La Commission de la condition de la femme: enrôlement des hommes et des garçons dans la guerre contre les stéréotypes et les normes sociales, obstacles à l’égalité entre les sexes
Vingt-ans après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, l’on se demande encore: où sont les hommes quand les femmes débattent d’une question d’intérêt commun comme l’égalité entre les sexes? s’est impatientée la représentante de Guyana lors de la table ronde sur la responsabilité des hommes et des garçons dans la réalisation de l’égalité, organisée aujourd’hui par la Commission de la condition de la femme qui ouvrait sa deuxième et dernière semaine de travaux. Une autre table ronde a été organisée sur le thème « Faire évoluer les normes sociales pour parvenir à l’égalité entre les sexes ».
Si l’on écarte les hommes et les garçons de la lutte contre les stéréotypes et les normes sociales qui conduisent à des pratiques néfastes comme les mutilations génitales féminines, « on risque de traiter les symptômes sans toucher les causes sous-jacentes du mal », a prévenu la représentante de l’Union européenne. Comment s’y prendre dans un monde où, s’est agacée la représentante du Mali, quand une femme passe toute sa vie dans la cuisine on l’appelle « ménagère » et quand un homme y passe un mois, on l’appelle « chef ». Il faut d’abord faire comprendre qu’égalité entre les sexes ne veut dire ni « masculinisation des femmes » ni « féminisation des hommes », a argué la représentante de la Suisse.
Cette égalité, « nous devons » la réaliser parce qu’elle bénéficie aux hommes comme aux femmes, a martelé le Conseiller spécial au Ministère de l’égalité entre les sexes du Danemark. « Nous devrions » la réaliser parce que les hommes et les femmes devraient pouvoir exploiter leur plein potentiel et participer pleinement à la société et « nous y avons intérêt » parce que c’est la chose la plus intelligente à faire, un bon « business plan ». Le représentant danois a illustré les succès de cette doctrine dans les domaines de la santé, de la violence domestique et des stéréotypes liés au travail. Aujourd’hui au Danemark, a-t-il affirmé, près d’un tiers des futurs instituteurs d’école maternelle sont des garçons et l’ambition est désormais de changer les perceptions et d’avoir de plus en plus de « puériculteurs ».
« Les hommes de qualité n’ont pas peur de l’égalité », a renchéri le représentant de « ProMundo, Men Engage » une ONG qui encourage les hommes à s’impliquer dans la santé maternelle et infantile, la santé sexuelle et reproductive et la lutte contre la violence faite aux femmes. L’implication des hommes, agents de changement, dans la lutte contre le VIH/sida, a été évoquée par le représentant de « Sonke Gender Justice » dont le programme « One man can » vise
à transformer le concept d’« homme ». Promouvoir une « masculinité positive », tel est l’objectif, a renchéri le représentant de « Status M » une organisation qui se bat contre « l’image du macho » pour promouvoir, à travers les groupes « Be a man », celle de « l’homme qui se soucie de l’autre, qui respecte les femmes, qui est tolérant et qui répugne à la violence ».
Ne faut-il pas commencer plus tôt, à l’école? Oui, ont répondu tous les intervenants et même plus tôt, la représentante du Mali pointant le doigt sur « la grande responsabilité » des mères, principales éducatrices des filles et des garçons et protectrices des normes sociales. Son homologue de la Guinée équatoriale a avoué qu’« une expérience quelque peu négative » a montré que les femmes continuent à percevoir la violence domestique comme « normale » dans son pays. Comment peut-on éradiquer cette pratique quand les principales intéressées ne sont pas acquises à la cause?
Oui mais qui contrôle les messages sur les stéréotypes sexistes et les normes sociales? s’est interrogée la représentante de la Jordanie, en proposant que le thème « Femmes et leurs droits dans l’Islam » soit intégré à la prochaine session de la Commission de la condition de la femme. Son homologue du Cameroun a confié que son gouvernement a signé des accords avec les dignitaires religieux tels que les Imams, afin de promouvoir l’éducation des filles et leurs droits. Devant les encouragements de l’Union européenne, la représentante de l’Iran a prévenu contre les généralisations hâtives: ce qui marche dans un pays peut ne pas marcher dans un autre.
