L’ECOSOC lance son Forum sur le financement du développement dans le contexte des « Panama Papers » et des milliards de dollars perdus dans les flux illicites
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a lancé aujourd’hui à New York, son Forum annuel sur le suivi du financement du développement, dans le contexte des « Panama Papers » et des milliards de dollars que les pays du Sud perdent chaque année dans les flux illicites. Le Forum est la première occasion d’examiner la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, adopté en juillet dernier, et sa capacité à alimenter celle du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il inclut la réunion spéciale de l’ECOSOC avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations sur le commerce et le développement (CNUCED).
« Le lancement du Forum est un nouveau chapitre dans l’histoire du processus du développement », a dit le Président de l’ECOSOC, M. Oh Joon, pour lequel le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement a confié au Forum des « fonctions uniques »: évaluer les progrès, identifier les défis et faciliter la recherche de moyens de mise en œuvre; offrir une plateforme d’actions concrètes; mobiliser toutes les parties prenantes dont les États; et se fonder sur des données solides.
« L’heure de la mise en œuvre a sonné », a rappelé le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, en ajoutant au Programme d’action d’Addis-Abeba, les 17 objectifs et 169 cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat. Le Programme d’Addis-Abeba contient à lui seul, a-t-il rappelé, plus de 100 engagements politiques concrets sur toutes les sources de financement, sur la technologie, l’innovation, le commerce, la dette et les données.
M. Ban a prévenu que les financements requis sont estimés à des milliers de milliards de dollars par an. « Mobiliser ces ressources sera un défi énorme, en particulier en ces temps d’incertitudes économiques et de contraintes financières. » Comme plusieurs intervenants, il a fait observer que les risques et les vulnérabilités se sont aggravés depuis Addis-Abeba, avec le grand nombre de réfugiés en mouvement et les tensions géopolitiques qui s’intensifient dans certaines régions, alors que le prix des matières s’effondre et que les flux de capitaux deviennent de plus en plus volatiles.
Compte tenu des défis, on peut se dire facilement qu’il faut plus de ressources, a commenté la représentante de la Suède. Mais nous devons aussi regarder les grandes quantités de ressources absorbées dans la course à l’armement, les subsides à l’énergie fossile ou tout simplement la corruption, sans oublier les milliards de dollars cachés dans des paradis fiscaux, comme nous l’apprend l’actualité récente, a-t-elle dénoncé, faisant ainsi allusion aux « Panama Papers », cette fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels d’un cabinet d’avocats panaméen, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshores dont certaines peuvent être soupçonnées de servir de sociétés écrans pour l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.
Aucun pays, a tranché la représentante, n’a jamais réussi le développement socioéconomique sans un bon système fiscal. Son homologue de la Norvège a aussi demandé plus d’efforts contre les flux illicites de capitaux, lesquels, selon le Secrétaire général de la CNUCED, se chiffraient à 100 milliards de dollars en 2015, soit le double de l’aide publique au développement (APD). Les « Panama Papers » ne parlent pas d’un problème panaméen mais bien d’un problème mondial, s’est défendu le représentant du Panama. Ce « nom inadéquat » ne montre pas que l’évasion et la fraude ne sont pas le propre d’une politique nationale mais bien la conséquence d’un système économique mondial « immoral » qui affecte les plus faibles.
De nombreuses délégations ont insisté aujourd’hui sur la partie du Programme d’Addis-Abeba qui parle du renforcement des administrations fiscales et de la coopération internationale en la matière. Elles ont aussi insisté sur l’APD qui au demeurant, d’après le représentant de la Norvège, ne contribue qu’à hauteur de 0,07% à l’amélioration des administrations fiscales. Il faudra une stratégie cohérente pour trouver de nouvelles formes de financement, a-t-il dit, en regardant du côté du secteur privé et des nouveaux donateurs. Il a par exemple noté que la coopération au développement du Brésil est passée de 160 millions en 2005 à près d’1 milliard aujourd’hui et que la Chine a déjà consenti un total de 41 milliards de financements concessionnels.
La mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030 n’est pas seulement une question de quantité, c’est aussi une question de qualité: les ressources doivent être utilisées de la meilleure manière possible. Il nous faut de bonnes politiques et de la cohérence: tous les domaines politiques doivent travailler dans la même direction. Qu’importe les sommes dépensées, si elles sont mal dépensées, a insisté la représentante de la Suède. Elle a salué le rapport du Groupe de travail interinstitutions qui offre un bon début pour un cadre de suivi global. Le Groupe, composé de plus de 50 institutions spécialisées de l’ONU, des Commissions régionales et d’organisations internationales comme l’Organisation pour la coopération et le développement (OCDE), doit donner chaque année des orientations sur les moyens de financer les objectifs de développement durable, en fonction de l’expérience acquise par les États. Le Secrétaire général de l’ONU a dit placer aussi beaucoup d’espoir dans le nouveau Forum mondial sur les infrastructures, conduit par les banques de développement multilatérales, auquel il a assisté le week-end dernier à Washington.
Aux côtés des États, les représentants du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC, de la CNUCED, du PNUD ou encore de l’OCDE ont fait des déclarations puis participé aux tables rondes sur la cohérence des politiques dans la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et les liens entre l’humanitaire et le développement. Le Secrétaire général a d’ailleurs annoncé que le financement de l’action humanitaire serait un des thèmes principaux du Sommet humanitaire mondial qui se tiendra à Istanbul les 23 et 24 mai prochains.
Le Forum se poursuivra demain, mardi 19 avril, à partir de 10 heures. Il tiendra trois tables rondes et une discussion sur le Forum mondial sur les infrastructures.
FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
Déclarations
M. OH JOON, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé qu’en juillet dernier, le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement a été adopté pour offrir un cadre global de financement aux 17 objectifs de développement durable. Le lancement du Forum de l’ECOSOC est donc un nouveau chapitre dans l’histoire du processus du développement, a-t-il dit, en expliquant que le Forum avait pour mandat de faciliter un suivi intégré des résultats d’Addis-Abeba et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Le Programme d’action d’Addis-Abeba a confié au Forum des « fonctions uniques », a précisé le Président de l’ECOSOC, en citant en premier lieu son rôle de plateforme principale pour le dialogue politique sur le suivi du financement du développement. Le Forum doit évaluer les progrès, identifier les défis et faciliter la recherche de moyens de mise en œuvre. Il doit aussi promouvoir les leçons apprises aux niveaux national et régional, tout en s’attaquant aux problèmes nouveaux et émergents.
