ECOSOC: face à la crise de l’emploi, le Premier Ministre suédois demande un « contrat mondial » pour augmenter la productivité et promouvoir une croissance inclusive
Le monde compte aujourd’hui 201 millions de chômeurs, un nombre qui devrait augmenter de 80 millions d’ici à quatre ans, alors que dans la population active, près de 900 millions de travailleurs vivent avec moins de 2 dollars par jour. Face à cette « crise de l’emploi », le Conseil économique et social (ECOSOC) a choisi pour son segment sur l’intégration le thème « Réaliser le développement durable par la création d’emplois et le travail décent pour tous ». Cette première journée sur les trois prévues a permis à des personnalités publiques et des représentants du système de l’ONU, du monde universitaire et du secteur privé, de défendre leurs solutions; le Premier Ministre Suédois proposant « un contrat mondial » pour augmenter la productivité et promouvoir une croissance inclusive.
Le Président de la République-Unie de Tanzanie, M. Jikaya Kikwete, qui a rappelé les chiffres du chômage dans le monde a aussi souligné que d’ici à 2019, il faudra créer 280 millions d’emplois pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. En Afrique, les statistiques montrent que le continent n’a créé que 37 millions d’emplois pendant la dernière décennie, dont 28% seulement sont des emplois qualifiés. On estime que 122 millions de personnes entrent chaque année sur le marché du travail africain et « cela fait peur » parce que 200 millions d’Africains ont entre 15 et 24 ans, un nombre qui devrait doubler d’ici à 2045.
La croissance économique est réelle, entre 5 et 6%, et le PNB combiné devrait dépasser les 2 500 milliards de dollars, dans les cinq prochaines années, mais le nombre de jeunes hommes et femmes africains qui entrent sur le marché du travail reste plus élevé que le nombre d’emplois créés. Le Président tanzanien a donc appelé les pays développés à aider l’Afrique à mettre en œuvre des programmes générateurs de croissance socioéconomique, d’emplois et de revenus pour stopper l’émigration vers le Nord. Aussi longtemps que l’herbe sera brune en Afrique et verte en Europe, le flux ne cessera pas. « Aider nous à verdir notre herbe », a lancé le Président.
Le Premier Ministre des Bahamas et Président de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) n’a pas dit autre chose. M. Perry Gladstone Christie a demandé un soutien international au « Plan stratégique 2015-2019 », le premier plan communautaire de développement.
En attendant, le Vice-Président de l’Assemblée générale, M. Einar Gunnarsson a annoncé la convocation au moins de juin, d’une manifestation de haut niveau sur le bénéfice démographique et l’emploi des jeunes. Outre les jeunes, le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson a jugé important que les politiques de l’emploi mettent l’accent sur les femmes et les personnes handicapées, plaidant en particulier pour la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes, pour la reconnaissance du travail non rémunéré et des tâches domestiques, et pour le partage équitable des responsabilités domestiques entre hommes et femmes.
« Il est temps que la mondialisation bénéficie à tous », a reconnu le Premier Ministre de la Suède, M. Stefan Löfven, qui est revenu sur les près de 900 millions de travailleurs qui vivent avec moins de 2 dollars par jour. « Un monde qui se construit sur l’exploitation des gens n’est ni éthique ni rentable », a-t-il martelé. Le Premier Ministre a proposé un « contrat mondial » consistant pour les États à ratifier les conventions de l’Organisation international du Travail (OIT) et à reconnaître les droits de s’organiser, de négocier et de faire grève; pour les employeurs et les entreprises, à respecter ces droits, à assumer leur responsabilité sociale et à être prêts à négocier des accords; et pour les syndicats, à coopérer en gardant à l’esprit leur responsabilité sociale et à contribuer au développement de leur entreprise.
Le « contrat mondial » serait une contribution concrète au travail sur le développement durable. À la place de lieux de travail paralysés, nous aurions des économies stables et en croissance. Au lieu d’une force de travail réprimée, épuisée et réduite au silence, nous aurions des gens qui croient en ce qu’ils font et qui veulent contribuer aux succès. Au lieu d’une économie mondiale stagnante et au faible pouvoir d’achat, nous aurions des individus égaux et libres qui osent investir et consommer.
Après avoir entendu la Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale et le Président de l’Organisation internationale des employeurs, l’ECOSOC a tenu trois tables rondes, sur les thèmes « La grande réflexion sur les emplois et la croissance »; « Attention à la marche: comment les inégalités croissantes nuisent au développement »; et « Les voix de l’économie réelle ».
Au cours des trois jours de ce segment, le Vice-Président du Conseil économique et social, M. Vladimir Drobnjak, a annoncé qu’il s’agira de se pencher sur les questions centrales de la croissance économique, des inégalités, des changements climatiques, des normes de l’OIT et de l’inadéquation entre qualifications et offres d’emplois, une table ronde étant prévue sur l’emploi en Afrique. Il a encouragé les participants à se joindre à la discussion en ligne par les mots clefs #600MillionJobs, #DecentWork et #Action2015.
