ECOSOC: le succès des multipartenariats pour le développement dépend de leur fiabilité technique, de leur viabilité économique et de leur acceptabilité politique
Comment faire pour que les multipartenariats se mettent réellement au service du programme de développement pour l’après-2015? Il faut qu’ils soient « techniquement fiables, économiquement viables et politiquement acceptables », a répondu le Vice-Président d’« AECOM Technology Corporation ». M. Gary J. Lawrence n’a pas été le seul à répondre à cette question. Plusieurs spécialistes ont participé aujourd’hui aux deux dialogues du Conseil économique et social (ECOSOC) sur les multipaternariats auxquels les États ont réservé une place de choix dans les futurs objectifs de développement durable (ODD).
La question des partenariats n’est pas nouvelle. Elle constitue le huitième et dernier paragraphe des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) de 2000 qui parle de « mettre en place un partenariat pour le développement ». Devant le succès pour le moins mitigé, le futur dix-septième objectif de développement durable (ODD 17) parle désormais de « revitaliser le partenariat mondial au service du développement et d’en renforcer les moyens d’application », en insistant sur les partenariats multipartites.
Les multipartenariats, réunissant gouvernements, secteur privé, fondations, société civile et monde universitaire, seront déterminants pour la mise en œuvre du programme de développement pour l’après-2015, a prévenu le Président du Conseil économique et social (ECOSOC). Ces deux dernières décennies, a rappelé M. Martin Sajdik, nous avons vu une multitude de partenariats multipartites qui sont d’ailleurs devenus une partie intégrante du travail de l’ONU. De nature volontaire, ils sont rarement similaires et maintenant que nous recherchons des moyens novateurs d’en tirer le plus grand parti, nous devons nous demander, a estimé le Président de l’ECOSOC, à quoi ils doivent ressembler et comment les lier au mieux au programme de développement pour l’après-2015.
Le succès sera au rendez-vous si ces alliances sont « techniquement fiables, économiquement viables et politiquement acceptables », a répondu le Vice-Président d’« AECOM Technology Corporation ». Il faut une unité de vision et d’objectifs, des ressources financières et humaines adéquates et de bons mécanismes de reddition des comptes pour assurer la transparence, a précisé l’animateur d’un des deux dialogues et Directeur des stratégies d’information de « Climate Nexus », M. Michael Shank.
L’importance de la transparence a été soulignée à plusieurs reprises. La Directrice et Fondatrice du « Centre for African Development Solutions », Mme Hesphina Rukato, a jugé crucial de renforcer l’évaluation des partenariats, en particulier en Afrique, car il y a un besoin urgent de rectifier, entre autres, la pratique consistant à consacrer la majorité des fonds aux fonctions administratives.
Le Président de l’ECOSOC a en effet admis que le manque de mécanisme de contrôle rend difficile l’évaluation des résultats enregistrés par ces partenariats, en particulier, comme l’ont souligné de nombreux intervenants, dans le domaine « essentiel » du renforcement des capacités et de l’appropriation nationales. Créer une plateforme d’examen pourrait offrir aux gouvernements et à la communauté internationale dans son ensemble les moyens de tirer les leçons du rôle, des tendances, des innovations et du financement des partenariats ainsi que de leurs véritables contributions au progrès du développement dans le monde.
Au niveau mondial, cette plateforme doit être dirigée par l’ONU, a estimé le Fondateur et Président de la « Global Values Alliance Foundation », M. Klaus Leisinger. Une plateforme d’examen qui se pencherait surtout sur le comportement du secteur privé, ont voulu des intervenants, en demandant à l’ONU d’établir des critères de partenariat. Toutefois l’importance qu’il y a à impliquer le secteur privé dans le développement n’a en rien été minimisée.
Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef exécutif de l’Initiative « Énergie durable pour tous », M. Kandeh Yumkella, a avoué que l’ODD 7 sur l’énergie exigera un apport de 600 à 700 milliards de dollars par an que « seuls le secteur et les banques privés pourront aligner de telles sommes ». « La contradiction fondamentale entre l’ambition pécuniaire du secteur privé et l’intérêt général des gouvernements » doit être surveillée de prêt, a mis en garde le représentant du Brésil.
« LES MULTIPARTENARIATS: FAIRE EN SORTE QU’ILS FONCTIONNENT POUR LE PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT POUR L’APRÈS-2015 »
Dialogue sur le thème: « Aligner les partenariats avec le programme de développement pour l’après-2015: comment cela devrait-il être fait et où peuvent-ils être revus? »
L’animateur, le Directeur des stratégies d’information à Climate Nexus, M. Michael Shank, s’est d’emblée interrogé sur la réelle efficacité des partenariats actuels pour le développement. Pour être réussis, ces partenariats requièrent en effet certaines conditions: une même vision et les mêmes objectifs liés à des indicateurs quantifiables. Les partenariats, qui doivent être menés de manière transparente, doivent aussi pouvoir s’appuyer sur des ressources financières et humaines adéquates et de bons mécanismes de reddition des comptes, dont des structures de gestion des conflits et des audits.