En deuxième lieu, le Forum offre une plateforme d’actions concrètes, a ajouté le Président. On attend des États qu’ils se mettent d’accord sur des recommandations pour guider la mise en œuvre par la communauté internationale du Programme d’action d’Addis-Abeba.
En troisième lieu, le Forum doit mobiliser toutes les parties prenantes et le États. En quatrième lieu, il doit effectuer son travail conformément à une approche basée sur des preuves solides que doit collecter l’équipe interinstitutions convoquée par le Secrétaire général.
Le Président de l’ECOSOC a demandé que l’on aligne la motivation et l’action de tous les acteurs avec les objectifs de développement durable et le Programme d’action d’Addis-Abeba. Notant l’émergence, ces dernières années, de nouveaux acteurs aux motivations et agendas différents, il a estimé que l’on peut assurer la cohérence en rassemblant tous les acteurs autour du Programme d’action d’Addis-Abeba. La cohérence entre les processus intergouvernementaux doit aussi être renforcée pour éviter la répétition des débats. Le propos du suivi est de promouvoir la mise en œuvre sur le terrain, a rappelé le Président, jugeant essentiel que le Forum s’inspire de l’expérience au niveau des pays.
Le Programme d’action d’Addis-Abeba, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat symbolisent « le triomphe du multilatéralisme », s’est réjoui M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU. « Nous avons la responsabilité collective de transformer ces accords en actions concrètes », a-t-il prévenu, ajoutant que « l’heure de la mise en œuvre a sonné ».
M. Ban a souligné que les financements requis pour réaliser les objectifs de développement durable sont estimés à des milliers de milliards de dollars par an. Mobiliser ces ressources sera un défi énorme, en particulier en ces temps d’incertitudes économiques et de contraintes financières. Depuis Addis-Abeba en juillet dernier, les risques et les vulnérabilités se sont aggravés, a-t-il reconnu, citant le grand nombre de réfugiés en mouvement et les tensions géopolitiques qui s’intensifient dans certaines régions, alors que le prix des matières s’effondre et que les flux de capitaux deviennent de plus en plus volatiles. La relance économique est pour le moins inégale et nous ne voyons pas la croissance forte, constante et équilibrée qu’il faut pour réaliser le développement durable, a aussi reconnu le Secrétaire général.
Mais, a-t-il rassuré, ces défis ne sont insurmontables. Nous savons que l’épargne publique et privé, et l’investissement suffiront s’ils s’alignent avec les objectifs de développement durable. Le Programme d’action d’Addis-Abeba, a rappelé le Secrétaire général, contient plus de 100 engagements politiques concrets sur toutes les sources de financement, la technologie, l’innovation, le commerce, la dette et les données pour soutenir le Programme 2030.
Aujourd’hui, a rappelé le Secrétaire général, plus de 2,4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable et à l’assainissement, 57 millions d’enfants ne vont pas à l’école et plus de la moitié de la population mondiale n’a aucune forme de sécurité sociale. Pour tous ces gens, nous devons respecter « le contrat social » signé à Addis-Abeba, a dit le Secrétaire général. Investir dans des infrastructures vertes et résilientes est une condition préalable à de nombreux objectifs de développement durable, a poursuivi M. Ban, en parlant du nouveau Forum mondial sur les infrastructures, conduit par les banques de développement multilatérales, auquel il a assisté le week-end dernier à Washington.
Mais il faut faire plus, a-t-il estimé, en lorgnant du côté du secteur privé. Il a aussi défendu le droit des pays en développement, qui accueillent le plus de réfugiés, à accéder aux prêts concessionnels et a prévenu que le financement de l’action humanitaire sera un des thèmes principaux du Sommet humanitaire mondial d’Istanbul les 23 et 24 mai prochains. Comme l’aide au développement traite aussi des causes sous-jacentes des conflits, le Secrétaire général a estimé que c’est la raison pour laquelle il faut travailler à l’augmentation de l’aide publique au développement (APD) en faveur des pays les moins avancés (PMA). Quant à l’Accord de Paris sur le climat dont la mise en œuvre exigera une somme de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, le Secrétaire général a demandé au secteur privé de travailler conformément à l’objectif d’un développement à faible émission de carbone et résilient face aux chocs climatiques.
Par vidéo, la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Mme CHRISTINE LAGARDE, a expliqué que pour le FMI, la contribution à la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba consiste à conseiller les pays sur la stabilité de leur cadre macroéconomique et comme le Programme consacre le droit souverain des États de collecter l’impôt, le FMI et la Banque mondiale ont réuni leurs équipes pour offrir une aide technique au renforcement des capacités fiscales. Dans le domaine des changements climatiques, le FMI aide les pays à organiser un impôt sur les effets externes du carbone et pour garantir une croissance inclusive, il travaille avec eux sur le secteur de l’éducation, en particulier celle des filles.
M. ROBERTO AZEVÊDO, Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’exprimant par vidéoconférence depuis Genève, a indiqué que les Conférences ministérielles de Bali en 2014 et de Nairobi en 2015 ont permis de mener « les réformes les plus importantes de l’histoire de l’OMC ». Ces réunions ont permis de prendre des décisions contre les distorsions commerciales, et par exemple de redynamiser le secteur agricole des pays les moins avancés (PMA) et de leur accorder toujours plus de facilités d’accès au marché international. Des accords ont été trouvés pour éliminer les tarifs douaniers sur des centaines de produits liés aux technologies de l’information et des communications, ce qui est une percée à portée mondiale, surtout pour les PMA. Les Conférences ministérielles de Bali et de Nairobi ont prouvé qu’en matière commerciale, les avancés sont possibles, s’est réjoui le Directeur général. Aujourd’hui deux questions se posent: quel sera l’avenir de l’OMC et comment faire avancer le Cycle des négociations commerciales de Doha?