Au moment où nous nous préparons à la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, en juillet, à l’adoption du programme de développement pour l’après-2015, en septembre, et à celle d’un nouvel accord mondial sur les changements climatiques, nous avons une « occasion historique » de changer notre monde pour le meilleur, a estimé le Vice-Président de l’Assemblée générale.
L’ECOSOC poursuivra son débat consacré à l’intégration demain, mardi 31 mars, à partir de 10 heures.
DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION
Déclarations
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie), Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a dressé le diagnostic selon lequel le chômage et le sous-emploi restent l’une des plus grandes priorités dans de nombreux pays. Assurer des opportunités d’emploi suffisantes et un travail décent est l’un des défis les plus pressants aujourd’hui. Les systèmes de protection sociale protègent à peine les jeunes gens, les bas salaires et les peu qualifiés, les personnes âgées ou handicapées, les peuples autochtones, les travailleurs migrants et ceux du secteur informel. Le plein respect des normes internationales du travail et des principes et droits fondamentaux de la non-discrimination, de l’équité, de l’égalité, de la sécurité et de la dignité doit encore être réalisé.
Après avoir rappelé les conclusions du Forum de la jeunesse, le mois dernier, et de l’examen ministériel annuel de 2012, le Vice-Président a annoncé que ce segment de l’intégration va se concentrer sur la manière dont le travail décent peut contribuer à une intégration équilibrée des dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable. Cette intégration est considérée comme la clef de la mise en œuvre du futur programme de développement pour l’après-2015 dont l’objectif 8 parle de la promotion d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable, du plein emploi productif et du travail décent pour tous. Il faut faire en sorte que les capacités de production, l’emploi, le travail décent et la protection sociale soient plus accentués dans le programme de développement pour l’après-2015. Il faut par-dessus tout préserver les cibles et indicateurs appropriés conformément aux valeurs et aux objectifs originels de la Déclaration du Millénaire, compte tenu en particulier de leur importance pour la croissance, la pauvreté et les inégalités.
Le Vice-Président a émis l’espoir que ce segment serait une source d’inspiration pour les recommandations et les solutions concrètes pour surmonter les défis. Il a aussi espéré que ce segment offrira aux pays et aux régions l’occasion d’apprendre les uns des autres. Nous devons nous montrer créatifs et novateurs face au nouvel agenda du développement durable, a conclu le Vice-Président qui a encouragé les participants à se joindre à la discussion en ligne par les mots clefs #600MillionJobs, #DecentWork et #Action2015.
Le monde est plongé dans la crise de l’emploi et ce sont les jeunes qui en portent le fardeau, a reconnu M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU. Quelque 73 millions de jeunes, qui sont à la recherche d’un emploi, courent trois fois plus que les adultes le risque de se retrouver au chômage. Beaucoup de jeunes se retrouvent piégés dans des emplois où ils sont exploités. M. Eliasson a demandé aux États de faire tout pour que les jeunes aient une éducation et une formation qui les rendent « employables », ce qui exige un soutien aux jeunes entrepreneurs, potentiels créateurs d’emplois.
Travailler avec et pour les jeunes a été toujours une priorité du Secrétaire général de l’ONU, a souligné M. Eliasson, en rappelant la nomination de Ahmad Alhendawi, comme Envoyé pour la jeunesse et le fait que le Comité de haut niveau des programmes du Conseil des chefs exécutifs du système de l’ONU travaille en ce moment, sous la direction de l’Organisation internationale du Travail (OIT), à une initiative sur l’emploi des jeunes.
M. Eliasson a fait deux suggestions pour parvenir à une croissance économique génératrice du plein emploi et du travail décent pour tous. En premier lieu, il a jugé important que les politiques de l’emploi mettent l’accent sur les femmes, les jeunes et les personnes handicapées, plaidant en particulier pour la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes, pour la reconnaissance du travail non rémunéré et des tâches domestiques, et pour le partage équitable des responsabilités domestiques entre hommes et femmes. Le Vice-Secrétaire général a jugé tout aussi important d’investir dans un avenir orienté vers l’économie verte, tout en concédant qu’il faudra des mesures de protection sociales bien conçues.
M. EINAR GUNNARSSON (Islande), Vice-Président de l’Assemblée générale, a prévenu qu’aujourd’hui près de 900 millions de travailleurs sont incapables de gagner suffisamment pour se hisser au-dessus des personnes qui vivent avec moins de 2 dollars par jour. Pour réduire le chômage et créer des emplois de qualité, il faut, a conseillé le Vice-Président, une approche holistique et intégrée, et se fonder sur la promotion d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable. Pour les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement, cela veut dire transformation structurelle et diversification de l’économie, abandon des secteurs à emplois peu qualifiés, amélioration de la productivité agricole et de la valeur ajoutée, expansion du commerce domestique, régional et international et donc régime commercial fondé sur des règles et conclusion du Cycle de Doha. Le Vice-Président a souligné l’importance du tourisme pour la création d’emplois, un secteur qui a généré en 2013 quelque 1 400 milliards de dollars.
