Session de 2015
4e séance - matin
ECOSOC/6655

ECOSOC: Experts et États débattent de l'impact des agences de notation sur le financement du développement durable

« L’impact des agences de notation sur le financement du développement durable » était le thème d’une table ronde organisée ce matin au Conseil économique et social (ECOSOC), qui a donné lieu à diverses propositions de la part d’experts du monde de la finance, ainsi que de délégations, afin de permettre à ces agences de contribuer plus efficacement au financement du développement.  Il a notamment été suggéré de réduire la dépendance à l’égard d’une seule ou des trois grandes agences de notation.  Certaines délégations ont aussi parlé de créer un organe international de règlementation des activités des agences dans tous les pays, une proposition qui n’a toutefois pas suscité l’enthousiasme de certains experts.

Le Président de l’ECOSOC, M. Martin Sadjik, a fait observer la large influence qu’ont les notations de ces agences sur l’aptitude des États et des entreprises à financer le développement, comme cela avait déjà été souligné lors d’un débat organisé à l’Assemblée générale le 10 septembre 2013.  C’est aussi ce qu’a expliqué un professeur de l’Université de Columbia (New York) en soulignant que ces agences pouvaient réduire l’incertitude qui pèse sur les remboursements futurs des crédits empruntés par les États et les sociétés, et ainsi réduire le coût du capital.

La Directrice du crédit au Groupe de la Banque mondiale, Mme Merli Baroudi, qui animait le débat, a notamment proposé aux agences d’intégrer des préoccupations liées au financement du développement durable dans leur travail.  Cette idée semble déjà être reconnue puisqu’un responsable d’UBS Global Asset Management (Amériques) Inc. a observé que « les données concernant le développement durable ont le même rôle que les données financières dans la conduite des analyses et la publication des notations que font les agences ».

M. Sajdik a toutefois fait remarquer que les agences de notation posaient des problèmes, d’une part parce que les trois plus grandes d’entre elles détiennent 90% des parts du marché de la notation et, d’autre part, à cause du conflit d’intérêts qu’il estime exister lorsque les entreprises choisissent et paient les agences qui leur délivrent une note.

« Il faudrait trouver des mesures pour renforcer la concurrence », a reconnu l’animatrice du débat en remarquant que des efforts avaient déjà été consentis à l’échelle mondiale, notamment par le Conseil de stabilité financière, aux fins de réduire la présence et l’influence de ces agences sur les marchés financiers et ce, par la prise de mesures alternatives. 

Pour ce qui est des conflits d’intérêts, le professeur de Columbia a expliqué la complexité de la situation puisque, d’un côté les investisseurs refusent de payer pour qu’une note soit donnée à une entité précise et, de l’autre, on ne fait pas confiance aux notes si ce sont les émetteurs qui paient les services des agences de notation.  Comme élément de réflexion sur ce sujet, il a parlé du Conseil d’investisseurs qui existe aux États-Unis et qui est très présent sur le marché des actions, en suggérant de l’étendre aux créances.

Le professeur a aussi proposé d’établir un code de meilleures pratiques reposant sur des consultations entre les agences de notation et les émetteurs et ce, avant la notation.  L’acheteur de la dette pourrait ainsi choisir une agence de notation.  En outre, ce code prévoirait différentes notes en fonction de critères de développement durable et de solvabilité.  Mme Baroudi a suggéré pour sa part la mise en place d’une plateforme d’harmonisation des notations.

Après les réformes de ces dernières années, qui visaient une plus grande transparence et davantage de cohérence dans les systèmes de notation, la nature de nos activités n’a pas vraiment changé, a expliqué pour sa part une représentante de Moody’s Investors Service, l’une des trois agences de notation.  Elle a surtout relevé la multiplication du nombre de documents à fournir pour respecter les nouvelles procédures et l’augmentation du nombre d’employés qui en est résulté. 

Les intervenants ont reconnu la nécessité de continuer à améliorer la qualité et la fiabilité des agences.  Dans cet esprit, la délégation de l’Union européenne a invité l’ECOSOC à débattre prochainement de l’absence d’un cadre multilatéral sur les notations.  Le représentant des Philippines a très concrètement jugé nécessaire de faire superviser les activités des agences de notation par un organe intergouvernemental placé sous l’égide des Nations Unies.  Mais il n’a reçu le soutien ni de l’expert d’UBS Global Asset, pour qui cela ne permettrait pas forcément d’améliorer la qualité du travail des agences de notation, ni de la représentante de Moody’s, qui a jugé déjà suffisante l’obligation faite aux agences de se conformer aux réglementations des pays dans lesquels elles interviennent.