La Commission de la condition de la femme poursuivra ses travaux demain, mardi 17 mars, à partir de 10 heures.
SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »
Table ronde 1: Une conversation sur le theme « Responsabilité des hommes et des garçons dans la réalisation de l’égalité entre les sexes »
Mme NOELENE NABULIVOU, « Diverse Voices and Action for Equality (DIVA) » et « Women´s Action for Change (WAC) », qui animait cette table ronde, a, en tant que féministe, estimé que l’implication des hommes et des garçons, est « un travail essentiel ». Face aux « progrès inégaux et insuffisants » en termes d’égalité entre les sexes, il faut que les hommes remettent en question leur dynamique au niveau personnel et au niveau de la société toute entière. Quelles stratégies adopter pour quels objectifs? s’est-elle demandée devant les interprétations « divergentes » du rôle des hommes et des garçons dans la réalisation de l’égalité entre les sexes. Elle a répondu par « une question politique personnelle »: alors que nous sommes en train de définir le nouveau cadre de développement pour l’après-2015, il faut s’attaquer aux racines des inégalités entre hommes et femmes.
M. GARY BARKER, « ProMundo, Men Engage », a justement expliqué que son organisation travaille, depuis cinq ans, directement avec les garçons et les hommes grâce à un réseau de 600 ONG à travers le monde et qui met l’accent sur le fait que les droits de la femme font partie des droits de l’homme et que l’avènement de l’égalité entre les sexes bénéficie, sur le plan économique entre autres, également aux hommes. On en reste trop souvent aux discours sans les mesures politiques et de sensibilisation qu’il faut, a-t-il reproché, en soulignant l’importance d’évaluer l’efficacité desdites mesures. « ProMundo » encourage les hommes à s’impliquer dans la santé maternelle et infantile, la santé sexuelle et reproduction et la lutte contre la violence faite aux femmes. « Les hommes de qualité n’ont pas peur de l’égalité », a-t-il insisté.
L’implication des hommes, agents de changement, dans la lutte contre le VIH/sida, a été évoquée par M. Bafana Khumalo, « Sonke Gender Justice », à la tête d’une ONG présente dans 20 pays d’Afrique et dont l’objectif est de participer à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le travail, a-t-il expliqué, consiste à faire comprendre aux hommes que, dans cette lutte, ils sont des partenaires à égalité avec les femmes. Dans ses efforts contre les normes « néfastes », l’ONG a facilité en 2014 deux dialogues nationaux très importants suivis par des dialogues provinciaux sur la lutte contre la violence faite aux femmes. Le programme « One man can » vise à transformer le concept d’« homme » et faire en sorte que les hommes fassent des contributions positives dans les sphères publique et privée.
Promouvoir une masculinité positive, tel est le propos, a renchéri M. NATKO GEREŠ, « Status M », une ONG qui encourage les garçons et les hommes à la tolérance, à la non-violence et à l’équité. Il y aurait deux types d’hommes: le macho, d’un côté et de l’autre, l’homme que les jeunes souhaitent devenir, à savoir celui qui se soucie de l’autre, qui respecte les femmes, qui est tolérant et qui répugne à la violence. Comme les jeunes sont soumis à cette dichotomie, l’ONG travaille avec eux sur des attitudes positives à travers des groupes d’initiative, -« Be a man » clubs- au sein des communautés, y compris des groupes « père/fils ». L’on travaille sur la responsabilité, en mettant l’accent sur la nécessité d’intégrer cette approche dans toutes les couches de la société.
