Forum sur le financement du développement,
3re & 4e séances - matin & après-midi
ECOSOC/6752

Le Forum annuel du financement du développement se penche sur les problèmes d’infrastructures des pays du Sud

Le Forum annuel sur le suivi du financement du développement du Conseil économique et social (ECOSOC) a discuté aujourd’hui des défis que doivent relever les pays du Sud en matière d’infrastructures et consacré, ce faisant, une de ses quatre tables rondes à l’« Instance mondiale dédiée aux infrastructures », inaugurée le 16 avril dernier à Washington.

Aujourd’hui, au moins 663 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable salubre et d’ici à 2025, 1,8 milliard de personnes vivront dans des zones en pénurie d’eau absolue.  Quelque 60% des habitants de la planète n’ont pas accès à Internet et 1,2 million de personnes vivent sans électricité.  Le tiers au moins de la population rurale dans le monde n’est pas desservie par des routes praticables en toutes saisons*.

Le Programme d’action d’Addis-Abeba, qui a créé l’« Instance mondiale dédiée aux infrastructures », souligne que les besoins actuels se chiffrent entre 1 000 milliards à 1 500 milliards de dollars par an.  Le 16 avril dernier à Washington, l’Instance a rassemblé les dirigeants des banques multilatérales de développement, les partenaires au développement et les représentants des G20, G24 et G77 pour renforcer leurs mécanismes de collaboration multilatérale, dans le but d’accélérer le développement des infrastructures dans le monde.

La mobilisation des fonds ne suffira pas sans une gestion transparente, dont celle des risques, et sans la promotion des partenariats public-privé, notamment pour le partage des risques, ont prévenu les participants à l’une des quatre tables rondes que le Forum a tenues aujourd’hui.  Les banques ont horreur de l’instabilité politique et des incertitudes, a-t-il été souligné.

La question de la mobilisation des ressources nationales a donc une nouvelle fois été posée car les flux financiers illicites coûtent à l’Afrique quelque 50 milliards de dollars par an.  Les meilleures politiques fiscales ne produisent les meilleurs résultats que si les administrations fiscales sont à la hauteur, a prévenu le représentant du Fonds monétaire international (FMI). 

Dans le contexte des « Panama Papers » a été soulignée la nécessité de retirer aux multinationales le prétexte de payer des impôts dans les pays où elles ont leur siège pour s’affranchir de leurs obligations fiscales dans les pays où elles mènent leurs activités.  Les « Panama Papers » désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels d’un cabinet d’avocats panaméen, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshores dont certaines peuvent être soupçonnées de servir de sociétés écrans pour l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.  Un nom, se défendait hier le représentant du Panama, qui ne montre pas que l’évasion et la fraude ne sont pas le propre d’une politique nationale mais bien la conséquence d’un système économique mondial « immoral » qui affecte les plus faibles. 

Le Forum, qui devrait terminer ses travaux demain, mercredi 20 avril, tiendra une séance à partir de 9 heures.  

*Communiqué de la Banque mondiale daté du 16 avril 2016

SUITE À DONNER AU PROGRAMME D’ACTION D’ADDIS-ABEBA ISSU DE LA TROISIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde sur le « Cadre mondial pour le financement du développement durable »

Sous la présidence de M. AHMED SHIDE, Ministre des finances et de la coopération économique de l’Éthiopie, cette table ronde a examiné les moyens de résoudre les éventuels problèmes de mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba.  La discussion était animée par M. DAVID NABARRO, Conseiller spécial sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui a demandé de « changer notre façon de travailler » et souligné le caractère « indivisibles et universels » des objectifs de développement durable.  Il a posé trois questions aux participants: de quelles façons les partenariats mondiaux peuvent appuyer la mise en œuvre « holistique » du Programme d’action?  Comment atteindre les plus vulnérables?  Quelles sont les mesures concrètes à prendre en faveur de l’égalité entre les sexes?

La croissance économique ne sera pas « durable » si tout le monde n’en bénéficie pas, notamment toutes les femmes et toutes les filles, a prévenu Mme LAKSHMI PURI, Vice-Directrice exécutive des Partenariats stratégiques au Bureau de la coordination et de l’appui intergouvernemental d’ONU-Femmes.  Or aucun pays dans le monde n’a atteint l’objectif d’égalité des sexes, a-t-elle rappelé en dénonçant un « sous-investissement chronique en faveur de l’égalité homme-femme » qui entrave l’application des lois.  Les déficits financiers dans ce domaine sont parfois de 70 à 90%, a-t-elle regretté en précisant que seulement 5% de l’aide au développement est affectée à l’égalité des sexes.  Le financement requis doit renforcer l’appui aux institutions et aux mécanismes d’égalité des sexes, notamment des systèmes fiscaux progressifs et des collectes d’impôts efficaces.  Ce sont en effet les femmes qui souffrent le plus des conséquences de l’évasion fiscale, a fait remarquer Mme Puri, car ce sont elles qui sont les plus grandes bénéficiaires de l’aide publique. 