Le Président de l’ECOSOC a expliqué que le débat de ce jour devait contribuer au processus préparatoire de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui aura lieu en juillet 2015 à Addis-Abeba, en Éthiopie.  En concluant la séance, il en a résumé les grandes lignes en soulignant notamment l’importance du renforcement de la concurrence entre les agences de notation et la nécessité d’inclure des critères de développement durable et de gouvernance dans les systèmes de notation.

TABLE RONDE SUR LE THÈME « L’IMPACT DES AGENCES DE NOTATION SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE »

Déclarations liminaires

M. MARTIN SAJDIK (Autriche), Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a souligné que les agences de notation influencent les flux financiers partout dans le monde.  En même temps, les actions menées par ce système peuvent avoir des effets délétères pour le système financier, a-t-il relevé, d’où l’importance de disposer d’agences qui fonctionnent bien.  Il a expliqué que la discussion d’aujourd’hui devait s’appuyer sur le débat qui a eu lieu le 10 septembre 2013 sur le rôle des agences de notation et qui avait témoigné de la large influence qu’ont les notations de ces agences sur l’aptitude des États et des entreprises à financer le développement.  De même, plusieurs lacunes avaient été mises en lumière en ce qui concerne les performances des agences de notation financière avant, et au moment de la crise de 2008. 

M. Sajdik a indiqué que les trois plus grandes agences de notation détiennent 90% des parts de ce marché.  Il a rappelé qu’il y avait parfois des conflits d’intérêt lorsque les entreprises choisissent et paient les agences de notation.  Lors du débat thématique de l’an dernier, plusieurs idées avaient été avancées pour accroître la transparence et la concurrence de ces agences, a-t-il rappelé.  En outre, a-t-il ajouté, on avait aussi noté les efforts internationaux et nationaux entrepris pour régler ces problèmes.  Le Président de l’ECOSOC a invité les participants à la réunion et les acteurs internationaux à approfondir certaines de ces idées.  Il a expliqué que le débat de ce jour devait contribuer au processus préparatoire de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement qui aura lieu en juillet 2015 à Addis-Abeba, en Éthiopie.  Il a souhaité que le débat soit d’un format un peu différent par rapport à la coutume, avec de brèves présentations de la part des experts pour ensuite laisser la place à un échange véritablement interactif entre experts et avec les délégations.

Mme MERLI BAROUDI, Directrice et Responsable en chef du crédit au Groupe de la Banque mondiale et animatrice de la table ronde, a rappelé qu’au fil du temps, les agences de notation ont joué un rôle très utile en rendant les marchés de capitaux plus efficaces.  Mais on observe que la crise financière a remis en cause les analyses qu’elles avaient faites et leur appréciation de la situation, qui s’est parfois avérée inexacte, a constaté Mme Baroudi.  Elle a rappelé la connexion étroite entre ces agences et les investisseurs, y compris les conflits d’intérêts potentiels qui en naissent, car ces agences sont payées pour procéder à la conduite de leurs analyses et à la publication de leurs notations.  Elles ne sont pas responsables, selon elles, des impacts de ces notations sur les pays qui ne peuvent toujours pas financer leur développement du fait de leur mauvaise cotation.  Depuis le début de la crise, beaucoup de pays ont entamé des réformes et le G20 a entériné les principes du Conseil de stabilité financière (en anglais Financial Stability Board ou FSB) pour réduire l’influence des agences de notation sur les marchés de capitaux, a cependant précisé Mme Baroudi.

D’autre part, a-t-elle noté, les Nations Unies jouent un rôle fondamental dans le débat qui a lieu autour de toutes ces questions.  La table ronde pourrait nourrir ce débat sur la façon de traiter les agences de notation, en vue du renforcement de la qualité de leurs analyses et de leur fiabilité, ou encore de l’incorporation des préoccupations liées au financement du développement durable dans leur travail, et de la promotion de nouvelles normes, a déclaré Mme Baroudi. 

S’agissant du conflit d’intérêts qui peut naître lorsque l’émetteur d’une demande de notation est également celui qui paie l’agence qui va la publier, elle a souligné que, suite à la crise financière, les pouvoirs de la Securities and Exchange Commission (SEC) ont été renforcés aux États-Unis pour faire face à ce problème. 

