Session de 2015
3e séance - matin
ECOSOC/6653

Le Conseil économique et social examine les défis multidimensionnels d’Ebola au développement durable

Les conséquences de l’épidémie de la maladie à virus Ebola, qui a déjà tué 6 000 personnes, et ses implications pour le développement humain et économique des pays touchés, ont été examinées, ce matin, par le Conseil économique et social (ECOSOC) à l’occasion d’une réunion spéciale, l’occasion pour le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, d’appeler à affecter davantage de ressources à la recherche de traitements de maladies qui surgissent dans les pays en développement. 

« Nous sommes ici pour trouver des solutions aux défis multidimensionnels posés par Ebola et rendre les pays davantage résistants aux futures crises », a déclaré le Président de l’ECOSOC, M. Martin Sajdik, qui, lors de cette réunion spéciale intitulée « Ebola : une menace au développement durable », a proposé une réflexion autour d’une stratégie permettant aux pays touchés de préserver les gains obtenus dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

L’impact est si sévère que le Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kutesa, a estimé qu’il avait le « potentiel d’inverser les progrès dans la consolidation de la paix effectués par ces trois pays », la Banque mondiale évaluant 3 à 4 milliards de dollars le manque à gagner économique possible en Afrique subsaharienne.

« Vigoureuses » avant la propagation de l’épidémie, les économies de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone sont désormais « faibles et stagnantes », a relevé le Secrétaire général, qui, à l’instar d’autres intervenants, a plaidé en faveur de systèmes de santé forts, qui devraient constituer des éléments critiques du programme de développement pour l’après-2015.

« Il ne saurait y avoir de développement durable que lorsque les sociétés fournissent des services publics fondamentaux tels que les soins de santé », a-t-il déclaré.

Le Ministre guinéen de l’économie et des finances, M. Mohamed Diare, a confirmé que, depuis le début de l’épidémie fin février 2014, le taux de croissance initialement prévu de 3 % a chuté à 1,3 %, notamment du fait que la zone forestière, véritable « grenier de la Guinée », est l’épicentre de l’épidémie.

Ainsi, le Cadre d’investissement de Simandou, signé par le Gouvernement guinéen et ses partenaires Rio Tinto, Chinalco et la SFI, « le plus grand projet intégré de mine de fer et d’infrastructures jamais réalisé en Afrique », est désormais dans l’impasse.

Le Ministre des finances et du développement économique de la Sierra Leone, M. Kaifah Marah, a fait état de la paralysie du système scolaire et d’un « véritable embargo économique » qui frappe le pays, l’empêche d’exporter et compromet les investissements étrangers.

Pour faire face à ce « tueur sans visage » qu’est le virus Ebola, le Ministre des finances et du développement du Libéria, M. Mounir Siaplay, a admis pour sa part que la riposte initiale de son pays avait été erronée car axée sur la militarisation, le couvre-feu et la quarantaine, mais que des résultats tangibles avaient ensuite été enregistrés depuis la mise en place d’une politique de santé plus structurée et inclusive, en particulier dans le domaine de la sensibilisation de la population.

Au Libéria, la transmission ralentit de manière spectaculaire, avec 60 cas déclarés par jour contre 10 désormais, et ce grâce à une action coordonnée de sources variées, a constaté le Coordonnateur principal du système des Nations Unies pour Ebola, M. David Nabarro, qui s’est rendu dans les pays concernés.

M. Nabarro s’est néanmoins dit alarmé par la recrudescence de l’épidémie en Guinée forestière et son apparition au Mali.

Au fil des interventions des États Membres, et lors d’un dialogue interactif animé par le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la médecine de proximité et les enseignements tirés de la situation en Haïti, M. Paul Farmer, a été soulignée la nécessité de débloquer des ressources supplémentaires dans le domaine de la recherche scientifique et médicale.

Si « la peur se déplace plus vite que le virus » et les familles cachent encore les cas d’Ebola et les enterrements, la Directrice générale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Mme Margaret Chan a en revanche estimé que la crise actuelle pourrait offrir la possibilité aux pays affectés de mettre en place un système sanitaire et de résilience fort, que ce soit pour résister contre les maladies comme Ebola ou contre les répercussions du changement climatique.

Il reste qu’au moins 22 pays africains réunissent les conditions écologiques et les pratiques de chasse susceptibles de favoriser un retour d’Ebola à l’avenir, a averti Mme Chan.

L’éradication de la maladie à virus Ebola pourrait être accélérée, selon le représentant du Mali, avec l’abandon de pratiques culturelles et religieuses, comme les rituels funéraires axés sur le lavage des corps de personnes décédées.