Il faut également investir dans l’agriculture, a dit Mme MARIA HELENA SEMEDO, Vice-Directrice générale du Département des ressources naturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Elle a souligné que 80% des personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté vivent en zone rurale.  Il faut, a-t-elle préconisé, augmenter les investissements publics et privés, garantie de la sécurité alimentaire.  Il faut, a-t-elle insisté, renforcer la résilience et la productivité du secteur agricole.  En Éthiopie, a-t-elle cité en exemple, l’appui budgétaire au milieu rural a généré beaucoup d’activités économiques.  Dans les pays en développement, 90% des exploitations agricoles sont des petites fermes bien souvent plus productives que les grandes exploitations.  Les petits exploitants investissent trois fois plus que l’ensemble des acteurs du secteur agricole.  Mais ils souffrent de la précarité des droits de propriété et des distorsions du marché.

Si les femmes sont très pauvres et ont un accès limité à la terre, elles sont toutefois celles qui dirigent plus de la moitié des petites exploitations agricoles, a poursuivi Mme Semedo, en souhaitant que l’on se concentre sur elles.  À son tour, elle a plaidé pour des investissements publics et privés « importants », pour la bonne gouvernance et pour les bonnes politiques.  Elle a attiré l’attention sur les pertes, « un gâchis qu’il faut éviter ».  La FAO aide d’ailleurs les pays à mettre en place des plateformes pour renforcer les investissements et les partenariats public-privé.  Elle a donné l’exemple de Google Earth Outreach qui s’est associé avec la FAO pour apporter des technologies utiles au secteur agricole.

Le « contrat social » qu’est le Programme d’action d’Addis-Abeba a été au centre de l’intervention de Mme ISABEL ORTIZ, du Bureau de la protection sociale de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Elle a vanté le mérite des transferts de liquidités et des seuils de protection sociale qui ont des répercussions positives sur les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’assainissement et du logement.  Il a fustigé la « concurrence » entre les différentes sources de financement et plaidé pour une bonne répartition des dépenses publiques et l’amélioration des administrations fiscales.  La Mongolie, par exemple, parvient à financer une allocation pour les enfants avec la taxe sur les exportations.  Autre moyen: lutter contre les flux financiers illicites, a-t-elle préconisé.  Parmi les nouvelles sources de financement, elle a cité les taxes sur les billets d’avion, les taxes environnementales ou encore les droits de tirage spéciaux.

Appelant à s’attaquer aux causes profondes des inégalités entre les sexes, le représentant de la Suisse a dit placer beaucoup d’espoirs dans le Programme d’action d’Addis-Abeba, insistant pour que la stratégie de financement du développement comprenne un volet « égalité des genres ».  Son homologue du Paraguay a confirmé l’importance du rôle de la femme dans l’économie.  Rappelant que le Paraguay est un pays sans littoral et exportateur agricole, il a dénoncé les politiques protectionnistes.  Le Paraguay a toujours plaidé pour la libéralisation des marchés.

Le représentant du Grand groupe des syndicats a appelé le Forum de l’ECOSOC à devenir le mécanisme de suivi du « contrat social » consacré par le Programme d’Addis-Abeba.  Il a demandé une coopération internationale plus étroite, en particulier pour le renforcement des capacités nationales de production.  Il a proposé que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement peaufine les indicateurs et les outils d’évaluation de la mise en œuvre du « contrat social ».  Il faut des actions sur tous les fronts, a conclu la représentante du Portugal, et un renforcement des synergies entre les trois dimensions économique, social et environnemental du développement durable, grâce à une plus grande cohérence politique.