D’un autre côté, il faudrait trouver des mesures pour renforcer la concurrence, a proposé l’intervenante, qui a mis l’accent sur la complexité du travail qu’accomplissent les agences de notation.  Des efforts ont été consentis à l’échelle mondiale, notamment par le Conseil de stabilité financière, aux fins de réduire la présence et l’influence de ces agences sur les marchés financiers et ce, par la prise de mesures alternatives.  Mme Baroudi a insisté sur l’amélioration de la qualité et de la fiabilité des agences, ce à quoi l’Union européenne s’emploie depuis plusieurs années afin de pouvoir mieux suivre l’évolution de la situation financière régionale et mondiale.  La stabilité des notes octroyées aux entreprises et aux pays est également d’importance car, dans certains cas, les agences de notation ont suivi les marchés au lieu de les guider, a-t-elle fait remarquer.  Mettant l’accent sur la diversité d’opinion sur le meilleur moyen de procéder à des réformes de régulation financière, elle a suggéré la mise en place d’une plateforme d’accès et d’harmonisation des notations, ainsi qu’une coordination accrue entre les secteurs privé et public.    

Mme CHEE MEE HU, Directrice générale de la division « Project Finance and Infrastructure Group » chez Moody’s Investors Service, a expliqué que la réforme appliquée aux agences de notation ces dernières années n’avait rien changé à leur mode de fonctionnement.  Avant d’expliquer ce fonctionnement, elle a rappelé la fonction principale de ces agences, dont la mission est d’informer les banques sur les capacités et les chances qu’ont leurs emprunteurs potentiels à rembourser les crédits qui leur sont accordés.  La dynamique de notre activité, a-t-elle expliqué, s’articule autour du Comité de notation de chaque agence.  La conséquence principale des réformes qui ont été mises en place pour améliorer la transparence des agences est que celles-ci doivent désormais présenter deux à trois fois plus de documents pour prouver et démontrer la cohérence de leurs activités, a expliqué Mme Hu.  Le groupe du crédit, qui est chargé de garantir le respect de toute la procédure d’attribution des notes, a donc dû renforcer les rangs de ses effectifs, a-t-elle indiqué.

Mme Hu a aussi expliqué que les méthodologies de notation sont différentes selon les secteurs.  L’interprétation des différents facteurs qui entrent en jeu et celle de leur interaction peut parfois nous amener à donner à une entreprise ou à un pays une note un peu différente de celle figurant dans le « carnet de note » habituel, a-t-elle aussi indiqué.  Elle a ajouté que les rapports concernant la notation de chaque entreprise, pays ou entité devaient être régulièrement actualisés et cohérents.  Nous devons aussi éviter tout conflit d’intérêts au sein du Comité de notation, a-t-elle dit en assurant que l’Agence veillait particulièrement à cela.  Elle a insisté sur le fait que la réforme avait contraint Moody’s à recruter des employés dans plusieurs domaines, notamment dans les bureaux chargés de la promotion de la transparence et dans le domaine technologique.  Nous avons aussi renforcé nos efforts visant à mieux conserver, archiver et détruire les informations confidentielles quand cela s’avère nécessaire, a-t-elle ajouté.  En outre, nos différentes procédures ont été normalisées et nous veillons à consigner sur papier toutes les étapes du processus, a assuré Mme Hu. 

M. THOMAS MISSONG, Président de l’Association européenne des agences de notation, a brièvement présenté l’Association, créée en 2009, à l’issue de l’adoption de la réglementation européenne.  Il a expliqué qu’après l’adoption des mesures prises par l’Union européenne pour le renforcement de la régulation du marché, toutes les agences de notation sont désormais reconnues par l’institution du crédit en vertu du règlement sur les banques.  Ceci est une amélioration considérable par rapport au passé, car auparavant, la reconnaissance n’était que nationale et relevait de chaque État.  M. Missong a aussi signalé que certaines recommandations conseillaient que l’on ait recours à des agences de notation plus petites au lieu de laisser une poignée de sociétés dominer ce secteur et y imposer leurs vues.  Le contrat entre un émetteur et une agence de notation est limité à une certaine période donnée, et il y a une période de latence, a ensuite indiqué M. Missong.

Un consensus général s’est dégagé au sein de l’Association selon lequel les mesures prises vont considérablement améliorer la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne en ce qui concerne la notation financière, même si le nouveau système adopté ne détruit pas toutes les barrières existantes.  M. Missong a aussi fait état de la « cartographie » des agences de notation, au sein de laquelle on peut observer une augmentation appréciable des petites agences, qui sont à présent au nombre de 200.  Mais il reste que, aux yeux de l’Association, les nouvelles règles ont renforcé le poids des grandes agences de notation au détriment des petites, a-t-il conclu, en invitant à davantage de réflexion sur cette question.