Comment les autorités nationales peuvent inclure la perspective « hommes-garçons » dans la promotion de l’égalité entre les sexes? M. SØREN FELDBÆK WINTHER, Conseiller spécial au Ministère de l’égalité entre les sexes du Danemark, a répondu à cette question. L’approche danoise peut être résumée de la manière suivante: Nous devons, nous devrions, nous avons intérêt ». Nous devons, a-t-il expliqué, parce que l’égalité entre les sexes bénéficie aux hommes comme aux femmes. Nous devrions parce que les hommes et les femmes devraient pouvoir exploiter leur plein potentiel et participer pleinement à la société. Nous avons intérêt parce que c’est la chose la plus intelligente à faire, c’est un bon « business plan ».
Comment les ministères et les autorités locales s’y prennent-ils? M. Winther a donné trois perspectives différentes et d’abord dans le secteur de la santé. Dans la ville de Copenhague, un projet a montré, lorsqu’il s’agit en particulier des risques d’alcoolémie, qu’il y a une grande différence entre les hommes et les femmes. L’étude a montré que les hommes peu qualifiés de 35 à 65 ans sont peu sensibles aux interventions classiques de prévention. Les autorités ont donc changé de tactique et ont décidé d’approcher ces hommes, là où ils sont, à savoir devant les supermarchés, dans les tribunaux ou dans les zones résidentielles. Cet accent particulier placé sur les hommes a permis d’affiner les approches et a prouvé qu’il est de l’intérêt de tous de tenir compte des besoins des hommes dans les services sociaux de base.
La deuxième perspective concerne la lutte contre la violence domestique. En 2011, les autorités ont forgé un partenariat avec l’Association nationale de football et plusieurs jeunes footballeurs qui ont ainsi assumé le rôle de porte-parole avec un seul message « Ne frappez pas. Nous demandons le fair-play sur le terrain de foot et sur le terrain de la famille ». La campagne, qui avait pour but de toucher une nouvelle audience, à savoir les hommes et les garçons, a été très bien accueillie par les clubs de première ligue et la presse. En conséquence, une nouvelle campagne a été lancée avec l’Association de handball.
La troisième perspective concerne les stéréotypes sur le travail. Comme les femmes, les hommes devraient être capables de choisir leur formation et leur travail sans être influencés par les stéréotypes et la tradition, et devenir par exemple, aide-soignant ou instituteur d’école maternelle. Aujourd’hui au Danemark, les choses vont tellement mieux que près d’un tiers des futurs instituteurs d’école maternelle sont des garçons qui semblent encore éviter de travailler avec les tout petits enfants. L’ambition est donc de changer les perceptions et de montrer l’importance d’avoir des hommes dans les crèches. Leur présence est bonne pour les enfants qui voient que les hommes peuvent aussi s’occuper d’eux et qui acquièrent une vision plus diversifiée de la répartition des rôles entre les sexes. C’est aussi bon pour les hommes eux-mêmes qui peuvent exploiter une partie de leur talent et multiplier leurs chances sur le marché du travail. C’est bon enfin pour la société qui doit pouvoir recourir à tous les talents et à toutes les ressources humaines.
Le Ministère de l’égalité entre les sexes a donc financé des projets dans cinq municipalités et travaille en même temps contre les préjugés qui entourent la profession de puériculteur et la compréhension de ce type de travail sous l’angle « genre ».
M. HENRY MACDONALD (Suriname) a noté que même si le mouvement de libération des femmes a enregistré des progrès significatifs au cours des 20 dernières années, il n’en demeure pas moins que les femmes restent majoritaires lorsqu’il s’agit de la pauvreté, de l’analphabétisme, du chômage, du manque d’accès au pouvoir et de la vulnérabilité face aux viols ou aux crimes. « La femme est pourtant l’espèce humaine la plus pacifique, la plus aimable et la plus compréhensive. » Pour le représentant, la manière la plus efficace de promouvoir l’autonomisation des femmes et l’égalité entre les sexes passe par une approche du haut vers le bas de la part des gouvernements qui doivent faire preuve d’une volonté politique forte.