Table ronde sur les « Ressources publiques nationales et internationales » et la « Coopération internationale pour le développement »

En ouvrant le débat consacré au premier point de discussion, Mme GINA CASAR, Directrice exécutive de l’Agence mexicaine pour le développement international, a estimé que l’un des éléments fort du Programme d’action d’Addis-Abeba est la promesse de réduire les flux financiers illicites qui sapent le financement du développement.  Il faut retirer aux multinationales le prétexte de payer leurs impôts dans les pays où elles ont leur siège pour s’affranchir de leurs obligations fiscales à l’égard des pays où elles mènent leurs activités, a commenté l’animateur de la table ronde, M. AMAR BHATTACHARYA, du Brookings Institution

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour dire que les pays en développement doivent élargir leur assiette fiscale, a souligné M. ARMANDO LARA YAFFAR, Président du Comité sur la coopération internationale en matière fiscale.  Les meilleures politiques fiscales ne produisent les meilleurs résultats que si les administrations fiscales sont à la hauteur, a prévenu M. PETER MULLINS, Chef adjoint de la Division des affaires fiscales au Fonds monétaire internationale (FMI).  Il a ajouté que les incitations fiscales que certains pays en développement mettent en place pour attirer les investissements étrangers ne produisent pas forcément les résultats escomptés.  La plupart des pays en développement étant obligés aujourd’hui de diversifier leur économie au vu de la baisse du prix du pétrole, entre autres, il leur a conseillé l’amélioration de la fiscalité liée à l’industrie extractive mais aussi l’exploration de nouvelles taxes telles que celle sur le carbone.   

Il est très difficile de mobiliser les ressources, a reconnu Mme KHADY DIA, Directrice de la coopération internationale au développement de la mairie de Dakar.  Elle a présenté l’expérience de la capitale sénégalaise qui compte 1,2 million d’habitants et dont le fonctionnement dépend entièrement du Gouvernement central.  L’essentiel des ressources vient des transferts fiscaux peu prévisibles d’où l’impossibilité de planifier les politiques.  Pour contourner cet obstacle, la mairie procède à des emprunts auprès des banques ou lève des fonds sur les marchés financiers.

Qu’en est-il de l’aide publique au développement (APD)?  L’APD a augmenté globalement de 6% au cours de ces trois dernières années et celle allouée aux pays les moins avancés (PMA) de 4%.  Cette aide, a estimé M. MARIO PEZZINI, Directeur du Centre de développement à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), n’est aujourd’hui qu’une facette du financement international du développement, la coopération Sud-Sud gagnant en importance. 

Les deux banques de cette coopération, à savoir la Banque de développement des BRICS –Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud- et la Banque asiatique pour l’investissement dans les infrastructures, devraient avoir un fonctionnement plus rigoureux, a estimé M. SUBHASH CHANDRA GARG, Directeur exécutif pour le Bangladesh, le Bhoutan, l’inde et le Sri Lanka au Groupe de la Banque mondiale.  Une troisième banque, a-t-il jugé, serait la bienvenue pour compléter le travail.

Elle serait d’autant plus bienvenue que l’APD ne suffira pas à financer tous les besoins du développement, a renchéri Mme SMITA NAKHOODA, de l’Overseas Development Institute.  Elle a encouragé des stratégies innovantes à l’échelle mondiale pour financer les 17 objectifs de développement durable.

Ne négligeons pas non plus le rôle « traditionnel » de l’APD, a mis en garde la représentante d’El Salvador devant le manque criant de capacités pour mobiliser les ressources nationales dans les pays en développement.  Son homologue italien a attiré l’attention sur le potentiel des envois de fonds des migrants.  Le coût du transfert est d’ailleurs passé de 10 à 7% en Italie.  N’oublions pas la lutte nécessaire contre les flux financiers illicites, a souligné le représentant de la France, en parlant des « Panama Papers » qui pointent sur l’amélioration de la transparence dans le secteur bancaire.

Son homologue indonésien a vu dans la suppression des subsides aux combustibles fossiles un moyen de canaliser les fonds vers le développement durable.  Un rappel qui a conduit le représentant de la Norvège à insister sur les effets dévastateurs des changements climatiques sur les économies des pays en développement.  Des économies dominées par le secteur informel, a rappelé une déléguée du secteur privé, un secteur difficilement imposable.

Le représentant de la Suisse a rappelé que son pays fait partie de l’Initiative fiscale d’Addis-Abeba qui promet d’aider les pays en voie de développement à améliorer leur administration fiscale.  Celle du Myanmar a salué le soutien que son pays a eu de la Banque mondiale et du FMI.  Élargissement de l’assiette fiscale ou pas, une représentante de la société civile a tout de même rappelé que l’engagement des pays développés de consacrer 0,7% de leur Produit intérieur brut (PIB) à l’APD n’a jamais été respecté.  Elle a même dénoncé la tendance actuelle de ces pays à comptabiliser l’assistance militaire à la lutte contre le terrorisme dans l’APD.  Cette assistance a toujours fait partie de l’APD, a précisé le Directeur du Centre de développement de l’OCDE, tout en assurant que les membres de son Organisation s’efforcent de respecter leur engagement en matière d’APD.