M. MAHMOUD MOHIELDIN, Premier Vice-Président de la Banque mondiale pour le Programme de développement à l’horizon 2030, les relations avec les Nations Unies et les partenariats, a rappelé que sans des données fiables, sans une mise en œuvre adéquate et sans un financement solide et prévisible, les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris ne seraient que de vains mots. Il s’est tout de même réjoui que sans pour autant atteindre l’objectif de 0,7% du PNB des pays en développement, l’aide publique au développement (APD) s’est hissée à 130 milliards de dollars en 2015. Mais, a-t-il prévenu, même si elle arrivait à l’objectif de 0,7%, elle ne suffirait pas à financer le développement durable. La Banque mondiale s’attache à freiner les flux de capitaux illicites. Avec le FMI, l’ONU et d’autres partenaires au développement comme la société civile, elle travaille à l’amélioration des données, à l’affinement des instruments de mise en œuvre sur le terrain et à l’évaluation des risques. La Banque mondiale organise un Forum sur le développement pour attirer les investissements dans les pays fragiles qui souffrent par exemple des changements climatiques et attend avec intérêt d’entendre, en juillet prochain, les 22 pays qui se sont portés volontaires pour présenter la mise en œuvre des engagements qu’ils ont pris.
M. BAMBANG BRODJONEGORO (Indonésie), Président du Comité du développement du FMI et de la Banque mondiale, a fait le compte rendu de la réunion qui vient d’avoir lieu à Washington durant laquelle les participants ont fait le point de la situation économique mondiale. Des propositions seront faites d’ici à octobre prochain pour aider la Banque mondiale à mieux faire valoir ses avantages comparatifs. En attendant, la Banque mondiale a été priée de présenter des options pour répondre à la crise des réfugiés. Avec le FMI et le secteur privé, elle a été priée de s’impliquer dans la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba, entre autres, dans la lutte contre les flux illicites de capitaux. Le Président a souligné que l’égalité des sexes a été reconnue comme un préalable au développement durable au cours de la réunion de Washington et que les deux institutions ont aussi été priées d’encourager la coopération Sud-Sud.
M. ALFREDO SUESCUM (Panama), Président du Conseil de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a indiqué que le thème de la quatrième CNUCED était « Des décisions à l’action, vers un environnement inclusif ». Il a prôné une meilleure synergie entre New York, Genève et les autres sièges de l’ONU et indiqué que pour sa part, la CNUCED va se concentrer sur la relance du système commercial international et réexaminer les nombreux accords dans le domaine de l’investissement. Pour lui, le Forum sur le financement du développement est important non pas pour négocier des réformes mais pour utiliser le « pouvoir fédérateur » de l’ONU et encourager des changements dans les pays. Il a donné l’exemple de la restructuration de la dette souveraine sur laquelle les organismes des Nations Unies peuvent collaborer dans la recherche de mécanismes plus efficaces, tout en tenant compte des considérations spécifiques des gouvernements. La participation de toutes les parties prenantes sera essentielle pour asseoir la primauté du Forum, a-t-il prévenu.
M. CALVIN MCDONALD, Vice-Secrétaire du FMI, a alerté sur une situation mondiale marquée un ralentissement de l’économie et une baisse de la confiance en Europe, due à la crise des réfugiés et à la menace du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne. Compte tenu de cette actualité, il a appelé au renforcement de la coopération internationale et au maintien du filet de protection solide pour protéger les pays vulnérables des chocs extérieurs. Se félicitant que Nauru soit devenu le 189e membre du FMI, il a expliqué que la réforme de la gouvernance des institutions de Bretton Woods suit son cours au FMI, le système des quotas se mettant progressivement en place. L’année dernière, le Yuan a intégré le système des droits de tirage spécial (DTS) et le FMI se tient prêt à aider les pays affectés par la crise des refugiées et les catastrophes naturelles.
Mme HELEN CLARK, Administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Présidente du Groupe de développement des Nations Unies, a expliqué que son Groupe s’est engagé à faciliter tous les types de financement. Les organismes de l’ONU ont adopté une démarche commune pour la mise en œuvre du Programme 2030. Pour ce faire, ils appellent les gouvernements à renforcer leurs capacités de collecte de données et à préciser leurs besoins en matière de technologies. Il faut, a dit Mme Clark, donner la priorité aux pays les plus pauvres. Elle a parlé du partenariat conclu entre le PNUD et l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) pour aider les pays à renforcer leurs capacités d’audit fiscal.
M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a déclaré que réaliser les objectifs de développement durable ne sera possible que si les engagements pris à Addis-Abeba sont traduits en actions et à temps. Il a présenté le premier rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement, composé de plus de 50 institutions spécialisées de l’ONU, des Commissions régionales et d’organisations internationales. Ce document censé donner des orientations sur les moyens de financer les objectifs de développement durable sera actualisé et enrichi chaque année, en fonction de l’expérience acquise par les États. Dans ce document, le Groupe a identifié pour chaque thème les sources de financement qu’il faut, les moyens de mis en œuvre et les méthodes de suivi.
M. MUKHISA KITUYI, Secrétaire général de la CNUCED, a fait remarquer que la mise en œuvre des objectifs de développement durable avait pris un départ difficile, à cause du ralentissement de l’économie mondiale et de la baisse du prix des produits de base qui risque de faire chuter l’économie de certains pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne. Se félicitant des déployés pour atténuer l’impact de la crise des réfugiés, il a prévenu que si l’on ne renforce pas les capacités internes des pays, on ne pourra pas éradiquer cette crise. Il a saisi l’occasion des « Panama papers » pour rappeler qu’en 2014, l’évasion fiscale se chiffrait à 100 milliards de dollars, soit le double de l’APD à l’Afrique en 2015. Pour faire un bon suivi, il faut d’abord une bonne mise en œuvre, a aussi rappelé le Secrétaire général.
