Cinquième Forum de la jeunesse de l’ECOSOC: les objectifs de développement durable ne se réaliseront pas sans la contribution active des jeunes
L’Organisation internationale du Travail (OIT) lance l’Initiative mondiale en faveur d’emplois décents pour les jeunes
La motivation, les rêves et les attentes des jeunes, qui souhaitent réaliser un monde meilleur et plus juste, étaient palpables aujourd’hui au Conseil économique et social (ECOSOC), à l’ouverture de son cinquième Forum de la jeunesse. Les jeunes militants, entrepreneurs et leaders de la société civile étaient venus nombreux expliquer comment ils comptent participer à la réalisation des objectifs de développement durable adoptés par tous les États Membres lors du Sommet mondial du 25 septembre dernier. Le système des Nations Unies, de son côté, s’est engagé à les aider à combattre le chômage en lançant l’Initiative mondiale en faveur d’emplois décents pour les jeunes, sous l’égide de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Le Forum, qui se déroule pendant deux jours, a donné la parole aux États Membres représentés au niveau ministériel pour une discussion sur les moyens de « préparer le terrain » en examinant « le rôle des jeunes dans la mise en œuvre du Programme 2030 », avant d’engager sept débats thématiques dans l’après-midi qui ont traité de questions allant de l’éducation à l’égalité des sexes, en passant par l’emploi des jeunes, les changements climatiques, la pauvreté, la santé et les sociétés pacifiques et inclusives.
Ce Forum a été l’occasion de réaffirmer le rôle moteur que les jeunes doivent jouer, comme défenseurs, ambassadeurs ou catalyseurs du changement, dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, pour laquelle l’ECOSOC est le chef de file. Le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, a rappelé aux délégations que les jeunes sont « des sujets et non des objets », avant de demander aux jeunes eux-mêmes de se baser sur les 17 objectifs de développement durable, des objectifs « inclusifs, interdépendants et axés sur les personnes ».
« Les jeunes ne sont pas découragés par les plus grandes difficultés auxquelles le monde est actuellement confronté », a souligné le Président de l’ECOSOC, M. Oh Joon, en les invitant à être des « agents du changement » à l’image de certains grands inventeurs: Blaise Pascal n’avait que 19 ans quand il a présenté la première calculatrice mécanique, Louis Braille seulement 16 ans quand il a créé le système de lecture et d’écriture pour aveugles, et Albert Einstein a découvert la théorie générale de la relativité quand il avait une trentaine d’années.
À notre époque aussi, a constaté le Président de l’ECOSOC, les jeunes font preuve de créativité et contribuent aux changements dans leurs communautés, à travers des projets sociaux et des activités de plaidoyer en faveur de l’utilisation responsable des ressources.
Une jeune Tunisienne, écrivain et militante, Mme Samar Mezghanni, a souligné l’audace qui a permis aux jeunes de devenir des acteurs uniques pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable. Grâce à leur jeunesse, a-t-elle expliqué, ils sont capables de poser les problèmes en des termes simples et ils ont l’énergie nécessaire pour remettre en question la réalité dans laquelle ils vivent.
Mais on ne peut pas leur demander de s’engager si on ne leur offre pas des emplois décents et stables. Or, actuellement le taux de chômage des jeunes est près de trois fois plus élevé que celui des adultes. Le Forum de la jeunesse de l’an dernier avait d’ailleurs identifié la crise persistante de l’emploi des jeunes comme l’un des principaux défis à relever pour les jeunes.
Sur les 197 millions de chômeurs que compte le monde, 37% d’entre eux sont âgés entre 15 et 24 ans, soit environ 73 millions de personnes, a précisé le Directeur général de l’OIT, M. Guy Ryder. C’est dans ce contexte qu’a été lancée aujourd’hui l’Initiative mondiale en faveur d’emplois décents pour les jeunes, un projet d’action internationale regroupant 21 entités des Nations Unies, avec l’OIT en tant que chef de file. C’est la première initiative du genre lancée par le système des Nations Unies, a-t-il fait remarquer.
M. Ryder a espéré que cette Initiative permettrait de bâtir des alliances stratégiques et multipartites dans le but de mieux investir dans l’emploi des jeunes. Il a annoncé la création d’un fonds chargé de fédérer et de diffuser les meilleures pratiques en matière de création d’emplois en faveur des jeunes.
L’Envoyé du Secrétaire général pour la jeunesse, M. Ahmad Alhendawi, a ainsi résumé que « lorsque les jeunes bénéficient d’emplois décents, d’un poids politique, d’un pouvoir de négociation et d’une réelle influence dans le monde, ils bâtissent un avenir meilleur ».