Chaque gouvernement doit tenir compte de ses propres réalités et identifier la bonne conjugaison des politiques mais la coordination internationale des politiques macroéconomiques et celles relatives au marché du travail sont importantes, a estimé le Vice-Président. Pour de nombreux pays en développement, la capacité d’attirer l’investissement étranger direct, d’accéder aux technologies et de bénéficier de l’aide au renforcement des capacités est cruciale pour transformer l’économie et améliorer la faculté de créer des emplois. Il faut des politiques favorables à l’emploi des femmes et contre le chômage des jeunes et à cet égard, le Président a insisté sur l’éducation, la formation et la promotion de l’entreprenariat chez les jeunes.
Le Président a annoncé la convocation au moins de juin, d’une manifestation de haut niveau sur le bénéfice démographique et l’emploi des jeunes, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’Organisation internationale du Travail (OIT). Au moment où nous nous préparons à la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, en juillet, à l’adoption du programme de développement pour l’après-2015, en septembre et à celle d’un nouvel accord mondial sur les changements climatiques, nous avons une « occasion historique » de changer notre monde pour le meilleur, a conclu le Vice-Président.
À l’heure où je vous parle, il y a 201 millions de chômeurs dans le monde et ce nombre devrait augmenter de 80 millions d’ici à quatre ans, a déclaré M. JIKAYA KIKWETE, Président de la République-Unie de Tanzanie. Il faudra donc créer, d’ici à 2019, 280 millions d’emplois pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Le Président a aussi rappelé que la moitié des gens qui travaillent le font en fait dans des conditions vulnérables sans garantie d’accès ni à un travail décent ni à une protection sociale et, malheureusement, les femmes en forment la majorité. C’est une situation « inacceptable » et nous devons trouver les moyens de faire en sorte que le travail soit décent partout et que la protection sociale soit partout.
La situation en Afrique appelle une attention particulière et urgente, a alerté le Président. Les statistiques montrent que le continent n’a créé que 37 millions d’emplois pendant la dernière décennie, dont 28% seulement sont des emplois qualifiés et donc un travail décent. On estime à l’heure actuelle que 122 millions de personnes entrent chaque année sur le marché du travail africain et « cela fait peur » lorsque l’on sait que 200 millions d’Africains ont entre 15 et 24 ans, un nombre qui devrait doubler d’ici à 2045.
Cette situation est à la fois une chance et un défi; une chance parce que quand un investisseur cherche du personnel, ce personnel est là pour autant qu’il ait les qualifications. Mais la situation est aussi un défi car, sans opportunité d’emploi, ces « armées énormes de jeunes au chômage » peuvent augmenter en nombre, et devenir une menace à la stabilité sociale et à la sécurité des pays. Certains peuvent être attirés par des activités criminelles et créer ainsi des problèmes sociaux et sécuritaires. D’autres peuvent être recrutés par des gens mal intentionnés pour des motifs religieux, politiques ou sociaux. Les rebellions et les groupes terroristes remplissent leurs rangs de jeunes au chômage, a prévenu le Président.
Il est donc important que la création d’emplois devienne une composante « essentielle » des agendas, plans et programmes de développement. Certes, la création d’emplois survient quand les économies sont en croissance. Mais M. Kikwete a rappelé qu’aujourd’hui plus de 10 pays africains ont des taux de croissance entre 5 et 6%, soit bien supérieurs à la moyenne mondiale. Le PNB combiné du continent devrait approcher les 2 600 milliards de dollars, ces cinq prochaines années, ce qui fait du continent, la région au monde à la croissance la plus rapide. Pourtant, a reconnu le Président, en dessous de ce succès, le nombre de jeunes hommes et femmes qui entrent sur le marché du travail reste plus élevé que le nombre d’emplois créés.
À leur stade de développement actuel, il est évident que de nombreux pays africains ne parviendront pas au développement durable par la création d’emplois et le travail décent. Après tout, l’Afrique abrite 34 des pays les moins avancés (PMA). Les pays africains nécessitent donc, a insisté le Président, une aide pour pouvoir réaliser l’objectif de la lutte contre la pauvreté d’ici à 2030, à savoir mettre en œuvre des programmes et projets générateurs de croissance socioéconomique, d’emplois et de revenus. C’est ce que doivent faire les pays développés car la vague de migrants essayant d’entrer dans leurs territoires ne cessera pas. Aussi longtemps que l’herbe sera brune en Afrique et verte en Europe, le flux ne cessera pas. « Aider nous à verdir notre herbe », a lancé le Président.
L’Afrique est sur la bonne voie, a-t-il affirmé, et si les acquis sociaux, politiques et économiques se maintiennent dans les deux ou trois décennies à venir, la plupart des PMA en Afrique, sinon tous, deviendront des pays à revenu intermédiaire ou sur la voie de devenir des pays développés voire complètement développés.
La Tanzanie, a poursuivi le Président, s’est fixé l’objectif de devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2025, grâce à sa « Development Vision 2025 » lancée en 2000. Mais l’incapacité de mobiliser toutes les ressources financières pour mettre en œuvre les programmes et les projets a été le principal obstacle. Le Président a néanmoins fait état de progrès « importants », dont une croissance du PNB de 7% au cours des 15 dernières années et le fait que le taux de pauvreté absolue soit passé de 35,7% en 2007 à 28,2% en 2012.