Au nom des cinq Commissions régionales de l’ONU, M. SHAMSHAD AKHTAR, Directeur exécutif de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), a décrit une situation marquée, en Asie et dans le Pacifique, par les effets du ralentissement économique mondial, la baisse de la demande interne et externe, le manque de diversification économique et le déclin de la productivité. En Afrique, continent qui abrite 34 PMA, les flux des capitaux continuent d’éviter certains États, les revenus de l’impôt de s’appuyer sur une assiette très étroite et une administration faible, sans oublier les risques associés à la dette privée et la dette souveraine dont les risques n’ont jamais été grands. En Amérique latine et dans les Caraïbes, l’accent est mis sur la promotion de systèmes financiers inclusifs et en Europe, les économies en transition développent des lois, des cadres politiques et des institutions pour renforcer leurs infrastructures financières. Quant à l’Asie occidentale, les défis fiscaux après les crises dans plusieurs parties de la région et la baisse du prix du pétrole exacerbe le besoin de nouvelles ressources pour la reconstruction et le développement des pays affectés par les conflits.
Le mécanisme de suivi doit mieux reconnaître le travail des Commissions régionales. Les besoins en infrastructures des pays en développement sont immenses. Il faut impliquer le secteur privé mais surtout promouvoir des alliances entre les marchés des capitaux pour harmoniser les cadres juridiques et réglementaires au niveau régional. Atténuer les risques, a conclu le Directeur exécutif, pourrait faire passer les investissements institutionnels de 3 à 5%, ce qui représente une somme additionnelle de 2 000 milliards de dollars.
M. NEVEN MIMICA, Commissaire en charge de la coopération internationale et du développement de l’Union européenne, a rappelé que l’Union européenne assume plus de la moitié de l’APD mondiale dans le monde, soulignant que cet outil garde toute son importance pour financer le Programme 2030. Il a appelé au changement de paradigme du financement du développement, consacré par le Programme d’Action d’Addis-Abeba. À cet égard, il a souligné que les membres de l’Union européenne totalisent à eux seuls 90% des annonces de contributions au Fonds vert pour le climat. L’Union européenne compte aider les PMA à élargir leur assiette fiscale, sans pour autant augmenter la charge fiscale des plus pauvres. Il a appelé à la cohérence dans le suivi du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030 et souhaité que les travaux de ce Forum alimentent ceux du Forum politique de haut niveau. Il a enfin ajouté que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement devrait servir au partage des pratiques exemplaires.
Compte tenu des défis, on peut se dire facilement qu’il faut plus de ressources, a déclaré Mme ISABELLA LOVIN (Suède). Mais, nous devons aussi regarder les grandes quantités de ressources perdues dans la course à l’armement, les subsides à l’énergie fossile ou tout simplement la corruption, sans oublier le fait que des milliards de dollars sont cachés dans des paradis fiscaux, comme nous l’apprend l’actualité récente. La mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030 n’est pas seulement une question de quantité, c’est aussi une question de qualité: les ressources doivent être utilisées de la meilleure manière possible. Il nous faut de bonnes politiques et de la cohérence: tous les domaines politiques doivent travailler dans la même direction. Qu’importe les sommes dépensées, si elles sont mal dépensées, a insisté la représentante. Championne de la cohérence, la Suède ne veut pas dire qu’elle est parfaite mais elle a une expérience à faire valoir et d’abord le fait qu’il a trois questions importantes: la mobilisation des ressources internes, le climat et l’égalité des sexes.
Aucun pays, s’est expliquée la représentante, n’a jamais réussi le développement socioéconomique sans un bon système fiscal. L’évasion fiscale n’est plus acceptable au XXIe siècle. Le financement de la lutte contre les changements climatiques est urgent mais ce financement n’est pas distinct des autres flux financiers. Tous les investissements doivent être « durables ». Enfin, a ajouté la représentante, il faut reconnaître le lien clair entre la participation économique des femmes et la croissance économique donc l’augmentation des ressources pour le développement. En tant que membre du Gouvernement « féministe » de la Suède, la représentante a attiré l’attention sur le Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement transformateur de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes. Elle n’a pas oublié de mentionner que la Suède a déjà dépassé l’objectif de 0,7% du PNB à l’APD puisqu’elle est à 1%. Si nous nous basons sur des données fausses ou peu fiables, nos résultats seront tout aussi faux et peu fiables. Si nous ne savons pas où nous sommes, nous ne saurons jamais où déployer les efforts, a conclu la représentante en saluant le rapport du Groupe de travail interinstitutions qui offre un bon début pour un cadre de suivi global.
M. MIGUEL ANGEL MOIR, Ministre de la planification du Guatemala, a souligné que, dans le cadre de la mise en œuvre des OMD, l’aide publique au développement s’était concentrée sur les besoins des pays les moins avancés, laissant de côté les facteurs structurels et les défis que devaient relever les pays à revenu intermédiaire. Cela avait conduit des pays comme le sien à plaider pour que l’on ajoute au critère du revenu par habitant, ceux du niveau des inégalités et du développement humain. Cela implique la prise en compte des facteurs tels que la vulnérabilité, l’insécurité, l’impact des phénomènes climatiques ou encore la faim. Cela exige aussi une coopération internationale plus efficace et plus alignée sur les priorités nationales. Le Ministre guatémaltèque a donc insisté pour que l’on tienne compte de toutes les dimensions de la pauvreté pour élargir ou barrer l’accès des pays à l’aide et aux fonds concessionnels.
M. IVAN ZARAK (Panama) a indiqué qu’avec un taux de croissance de 7,6%, son pays a une économie diversifiée basée sur les services et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les services juridiques pour la création de sociétés ne représentent qu’1% du PNB. Les « Panama papers » ne parlent pas d’un problème panaméen mais bien d’un problème mondial. Ce « nom inadéquat » ne montre pas que l’évasion et la fraude ne sont pas le propre d’une politique nationale mais bien la conséquence d’un système économique mondial « immoral » qui affecte les plus faibles. Le Panama a déjà fait la preuve de sa détermination à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il n’a cessé de prôner le renforcement de la transparence financière au niveau mondial. Le représentant a rappelé la signature, par son pays, de plus de 30 accords de double taxation depuis 2009 et la législation « Connaître son client ».