Au cours des discussions de la matinée, animées par M. Alhendawi, plusieurs responsables gouvernementaux ont assuré qu’ils faisaient tout pour favoriser la participation des jeunes à la vie publique, comme un député de Maurice qui a recommandé aux institutions étatiques de se tourner résolument vers les médias sociaux. Il faut également améliorer la qualité de l’éducation et de la formation professionnelle, ont proposé certains intervenants. Le Vice-Ministre de la jeunesse du Costa Rica a prouvé la détermination de son gouvernement en invoquant la décision historique de bannir l’armée et de réaffecter les dépenses militaires à l’éducation.
Cette question a été développée dans un des sept débats thématiques de l’après-midi, pendant lequel on a recommandé de veiller à la pertinence de l’éducation et d’utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC). En abordant, dans une autre salle, la question de l’emploi des jeunes, les délégations ont réfléchi aux moyens de créer des emplois adaptés au marché du travail. Un autre débat a ensuite invité les programmes gouvernementaux à impliquer davantage les jeunes sur les questions relatives aux changements climatiques.
Réseaux, accès, innovation et technologie, ont été les mots clefs de la discussion sur la santé qui n’a pas oublié le cas des adolescents. En examinant, par ailleurs, « la pauvreté, les inégalités et l’autonomisation des jeunes dans les villes », il est apparu que la mobilité urbaine était un des problèmes majeurs des jeunes, suivi par l’accès au logement et aux espaces publics. De façon générale, les jeunes doivent contribuer à l’édification de « sociétés pacifiques et ouvertes à tous », ce qui exige leur participation active et leur responsabilisation, ont souligné des intervenants dans le cadre d’une autre discussion. Enfin, le débat sur l’égalité des sexes a renforcé l’idée que les femmes sont capables de leadership, même si elles sont jeunes ou si elles sont mères, à condition de créer les conditions nécessaires à leur participation.
Le Forum n’a pas manqué de faire référence à l’appel lancé par la jeune pakistanaise Malala Yousafzai, la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix, qui, lors du Sommet du développement durable à New York en septembre dernier, avait appelé les dirigeants de la planète à garantir que chaque enfant ait droit à une éducation gratuite et de qualité.
Le Forum de la jeunesse se poursuivra et s’achèvera demain, mardi 2 février, à partir de 10 heures, par quatre discussions sur la participation des jeunes en Afrique, l’égalité entre les sexes chez les jeunes, les processus mondiaux et régionaux, et l’investissement en faveur des jeunes.
Débat interactif
Ce premier jour du Forum de la jeunesse a été marqué, en fin de matinée, par la tenue d’un débat interactif sur le thème « Préparer le terrain: Le rôle des jeunes dans la mise en œuvre du Programme 2030 ». Animé par l’Envoyé du Secrétaire général pour la jeunesse, M. Ahmad Alhendawi, les échanges ont permis aux intervenants de souligner que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne pourra pas être couronné de succès sans l’implication des jeunes.
Les jeunes sont un atout majeur en matière de développement, a souligné le Ministre de la jeunesse et des sports du Libéria. Le dynamisme des jeunes doit être mis à profit dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a-t-il ajouté, en invitant en outre les jeunes à ne pas hésiter, quand l’occasion de briller leur est offerte, de s’en saisir pour faire entendre leur voix. Pour la Ministre de l’enfance et de l’égalité de la Norvège, les dirigeants doivent s’atteler à promouvoir la participation des jeunes et des enfants. Elle a expliqué que son gouvernement consultait régulièrement les organisations de promotion des droits de la jeunesse et de l’enfance, et qu’un soutien conséquent était apporté aux jeunes dans le but de promouvoir leur participation active dans la société. C’est ainsi qu’un jeune parlementaire de Maurice a préconisé que les pouvoirs publics et les décideurs, y compris le législateur, consultent régulièrement les jeunes. Il a aussi souhaité que les institutions étatiques soient résolument tournées vers les médias sociaux qui sont les canaux les mieux adaptés à la participation de la jeunesse à la chose publique. Une représentante de la société civile a aussi préconisé aux dirigeants de passer par les sports pour mobiliser le maximum de jeunes. Le représentant du Paraguay s’est, pour sa part, félicité de la participation des jeunes de son pays aux affaires publiques, en citant l’exemple du Ministre paraguayen des finances qui n’est âgé que de 36 ans.