Il est évident que les partenariats sont à même d’apporter des solutions innovantes au développement, a acquiescé, le Fondateur et Président de la « Global Values Alliance Foundation », M. Klaus Leisinger. Le programme de développement pour l’après-2015 qui se veut « porteur de transformations » va appeler à des partenariats, ce qui demande que les différents acteurs s’entendent sur les valeurs à promouvoir les actions à enclencher.
La question du partenariat n’est pas nouvelle: parmi les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), le dernier parlait déjà de « Mettre en place un partenariat pour le développement », à savoir poursuivre la mise au point d’un système commercial et financier ouvert, réglementé, prévisible et non discriminatoire; répondre aux besoins particuliers des pays les moins avancés (PMA), des pays en développement sans littoral et des petits États insulaires en développement; traiter globalement du problème de la dette des pays en développement; rendre dans ces pays, les médicaments essentiels disponibles et abordables; et faire en sorte que les avantages des nouvelles technologies, en particulier des technologies de l’information et de la communication, soient accordés à tous.
Devant le succès pour le moins mitigé de cet OMD 8, les futurs objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’ODD 17, parle de « revitaliser le partenariat mondial au service du développement et en renforcer les moyens d’application », dans les domaines de la technologie, du renforcement des capacités et des questions systémiques comme la cohérence des politiques et des structures institutionnelles, les partenariats multipartites, les données, le suivi et l’application du principe de responsabilité. Il faut en effet changer la manière de faire les choses et renforcer les partenariats multipartites, a convenu le Vice-Président pour la mobilisation mondiale pour « World Vision », M. Charles Badenoch. La déléguée d’une organisation de la société civile a rappelé que les ONG avaient été oubliées dans les OMD qui ne leur confiaient aucune cible.
Les nouveaux partenariats multipartites doivent être tournés vers l’efficacité, à savoir le renforcement des capacités et de l’appropriation nationales, a ajouté le Vice-Président pour la mobilisation mondiale pour « World Vision », dont l’assertion a été fortement appuyée par la Directrice et Fondatrice du « Centre for African Development Solutions », Mme Hesphina Rukato, intervenant par vidéoconférence depuis Harare. C’est le manque de capacités des pays bénéficiaires de l’aide au développement qui conduit à une mauvaise utilisation des ressources. Il faut, a-t-elle poursuivi, renforcer l’évaluation des partenariats, en particulier en Afrique, car il y a un besoin urgent de rectifier, entre autres, la pratique qui voit la plupart des fonds engloutis dans des fonctions administratives. Pour garder le contrôle des opérations, les gouvernements devraient coordonner les partenariats sur leur territoire. À cet égard, le Fondateur et Président de la « Global Values Alliance Foundation » a prôné une coordination sectorielle avec des plateformes spécifiques à chaque objectif de développement durable, tant aux niveaux mondial que national. Il a aussi estimé qu’au niveau mondial, c’est l’ONU qui doit superviser les partenariats. Il faut en effet une plateforme mondiale pour chaque ODD, a acquiescé le Vice-Président pour la mobilisation mondiale de « World Vision ».
Les partenariats devant impliquer le secteur privé, le représentant du Brésil a mis en garde contre ce qu’il a appelé « la contradiction fondamentale entre l’ambition pécuniaire du secteur privé et l’intérêt général des gouvernements. Il faut des partenariats, « d’accord », mais veillons à ce que les citoyens restent au centre de tous ses processus, a également souhaité la représentante de la Suisse. Les gouvernements ne pourront pas seuls réussir les ODD, a répondu le représentant de l’Union européenne, en insistant sur l’implication du secteur privé, de la société civile et du monde universitaire aux côtés des gouvernements. C’est pour cela qu’il faut mettre l’accent sur la transparence, la responsabilité mutuelle et une approche basée sur les résultats, a estimé le représentant de la République de Corée. La reddition des comptes est « cruciale », a avoué le Fondateur et Président de la « Global Values Alliance Foundation », en proposant que l’ECOSOC établisse à l’intention du secteur privé les critères du partenariat. Chaque acteur du partenariat, a suggéré, le Vice-Président pour la mobilisation mondiale de « World Vision », pourrait produire un rapport annuel faisant le point de ses engagements, un rapport à présenter à l’ECOSOC qui doit assurer la coordination mondiale des partenariats, a renchéri le représentant du Brésil. Si nous voulons une supervision universelle, il faut que chacun y trouve son compte, les États Membres, le secteur privé et la société civile, a averti la représentante de la Suisse. Les progrès dépendront du niveau d’engagement de chacun, a conclu le représentant de l’Union européenne.