D’ici à la fin du mois, le Panama va signer un accord avec les États-Unis pour la mise en œuvre de la loi relative à l’impôt sur les comptes à l’étranger. Il reste toutefois encore plus à faire, a prévenu le représentant, pour venir à bout de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent qui sont des menaces pour la stabilité internationale et le développement. Nous avons besoin d’une meilleure coopération internationale pour parvenir à une gouvernance financière « morale, juste et équitable », a affirmé le représentant qui a confirmé la volonté de son pays d’être un « bon citoyen du monde ».
M. CRISTIAAN REBERGEN, Vice-Ministre de la coopération internationale des Pays-Bas, a invité la communauté internationale a véritablement mettre en application la notion d’engagement. Les Pays-Bas, qui se sont « engagés » en faveur des objectifs de développement durable, ont créé un Comité interministériel et impliqué des dizaines d’ONG œuvrant dans divers domaines liés au développement des PMA. Pour démontrer « l’engagement » en faveur de l’élargissement de l’assiette fiscale des pays en développement, les Pays-Bas ont signé un accord avec 23 PMA, renonçant aux dérogations pour payer moins d’impôts. Les Pays-Bas ont déboursé pas moins de 700 millions de dollars en faveur des petites et moyennes entreprises dans les PMA, permettant ainsi de créer des emplois et, dans le même temps, d’élargir l’assiette fiscale.
M. MOHAMMAD KHAZAEE TORSHIZI, Vice-Ministre de l’économie et des finances de la République islamique d’Iran, a indiqué que son pays s’était engagé à améliorer son système fiscal. Notant que les pays en développement continuent de faire face aux déséquilibres économiques dans le monde, il a estimé que l’élimination de la pauvreté est le plus grand défi et qu’elle doit rester la priorité du suivi. Le Vice-Ministre a aussi abordé la question de l’extrémisme violent qui risque d’anéantir les acquis du développement. Il a appelé à la coopération pour réaliser une paix et une sécurité durables, condition essentielle au développement durable. Il a aussi demandé un engagement plus actif de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), de la CNUCED et de la Banque mondiale qui doivent éviter « toute politisation » de leurs activités. Il a espéré que le Mécanisme de facilitation des technologies, le Forum sur les technologies et le Forum sur le financement du développement occuperont la place cruciale qui leur revient dans la mise en œuvre de Programme 2030.
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. VIRACHAI PLASAI (Thaïlande) a souligné que la coopération Nord-Sud reste la principale source de financement du développement, il a lancé un appel aux pays donateurs de l’APD pour qu’ils respectent leurs engagements. Il a aussi un partenariat renforcé entre les différentes parties prenantes pour le renforcement des capacités. À cet égard, le représentant a mis l’accent sur l’assistance technique et l’expertise des grandes institutions internationales, y compris l’ONUDI et la CNUCED. Il a salué le lancement, le 16 avril dernier à Washington, du Forum mondial sur les infrastructures qui, selon lui, devrait faire rapport au Forum sur le financement du développement. Ce dernier et les banques de développement multilatérales devraient se partager la « présidence » du Forum mondial sur les infrastructures. Le représentant a enfin appelé à la transparence dans les flux financiers pour lutter contre les activités illicites. Il a lancé un dernier appel pour la viabilité de la dette des pays en développement.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. RICHARD NDUHUURA (Ouganda) a déclaré que dans son continent, les obstacles au développement durable sont le manque de ressources exacerbé par les flux financiers illicites, le non-respect des engagements pris en matière d’APD; le caractère inéquitable du système commercial international; le poids de la dette et les problèmes de sa viabilité; les problèmes systémiques des institutions financières internationales; et les lacunes dans le transfert de technologies et de capacités. À ces obstacles, il faut ajouter les problèmes particuliers des PMA, des pays en développement sans littoral, des petits États insulaires en développement (PEID), des pays à revenu intermédiaire et des pays en conflit ou sortant d’un conflit. En toutes choses, le représentant a insisté sur l’importance de l’appropriation nationale, affirmant que les pays africains s’engagent à adopter une législation pour incorporer le Programme d’action d’Addis-Abeba et le Programme 2030.
Au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), Mme AZEEMA ADAM, Gouverneure de l’Autorité monétaire des Maldives, a souligné que le Programme d’action d’Addis-Abeba a été le premier document à reconnaître les problèmes particuliers des petits États insulaires en développement (PEID), dont leurs ressources limitées. Les capacités d’adaptation aux changements climatiques sont très importantes pour nos pays, a-t-elle ajouté en se plaignant que ces pays ne reçoivent qu’une petite partie de l’APD. Mme Adam a plaidé en faveur de partenariats robustes, comme le prévoient les « Orientations de Samoa ». Nous devons, a-t-elle dit, mobiliser des ressources en faveur des PEID, notamment pour leur permettre de mieux contrôler leur dette souveraine. Le niveau de la dette publique et le coût du crédit sont en effet des problèmes « majeurs » pour nos pays, a-t-elle expliqué. Elle a donc demandé le respect de la lettre et l’esprit du Programme d’action d’Addis-Abeba.
Au nom des pays à revenu intermédiaire, Mme MARY ELIZABETH FLORES (Honduras) a plaidé pour le renforcement de la coopération internationale dans les sciences, la recherche, la technologie et l’innovation. Elle a rappelé le plaidoyer des pays à revenu intermédiaire pour l’accès aux technologies propres. À son tour, elle a demandé que le classement des pays s’appuie sur d’autres critères que le revenu par habitant. Il faut tenir compte de la pauvreté dans toutes ses dimensions. Elle a aussi appelé les agences de l’ONU à démontrer le lien entre infrastructures, industrialisation et innovation.
Mme GINA CASAR, Directrice exécutive de l’Agence de la coopération au développement du Mexique, a rappelé que le programme de financement du développement est né dans son pays, à Monterrey, en 2002. Il s’est félicité du lancement du Forum mais aussi du fait que l’APD ait atteint un niveau « historique », surtout en ces temps de crise. Malgré cela, certains pays et régions restent en marge, notamment la région d’Amérique latine et des Caraïbes. Pour certains pays, c’est l’appui budgétaire qui est important, pour d’autres, c’est le Fonds vert pour le climat qui est crucial. Mais, a mis en garde la représentante, il ne faut pas réduire les pays au type d’aides dont ils ont besoin. Elle a salué, dans ce cadre, l’importance croissante de la coopération Sud-Sud qui montre que les pays en développement sont prêts à jouer le rôle qui leur revient dans le développement.