Il a évoqué le cas de trois pays qui ont vu fonctionner une telle approche. Le premier cas est celui de l’Islande où, en 1975, 90% des femmes se sont mises en grève pour réclamer leurs droits dans ce qui était l’une des plus grandes manifestations et paralysie économique que le pays ait jamais connues, entraînant la fermeture des écoles, des hôpitaux et des aéroports. L’année suivante, le Parlement islandais comptait 50% de députées et des lois sur l’égalité salariale et le congé de maternité étaient votées. Plus tard, l’Islande avait la première présidente démocratiquement élue au monde et le pays est toujours aujourd’hui une des puissances économiques d’Europe.
Le Rwanda est classé au septième rang en termes d’égalité entre les sexes, malgré les difficultés vécues pendant et après le génocide de 1994. Aujourd’hui, le Rwanda est l’un des pays les plus stables d’Afrique, l’espérance de vie y est passée de 48 à 60 ans, en 10 ans, la mortalité infantile a été divisée par 2 et le taux de scolarisation indique une parité parfaite. Les femmes peuvent désormais hériter et être propriétaire foncier et le pays figure parmi ceux qui ont le plus grand nombre de femmes parlementaires. En conséquence, le Rwanda accuse l’une des croissances économiques les plus rapides d’Afrique, sans or ni pétrole. Au Nicaragua aussi, la participation accrue des femmes au Gouvernement et dans le secteur public a contribué à un environnement plus pacifique. Aujourd’hui 60% des membres du Gouvernement sont des femmes. Cette approche du haut vers les bas, a estimé le représentant, pourrait être répétée dans le monde entier, que ce soit en Europe, en Afrique ou en Amérique latine. La lutte pour l’égalité entre les sexes doit se concentrer sur un changement culturel permanent. Conscient de cela, le Suriname a organisé avec l’Islande une manifestation pour sensibiliser les hommes diplomates à l’importance de l’égalité.
M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique) a estimé que l’une des sources des inégalités entre les sexes tient des constructions sociales contre lesquelles il faut agir. Il a invité les gouvernements à mettre en place les législations nécessaires, arguant que si la Constitution du Mozambique consacre l’égalité entre les sexes dans tous les aspects de la société, il reste encore à sensibiliser les hommes et les garçons. Les hommes doivent devenir effectivement « des agents du changement » et ce processus de transformation doit se faire en collaboration entre les deux sexes.
Il faut effectivement que les garçons et les hommes s’engagent pour briser les stéréotypes sexistes, a acquiescé M. HIROSHI MINAMI (Japon). Il a parlé d’une enquête récente au Japon qui a montré que la moitié des hommes veulent que leurs femmes continuent de s’occuper des tâches domestiques, et que 60% des femmes estiment qu’effectivement, elles sont censées le faire. Un résultat qui démontre, a-t-il noté, que les femmes acceptent volontiers de perpétuer les stéréotypes qu’on croit souvent être l’apanage des hommes. Même quand les femmes travaillent, elles doivent jongler avec les tâches domestiques, ce qui augmente leur fardeau, a—t-il dénoncé. Il a rappelé que son pays a organisé l’Assemblée mondiale des femmes du 12 au 14 septembre dernier à Tokyo, annonçant une nouvelle édition cette année, avec davantage d’hommes. Il a affirmé que l’objectif du Gouvernement est d’édifier une société dans laquelle les femmes brillent.
Il faut en effet investir dans l’autonomisation des femmes, surtout en ces temps d’austérité économique, a renchéri Mme KATE GILMORE, Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour la population, (UNFPA). Ce n’est pas le moment de se priver des ressources humaines, a-t-elle martelé, ajoutant que les préjugés ne doivent pas nous pousser à laisser de côté les meilleures ressources que nous avons, c’est-à-dire les femmes. Nous sommes tous perdants quand nous n’utilisons qu’une seule partie des ressources humaines disponibles. La lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne peut se faire sans une collaboration étroite avec les hommes. Elle a parlé des initiatives menées dans certains pays pour sensibiliser les hommes aux questions d’égalité des genres, comme l’« École des maris » au Niger. « Il faut impliquer les pères, les frères, les maris et les enfants afin de mettre en place une relation saine entre les sexes », a-t-elle plaidé. Elle a souhaité que cette « conversation entre les sexes » soit intégrée comme élément clef du futur programme de développement pour l’après-2015.