La décision par l’Union africaine d’établir un centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies a recueilli l’assentiment général, le Président de l’ECOSOC, jugeant, dans ses remarques de clôture, qu’il jouerait un rôle fondamental en vue d’aider la région à réduire le fardeau que représentent les maladies transmissibles, d’affronter des problèmes de santé complexes et de répondre aux situations d’urgence. 

RÉUNION SPÉCIALE SUR LE THÈME « EBOLA: UNE MENACE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE »

Séance d’ouverture

Après avoir présenté ses condoléances aux familles des victimes d’Ebola, M. MARTIN SAJDIK, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a salué le Secrétaire général pour avoir mobilisé le système des Nations Unies en vue de fournir une réponse coordonnée à l’épidémie, en particulier en établissant la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre Ebola (MINUAUCE). 

Des progrès considérables ont été faits grâce à une coordination renforcée des Gouvernements et de la communauté internationale, a souligné M. Sajdik, qui a toutefois noté l’émergence d’une nouvelle chaine de transmission du virus au Mali.  Rappelant que cette situation d’urgence avait des implications bien au-delà du domaine sanitaire, le Président a déclaré que l’ECOSOC était idéalement placé pour examiner les impacts sociaux et économiques causés par la maladie. 

« Nous sommes ici pour trouver des solutions aux défis multidimensionnels posés par Ebola et rendre les pays davantage résistants aux futures crises de cet ordre en formulant une stratégie qui permette aux pays touchés de préserver les gains obtenus dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) », a-t-il ajouté. 

M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a affirmé que la solidarité a permis de faire un long chemin dans la lutte contre Ebola et qu’avec un élan collectif plus appuyé, il sera possible de mettre fin à l’épidémie, d’aider les sociétés affectées à se reconstruire, à être plus fortes et à se prémunir des risques.  Soulignant que l’épidémie a eu des effets humanitaires dévastateurs en Afrique de l’Ouest, le Secrétaire général a rappelé que le virus avait tué plus de 6 000 personnes et que bien plus étaient mortes d’autres causes en raison de l’effondrement des systèmes de santé fragiles. 

Des familles ont perdu leurs revenus et plus de 3 300 enfants sont devenus orphelins, a-t-il déclaré, affirmant que l’impact économique et social est large et profond et que les trois principaux pays touchés vont faire face à des retards sans pareil en termes de développement compte tenu du fait que les revenus ont baissé et que les marchés se sont effondrés.

Les dividendes de la paix, si durement acquis, sont en passe d’être érodés, a ajouté M. Ban, qui a ensuite mis l’accent sur l’importance de systèmes de santé solides et de protection sociale forte.  Avant l’épidémie, les économies de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone étaient « vigoureuses », a-t-il fait remarquer, ajoutant que maintenant, elles sont « faibles et stagnantes ». 

Les collectivités doivent avoir accès aux soins de santé afin de traiter des maladies évitables.  Partant, ces systèmes doivent constituer des éléments critiques du programme de développement pour l’après-2015, a plaidé M. Ban, qui a précisé qu’il ne saurait y avoir de développement durable que lorsque les sociétés fournissent des services publics fondamentaux tels que les soins de santé. 

Les femmes enceintes ont besoin de soins de santé maternelle, les enfants doivent bénéficier du meilleur état de santé possible pour apprendre à l’école et les travailleurs doivent être en bonne santé pour être productifs, a-t-il encore déclaré.

Au titre des solutions, M. Ban a mis l’accent sur la nécessité de faire en sorte que la communauté scientifique et de recherche internationale consacre davantage de ressources à la recherche de traitements de maladies qui surgissent dans les pays en développement.  Ces traitements ne généreront sans doute pas de profits mais ils seront bénéfiques aux personnes les plus pauvres de par le monde, a-t-il expliqué.

L’atténuation des conséquences exigera une approche mondiale coordonnée et la communauté internationale, notamment le système des Nations Unies, est en train de réfléchir à une approche intégrée, y compris le Conseil économique et social, le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix, ce qui renforcera une telle action.

Les pays touchés comptent sur la réponse internationale pour leur relèvement, a-t-il dit, estimant que celle-ci est déjà sans précédent en termes de rapidité et de générosité.  Il a toutefois jugé qu’il faudra faire bien plus pour arriver à juguler l’épidémie.  Le Secrétaire général a conclu par un appel en vue de faire tout ce qu’il faut pour assister les gouvernements des pays affectés. 

M. SAM K. KUTESA, Président de l’Assemblée générale, a salué le travail mené par la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre Ebola (MINUAUCE), ainsi que l’engagement d’autres travailleurs internationaux du secteur de la santé qui sont « en première ligne » dans ce combat contre l’épidémie.  À cet effet, il a noté que des améliorations étaient visibles, du fait du renforcement de la réponse nationale, ainsi que grâce au soutien des partenaires régionaux et internationaux comme l’Union africaine et les Nations Unies. 