Pour faire participer les jeunes, la première étape est de leur offrir une éducation de qualité, ont relevé de nombreux intervenants. Une représentante du Gouvernement du Cambodge a ainsi fait observer que son gouvernement mettait l’accent sur l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation professionnelle, afin de permettre aux jeunes de trouver un emploi décent. Soucieuse d’assurer également une éducation de choix à ses jeunes, le Costa Rica, a déclaré son Vice-Ministre de la jeunesse, a pris la décision historique de bannir l’armée afin de réaffecter les dépenses militaires à l’éducation. Le représentant de Singapour a parlé de l’expérience singulière d’un pays dépourvu de toute ressource naturelle et qui a pris le risque de tout miser sur les ressources humaines. Les résultats font aujourd’hui tâche d’huile, car son pays enregistre le taux de chômage des jeunes le plus faible au monde. Le rôle de l’éducation a également été mis en exergue par le Directeur de l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social. Il a appelé les jeunes du monde à changer le monde, quel que soit leur statut, et de ne pas croire que l’ONU seule a le pouvoir de s’y atteler.
Pour changer le monde, les jeunes doivent faire parler leur imagination, notamment en créant des emplois, a plaidé le représentant des États-Unis. Il a déploré que peu de jeunes présents dans la salle soient des entrepreneurs. Il a donc invité les gouvernements à créer des conditions propices à l’essor des entreprises dirigées par des jeunes. Les jeunes doivent aussi s’inspirer de leur environnement direct, a suggéré une représentante de la société civile qui appartient aussi au monde des affaires. Elle a expliqué que les idées pour les petites et moyennes entreprises étaient innombrables.
Si les jeunes créent des emplois, ils peuvent ainsi contribuer à l’élimination de la pauvreté, a déclaré la Secrétaire général de la Fédération de la jeunesse de la Chine. Elle a fait valoir que son pays comptait totalement éliminer la pauvreté 10 ans avant la date prévue pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Avec un tiers de la population constitué de jeunes, la Chine cherche à éliminer la pauvreté en ciblant les jeunes, en mettant notamment l’accent sur l’égalité des chances en matière d’éducation et la création d’emplois stables et décents. Les jeunes pourraient aussi contribuer à la lutte contre la faim, a renchéri un représentant du Programme alimentaire mondial (PAM). Il a invité les jeunes à créer leur propre entreprise dans le domaine agroalimentaire, prenant en exemple l’initiative « Partager un repas », lancée par deux jeunes férus d’informatique avec l’appui du PAM et qui permet aujourd’hui de mobiliser des fonds contre la faim partout à travers le monde.
Parmi les contributions que les jeunes peuvent faire dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, il y a aussi la promotion de la paix et la sécurité, a notamment relevé le représentant du Conseil économique et social du Bénin. Il a souligné que le chômage et la non-implication des jeunes dans les affaires publiques en font des frustrés et peuvent conduire à des actes terroristes funestes comme ceux qui ont fait les grands titres de la presse au cours de l’année écoulée. Faire participer les jeunes aux prises de décisions politiques permettrait, entre autres, de prévenir leur radicalisation, a aussi affirmé le Ministre de la jeunesse et des sports de la Roumanie. Pour sa part, un parlementaire de la Jordanie a parlé du Moyen-Orient comme étant une zone où les jeunes sont frustrés, citant l’exemple des jeunes Palestiniens qui voient leurs terres occupées par Israël. Il a aussi prévenu qu’il ne faudrait pas faire l’amalgame entre les jeunes de la région qui se battent pour réussir et ceux qui prennent pour prétexte la religion pour perpétrer des actes qui ternissent l’image des jeunes.
Le Vice-Ministre de la jeunesse de la République dominicaine a appelé en outre à investir dans la santé des jeunes afin de faire baisser la mortalité infantile. Il a déploré les blocages qui entravent l’accès aux services de santé des jeunes, notamment la stigmatisation dont ils sont victimes quand ils sont en quête de services de santé en matière de santé reproductive et sexuelle.
L’autonomisation des jeunes passe également par leur formation et leur éducation sur les questions relatives aux changements climatiques, a déclaré le Ministre de la jeunesse des Maldives. Les pays qui sont les plus touchés par ce fléau, comme le sien, devraient bénéficier de l’assistance internationale, a-t-il plaidé, en expliquant que les fonds consacrés à l’éducation des jeunes sont souvent mis à contribution dans le cadre des mesures d’adaptation et d’atténuation aux effets des changements climatiques.
Le délégué de la Banque mondiale a reconnu que les questions de jeunesse étaient des questions de développement, et que la plupart des activités de la Banque mondiale affectaient la jeunesse d’une manière directe ou pas. Fort de ce constat, il a indiqué qu’en octobre dernier, la Banque mondiale avait lancé une coalition pour promouvoir l’emploi des jeunes. Il a aussi annoncé qu’en mai prochain, le Forum mondial sur le développement de la jeunesse et l’inclusion, soutenu par la Banque mondiale, aura lieu à Washington D.C., aux États-Unis, afin de promouvoir une plus grande participation des jeunes à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.