entre autres, plaidé par l’intégration du principe d’universalité dans le Programme du développement durable tout en tenant compte des différents stages de développement et de la nature dynamique des besoins des pays en développement. Il a pris le cas des petits États insulaires en développement où les défis « uniques » de la mobilisation des ressources renforcent la dépendance aux financements publics. Ces pays doivent donc mettre l’accent sur la nécessité d’un environnement mondial favorable et l’importance des partenariats internationaux. La CARICOM plaide pour que ses besoins spécifiques soient dûment pris en compte.
M. BADRELDIN MAHMOUD ABBAS, Ministre des finances et de l’économie du Soudan, a rappelé que la responsabilité première du développement économique incombe aux gouvernements nationaux. Nous devons en même temps œuvrer en faveur d’un environnement mondial favorable au développement durable et à l’élimination de la pauvreté, notamment en facilitant l’accès des pays en développement à l’OMC et en trouvant une issue à la question de la dette. Il a demandé que l’on mobilise des ressources financières et non financières pour les pays qui passent par des périodes difficiles, rejetant les mesures coercitives économiques et commerciales. Parlant des changements climatiques, il a demandé un engagement total pour l’adaptation des pays en développement dont la mobilisation des 100 milliards de dollars agréés d’ici à 2020.
M. NEIL BRISCOE, Responsable des partenariats mondiaux au Département du développement international du Royaume-Uni, a mis l’accent sur la nécessité de combattre les flux illicites de capitaux et la corruption pour une mise en œuvre efficace du Programme d’action d’Addis-Abeba. Le Royaume-Uni a signé des accords de coopération et respecte ses engagements en matière d’aide publique au développement (APD), a dit le représentant. Mais, a-t-il dit, l’APD seule ne suffira pas pour réaliser les objectifs de développement durable. Il faut impérativement trouver d’autres sources de financement, notamment dans le secteur privé. Pour poursuivre l’élan actuel, il a salué notamment l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba et le Forum mondial sur les infrastructures qui sont « de bonnes approches » pour arriver à ce « monde juste » auquel nous aspirons.
M. AHMED BIN MOHAMMED AL-MURAIKHI (Qatar) a plaidé en faveur de la mobilisation des ressources aux plans national et international. Ce faisant, il a appelé à des partenariats entre les parties prenantes, entre le secteur privé et le secteur public. Le Qatar, a-t-il fait valoir, fournit une aide au développement important en tant que membre actif de la communauté internationale. Le financement du développement a toujours été un des objectifs principaux de la politique étrangère du Qatar, a-t-il assuré avant de réaffirmer les engagements de son pays en matière d’aide publique au développement (APD).
M. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a argué que pour les petits États insulaires en développement (PEID), l’adoption d’une approche holistique doit mettre l’accent sur les efforts en cours pour mettre en œuvre les Orientations de Samoa, dont la nécessité de mobiliser des ressources pour renforcer leur résilience aux chocs économiques et environnementaux exogènes auxquels ils sont particulièrement vulnérables. Une telle approche, a poursuivi la représentante, doit aussi tenir compte du fait que ces pays sont bien souvent « pris au piège du revenu intermédiaire », avec la stagnation voire la paralysie de leurs progrès vers la catégorie des pays développés. La mobilisation et l’utilisation efficace des ressources ne suffiront pas. On ne peut ni ne doit perdre de vue les problèmes systémiques qui peuvent compromettre les efforts de développement durable. Les problèmes tels que l’utilisation d’indicateurs qui ne tiennent pas compte des vulnérabilités propres aux PEID doivent être résolus tout comme le lourd fardeau de la dette occasionné et exacerbé par les turbulences de l’économie mondiale. La représentante a aussi parlé des risques liés à l’impasse dans le Cycle de négociations commerciales de Doha et dans la réforme des institutions financières internationales. Elle a néanmoins reconnu la nécessité pour les économies des pays comme le sien de lancer des réformes structurelles, réglementaires et bureaucratiques pour créer un environnement favorable à l’investissement privé.