M. MARTINS BILLE HERMANN, Secrétaire d’État aux politiques du développement du Danemark, a déclaré que son pays est déjà passé à l’action pour financer le développement durable, en intégrant le Partenariat mondial pour le développement durable. Le Danemark a aussi mis en place un partenariat public-privé en 2014 pour lutter contre les changements climatiques, un partenariat qui inclut, avec l’aide des fonds de pensions, envisage de mobiliser pas moins d’un milliard et demi de dollars. C’est grâce à cela, qu’une centrale d’énergie éolienne a été créée au Kenya. Le représentant a insisté sur la lutte contre les flux financiers illicites. Il a d’ailleurs fait observer que le Danemark a débloqué une somme de 100 millions de dollars pour renforcer les institutions fiscales dans les pays en développement. Aujourd’hui, au sein de ce Forum, a conclu le représentant, ce qui importe le plus ce n’est pas le nombre de jours de travail mais la substance pour alimenter le travail du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement.
M. ROBERTO TAN (Philippines) a parlé de la réforme du système national de collecte d’impôt qui a permis de réduire l’évasion fiscale. Cette réforme a contribué à la croissance à deux chiffres, sans compter l’amélioration des services sociaux de base et la mise en place d’un Fonds d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Le Gouvernement ne cesse d’encourager les partenariats public-privé, un cadre législatif étant à l’étude. Après l’Accord de Paris, le pays a mis en place un Plan d’action national pour le renforcement des capacités technologiques. Les Philippines comptent sur la coopération Sud-Sud, en particulier pour l’échange de pratiques exemplaires.
M. NAWAF SALAM (Liban) a souligné que son pays doit relever aujourd’hui plusieurs défis humanitaires et de développement aggravés par le flux de plus d’1,2 million de réfugiés syriens qui ont un impact sur les perspectives économiques, augmentant le chômage et surexploitant les infrastructures sociales. Une telle situation ne saurait être abordée par le prisme étroit de l’aide humanitaire ou le classement classique entre pays les moins avancés, pays en développement ou pays à revenu intermédiaire. Le Programme d’Action d’Addis-Abeba, a rappelé le représentant, souligne que le financement du développement peut contribuer à prévenir et à combattre les crises chroniques tout comme il consacre la nécessité d’une cohérence entre le financement du développement et celui de l’action humanitaire. Un financement à long terme des plans nationaux de réaction aux crises par les banques de développement internationales et régionales est « essentiel » contre les crises de réfugiés de cette ampleur et de cette durée, a insisté le représentant. Les pays hôtes offrent en réalité « un bien public mondial » et si leur résilience n’est pas maintenue, la propagation des crises hors de leurs frontières deviendra la norme et non plus l’exception, menaçant gravement la sécurité et les perspectives économiques des pays en développement comme des pays développés.
Mme NAJLA AL KAABI, Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale des Émirats arabes unis, a déclaré que la communauté internationale doit coopérer à une mise en œuvre efficace des objectifs de développement durable. Fort de son expérience de bailleur de fonds, mon pays, a dit la Ministre, est prêt à partager ses meilleures pratiques pour le financement efficace du Programme 2030.
M. GEIR PEDERSEN (Norvège) a estimé que les États devraient se féliciter du travail du Groupe de réflexion interinstitutions et veiller à ce que les mécanismes de suivi s’alignent avec le Forum politique de haut niveau sur le développement durable. Il nous faut des approches novatrices, même si nous savons que nous ne pourrons réaliser le Programme 2030 sans une augmentation des formes traditionnelles de financement. L’APD restera importante mais il faudra aussi une stratégie cohérente pour trouver de nouvelles formes de financement, à partir de toutes les sources possibles et dans des volumes qui dépassent de loin l’APD. L’APD ne saurait se substituer à l’investissement privé ou aux revenus de l’impôt. Elle devrait devenir un catalyseur pour mobiliser l’investissement privé et accroître les investissements nécessaires dans les infrastructures. Il faut aussi que les donateurs émergents se mobilisent davantage auprès du secteur privé. Il nous faut, a poursuivi le représentant, des moyens plus intelligents d’utiliser les ressources ainsi que des instruments plus efficaces. Le représentant a noté que la coopération au développement du Brésil est passée de 160 millions en 2005 à près de 1 milliard aujourd’hui et que la Chine a déjà consenti un total de 41 milliards de financements concessionnels.
Le représentant a aussi rappelé que seul 0,07% de l’APD sert à améliorer la collecte des impôts. Il faut faire plus, a-t-il a plaidé, appelant à des partenariats forts entre tous les acteurs, à savoir les gouvernements, les organisations multilatérales, le secteur privé, la société civile et les universités. Il a aussi plaidé l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il a demandé plus d’efforts contre les flux illicites de capitaux, qui représentent, selon les chiffres de 2003, une perte de 1 000 milliards de dollars par an pour les pays en développement, soit sept fois l’APD.
M. GIAMPAOLO CANTINI (Italie) s’est félicité du travail accomplis par le Groupe de réflexion et a souligné que son pays entend doubler son APD en 2017 et la tripler en 2018. L’Italie est l’un des pays qui a le plus augmenté son APD en 2015. Elle en est aussi au stade d’application de son Plan de coopération au développement et prône une approche plus participative. L’Italie accorde la priorité aux PMA, au PEID, aux États fragiles, à la migration, à l’agriculture et aux PME du milieu rural.
M. MARTIN GARCIA MORITAN (Argentine) a appelé à une plus grande intégration des pays en développement au commerce international, souhaitant que ce dernier soit plus inclusif, plus équitable et plus ouvert. Il a également plaidé pour la conclusion du Cycle des négociations commerciales de Doha et noté que la viabilité de la dette est essentielle pour soutenir la croissance et parvenir au développent durable.