Il a invité la communauté internationale à poursuivre ce combat et à « diminuer les souffrances des familles, communautés et pays affectés ».  Il a ajouté que cette crise donnait l’occasion de voir la nécessité de mettre en place des institutions solides et résilientes, notamment des infrastructures de santé, surtout dans les pays sortant de conflit.  Il a aussi souligné qu’au-delà des défis immédiats, il serait important de porter une attention particulière au relèvement socioéconomique des pays affecté dont les efforts de développement durable sont aujourd’hui menacés d’être ruinés par Ebola.

M. Kutesa a par ailleurs souligné l’importance de tenir compte des efforts de relèvement des pays affectés sur le long terme, suggérant ainsi la mobilisation des ressources et la mise en place d’infrastructures de développement, ajoutant en outre que le soutien durable de la communauté internationale et des Nations Unies était cruciale à cet effet.  Il a indiqué qu’en ce moment, alors que le programme de développement pour l’après-2015 est en cours d’élaboration, il était important de souligner le lien entre les trois dimensions du développement durable: le social, l’économique et l’environnemental. 

Bien qu’étant une crise sanitaire, l’épidémie d’Ebola a eu des implications dans d’autres secteurs comme l’éducation, les sanitaires, ou encore l’économie, a-t-il noté.  Il a ensuite rappelé que les trois pays les plus affectés, le Libéria, la Guinée et la Sierra Leone, étaient intégrés dans le programme de travail de la Commission de consolidation de la paix (CCP).  Le Président de l’Assemblée générale a aussi déclaré que « l’impact sévère d’Ebola avait le potentiel d’inverser les progrès dans la consolidation de la paix effectués par ces trois pays ».  Il a enfin plaidé pour un soutien continu de la communauté internationale en faveur de ces pays.

Citant des estimations de la Banque mondiale, M. Kutesa a indiqué que l’impact de l’épidémie en Afrique sub-saharienne risquait d’atteindre entre trois et quatre milliards de dollars. 

Messages des pays touchés

S’exprimant par visioconférence depuis Conakry, M. MOHAMED DIARE, Ministre de l’économie et des finances de la Guinée, a confirmé que, depuis son apparition fin février 2014, Ebola avait eu un impact négatif sur les perspectives de croissance de son pays.  Le taux initialement prévu de 3 % a chuté à 1,3 %, sans compter la montée en flèche de l’inflation.  Or l’épicentre de l’épidémie se trouve précisément dans la zone forestière, « le grenier de la Guinée », a-t-il expliqué, soulignant que la fermeture des frontières avec les pays voisins avait par exemple bloqué les exportations de pommes de terre vers le Sénégal. 

Le Cadre d’investissement de Simandou, signé par le Gouvernement guinéen et ses partenaires Rio Tinto, Chinalco et la SFI, « le plus grand projet intégré de mine de fer et d’infrastructures jamais réalisé en Afrique », est désormais dans l’impasse, s’est désolé le Ministre.  Il a en outre indiqué que 100 % des commerçants guinéens affirment être touchés par l’épidémie sur le plan économique, voyant leurs chiffres d’affaires plonger. 

Parallèlement, le trafic du port autonome de Conakry s’est raréfié, a ajouté M. Diare.  Il a résumé la situation en expliquant que les finances publiques étaient exsangues et que l’activité dans les domaines de l’agriculture, des transports et du bâtiment était au point mort.

S’exprimant par visioconférence depuis Freetown, M. KAIFALA MARAH, Ministre des finances et du développement économique de la Sierra Leone, a rappelé que le bilan d’Ebola était dans son pays de 1 900 morts, dont huit personnels de santé. Si depuis que l’épidémie s’est déclarée, le nombre de centres de soins est passé de 212 à 406, il a déclaré qu’il en fallait en réalité 1 500 au total, et de nombreux lits supplémentaires, pour mettre un frein véritable au virus.

Le Ministre a expliqué que son gouvernement avait besoin d’un système de traçabilité de contacts des patients et de moyens pour éliminer les déchets contagieux, en particulier dans les dispensaires mobiles.  M. Marah a annoncé que la Sierra Leone s’était dotée d’un plan national anti-Ebola qui s’appuie sur une stratégie holistique.  Pour parvenir à une mise en œuvre, nous devons accroître la mobilisation sociale en sensibilisant les chefs traditionnels.