Table ronde sur l’« Instance mondiale dédiée aux infrastructures »

Créé par le Programme d’action d’Addis-Abeba, l’Instance mondiale dédiée aux infrastructures, dirigée par les banques multilatérales de développement, a été inaugurée le 16 avril 2016 à Washington, à l’occasion des réunions de printemps du FMI et du Groupe de la Banque mondiale.

Cette instance est censée encourager l’expression d’opinions plus diversifiées, provenant notamment des pays en développement, afin d’identifier et de combler les lacunes en matière d’infrastructures et de capacités, en particulier dans les pays en développement sans littoral, souligne notamment la résolution adoptée par l’Assemblée générale sur le suivi de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral.  

Au cours la table ronde animée par le Président de l’ECOSOC, M. OH JOON, le Directeur général du Groupe de la Banque mondiale, M. JOAQUIM LEVY a averti que la mobilisation des fonds ne suffira pas sans une gestion transparente, dont celle des risques, et sans la promotion des partenariats public-privé, notamment pour le partage des risques, a ajouté M. THOMAS BARRETT, Directeur à la Banque européenne d’investissement.  Les banques ont horreur de l’instabilité politique et des incertitudes, a insisté M. PABLO PEREIRA DOS SANTOS, Chef du secteur infrastructure et environnement à la Banque interaméricaine de développement.  Les pays doivent être capables d’assurer la pérennité des grands projets d’infrastructures.   

D’ici à 2020, a indiqué M. CRAIG STEFFENSEN, Représentant du Bureau de l’Amérique du Nord de la Banque asiatique du développement, la Banque compte investir pas moins de 20 milliards de dollars dans des infrastructures d’énergie propre, de transports, d’eau ou de connectivité des pays sans littoral.

Le représentant de l’Égypte s’est enorgueilli du fait que dans son pays, les investissements dans les infrastructures ont augmenté de plus de 40% en 2015.  Dans ce cadre, le représentant de la Banque sud-africaine de développement et celui de la Banque européenne d’investissement ont souligné le rôle des banques nationales de développement.

L’Instance mondiale, a estimé M. LAURENCE CARTER, Directeur des partenariats public-privé du Groupe de la Banque mondiale, devrait se réunir chaque année et, a ajouté le représentant du Guatemala braquer les projecteurs sur la reconstruction après la destruction des infrastructures lors des phénomènes climatiques.  Son homologue de l’Australie a plaidé pour la prise en compte de l’approche « genre » dans ces réflexions relatives aux infrastructures, avant que le représentant de la Banque interaméricaine de développement n’insiste sur l’approche « environnement ». 

Table ronde sur les « Entreprises privées et finances nationales et internationales »

Quelles sont les expériences à tirer des investissements privés et publics en faveur du développement? a demandé M. CHRISTIAN LEFFLER, Vice-Secrétaire général des questions économiques et mondiales de l’Union européenne, prônant la « responsabilité sociale des entreprises » et rappelant que des initiatives existent déjà, comme le Pacte mondial signé par 8 000 entreprises ou encore les Normes ISO 2600 sur la responsabilité des sociétés.  La Directrice pour les Principes d’investissement responsable (PRI) a rappelé que ces Principes avaient été lancés il y a 10 ans par l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan.  Mme FIONA REYNOLDS a précisé qu’ils comptent maintenant 1 500 entreprises signataires représentant 60 trillions d’investissements. 

Si le secteur privé intègre dans une grande partie de ses activités les objectifs de développement durable, il nous reste encore du travail pour tous les intégrer, a-t-elle dit.  La Directrice a dit avoir écrit à toutes les grandes entreprises du monde pour promouvoir les objectifs de développement durable, en leur demandant de produire des rapports sur leur contribution à leur réalisation.  Elle a aussi indiqué que les PRI avaient lancé une coalition pour les infrastructures vertes, qui rassemble des partenaires de développement et des investisseurs.