M. MIGUEL CAMILO RUIZ BLANCO (Colombie) a souhaité que le Mécanisme de facilitation de la technologie devienne opérationnel. Il a salué les décisions adoptées lors de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC à Nairobi contre les subventions agricoles. Il a appelé le système de développement des Nations Unies à une meilleure coordination et à un appui plus fort et plus spécifique pour répondre de manière efficace aux besoins et aux défis des pays à revenu intermédiaire. Il a aussi lancé ce dernier appel aux institutions financières internationales.
M. CARLOS DUARTE (Brésil) a rappelé que les conférences sur le financement du développement, dont Addis-Abeba est la troisième, sont les seules rencontres internationales des Nations Unies qui n’ont pas été dotées d’un mécanisme de suivi. Il s’est félicité de ce Forum et a rappelé aux pays développés leur engagement en matière d’APD. Il a également plaidé pour le renforcement de la coopération en matière fiscale et une lutte plus acharnée contre les flux financiers illicites. Il a aussi appelé à une plus grande coopération entre le Nord et le Sud pour le transfert des technologies.
Mme INDRARATNE, Directrice générale de la Banque centrale du Sri Lanka, a déclaré que le Sri Lanka utilise un mélange d’initiatives publiques et privées pour financer ses objectifs de développement. Le cadre politique facilite le financement des petites et moyennes entreprises (PME), notamment les subventions et le refinancement. Le Sri Lanka étant classé des plus petits pollueurs, il entend se servir de ses crédits-carbone pour financer le développement. Le pays entend aussi élargir son assiette fiscale, tout en réduisant les dépenses publiques. La représentante a appelé les pays développés à respecter leurs obligations en matière d’APD.
M. TOFERRY PRIMANDA SOETIKNO (Indonésie) a parlé de l’élargissement de l’assiette fiscale et de meilleures infrastructures pour améliorer la connectivité, précisant que cela nécessitait le soutien des pays développés. Il a invité les pays en développement à travailler à leur industrialisation et à trouver des approches novatrices pour financer leur développement durable.
M. MARIO PEZZINI, Directeur du Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a rappelé que l’OCDE fait partie du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement dont le premier rapport est publié aujourd’hui. Il a dit la volonté de l’OCDE de renforcer la coopération avec d’autres institutions pour le suivi du Programme d’action d’Addis-Abeba. L’heure de la mise en œuvre a sonné et l’OCDE se tient aux côtés de l’ONU.
Dialogue interactif sur le thème « Favoriser la cohérence des politiques dans la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba »
M. OH JOON, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé le long chemin parcouru depuis la première Conférence sur le financement du développement, à Monterrey au Mexique. Il a souligné l’importance de ce dialogue pour le partage des expériences.
La première expérience est que l’APD diminue, a déclaré M. MERZA HASAN, Doyen du Conseil des administrateurs du Groupe de la Banque mondiale, ajoutant l’instabilité des marchés financiers, la baisse du prix des produits de base et la fragilité de la scène internationale due aux conflits régionaux qui se répercutent au niveau mondial. Il n’a pas oublié la crise des réfugiés et des migrants et les conséquences des changements climatiques. M. Hasan a assuré que le Groupe de la Banque mondiale a revu son approche et suscite davantage d’interactions entre les partenaires sur le terrain. Nous voulons en outre renforcer notre résilience et celle de nos clients pour faire face aux chocs. Nous allons, a-t-il aussi déclaré, investir davantage dans les données.
Des partenariats solides et des bonnes politiques sont nécessaires pour faire du développement une réalité pour tous, a posé comme postulat M. ALEKSEI MOZHIN, Doyen du Conseil des administrateurs du Fonds monétaire international (FMI). Il a parlé de la Réunion ministérielle du printemps au cours de laquelle les ministres ont réitéré leur engagement à travailler à une croissance économique durable et à la stabilité financière, des conditions essentielles pour le développement durable. Les nouvelles initiatives du FMI ont été élaborées à la lumière du Programme d’Addis-Abeba et du Programme 2030 et avec les partenaires internationaux.
M. ALFREDO SUESCUM, Président du Conseil d’administration de la CNUCED, a rappelé que la CNUCED fournit depuis plus de 50 ans un appui à la cohésion des politiques. Le Forum d’aujourd’hui est un bon exemple des efforts déployés, a-t-il dit, tout en estimant que le système des Nations Unies doit encore améliorer les processus au sein de ses secrétariats et de ses organes. La fiscalité et la dette souveraine figurent parmi les principaux sujets sur lesquels il faut discuter, a-t-il dit. M. Suescum a insisté sur la redevabilité dans la gestion des flux financiers et s’il a loué l’intention de faire plus avec moins, il a cependant prévenu que moins de ressources signifie généralement moins de résultats. Il ne faut pas que l’on manque les cibles à cause de l’insuffisance des ressources, a-t-il craint.
Le débat qui a suivi a permis d’indiquer comment la cohérence des politiques peut aider à la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba, et partant, des objectifs du développement durable.
M. MATTHEW MCGUIRE, Directeur exécutif pour les États-Unis à la Banque mondiale, a estimé que la première étape pour tout pays serait de déterminer les secteurs les plus importants de son économie qui nécessitent des financements, et ensuite d’établir des politiques adéquates pour canaliser la participation du secteur privé. Il a averti que le succès ici ne doit pas forcément se lire à l’aune des montants mobilisés, mais plutôt en fonction de la réalisation des actions concrètes susceptibles de réduire la pauvreté.
Il faut tenir compte du fait que tous les pays n’ont pas les mêmes besoins, a rappelé M. SERGE DUPONT, Directeur exécutif pour le Canada, l’Irlande et la région des Caraïbes au FMI. C’est pour cette raison que le FMI aide à la mise en place des politiques économiques cohérentes en tenant compte des réalités de chaque État. Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, le Fonds entend institutionnaliser la taxe sur le carbone en faveur des PMA.