Mr. GARY COHEN, de « Together For Girls Partnership » s’est présenté comme Vice-Président d’une multinationale du secteur pharmaceutique. J’ai eu, a-t-il dit, l’idée de mettre sur pied ma fondation en 2009 pour venir en aide aux jeunes femmes victimes de violence. Il a expliqué s’être rendu dans de nombreux pays en développement dans lesquels des femmes de tous âges, et notamment les plus jeunes, sont parfois contaminées par le VIH après des rapports non consentants et violents avec des hommes mûrs. L’action de la fondation est d’apporter des soins à ces victimes, tout en incitant les gouvernements à mettre en place un cadre de prise en charge et de suivi judiciaire pour que les auteurs de la violence soient tenus responsables de leurs actes. L’intervenant a prévenu que les garçons victimes ou témoins de violence contre les femmes sont susceptibles, à l’âge adulte, de devenir également des bourreaux, perpétuant cette « tradition néfaste ».
Les entreprises privées doivent, compte tenu de leur responsabilité sociale, s’investir contre la violence faite aux femmes, a plaidé l’intervenant. Il a par exemple proposé que les entreprises signent des codes de bonne conduite pour punir les actes de violence commis par leurs employés sur le lieu de travail ou en dehors.
Le changement des mentalités se fera progressivement et le travail le plus important doit se faire à la maison, a argué Mme AYLA GÖKSEL, Présidente Directrice générale de « Mother Child Education Foundation (AÇEV) ». Il faut aller à la base pour revoir les modèles de socialisation des garçons auxquels on fait croire qu’ils ont plus de pouvoir que les filles. Elle a dit avoir initié un programme d’éducation et de renforcement des capacités en genre auprès de quelque 70 000 hommes. Les femmes doivent initier le dialogue avec les hommes, non pas en les considérant comme protecteurs, mais comme partenaires. Elle a pris pour exemple les manifestations énormes que son pays, la Turquie, vient de connaître après l’assassinat d’une jeune turque de 23 ans. Hommes et femmes ont battu le pavé ensemble. Mais, a-t-elle voulu, il faut que les hommes pour les cas d’urgence et les drames mais aussi sur le long terme. La victoire dépend aussi de la volonté des dirigeants d’investir dans l’égalité entre les sexes, a tenu à souligner l’intervenante.
Discussion
Derrière chaque grand homme, ne se cache pas une, mais plusieurs femmes qui ont contribué à le façonner, a rappelé le représentant de la Suisse, en soulignant qu’égalité entre les sexes ne veut dire ni « masculinisation des femmes » ni « féminisation des hommes ». Il a plaidé pour que les hommes soient plus présents aux réunions sur les questions d’autonomisation des femmes et d’égalité entre les sexes. En écartant les hommes et les garçons, on risque de « traiter les symptômes sans toucher les causes sous-jacentes du mal », a renchéri la représentante de l’Union européenne. En plus du volet éducation assumé par l’école, les entreprises devraient aussi apporter leurs contributions, au moins dans la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. Les médias sociaux peuvent aussi faire leur part, a argué la représentante du Suriname, au moins pour ce qui est du partage des meilleures pratiques.
C’est l’éducation des hommes qui est de la plus grande importance et l’approche didactique doit tenir compte de la classe d’âge des hommes ciblés, a souligné la représentante de la République islamique d’Iran. L’action doit se focaliser sur les stéréotypes de la « masculinité dominante », cause de toutes les discriminations, a ajouté son homologue du Mexique. Il faut en effet tourner le
dos aux idées reçues, a acquiescé la représentante de la Finlande. Elle a indiqué que son pays a mis en place dès 1998 des programmes contre les stéréotypes qui comprennent la formation des enseignants. En Allemagne, a dit son représentant, des « Journées de l’homme » sont organisées en plus de la Journée internationale de la femme, et ceci, pour susciter le dialogue social sur les questions de discrimination dont les femmes sont victimes.