Mme MARCIA COLQUHOUN, Responsable adjointe de la Task Force pour l’Agenda 2030 du Canada, a souligné que son pays tient à mettre l’accent sur les femmes et les enfants, sans lesquels ont on ne pourra pas éradiquer la pauvreté. Le Canada reconnait le rôle central du secteur privé tant au plan national qu’international. Le Canada, qui est un membre fondateur de l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba, travaille à la mobilisation des ressources privées.
M. MICHAEL GERBER (Suisse) a indiqué que, la semaine dernière, le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié ses dernières statistiques sur l’aide publique au développement (APD), qui est « à son plus haut niveau mondial ». En Suisse, elle est passée de 0,52% du PIB en 2015, une augmentation significative en dépit des restrictions budgétaires, a fait valoir le représentant. Il a indiqué que 10 milliards de dollars d’investissements privés étaient actuellement gérés dans son pays en faveur de l’aide au développement. Il a estimé que la participation des femmes et des filles dans la sphère économique est une exigence « fondamentale » du développement durable que la Suisse soutient pleinement.
M. GEORGE WILFRED TALBOT (Guyana) a estimé à son tour que le Forum doit prêter une attention soutenue aux besoins spécifiques des pays. Il a appelé au renforcement des partenariats et à un partage véritable des expériences pour le succès du Programme d’Addis-Abeba.
Mme NWE NWE WIN (Myanmar) s’est dite convaincue que le Forum permettrait de faire des recommandations concrètes en vue de la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Son pays fait sa part d’efforts en luttant contre la corruption et en favorisant la transparence, a-t-elle dit. Nous œuvrons aussi en faveur de la cohésion sociale de notre peuple, a-t-elle ajouté. Elle a parlé des programmes nationaux de développement mis en œuvre en coopération avec la Banque mondiale. L’approche du développement de Myanmar est axée sur la population et sur une coopération étroite avec l’ONU et les partenaires au développement, a-t-elle souligné.
Mme SARAH MENDELSON (États-Unis) a souligné que l’aide au développement n’est pas une question de charité, mais un investissement important. Les investissements en faveur du développement permettent d’éviter les conflits causés généralement par le manque de débouchés économiques. Les pays qui ont des gouvernements responsables et de systèmes judiciaires intègres connaissent des avancées économiques plus importantes, a-t-elle fait observer, faisant référence à l’importance de la bonne gouvernance conformément à l’objectif 16 de développement durable relatif à la création de sociétés pacifiques et à l’état de droit. Elle a parlé de l’engagement de son pays en faveur de l’électrification de l’Afrique et du secteur agricole. Elle a annoncé que le soutien des États-Unis en faveur des petites et moyennes entreprises en Afrique va permettre de sortir 200 millions de personnes de la pauvreté dans les années à venir. Elle a aussi appelé les États à promouvoir l’ouverture des marchés, arguant que c’est grâce à celle-ci que le monde a connu les avancées les plus notables ces 15 dernières années.
M. CLAUDIA AGUILAR (El Salvador) a avoué, à son tour, qu’il n’était pas satisfait des « Conclusions » du Forum. Il a notamment critiqué la forte opposition, lors des négociations, à l’inclusion de références aux grands engagements antérieurs. Pour sa délégation, s’est-il justifié, le point de départ du Forum doit être « ce sur quoi les pays se sont accordés à Monterrey, Doha et Addis-Abeba ». Pour réaliser les nouveaux objectifs de développement durable, les pays ont besoin, avant tout, d’une stratégie nationale de développement avec un appui aux niveaux intergouvernemental et interinstitutionnel, et d’un environnement favorable dans les domaines financier et commercial internationaux.