Dialogue sur le thème « Des modèles de partenariat qui fonctionnent: suivi et examen en action »
La table ronde a été animée par M. Raj Kumar, Cofondateur et Président de Devex, qui a souligné à quel point les partenariats seront le nouveau modus operandi de ces 15 prochaines années en matière de développement. Les ressources des gouvernements, des ONG et des entreprises « frisant l’épuisement », l’avenir exige des structures qui rassemblent un large éventail d’acteurs. La question est donc de savoir comment appuyer ces partenariats et d’identifier les qualités et les défauts sur lesquels il faut travailler, du point de vue de leur impact social, économique et commercial.
Le Directeur général du Partenariat pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, multipartenariats créé en 2002 à l’initiative du Gouvernement du Royaume-Uni, en coopération avec une quinzaine de gouvernements, M. Martin Hiller, a prévenu que pour impliquer et surtout motiver tous les partenaires, il faut une vision claire de la stratégie et des objectifs qui permettrait de passer tous ensemble avec efficacité des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) aux objectifs de développement durable (ODD), a ajouté la Présidente et Administratrice de la Fondation des Nations Unies. Mme Kathy Calvin a mis l’accent sur l’importance d’inclure « les bénéficiaires de notre travail » dans toutes les étapes de la mise en œuvre et de l’évaluation. Il faut renforcer chez les pays récipiendaires de l’aide au développement le sentiment de responsabilité et la maîtrise des programmes, et une condition du succès sera notre capacité à compléter l’action du secteur public avec celle du secteur privé.
« Les partenaires privés doivent pouvoir tirer des bénéfices de leur implication », a dit le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de l’exécutif de l’initiative « Énergie durable pour tous », M. Kandeh Yumkella, en s’attardant sur la nécessité de mobiliser les efforts autour du futur ODD 7. Dans sa forme actuelle, l’ODD 7 parle de garantir d’ici à 2030, l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable; d’accroître considérablement la part de l’énergie renouvelable parmi les différents types d’énergie consommés de par le monde; de multiplier par deux le taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique; de renforcer la coopération internationale en vue de faciliter l’accès aux recherches et technologies relatives à l’énergie propre; de favoriser les investissements dans l’infrastructure énergétique et les technologies d’exploitation de l’énergie propre; et de perfectionner les technologies afin d’approvisionner en services énergétiques modernes et durables tous les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement.
On doit démontrer aux chefs d’entreprise, a poursuivi le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de l’exécutif de l’initiative « Énergie durable pour tous », les bénéfices qu’ils peuvent tirer d’un investissement dans les énergies renouvelables. L’ODD exigera d’ici à 2030 un apport de 600 à 700 milliards de dollars par an, a reconnu, M. Yumkella, avouant que seuls le secteur et les banques privés pourront aligner de telles sommes. Si nous voulons une intervention adéquate du secteur privé, il faut que les marchés se montrent favorables aux énergies renouvelables. C’est aux gouvernements de favoriser l’émergence de ces marchés, a estimé le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de l’exécutif de l’initiative « Énergie durable pour tous ». Les gouvernements ou les institutions publiques doivent offrir des garanties aux investisseurs.
« Nous discutons depuis 20 ans de la manière d’inciter le secteur privé à investir dans ces énergies », a admis le Vice-Président et Chef du développement durable à « AECOM Technology Corporation », qui emploie 110 000 personnes dans le monde. M. Gary Lawrence a décrit deux partenariats menés par AECOM, dont l’un avec la Stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNISDR) sur l’évaluation des différents risques associés aux changements climatiques. Un partenariat réussi, a-t-il prévenu, implique qu’il « soit techniquement fiable, économiquement viable et politiquement acceptable ». Rien n’est possible sans ces trois conditions.
Pour ce faire, a proposé le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de l’exécutif de l’initiative « Énergie durable pour tous », les Nations Unies doivent mettre en place une structure de gouvernance de tous les aspects de l’énergie, à l’instar de celle qui existe pour l’énergie atomique. Il faut « une révolution énergétique » pour changer la trajectoire qui nous mènera d’ici à la fin du siècle, à une augmentation de la température de la planète de 6 degrés Celsius contre les 2 degrés qui ont été agréés.
Le Vice-Président de la Fondation Rotary et Président de la Commission de la « Rotary International Polio Plus », M. Michael McGovern, a quant à lui décrit le multi-partenariat consacré à « l’élimination durable de la polio » qui organise, dimanche prochain au Pakistan, une réunion avec 200 patrons membres du Rotary. Aux critiques qui dénoncent la mobilisation d’un milliard de dollars par an pour une maladie qui ne compte que 370 cas par an, McGovern a conseillé de revoir leurs calculs. Les infrastructures et réseaux mis en place contre la polio servent aussi à d’autres maladies comme on l’a vu récemment en Afrique de l’Ouest avec l’épidémie d’Ebola, a-t-il argué.