M. PERRY GLADSTONE CHRISTIE, Premier Ministre des Bahamas et Président de la Conférence des chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a tenu à rappeler que les crises économique et financière mondiales ont créé un environnement international moins favorable aux petits États insulaires en développement. Il a ajouté à cette nouvelle donne les problèmes liés aux changements climatiques, à l’incidence grandissante des pandémies et aux risques de terrorisme et de conflits qui menacent les acquis engrangés par les pays en développement. Compte tenu de sa « susceptibilité », la CARICOM voit se refléter comme dans un miroir les réalités mondiales. Le Premier Ministre en a voulu pour preuve la faible croissance et le fardeau de la dette, sans parler de l’augmentation du chômage en particulier parmi les jeunes.
Le Premier Ministre a expliqué le « Plan stratégique 2015-2019 » adopté l’année dernière par une CARICOM qui adoptait ainsi son tout premier plan communautaire. Le mois dernier, a-t-il indiqué, les pays de la CARICOM ont eu à Nassau, des discussions importantes sur les meilleurs moyens de développer les « biens » humains, culturels et naturels, dont la création d’un « espace unique » pour les technologies de l’information et des communications (TIC).
Pour réaliser ce Plan, a prévenu le Premier Ministre, nous allons avoir besoin du soutien de la communauté internationale. Il a souligné que la CARICOM a pris soin d’aligner son Plan stratégique avec l’agenda international et a veillé à ce que les besoins particuliers de la région et des petits États insulaires soient au centre du programme de développement pour l’après-2015. Avec un engagement renouvelé en faveur du partenariat pour le développement, la communauté internationale peut offrir le soutien nécessaire aux efforts régionaux et nationaux pour réaliser le futur objectif 8, s’est dit convaincu le Premier Ministre.
« Il est temps que la mondialisation bénéficie à tous », a déclaré M. STEFAN LÖFVEN, Premier Ministre de la Suède. Il a rappelé que plus de 1 100 personnes avaient trouvé la mort dans l’effondrement d’une usine de textiles au Bangladesh en avril 2013 et que cette tragédie n’était pas inédite: quelque deux millions de personnes meurent chaque année partout, y compris en Suède. Chaque jour, des gens sont exposés à de terribles risques du travail, des syndicalistes sont persécutés et assassinés, des migrants sont exploités dans des conditions horribles, et tout cela au nom du profit. Mais un monde qui se construit sur l’exploitation des gens n’est ni éthique ni rentable, bien au contraire, a martelé le Premier Ministre.
Avec le travail décent, respectueux des droits syndicaux, nous pouvons à la fois augmenter la productivité et promouvoir la croissance inclusive, a-t-il affirmé. Une diminution d’un quart du nombre des morts et des accidents correspondrait à une création de ressources de 1% du PNB mondial, et l’entrée des femmes dans la population active ne ferait qu’augmenter la croissance. « La justice sociale est à la fois juste sur le plan éthique et pertinente sur le plan économique », a insisté le Premier Ministre. La vraie mondialisation s’appuie sur l’idée du partage de la planète, de l’économie et d’un marché de l’emploi qui devient de plus en plus mondial.
Le Premier Ministre a donc proposé la création d’un nouveau concept mondial, par lequel les différentes parties prenantes verraient l’intérêt de s’unir pour promouvoir des solutions communes, tout en représentant leurs intérêts. C’est un concept où chaque acteur tiendrait compte des motivations, des buts et des limites des autres. Un tel concept encouragerait la coopération entre partenaires sociaux qui pourraient assurer la paix sur le marché du travail, promouvoir la concurrence et favoriser la stabilité économique et une prospérité partagée, a-t-il expliqué. Un tel concept reposerait sur le fait que les partenaires sociaux prendraient leurs responsabilités tout en reconnaissant ce qui est bon pour l’intérêt général. Pour les États, il s’agirait de ratifier les conventions de l’OIT, et donc de reconnaître les droits de s’organiser, de négocier et de faire grève. Pour les employeurs et les entreprises, il s’agirait de respecter ces droits, d’assumer leur responsabilité sociale et d’être prêt à négocier des accords. Pour les syndicats, cela voudrait dire coopérer en gardant à l’esprit leur responsabilité sociale mais aussi en contribuant au développement de leur entreprise. Cela veut dire aussi que les États reconnaîtraient les partenaires sociaux et le dialogue social comme « partie essentielle » de la forme démocratique de gouvernance et encourageraient des accords négociés.
Le Premier Ministre suédois a estimé que ce concept de responsabilités partagées entre les parties prenantes conduirait à une situation de « gagnant-gagnant », le cœur même de ce qu’il a appelé le « contrat mondial ». Cela ne requiert pas de nouvelles institutions et quasiment pas de nouvelles tâches dans ces fora internationaux solides qui existent déjà. L’OIT et sa structure tripartite a un rôle central à jouer, mais elle doit être outillée pour diriger le travail au niveau mondial.