M. BRUNO BERTOCCI, Directeur général et administrateur de  la branche « Global Equity Portfolio », à UBS Global Asset Management (Amériques) Inc., a expliqué que les données examinées par les agences de notations devaient être concrètes et avoir ensuite une influence sur la répartition des capitaux.  Il a souligné en particulier l’importance de certains facteurs comme la propriété intellectuelle, la logistique, l’environnement, ainsi qu’une série d’éléments fondamentaux qui permettent aux agences de déterminer la viabilité des entreprises.  Ces données évoluent de la même façon que les données financières, a-t-il précisé pour expliquer leur importance.  Il a souligné en particulier que les données concernant le développement durable avaient le même rôle que les données financières dans la conduite des analyses et la publication des notations que font les agences.

M. JOHN COFFEE, Professeur à la faculté de droit de l’Université Columbia, à New York, a fait remarquer que les agences de notation peuvent avoir un rôle important pour promouvoir le développement durable, car elles peuvent réduire l’incertitude qui pèse sur les remboursements futurs des crédits empruntés par les États et les sociétés, et ainsi réduire le coût du capital.  M. Coffee a ensuite évoqué le débat relatif à une perception selon laquelle les agences de notation gonflent certaines notes octroyées à certaines entreprises parce qu’elles sont payées par les entités qui les demandent.  Il a fait remarquer que les investisseurs ne veulent certainement pas avoir à payer pour qu’une note leur soit donnée concernant une entité précise.  « Si ce sont les émetteurs qui paient les agences de notation, on ne fera certainement que très peu confiance à ces agences », a-t-il relevé.  Pour donner un élément de réflexion sur ce sujet, il a parlé du Conseil d’investisseurs qui existe aux États-Unis et qui est très présent sur le marché des actions.  « Si ce système est possible pour les actions, pourquoi ne le serait-il pas pour les créances? », a-t-il argué.

M. Coffee a ensuite proposé d’établir un code de meilleures pratiques reposant sur des consultations entre les agences de notation et les émetteurs, et ce avant la notation.  Cela permettrait de rendre le processus plus transparent et d’établir des contacts améliorés entre les différents acteurs, a-t-il indiqué.  Selon ce système, a-t-il précisé, l’acheteur de dette pourrait choisir une agence de notation sur la base d’un système volontaire.  Ce code de meilleures pratiques prévoirait différentes notations en matière de développement durable et de solvabilité.  Il pourrait y avoir des coefficients de notes, qui seraient plus élevés pour le développement durable et moins pour la solvabilité, a-t-il suggéré.

Discussion entre panélistes

Après les exposés des panélistes, la modératrice, Mme Merli Baroudi, a invité les experts à donner leur avis sur la crédibilité du travail des agences de notation, étant donné que l’émetteur, l’entité qui demande à être notée, est obligée de payer pour le service.

M. Thomas Missong, de l’Association européenne des agences de notation, a noté que certaines agences ont décidé de ne pas diffuser au public les notes qui découlent d’un contrat passé avec un émetteur tiers.  Il a invité toutes les agences de notation à adopter ce système.  Selon Mme Chee Mee Hu, de Moody’s Investors Service, il n’y a pas lieu de craindre un conflit d’intérêts, notamment parce que les notes sont la plupart du temps en défaveur de l’émetteur.  Elle a dit n’avoir jamais vu de situation où l’émetteur recevrait de meilleures notes parce qu’il avait payé pour son évaluation.

M. Bruno Bertocci, d’UBS Global Asset, a expliqué qu’au-delà de la notation, l’un des facteurs de risque majeur pris en compte par les investisseurs est la gouvernance de l’émetteur, précisant qu’une gouvernance peu orthodoxe n’est pas susceptible d’attirer les investisseurs.  En revanche, M. John Coffee, de l’Université Columbia de New York, a estimé que les analystes qui s’occupent de la notation ne pouvaient agir librement car ils sont conscients de devoir leur salaire à l’émetteur.  Il a par ailleurs regretté que les changements de réglementation ne soient que « purement cosmétiques », en citant le cas des États-Unis, ajoutant que le pouvoir de supervision des autorités étatiques était limité.

La modératrice a ensuite invité les panélistes à préciser ce qui devrait changer afin d’améliorer la crédibilité du système de notation actuel.

M. Coffee a rappelé qu’au cours des années 1970, c’était l’investisseur qui était généralement astreint de payer pour les prestations de services des agences de notation.  Il a indiqué que ce modèle n’avait pas prospéré et que désormais c’est l’émetteur qui est censé payer pour le travail des agences de notation, car c’est lui qui aspire aux fonds d’investisseurs potentiels.  Il a ajouté que l’ancien système ne donnait pas lieu à « des notes artificiellement gonflées ».  Il a ainsi prôné l’établissement d’un système dans lequel plusieurs agences seraient choisies concomitamment pour noter un émetteur précis, afin de diminuer les risques de malversations.