Comment canaliser l’épargne privée vers le financement du développement? a demandé, à son tour, Mme MARILOU UY, Directrice exécutive du Secrétariat du Groupe international des 24 (G24).  M. GAVIN WILSON a parlé des fonds de pension.  Le Vice-Président de la Société financière internationale (SFI) du Groupe de la Banque mondiale a expliqué que ces fonds représentent 80% des investissements dans les pays de l’OCDE mais seulement 5% au Nigéria.  Il a expliqué que son entreprise émet des titres dans la monnaie locale, dans 18 pays émergents, pour mobiliser des fonds qui sont réinvestis sur place, promouvant ainsi le marché local.  En toute chose, il faut de la transparence, a mis en garde M. STEVE WAYGOOD, Responsable en chef des investissements à Aviva, entreprise qui gère l’argent de millions de personnes.  Il a regretté que le Programme de développement durable ne contienne qu’une seule et unique cible sur les entreprises.  En outre, les 230 indicateurs proposés par la Commission des statistiques demandent aux entreprises d’intégrer les progrès dans leurs rapports alors qu’il est difficile d’isoler la dimension « durabilité » d’une activité.  

Deux autres experts représentaient le monde des affaires et de la finance privées internationales.  La première, Mme KEIKO HONDA, Vice-Présidente exécutive et Présidente directrice générale d’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) du Groupe de la Banque mondiale, a signalé que la MIGA avait pu susciter 900 investissements du secteur privé dans les pays en développement, soit un montant de 13 milliards de dollars, dont 14% dans les pays à faible revenu et 11% dans les pays fragiles ou touchés par des conflits.  La MIGA, qui compte 180 pays membres, a par exemple permis à une compagnie d’extraction suisse de travailler dans plusieurs pays comme le Burundi et le Togo.  Les investisseurs qui coopèrent avec la MIGA, a-t-elle précisé, doivent bien sûr respecter les principes de responsabilité sociale et d’intégrité.

Le « coup de pouce » que doit donner le secteur privé a également été reconnu par M. RICHARD KOZUL-WRIGHT, Directeur de la Division de la mondialisation et du développement à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).  Il a fustigé les lacunes du secteur public et demandé, par exemple, ce qu’ont fait les États-Unis avec le Plan Marshall ou l’envoi d’un homme sur la lune?  Ils ont créé un espace économique grâce à des dépenses énormes, des règlementations fortes et la coopération du secteur privé.  La Chine a utilisé les mêmes méthodes ces dernières années, a-t-il fait remarquer en soulignant qu’elle a en fait suivi le « modèle américain ».  Mais les bénéfices économiques et l’augmentation des investissements ne se sont pas traduits par le développement à long terme.  Or, aujourd’hui, on ne fait pas mieux, a constaté M. Kozul-Wright, en accusant la « financiarisation » des économies avancées qui mettent trop l’accent sur les investissements à court terme.  Il a aussi dénoncé le pouvoir qu’ont les grandes entreprises de manipuler les marchés et donc la nécessité de bien étudier les avantages et les inconvénients de leurs investissements avant de les encourager.

L’intervenant principal, M. BILL STREETER, Conseiller financier à Global Clearinghouse for Development Finance, a prévenu que les gouvernements se méfient des entreprises qui entendent procéder à injonctions massives de liquidités et qui ne sont pas trop regardantes sur les normes internationales du travail.  Il a conseillé au secteur privé étranger d’agir à l’échelle des banques de développement locales pour les grands projets d’infrastructures.  Au Mexique et en Inde, par exemple, les banques de développement apportent le premier prêt et les banques locales suivent.  Des pays comme la Tanzanie, la Namibie et le Botswana ont mis en place des programmes de garanties pour les PME.  Il est donc possible de créer des partenariats entre le capital national et le capital international.

Mais il est vrai qu’aujourd’hui les grandes sociétés n’interagissent pas suffisamment avec les entreprises locales, ce qui représente un manque à gagner en termes de développement et de transfert de technologies, a fait observer le représentant du Tchad.  Que peut-on faire au niveau international pour encourager ces grandes entreprises?  Le représentant de la France a proposé d’« incentiviser » le rapprochement des intérêts publics et privés.  Il a aussi proposé à la Banque mondiale d’intégrer davantage le Programme 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba dans son rapport « Doing business », un outil qui donne « le la » sur la façon de conduire des affaires dans les différents pays.

Le représentant de la Chambre international de commerce a attiré l’attention sur les nouvelles directives que la Chambre a émises en matière d’investissement.  Il a aussi conseillé aux gouvernements de mettre en place un cadre règlementaire qui facilite les solutions innovantes.  Si les partenariats public-privé sont importants, ils ne doivent pas se substituer aux investissements publics, a mis en garde le Directeur exécutif de la Banque mondiale pour l’Arabie saoudite, un avis partagé par le représentant d’Action Aid International.  Celui de la Suisse est revenu sur le respect des « Principes sur les investissements responsables ».  

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