M. Löfven a voulu que l’adoption de nouveaux objectifs de développement durable et d’un nouveau cadre financier ne soit pas vue comme une fin en soi mais, bien au contraire, comme le point de départ d’efforts plus intenses et « absolument essentiels » pour réaliser le développement durable aux niveaux national, régional et international. « Cela exige que nous travaillions ensemble », a-t-il affirmé, ajoutant qu’un « Contrat mondial » serait une contribution importante et concrète au travail sur le développement durable. À la place de lieux de travail paralysés, nous aurions des économies stables et en croissance. Au lieu d’une force de travail réprimée, épuisée et réduite au silence, nous aurions des gens qui croient en ce qu’ils font et qui veulent contribuer aux succès. Au lieu d’une économie mondiale stagnante et au faible pouvoir d’achat, nous aurons des individus égaux et libres qui osent investir et consommer. C’est l’objectif que je veux pour le « contrat mondial » et c’est l’initiative à laquelle je vous invite, a conclu le Premier Ministre.
Mme SHARAN BURROW, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, a expliqué que le monde était affecté par la stagnation et une dette souveraine élevée dont le fardeau ne fera que s’accroître si les tendances se poursuivent dans le secteur du pétrole. Elle a conseillé l’imposition de taxes sur les émissions de carbone et la mise en place des infrastructures nécessaires pour la lutte contre les changements climatiques.
Citant un rapport de l’OIT de janvier 2015 qui montre que, cinq ans après la crise, les taux de chômage restent à des niveaux supérieurs à 2007, elle a mis en garde contre le fait que les individus baissent les bras, accablés, en outre, par les politiques d’austérité qui ont aggravé la situation. Nous voyons, a-t-elle alerté, un désespoir social et de fortes tensions sociales. Aujourd’hui si 60% des travailleurs ont un emploi dans le secteur formel, la majorité doit malgré tout travailler dans des circonstances précaires et un nombre croissant de personnes actives survit dans le secteur informel, sans compter les formes modernes d’esclave.
Mme Burrow a salué les travaux de l’OIT sur les indicateurs de travail décent et le fait que le G7 et le G20 aient placé la chaîne d’approvisionnement et l’emploi au rang de leurs priorités. Elle a appelé les gouvernements à négocier avec les syndicats, en particulier sur le salaire minimum. Un salaire minimum, c’est un droit de l’homme fondamental, a-t-elle martelé, citant les principes directeurs des Nations Unies pour les entreprises et les droits de l’homme qui fixent la responsabilité des entreprises, notamment celle de fournir un travail et un salaire décents.
M. DANIEL FUNES DE RIOJA, Président de l’Organisation internationale des employeurs, a rappelé qu’il représente 150 associations nationales et 75% de l’emploi dans le monde. Il a ajouté que son organisation était convaincue du pouvoir du dialogue social, du respect des droits de l’homme et de la protection sociale. Pour relever les défis, il faut placer l’emploi au cœur de la croissance, a-t-il convenu, regrettant à cet égard, la faiblesse des engagements gouvernementaux dont ceux du G20. Il a déploré que les gouvernements n’aient pas suffisamment aidé les petites et moyennes entreprises à créer des emplois.
Il n’a pas manqué de souligner l’importance d’une meilleure adéquation entre la formation et l’offre d’emplois. L’absence d’une formation risque de provoquer à terme un manque de compétences, a-t-il prévenu. Pour que les entreprises puissent recruter plus, il faut lever les obstacles dont les blocages bureaucratiques. Il faut encourager la mobilité, la participation des femmes et des jeunes dans la création d’emplois et les lois favorables tant aux employés qu’aux employeurs. Les entreprises doivent elles-mêmes mettre en œuvre des politiques d’apprentissage de formation et se montrer plus soucieuses des employées qui ont des enfants en bas âge. Le « Plan emploi » du G20 pourrait être un modèle, a conclu le Président en insistant sur la formation dans laquelle doivent investir les entreprises et les gouvernements.
La « grande réflexion » sur les emplois et la croissance
Un véritable dialogue entre experts et délégations s’est instauré, sous la houlette de RICHARD QUEST, journaliste à CNN International, qui avait donné le ton en invitant les délégations à faire avancer le débat, en évitant « les platitudes », « au risque de briser toutes les règles de la diplomatie ». Plusieurs pistes ont été proposées pour accroître la demande et les investissements, et donc relancer la croissance et l’emploi, tout en écoutant les préoccupations des États, du secteur privé et de la société civile, s’agissant notamment des droits de la femme et de la protection sociale.
Il y a aujourd’hui 200 millions de chômeurs, a rappelé en introduction M. GUY RYDER, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui s’est inquiété de l’absence de solutions, à cause d’une crise économique défavorable à la croissance. C’est aussi la faute d’une mauvaise politique en Europe et de la faiblesse de la zone euro, a ajouté M. JOSEPH STIGLITZ, Lauréat d’un prix Nobel et Professeur d’économie à l’Université de Columbia de New York. Il a aussi mentionné les problèmes que connaissent les économies américaine et chinoise. La politique européenne s’est donnée pour priorité de créer des emplois durables, s’est défendue Mme MARIANNE THYSSEN, Commissaire européenne chargée de l’emploi, des affaires sociales et de l’intégration. Nous voulons poursuivre les réformes structurelles pour investir davantage dans les individus, a-t-elle expliqué.