Au Népal, a indiqué sa représentante, les campagnes de sensibilisation contre la violence faite aux femmes ont exploité la popularité du football, utilisant les stars locales comme porte-parole. Dans la société patriarcale qu’est Maurice, a renchéri sa représentante, le Gouvernement a lancé la campagne « Hommes en tant que partenaire dans la promotion du bien-être de la famille », un projet fondé sur des séances d’éducation, des séances médicales et les loisirs. Au Mali, les forces de police et la magistrature sont formées aux questions du genre et au Kenya, a confié sa représentante, la lutte contre « la circoncision des deux sexes » s’est faite grâce au programme « Rite alternatif de passage pour les garçons et les filles » auprès des écoles et des communautés. En matière de sensibilisation, la représentante de l’Ouganda a proposé un recours accru aux technologies de l’information et des communications.
Pour commencer par le commencement, son homologue de Guyana, appuyée par celle du Mali et par la « Reine Mère de Harlem », a pointé le doigt sur la « grande responsabilité » des mères, principales éducatrices des filles et des garçons. Ne faudrait-il pas à la fois éduquer les enfants et les parents? s’est impatientée la représentante de la Guinée équatoriale qui a avoué « une expérience quelque peu négative ». Une enquête a montré que les femmes continuent à percevoir la violence domestique comme « normale ». Comment peut-on éradiquer cette pratique quand les principales intéressées ne sont pas acquises à la cause? On enseigne aux enfants certaines valeurs à l’école qui ne sont même pas respectées chez eux, s’est-elle indignée. Quand une femme passe toute sa vie dans la cuisine on l’appelle « ménagère » mais quand un homme y passe un mois, on l’appelle « chef », a taclé la représentante du Mali. Son homologue du Gabon a avoué que les femmes, qui représentent 52% de la population, sont les moins favorisées selon tous les indicateurs socioéconomiques.
Vingt-ans après Beijing, l’on se demande encore: « Où sont les hommes quand les femmes débattent d’une question d’intérêt commun? » s’est impatientée, à son tour, la représentante de Guyana. Présent, le représentant des Philippines a dénoncé le moindre appui à la santé génésique des hommes, arguant du nombre très faible des vasectomies dans son pays. Ceux qui manquent aujourd’hui, a estimé la représentante de la Jordanie, ce sont ceux qui entretiennent les stéréotypes sexistes. Qui contrôle ces messages, dont les messages religieux? La représentante a proposé que le thème « Femmes et leurs droits dans l’Islam » soit intégré à la prochaine session de la Commission. On devrait aussi discuter de ce qu’implique la répartition équitable du temps entre le travail et la maison, a ajouté la représentante du Paraguay, en demandant au Secrétariat de l’ONU de mener une étude sur cette question.
Les panélistes sont revenus sur des aspects importants comme la collecte de données statistiques fiables ventilées par sexe, l’inclusion dans le programme de développement pour l’après-2015 d’un objectif « robuste et global » sur l’égalité entre les hommes et les femmes et l’intégration de cette thématique dans tous les autres objectifs ainsi que la nécessité de faire en sorte que les ressources allouées à la promotion de la femme ne soient pas détournées sous prétexte qu’il faut y inclure les hommes. Mme Kate Gilmore du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a tenu à faire part d’une évaluation mondiale sur l’éducation sexuelle qui a prouvé que quand cette dernière est assurée par des professionnels bien formés, le nombre des grossesses chez les adolescentes et la prévalence des maladies sexuellement transmissibles baissent.