L’investissement étranger direct (IED) doit contribuer au développement, a estimé le représentant. Il a plaidé pour « un investissement responsable pour le développement durable ». De même, il a souhaité des règles commerciales justes afin de prévenir les crises et de générer une stabilité économique globale au bénéfice de tous. S’agissant de la crise de la dette, il a demandé aux créanciers de prendre en compte les impératifs du développement et les droits de l’homme. D’après lui, le processus de financement du développement doit créer un cadre de suivi adéquat avec la participation des pays en développement.
Au nom du Mexique, de l’Indonésie, de la République de Corée et de la Turquie, Mme CAITLIN WILSON (Australie) a annoncé que ces pays prendraient des engagements forts au prochain sommet humanitaire mondial. Toutes les nations doivent promouvoir la mobilisation de ressources intérieures pour le développement durable et le rôle des femmes en tant que décideurs, bâtisseurs de la paix et chefs d’entreprise, a-t-elle ajouté. Ce groupe de pays, a-t-elle dit, souligne l’importance des partenariats internationaux et innovants avec le secteur privé. Il estime qu’un plus grand soutien aux pays les plus vulnérables est nécessaire et déclare son intention de partager ses expériences avec l’ensemble de la communauté internationale. La représentante a appelé à la promotion de la science, des technologies et de l’innovation pour rendre la planète « plus prospère, plus inclusive et plus paisible ».
Mme YOUNG-JU OH (République de Corée) a plaidé en faveur de la mobilisation de « ressources holistiques » pour aider les pays en développement à réaliser leur plein potentiel. Les ressources du secteur privé devraient être activement incorporées aux efforts de développement durable, a-t-elle ajouté. Dans son pays, un programme de solutions technologiques a été créé pour faciliter la participation du secteur privé aux projets de développement, a-t-elle indiqué. Elle a aussi appelé à renforcer les liens entre le développement des technologies, l’éducation et la formation, donnant l’exemple de l’initiative que son pays a lancée pour promouvoir l’enseignement de la science et des technologies en mobilisant 2 millions de dollars sur la période 2016-2020. Il faut aussi améliorer la qualité de la coopération au développement, a-t-elle souhaité en soulignant le rôle du Partenariat mondial en faveur de la coopération au développement.
M. LARISA MICULET (Moldova) a affirmé que son pays était pleinement engagé en faveur de la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. À cette fin, son gouvernement a mobilisé des ressources considérables, que ce soit dans les secteurs public et privé, et aux niveaux national et international. Sur le plan du commerce international, « une avancée considérable a été réalisée par le Moldova en 2014 avec la signature d’un accord d’association et de stabilisation avec l’Union européenne », a indiqué le représentant, en faisant valoir que des mesures avaient déjà été prises pour harmoniser les normes douanières. En outre, une stratégie pour attirer les investissements a été élaborée pour la période 2016-2020, avec pour objectif de sécuriser 380 millions de dollars à cette fin. Cette même stratégie, qui vise aussi à relancer les exportations, ambitionne de créer 10 000 nouveaux emplois et à réduire le déficit commercial de 4%, a précisé le représentant.
M. SERGEY B. KONONUCHENKO (Fédération de Russie) a invité le Forum a travaillé en collaboration étroite avec les autres initiatives mises en place par le Programme d’action d’Addis-Abeba, en particulier le Forum mondial sur les infrastructures. Il a en outre mis en garde sur le risque d’une interprétation « arbitraire et subjective » du Programme d’Addis-Abeba et du Programme 2030, lequel risque pourrait saper la mission du Forum. Il a estimé qu’étant donné la diversité et la complexité des questions traitées par le Forum, il serait judicieux que les délégations aient plus de temps pour discuter des « Conclusions ».
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme FRANCISCO CORTORREAL (République dominicaine) a appelé à l’amélioration de l’architecture financière internationale ainsi qu’à un accès juste et équitable de tous les États aux institutions financières internationales et ce, pour réduire les écarts entre pays développés et en développement et promouvoir la stabilité financière et des flux financiers adéquats du monde développé vers les pays en développement. La CELAC souligne aussi l’importance des programmes d’allègement, d’annulation et de restructuration de la dette. La représentante a aussi souligné la question du renforcement des capacités.