Il faut surtout imputer le ralentissement de la croissance et le chômage à l’insuffisance de la demande mondiale, a argué M. MIN ZHU, Sous-Directeur général du Fonds monétaire international (FMI). C’est la « demande agrégée », a répondu Le Professeur de Columbia, qui souffre de déficience. Si la demande est insuffisante, il y aura du chômage même si la productivité est bonne. M. Stiglitz est donc revenu sur la nécessité d’améliorer les structures européennes, par le biais d’une union bancaire ou d’obligations européennes.
Les panélistes sont ensuite passés à la question des investissements qui, ont-ils reconnu, doivent augmenter. La Commissaire européenne a recommandé d’investir dans l’économie réelle, en donnant l’exemple de l’Union européenne qui a décidé de prélever des fonds dans son budget et dans ceux de la Banque européenne d’investissement, pour affronter les pertes éventuelles et encourager ainsi « les investisseurs à investir ». Ce projet, qui a été présenté en novembre, sera mis en œuvre à l’automne prochain et vise à terme à créer un million d’emplois supplémentaires au cours des trois prochaines années. Ce plan va dans le bon sens, a reconnu le Professeur Stiglitz, tandis que le représentant de l’OIT s’interrogeait sur sa réelle efficacité.
Le Modérateur a orienté la discussion sur les politiques qui font que « chacun s’occupe de son pré carré ». L’expert du FMI a reconnu que la concurrence fiscale et la fluctuation des taux de change posaient des problèmes aux investisseurs. C’est pourquoi nous engageons nos membres à renforcer la coopération fiscale, a-t-il dit. Adopter des politiques fiscales et budgétaires incitatrices est, selon le Professeur Stiglitz, une des deux façons de relancer la demande mondiale, l’autre étant la redistribution des richesses aux pauvres, comme c’est le cas avec la baisse du cours du pétrole et les subventions.
Si l’on élimine la concurrence fiscale, a estimé la Commissaire européenne, il faut s’assurer que les impôts ne soient pas trop élevés. Il n’en reste pas moins qu’une taxe sur le carbone permettrait des investissements et une croissance plus solide, a conclu le Professeur Stiglitz.
Une taxation plus élevée résoudrait-elle vraiment le problème? s’est étonné le Modérateur. Le panéliste du FMI a tempéré cette affirmation en expliquant qu’il fallait plutôt parler de « taxation progressive ». Aux États-Unis, nous en sommes à une « taxation régressive », a fait remarquer M. Stiglitz.
À ce stade du débat, le Modérateur a donné la parole aux États, dont le représentant du Viet Nam qui a abordé la question du commerce international. La société civile a d’ailleurs exprimé sa frustration face aux accords commerciaux « lorsque les gouvernements dépassent les limites et n’écoutent pas la population ». L’expert du FMI a présenté le commerce comme un facteur de profit mais, comme l’a fait remarquer le représentant de l’OIT, le monde développé ne permet pas au système commercial international de s’orienter vers le développement. Et pourtant, a dit le Professeur Stiglitz, bien conçues, les politiques commerciales peuvent jouer un rôle important dans le développement.
Recentrant la discussion sur le terrain de l’emploi, le représentant du Japon a demandé aux experts leur avis sur la situation de son pays marqué par un faible taux de chômage et une forte productivité. Le Professeur de Columbia a remarqué que les avis sur le Japon sont trop souvent négatifs à cause du déclin de la population active. Le Japon devrait inclure davantage les femmes dans cette population.
Pour déplacer le débat sur le terrain du secteur privé, M. PHIL JENNINGS, Secrétaire général d’UNI Global Union, a rejeté la faute sur les dirigeants des entreprises qui sont « les plus irresponsables qu’on n’ait jamais vus » et qui « nous ont conduit à la crise financière ». Le représentant de l’OIT a admis que les entreprises devaient investir davantage dans l’économie réelle. Le Professeur de Columbia a tout de même voulu que l’on fasse la différence entre les multinationales qui ont des réserves suffisantes, d’une part, et les petites et moyennes entreprises (PME) qui n’ont pas accès aux capitaux, d’autre part. Le délégué de la Finlande a insisté sur les nouvelles technologies et la numérisation de l’économie qui permettent de moins investir dans les infrastructures.
La discussion s’est poursuivie par une remise en question de l’architecture financière internationale, après des remarques des représentants de Trinité-et-Tobago et de l’Argentine sur les institutions de Bretton Woods et le rôle mineur qu’y jouent les pays en développement. La banque des BRICS –Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud- a déjà été créée, a relevé le professeur Stiglitz en guise de réponse.
Quant au financement du développement, question abordée par la représentante de la Norvège, le représentant du FMI a rappelé que la troisième Conférence internationale prévue à d’Addis-Abeba, en juillet prochain, serait importante pour ouvrir la voie aux objectifs de développement durable. La Commissaire européenne a espéré atteindre à cette occasion un accord assorti d’indicateurs et d’un mécanisme. Les pays développés devront respecter leurs engagements en termes d’aide publique au développement (APD), a ajouté le Professeur Stiglitz.