Table ronde 2 sur le thème « Faire évoluer les normes sociales pour parvenir à l’égalité entre les sexes: attentes et possibilités »
Cette table ronde était présidée par Mme PILLE KESLER (Estonie), Vice-Présidente de la Commission de la condition de la femme, et animée par Mme ANITA NAYAR, Directrice « Regions ReFocus 2015 », de la Fondation Dag Hammarskjöld, qui a relevé que malgré une présence toujours plus importante des femmes dans les domaines de la politique, de la science et de l’entreprenariat, elles sont toujours minoritaires dans les structures de prise de décisions à cause des stéréotypes.
Mme STEPHANIE SEGUINO, Professeur d’économie à l’Université du Vermont, a indiqué que malgré la présence toujours plus grande des femmes sur le marché de l’emploi, l’écart salarial persiste. Les stéréotypes, a-t-elle expliqué, sont des constructions sociales qui varient en fonction du lieu et du temps, et qui sont intériorisés par la société, y compris les enfants, les décideurs et les employeurs. Ces derniers par exemple, a-t-elle noté, sont plus enclins à offrir les emplois les plus gratifiants aux hommes et, par conséquent, les salaires les plus élevés. Les stéréotypes peuvent changer, a-t-elle souligné, et en l’occurrence, les gouvernements ont un rôle à jouer, notamment en adoptant des politiques plus favorables à l’épanouissement professionnel des femmes, dont des congés de maternité. Dans le monde rural, il faudrait aussi voir dans quelle mesure diminuer le fardeau des tâches domestiques des femmes et favoriser l’accès des femmes au crédit.
Mme NAFISSATOU J. DIOP, Conseillère principale et Coordonnatrice du programme conjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) sur les mutilations génitales féminines, a parlé des mutilations génitales féminines qui touchent l’Afrique, mais aussi l’Asie et l’Amérique latine, soit un total de 140 millions de femmes dans le monde, dont 3 millions de filles chaque année. Pour y remédier, il faut un cadre solide et responsabiliser tous les acteurs aux niveaux national et international. « Il faut pénaliser cette pratique » et accompagner la répression de plaidoyers et de campagnes de sensibilisation sur les pratiques et l’héritage culturel qui mènent aux mutilations génitales féminines. Les réponses doivent tenir compte des réalités sociales car, a-t-elle mis en garde, la lutte contre ce fléau ne doit pas être perçue comme un combat contre les traditions et les pratiques religieuses invoquées.
L’éducation peut jouer un grand rôle dans le changement des mentalités, a déclaré Mme OLENA SUSLOVA (Ukraine), Fondatrice et Présidente du Conseil d’administration de « Women’s Information Consultative Center, and Gender Mainstreaming of the Ukrainian Parliamentary Development Project ». L’éducation doit impliquer les parents, les communautés et les enseignants pour éviter les différences dans les messages délivrés aux enfants. Elle a, de ce fait, invité à revoir les manuels pédagogiques, en y insérant, autant que possible, l’approche genre. Les normes sociales qui se sont développées durant des siècles ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain, a-t-elle averti, invitant ainsi les décideurs à adopter des méthodes souples en partant de la base, c’est-à-dire de l’éducation primaire.
Les moyens de communication de masse sont tout aussi importants que l’éducation, a renchéri Mme ELISA SALINAS, Présidente du Conseil d’administration de l’ONG mexicaine « The Women’s Project ». L’image de la femme a évolué dans les médias où l’on voit plus souvent des femmes au travail et épanouies socialement, loin du stéréotype de la mère au foyer. Pour les médias, le plus grand défi sera de provoquer le débat et d’impulser le changement. La campagne « HeforShe » contre la violence faite aux femmes et initiée en septembre dernier par ONU-Femmes, a été lancée au Mexique en utilisant l’image d’hommes publics, de sportifs, de journalistes et de politiciens afin de faire tomber les stéréotypes.