Il faut en effet se garder d’imposer des solutions à taille unique, a également réagi M. HASAN, de la Banque mondiale, même si cela ne fait plus débat depuis des décennies et que les gens attendent justement des institutions de Bretton Woods des approches novatrices.
L’une de ses approches novatrices, exposée par le représentant du Paraguay, a fait voir que le secteur public peut s’allier au monde des affaires pour financer des infrastructures de développement cruciales dans un pays en développement sans littoral. Son homologue du Honduras, a d’ailleurs dénoncé le fait que les pays à revenu intermédiaire soient toujours classés en fonction de leur revenu par habitant, alors que le Programme d’action d’Addis-Abeba reconnaît le problème. Le Directeur exécutif pour le Canada, l’Irlande et la région des Caraïbes du FMI a affirmé que le Fonds tient désormais compte de la vulnérabilité réelle des pays.
Le Président de l’ECOSOC a tout de même douté que le Forum puisse vraiment discuter de la cohérence des politiques de financement alors même que l’APD qui décline devient de plus en plus bilatérale, et donc soumise aux diktats du donateur. L’APD ne représente aujourd’hui qu’une infime partie de ce qui est nécessaire pour le développement durable, a tempéré le Directeur exécutif pour l’Inde au FMI, ajoutant que la plus grande part du financement du développement repose désormais entre les mains de la Banque mondiale et du secteur privé.
Le représentant du Tchad s’est dit surpris que les intervenants n’aient pas évoqué le « Rapport Mbeki » sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique qui représentent tout de même 50 milliards de dollars par an.
Une représentante de la société civile s’est quant à elle demandée comment on peut envisager la cohérence des politiques alors même que certains pays font tout pour dérégler le système commercial international. Elle a dénoncé les tentatives de saper la conclusion du Cycle des négociations commerciales de Doha, estimant pourtant que ce dernier offrirait des possibilités réelles de croissance aux pays en développement.
Dialogue interactif sur les « Liens entre l’humanitaire et le développement »
Cette discussion a abordé le caractère intégré du financement du développement, qui doit viser tant le développement en temps normal que l’aide à apporter en temps de crise pour que les progrès ne soient pas renversés. Les questions relatives à l’humanitaire, l’état de droit et la gouvernance, a expliqué M. JÜRG LAUBER (Suisse), Vice-Président de l’ECOSOC, doivent être intégrés dans les réflexions et les actions menées en faveur du financement du développement. Il a appelé à agir en partenariat avec les différents acteurs onusiens, l’ONU jouant le rôle de chef de file dans le domaine humanitaire. Les fonds d’affectation multipartites sont des moyens d’intégration, a-t-il aussi relevé. Il a cité le Secrétaire général qui, dans son rapport sur le Sommet humanitaire mondial, précise les changements de modalités nécessaires pour s’adapter aux nouvelles fragilités liées aux circonstances.
Intégrer la perspective à court terme et la perspective à long terme a été le leitmotiv de Mme SATU SANTALA, Directrice exécutive du Groupe de la Banque mondiale pour le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège et la Suède qui a fait le lien entre les efforts et l’aide en faveur du développement menés « avant, pendant et après ». En ce qui concerne « l’avant », elle a jugé important de mettre en place des institutions, des services publics et des services de santé, ainsi que des filets de sécurité en cas de catastrophes. « Pendant », il faut intégrer tous les acteurs sociaux et mettre l’accent sur l’éducation et l’autonomisation des femmes. « Après », le soutien aux efforts de développement doit rester souple, a-t-elle dit. Elle a également mis en avant le rôle du secteur privé et de l’innovation, en conseillant de multiplier les mécanismes de financement. Comment trouver un équilibre entre les besoins immédiats et les besoins à plus long terme? C’est la question qu’elle a lancée aux participants à la discussion. Elle leur a aussi demandé de faire part de leurs avis sur la préparation des prochains Forums sur le financement du développement.
La Directrice exécutive du FMI a reconnu qu’il fallait s’occuper prioritairement des pays qui sont affaiblis du fait d’un conflit ou d’une catastrophe. Le FMI, a-t-elle indiqué, renforce la coordination avec d’autres partenaires et mène des projets pilotes dans plusieurs pays. Ainsi, un centre régional assiste une trentaine d’États fragiles. Récemment, le Fonds a renforcé des cadres budgétaires et la résilience aux catastrophes naturelles, notamment par une formation fournie aux responsables dans les pays.
Un centre financier a été établie à Astana pour créer des conditions propices à l’investissement, ce qui favorise le développement de l’Asie centrale et au-delà, a indiqué pour sa part la représentante du Kazakhstan.
Pour le représentant de l’Iraq, il faut donner une perspective commune aux parties en présence. Il a donné l’exemple des ressources utilisées pour faire face à l’épidémie d’Ebola. Si le plus important est le résultat obtenu avec ces ressources, il faut aussi veiller à ce que le virus ne réapparaisse pas, a-t-il remarqué. Il a estimé à cet égard qu’on n’avait pas donné aux pays concernés les moyens nécessaires pour en finir avec le virus.
Après un conflit, beaucoup de pays veulent passer rapidement de l’action humanitaire à un processus de développement, a observé le représentant du Liban en souhaitant que son pays ne se concentre pas uniquement sur les réfugiés. En même temps, il a prévenu que les réfugiés présents au Liban partiraient vers un autre pays s’ils ne trouvaient pas les moyens de vivre dans le pays d’accueil. Il faut faire en sorte que les économies et les infrastructures résistent aux chocs, dans les pays fragiles comme chez leurs voisins, lui a répondu le Doyen du Conseil des administrateurs du Groupe de la Banque mondiale.
Il faut travailler de concert avec les institutions des pays dans lesquels on intervient, a ajouté le représentant du Liban en appelant précisément les agences des Nations Unies à se coordonner avec son Gouvernement sur le terrain.
Dans ses remarques de clôture, le Président de l’ECOSOC a rappelé que ce Forum était une première en son genre. Il s’est félicité de la tenue d’un véritable dialogue interactif, « ce qui est rare aux Nations Unies », a-t-il ajouté en soulignant le caractère novateur de la configuration des sièges des orateurs principaux placés au même niveau que ceux des autres participants.