M. Missong a, pour sa part, proposé d’augmenter le nombre d’agences de notation, arguant que cela pourrait aider à assainir les pratiques et à réduire la dépendance à l’égard d’une seule ou des trois grandes agences.  En effet, a-t-il remarqué, la dépendance à l’égard des trois agences principales avait conduit à la crise financière de 2008.  Il a, par exemple, déploré le fait qu’en Europe, 85% du marché des notations est l’apanage exclusif de ces trois grandes agences.  M. Coffee a renchéri en notant que la vive concurrence qui existe actuellement entre les trois agences avait pour conséquence de gonfler les notes « de manière fantaisiste » afin de plaire aux émetteurs, d’où le besoin d’éviter ces conflits d’intérêts.

M. Bertocci a, en revanche, estimé que ces conflits d’intérêts n’avaient pas de raison d’être car les notations ne sont pas les seuls éléments utilisés par les investisseurs professionnels pour leur prise de décisions sur les risques d’investissements.  Mme Chee Mee Hu a précisé que certains investisseurs qui ont recours aux services de Moody’s font des notations l’élément central de leur prise de décisions, tandis que d’autres les utilisent juste en appoint à d’autres analyses.

Justement, a plaidé M. Coffee, les fonds d’investissements gagneraient à avoir en leur sein des équipes d’analystes chargées d’évaluer les risques d’investissements, ce qui permettrait de réduire la trop grande dépendance de ces fonds vis-à-vis des agences de notation.

Dialogue interactif avec les délégations

En ouverture du dialogue interactif, le représentant de l’Éthiopie a demandé si le foisonnement des agences de notation n’entachait pas leur crédibilité du fait que les approches et méthodes sont différentes d’une agence à une autre.

La représentante de Moody’s a indiqué qu’en ce qui concerne son agence, les analystes présentent une série d’informations au comité de notation.  La note attribuée découle d’un résumé schématique, a-t-elle précisé, ajoutant que ce principe s’appliquait aux notations des États comme pour celles des entreprises et d’autres entités.

L’expert de l’Association européenne des agences de notation a expliqué qu’en Europe, le principe du contradictoire veut que les agences de notation informent les émetteurs avant la publication des notes les concernant, ceci pour leur donner le droit de relever d’éventuels manquements.

La délégation de l’Union européenne a rappelé qu’après la crise de 2008, le G20 avait pris des mesures pour réglementer le secteur des agences de notation, notamment à travers des directives du Conseil de la stabilité financière.  Le représentant a invité l’ECOSOC à débattre prochainement sur la question de l’absence d’un cadre multilatéral sur les notations.  Le représentant des Philippines a été plus précis en demandant que les activités des agences de notation soient supervisées par un organe intergouvernemental placé sous l’égide des Nations Unies.

La représentante de Moody’s a réagi en relevant que les agences avaient déjà l’obligation de se conformer aux réglementations des pays dans lesquels elles interviennent.  Elle a ajouté que ces agences avaient, en leur sein, des procédures d’autorégulation qui leur permet d’éviter certains travers.  Pour le représentant d’UBS Global Asset, on ne peut pas demander aux agences de notation d’être précises à 100%, puisque leur note ne constitue qu’un avis consultatif parmi d’autres.  Il a estimé que la mise en place d’un organe international de régulation ne permettrait pas forcément d’améliorer la qualité du travail des agences de notation.

Le professeur de l’Université Columbia de New York a, pour sa part, mis en garde contre la volonté des États en développement de règlementer les travaux des agences sur leur territoire national, en expliquant que les agences risqueraient de délaisser ces pays, ce qui nuirait aux entreprises desdits pays qui n’auront plus les faveurs des investisseurs.

L’expert de l’Association européenne des agences de notation a rappelé que les agences de notation qui veulent évoluer en Europe doivent avoir une certification de l’Union européenne, mais il a regretté que le principe de réciprocité ne soit pas de mise puisque les agences de notation européennes n’ont malheureusement pas la possibilité de s’investir dans certains pays comme les États-Unis, le Mexique ou l’Argentine.  Il a précisé que les agences mexicaines évoluant en Europe n’ont pas le droit de noter les émetteurs basés sur le sol européen, mais peuvent s’intéresser aux entreprises qui ont des acquis au Mexique.  Il a aussi appelé de tous ses vœux à la mise en place d’un organe international qui pourrait s’atteler à règlementer les activités des agences dans tous les pays, et d’établir une sorte de notation universelle des activités des agences de notation. 

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