Elle a prévenu que toute approche « morcelée » du diagnostic de la pauvreté ou tout classement des dimensions du développement durable aux dépens d’autres déformerait la situation réelle des pays à revenu intermédiaire. Le représentant a réitéré l’importance de l’APD et des autres financements concessionnels. Il a souligné que la CELAC rejette toute application unilatérale de mesures économiques, financières et commerciales incompatibles avec le droit international et qui sont un obstacle au financement du développement. Il a appelé, en conclusion, au renforcement de la coopération Sud-Sud et à l’amélioration de la coopération internationale en matière fiscale.
Mme LUO JIN (Chine) a estimé que le Partenariat mondial en faveur du développement devrait être plus équitable. La coopération Sud-Sud est essentielle et doit être complétée par une participation active des parties prenantes, y compris la société civile. Elle a aussi estimé que les pays développés devaient tenir leurs engagements en termes d’APD et respecter les priorités nationales des pays bénéficiaires de l’aide. Elle a recommandé un soutien technologique aux pays les plus vulnérables, comme les PMA et les PEID. Elle a également plaidé en faveur d’une réforme du système commercial international, afin de permettre aux pays en développement de participer à la prise de décisions. Étant le plus grand pays en développement, la Chine contribue activement à la coopération au développement, a-t-elle fait valoir. La Chine a aidé plus de 120 pays au cours de ces 10 dernières années, notamment par le biais des fonds d’affectation spéciale qu’elle a créés. Cette année, le G-20 aura lieu en Chine sur le thème « Une économie mondiale novatrice », a annoncé la représentante.
M. RODOLFO REYES RODRIGUEZ (Cuba) a salué le caractère universel et indépendant de ce Forum et après avoir rappelé que les petits États insulaires en développement requéraient une attention particulière, il a demandé que les engagements pris au titre de l’aide publique au développement soient honorés sans conditions. Il a également appuyé l’annulation de la dette extérieure des pays du Sud et insisté sur le transfert des technologies et l’appui au renforcement des capacités. Le représentant a souhaité « la construction d’une nouvelle architecture internationale », avec des institutions démocratiques où toutes les nations peuvent participer sur un pied d’égalité à la prise de décisions. Il a rejeté la promulgation et l’application unilatérale de mesures économiques, financières ou commerciales incompatibles avec le droit international et la Charte des Nations Unies. Neuf mois après la Conférence d’Addis-Abeba et sept mois après celle du Programme 2030, a-t-il regretté, le monde reste confronté aux mêmes obstacles pour mettre fin à la pauvreté et à la faim.
M. GILBERT HOUNBGO, Directeur général des opérations pays et des partenariats à l’Organisation internationale du Travail (OIT), a plaidé pour que la question de l’emploi productif et digne pour tous soit inscrite dans les stratégies nationales de développement durable. « Les objectifs de création d’emploi sont aussi importants que l’inflation et la croissance économique », a poursuivi le représentant pour lequel il faut en faire un objectif central des politiques macroéconomiques. Il a plaidé en faveur de l’égale participation des hommes et des femmes, y compris des personnes handicapées, au marché du travail officiel. Cela faciliterait une mobilisation des ressources nationales et contribuerait à améliorer et protéger les droits des employés et des entrepreneurs. À cet égard, M. Houngbo a estimé qu’il faut porter une attention particulière aux petites et micro entreprises qui sont « les véritables machines de création d’emploi ».
Selon les données de l’OIT, en 2015, il y avait 73,4 millions de jeunes au chômage et des millions d’autres qui avaient des emplois non décents. En 2013 quelque 169 millions de jeunes entre 15 et 24 ans travaillaient mais gagnaient moins de 2 dollars par jour. L’OIT a lancé l’Initiative mondiale des emplois décents pour les jeunes. Elle est aussi partie au « Programme phare mondial pour des socles de protection sociale pour tous ». Pour réussir ce pari, a conclu le représentant de l’OIT, il faut des mécanismes de financement différents, en particulier pour les pays les moins avancés (PMA).