Le représentant de la Suède a entrainé le débat sur une autre question: les femmes. Pour accroître leur place dans l’économie, le représentant du FMI a conseillé d’agir au niveau de la fiscalité, d’augmenter le nombre de crèches, de faire preuve de souplesse dans les horaires de travail et de scolariser davantage les filles. Il faut adopter des politiques et des mesures sociales appropriées, a renchéri la Commissaire européenne. Le représentant de l’OIT a tenu à rappeler à ce propos les inégalités de salaires auxquelles il faut encore remédier: lorsqu’une femme gagne 70 cents, un homme gagne 1 dollar, a-t-il indiqué.
Enfin, les participants ont reconnu le rôle crucial de la protection sociale pour l’économie mondiale, comme l’a exprimé la Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale. Si les réformes structurelles sont cruciales dans ce domaine, il faut en même temps protéger les négociations collectives, a estimé le représentant du FMI. Il a aussi parlé du socle de protection sociale qu’il faut mettre en place, un principe approuvé par la Commissaire européenne qui a donné l’exemple de l’Union européenne où 22 États sur 28 appliquent un revenu minimum. Pour le Professeur de Columbia, il faudrait parler de protection sociale pour tous, et pas seulement de plancher ou de socle.
« Attention à la marche: comment les inégalités croissantes nuisent au développement »
Animée par M. MATTHEW BISHOP, Rédacteur en chef de la rubrique mondialisation de « The Economist », cette table ronde a permis à M. ALFONSO NAVARRETE PRIDA, Ministre du travail et de la protection sociale du Mexique; M. HU XIAOYI, Vice-Ministre des ressources humaines et de la sécurité sociale de la Chine; Mme STEPHANIE SEGUINO, Professeur d’économie à l’Université du Vermont aux États-Unis; et Mme SHARAN BURROW, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale à faire leurs solutions pour réduire les inégalités.
« Quel est le rôle de la politique de l’emploi dans la lutte contre les inégalités? Pourquoi les inégalités sont importantes et pourquoi les objectifs de développement durable sont essentiels dans la lutte contre ces inégalités? Le Ministre du travail et de la protection sociale du Mexique s’est voulu simple: le Mexique a lancé la réforme de l’éducation pour aider les jeunes à participer à la mondialisation, la réforme de la communication pour pousser les gens à élargir leur vision du monde, la réforme financière pour faciliter aux travailleurs, aux jeunes, aux femmes et aux populations rurales l’accès aux crédits, la réforme énergétique pour réduire les coûts énergétiques et la réforme du travail pour assurer une meilleure répartition des richesses. À cet égard, le Ministre a estimé que le salaire minimum peut être un progrès « si et seulement si » il est lié à l’amélioration de la productivité. Le salaire minimum peut en effet aider les gens à transiter du secteur informel au secteur formel. « Le seul engagement que le Mexique pourra tenir aujourd’hui est d’universaliser la protection sociale avant 2030. »
Au cours des 30 dernières années, la Chine est passée d’un pays à faible productivité à un pays à forte productivité, a souligné le Vice-Ministre chinois des ressources humaines et de la sécurité sociale. Le modèle choisi qui voulait que le développement vienne de l’est de la Chine pour entraîner les autres régions et populations a porté des fruits mais a atteint désormais ses limites. La Chine a dû en effet lancer un programme de développement pour l’ouest qui vit d’ailleurs un retour de ses travailleurs susceptible de créer des richesses. Dans ces cas, l’accent est mis sur l’éducation et la formation. Le Gouvernement a pris soin d’élargir la protection sociale. Depuis 2005, quelque 840 millions de personnes ont accès au régime de retraite.
Les améliorations sociales ont été rendues possibles par une croissance économique tirée par les exportations. Mais aujourd’hui, l’accent est mis sur la consommation nationale, ce qui a profité aux travailleurs à bas revenu. « Dans quelles mesures recommanderiez-vous cette démarche aux autres pays en développement? » Il n’y a pas de réponse directe à cette question, a répondu le Vice-Ministre, il faut un processus national de consultation.
« L’économie doit servir la communauté tout entière et pas seulement les très riches, a souligné Mme SHARAN BURROW, Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale. Pour lutter contre les inégalités, il faut se focaliser sur le système qui encouragerait ces inégalités et répondre à la question: qu’est-ce qui n’a pas marché? Peut-être le trop peu d’importance accordée aux salaires et à la répartition des richesses ». Sans cette remise en question, on n’arrivera pas à réduire les inégalités, a déclaré Mme Burrow.
D’autant plus que les inégalités économiques conduisent aux inégalités politiques, a prévenu Mme STEPHANIE SEGUINO, Professeur d’économie à l’Université du Vermont aux États-Unis. Une poignée de très riches détient le pouvoir important de manipuler les choix politiques, a insisté Mme Seguino, fervente défenseur de la réduction des inégalités entre hommes et femmes.