Les technologies de l’information et des communications induisent des changements dans la lutte contre les discriminations, a estimé Mme CHI YVONNE LEINA, de World Pulse, Cameroon. Désormais, le silence n’est plus complice des discriminations car les femmes peuvent faire entendre leur voix par l’Internet et les médias sociaux, et provoquer des débats publics. Le réseau mondial « World pulse », amplifie la voix des femmes. Aussi une ONG de femmes de la République démocratique du Congo (RDC) a-t-elle pu mettre en place deux cybers-cafés sécurisés pour les femmes de Bukavu. Les technologies permettent aux femmes non seulement de se faire entendre mais aussi de partager leurs expériences et d’impulser des changements positifs pour la défense de leurs droits.
La représentante du Cameroun a confié que son gouvernement a signé des accords avec les dignitaires religieux tels que les Imams, afin de promouvoir l’éducation des filles et leurs droits. Elle a aussi parlé d’un programme de formation annuelle de 1 000 femmes aux technologies de l’information et de la communication, afin, a-t-elle justifié, qu’elles soient à même de s’exprimer quand leurs droits sont violés.
Saluant cette initiative d’implication des dignitaires religieux au Cameroun, la déléguée de l’Union européenne, a souligné que les dirigeants communautaires qui s’expriment contre les inégalités entre les sexes doivent être encouragés publiquement. Les généralisations sont parfois trompeuses. Ce qui marche dans un pays peut ne pas marcher dans un autre, a mis en garde la représentante de la République islamique d’Iran. Elle a insisté sur la place « centrale » de la famille, lieu de socialisation des individus. Il faut renforcer la famille et son rôle dans l’éducation, a-t-elle dit, tout en reconnaissant le rôle central des dirigeants religieux pour impulser le changement des mentalités.
Ne tirons pas pour autant à boulet rouge sur les traditions, a prévenu la représentante de la Chine qui s’est vantée de traditions séculaires dont certaines magnifient le rôle de la femme dans la société. Dans mon pays, tous les éléments contre l’épanouissement de la femme ont été supprimés des programmes scolaires, a affirmé son homologue des Émirats arabes unis.
Quant au rôle des médias, la représentante de la Finlande a dépeint une situation où les hommes parlent souvent d’économie et de politique, et les femmes de la maison et de la vie de famille. Les livres d’histoire continuent de montrer une réalité où le succès et le pouvoir sont des concepts masculins, a renchéri son homologue de la France.
Il faut augmenter le nombre de femmes dans les médias, a préconisé la représentante du Japon et pour ce faire, mettre en place un système de quotas pour les postes de responsabilité. Internet, média des temps modernes par excellence, est un instrument vital pour défendre les droits de la femme et la justice sociale, a argué une représentante de la société civile d’Amérique latine. Aller sur Internet ne peut se résumer à rechercher l’âme sœur, a réagi la représentante de World Pulse, en encourageant les femmes à se connecter aussi pour rechercher des formations, des partenaires d’affaires et échanger leurs expériences, même si selon son homologue de Women Project, l’image la plus courante est la femme en bikini, la femme, objet sexuel.
La déléguée du Soudan a indiqué qu’une campagne de sensibilisation, mettant justement à contribution les médias, avait été lancée dans son pays contre la pratique « effroyable » des mutilations génitales, une tradition néfaste qui, comme les autres, ne fait que promouvoir la domination masculine. Son homologue de la République-Unie de Tanzanie a jugé essentiel de lutter contre les mutilations génitales, dont les conséquences sont négatives pour les femmes mais aussi pour toute la communauté.
Contre ces pratiques, il faut des messages plus « positifs », a estimé la représentante du FNUAP, insistant sur le fait que la stigmatisation ne saurait faire changer les choses. Déplorant la faiblesse des mécanismes d’évaluation, elle a prévenu: « si nous n’évaluons pas ce que nous faisons, nous risquons d’être confrontées à des situations de plus en plus complexes ». La société civile doit travailler de concert avec les gouvernements, c’est le seul gage du succès, a souligné la représentante de « Women’s Information Consultative Center, and Gender Mainstreaming of the Ukrainian Parliamentary Development Project ».