Mme YAMINA DJACTA, Programme des Nations Unies sur les établissements humains (Onu-Habitat), a indiqué que l’organisation qu’elle représente continue d’œuvrer avec les autorités municipales à la conception et à la mise en œuvre de mécanismes financiers capables d’aider celles-ci à mettre en œuvre les objectifs de développement durable. L’action d’ONU-Habitat se concentre sur la question des terres car en améliorant les droits de propriété via un cadastre unique, il est possible de dégager des taxes foncières significatives. En outre, l’amélioration de la capacité productive des villes, qui exige une infrastructure urbaine adéquate, est au cœur des préoccupations de l’Onu-Habitat, a poursuivi la représentante. De nombreux projets d’ONU-Habitat en Afrique et en Asie mettent l’accent sur les principes comptables, la formation à la planification de placements des capitaux et les systèmes de gestion financière, a indiqué Mme Djacta, en expliquant l’importance d’augmenter les ressources financières des municipalités.
Mme O’Brien, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a dit que l’investissement dans les enfants, conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba, sont un moyen de garantir une croissance durable. Il faut faire en sorte que cet investissement bénéficie directement aux enfants et qu’il contribue à lutter contre les inégalités. La représentante a souhaité qu’une attention particulière soit portée à la situation des enfants dans les crises humanitaires. La représentante a plaidé pour des données désagrégée sur les enfants, afin de faire ressortir la situation spécifique des filles.
Mme OMOYEN LUCIA EMMANUEL, représentant la société civile, a plaidé en faveur d’une réforme de fond du système commercial international et de la mise en place d’une bonne gouvernance dans tous les pays. Elle a espéré que la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba permettrait de réaliser le Programme 2030. Elle a cependant estimé que le premier Forum de suivi n’a pas été à la hauteur des attentes. Nous n’avons pas accordé suffisamment de temps à l’organisation du suivi et pas mis l’accent sur l’examen à mi-parcours. Elle a jugé non satisfaisantes les « Conclusions » en ce qu’elles n’abordent ni les questions clefs ni les mécanismes et mesures concrètes permettant d’arriver aux objectifs. Elle s’est cependant dite satisfaite du tout premier rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement. Notre intention, a-t-elle assuré, n’est pas de critiquer le Forum mais de l’inviter à faire plus dans le processus de suivi. Vous devez être conscients de l’urgence, a-t-elle dit aux États, espérant que l’impasse politique ne se reproduirait plus.
Mme BARBARA SAMUELS, représentant le secteur privé a déclaré que pour que son secteur puisse jouer pleinement son rôle dans la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba, il faut que les choses se fassent différemment. Le secteur privé, s’est-elle expliquée, doit pouvoir participer aux travaux des Nations Unies car il peut apporter une contribution utile en partageant les pratiques efficaces de suivi qu’il utilise.
Clôture de la session inaugurale du forum
M. OH JOON, Président de l’ECOSOC, a rappelé que ce Forum était le premier grand évènement de suivi après l’adoption des trois grands accords internationaux, l’an dernier. Beaucoup d’idées constructives ont été présentées en trois jours, a-t-il remarqué, et parmi les questions discutées, il a cité l’importance de la cohérence politique et les moyens de répondre aux urgences humanitaires, dans le contexte du développement durable. Nous avons aussi abordé les mesures pratiques pour mettre en œuvre le Programme d’action d’Addis-Abeba et le Programme 2030. Le Forum a ainsi permis de faire le bilan des engagements et des actions à prendre pour financer le développement. Pour l’avenir, M. Oh a appelé les participants à s’approprier le projet de développement durable et de rechercher des solutions mutuellement avantageuses. « Il est plus important d’avoir un seul Forum que de savoir s’il faut ajouter ou supprimer des mots dans un document », a-t-il conclu.