Le Vice-Ministre de la Chine a parlé de la politique pour l’emploi des jeunes, premier groupe de demandeurs d’emplois dans les zones urbaines. Chaque année, la Chine crée 10 millions d’emplois supplémentaires en zones urbaines mais le plus important n’est pas le nombre mais bien la pérennité de ces emplois, en sachant qu’à l’ère d’Internet, la frontière entre secteurs formel et informel est devenue floue. Ce qu’il faut c’est garantir des emplois et des salaires dignes, faire montre d’une grande prudence sans avoir peur de l’évolution technologie, a répondu la Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, n’oubliant pas de mentionner le respect des négociations tripartites. Concentrons-nous sur les machinations des entreprises qui sont les organisations les moins transparentes au monde, a tranché la représentante d’une ONG.
« Voix de l’économie réelle »
Animée par M. Michael Shank, Directeur des stratégies d’information à Climate Nexus et chercheur principal à JustJobs Network, la table ronde a été l’occasion de passer en revue les stratégies mises en œuvre à différents niveaux pour relever les défis du développement durable et favoriser le travail décent. Comme l’a rappelé le Vice-Président de l’ECOSOC, 55% environ des travailleurs dans les pays en développement ont des emplois précaires. Les quatre intervenants ont répondu tour à tour à trois questions relatives à la manière dont la question du travail décent se pose dans leur communauté, aux politiques nécessaires pour parvenir à des emplois durables dans le secteur privé et à leur vision du futur huitième objectif de développement durable relatif à l’emploi.
Mme NOMVUZO SHABALALA, Adjointe au maire de Durban (Afrique du Sud), a mis en exergue l’importance du tourisme pour sa ville, un secteur qui a créé 15 972 emplois durables de septembre à janvier. M. SANJAY KUMAR, Directeur de l’Association des travailleuses indépendantes de Bharat (Inde), a indiqué que 80% des emplois en Inde venaient du secteur informel. Les vendeurs de rue représentent 2,5% de la population et sont particulièrement vulnérables car la loi qui les protège n’est pas toujours appliquée. Il a également rappelé que 43% des travailleurs domestiques, qui sont en général au service de la classe moyenne et qui travaillent dans 3 ou 4 maisons par jour, n’ont aucune protection sociale. Les femmes sont d’autant plus vulnérables dans le secteur informel qu’elles sont souvent des employées.
La vulnérabilité des travailleurs autochtones a été soulignée par Mme VICENTA TROTMAN, Membre du Conseil d’administration de l’approvisionnement en eau en milieu rural sur le territoire autochtone de Ngäbe-Buglé, dans la région de Ño-Kribo (Panama). Pour y remédier, elle a demandé des politiques d’intégration spécifiques dont une éducation adaptée à l’évolution technologique et une lutte acharnée contre le racisme.
L’importance des coopératives pour la création d’emplois a été défendue par M. PAUL HAZEN, Directeur exécutif du Conseil sur les développements coopératifs d’outre-mer de l’Alliance coopérative internationale des États-Unis. Il a rappelé que les coopératives ont d’ores et déjà généré 250 millions d’emplois dans le monde. Rassemblant secteurs formel et informel, les coopératives sont bien outillées pour lutter contre les inégalités économiques, a-t-il affirmé, expliquant qu’elles constituaient un bon modèle pour relier les petits exploitants au marché mondial. « Il faut rassembler les petits exploitants dans des entités économiques à même d’être concurrentielles au niveau mondial » et l’État ne devrait pas s’immiscer dans leur fonctionnement, comme cela peut parfois être fait à des fins politiques. Les coopératives doivent avoir leurs propres mécanismes de financement. « C’est le modèle le plus efficace. »
Durban, a expliqué l’Adjointe au maire, œuvre à une politique de développement du secteur informel, car ce secteur représente des emplois. La municipalité met, par exemple, des entrepôts à la disposition des vendeurs. Le développement de l’industrie du textile est un autre axe suivi par Durban. Il faut faire profiter le secteur informel des avantages du secteur formel en procédant à une « reformalisation » progressive du secteur informel, a argué le Directeur de l’Association des travailleuses indépendantes de Bharat. Il faut simplifier les procédures d’enregistrement des entreprises, les procédures foncières et revoir celles relatives à la déclaration de faillite, tout en garantissant l’accès au crédit. Il a également insisté sur les droits des travailleurs du secteur informel, dont le droit d’association en syndicats.
L’État peut fournir des bourses, des capitaux aux aspirants entrepreneurs et des formations, en particulier dans le secteur du tourisme, a ajouté la représentante du Conseil d’administration de l’approvisionnement en eau en milieu rural sur le territoire autochtone de Ngäbe-Buglé, dans la région de Ño-Kribo (Panama).
La table ronde s’est conclue par l’intervention de la déléguée de l’Argentine qui a voulu en savoir plus sur la « reformalisation » du secteur informel. Il faut d’abord reconnaître l’apport économique de ce secteur, a répondu le Directeur exécutif du Conseil sur les développements coopératifs d’outre-mer de l’Alliance coopérative internationale.