Tout en s’efforçant de veiller au rétablissement complet des vols internationaux à destination du pays, le Gouvernement sierra léonais œuvre avec le secteur à l’atténuation du coût économique d’Ebola, a-t-il poursuivi.  Conscient par ailleurs de la nécessité de renforcer le système national de santé, le Ministre a annoncé l’établissement prochain d’un centre médical d’excellence et le développement d’une main-d’œuvre sanitaire.  Sur le plan économique, il a fait état d’une baisse du taux de croissance, qui était de 20,1 % en 2013 et initialement de 11,3 % cette année, mais qu’Ebola a fait chuter à 3 %. 

En outre, a-t-il encore relevé, les deux principales exploitations minières du pays font face à de graves difficultés, tandis que l’inflation est passée de 7,7 % à 10 % cette année et qu’il est attendu qu’elle grimpe à 15 % en 2015.  M. Marah a fait enfin état d’un système scolaire paralysé, évoquant un « véritable « embargo économique » qui frappe le pays et l’empêche d’exporter et compromet les investissements étrangers.

M. MOUNIR SIAPLAY (Libéria) a reconnu que son gouvernement avait « paniqué » lors de sa réaction initiale à l’épidémie d’Ebola qui frappe le pays, en décidant de s’engager dans la voie de la militarisation.  Un couvre-feu à l’échelle du pays, l’état d’urgence et des zones de quarantaine ont été imposés, a-t-il expliqué, alors que les frontières ont été fermées.  « Ces mesures ont entravé la liberté de circuler et rendu plus difficile l’accès aux denrées alimentaires, qui ont vu leurs prix renchérir », a-t-il dit. 

Il a précisé que ces mesures s’étaient avérées contreproductives pour vaincre ce « tueur sans visage » qu’est le virus Ebola, ce qui a abouti à la démilitarisation de la réponse du Gouvernement.  « L’état d’urgence n’a pas été prolongé et le couvre-feu a été assoupli, alors que dans le même temps des mesures de santé publique ont été prises pour contrer la propagation du virus ».

Le délégué a ensuite expliqué que cette épidémie avait révélé au grand jour les vulnérabilités des structures publiques de son pays, changé le mode de vie des Libériens, mis au défi leurs pratiques culturelles et religieuses, « tout en nous donnant ironiquement la chance de reconstruire, brique par brique, notre système économique et nos services publics ».  Il  a notamment expliqué que son gouvernement avait développé un plan de reprise et de stabilisation économique afin de remédier aux lacunes structurelles du pays, d’améliorer les services publics et de protéger les investissements consentis depuis la fin de la guerre civile.

« Nous ne cherchons néanmoins pas à réinventer la roue pour le dire crûment », a poursuivi le délégué.  « Ce que nous cherchons en tant que pays est la consolidation de nos politiques sectorielles et stratégies, prises en conformité avec nos programmes de développement sur le long terme, en un seul document pour une mise en œuvre robuste et rigoureuse. »

S’il a indiqué que la priorité immédiate était de contenir l’épidémie et d’atténuer ses effets en soutenant les efforts du Gouvernement, le délégué a ajouté que, tant sur le moyen que le long terme, le financement d’un plan substantiel de reprise économique post-Ebola était un impératif stratégique. « Nous devons protéger la « success story » qu’est le Libéria depuis la fin de la guerre civile », a-t-il affirmé, ajoutant, en conclusion, qu’il n’y avait pas de meilleur moment que maintenant pour renforcer la coordination du Gouvernement libérien et de ses partenaires.

M. DIANGUINA YAYA DOUCOURE (Mali) s’est félicité de l’ouverture du Bureau de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre Ebola (MINUAUCE) dans son pays qui, à ce jour, compte sept cas positifs ayant entraîné cinq décès.  Il a expliqué que malgré la stabilisation de la situation, le Gouvernement s’efforçait de renforcer la surveillance épidémiologique à travers un dispositif de veille aux frontières, l’intensification des campagnes de sensibilisation sur la maladie et la prise en charge médicale des cas suspects et d’éventuels cas confirmés.

Il a souligné que le coût du plan de contingence du Mali, qui se décline en 11 stratégies d’intervention, est estimé à 6,19 milliards de francs CFA, dont 0,71 milliard a été mobilisé, soit un financement à rechercher de 5,484 milliards. 

Pour le représentant du Mali, l’abandon de pratiques culturelles et cultuelles serait susceptible d’accélérer l’éradication totale de la maladie à virus Ebola.  Il a suggéré, à cet égard, de s’inspirer de l’expérience en cours en Sierra Leone consistant à faire cesser les rituels funéraires axés sur le lavage des corps de personnes décédées des suites de cette maladie au profit des enterrements dignes et sécurisés, opérés par des équipes bien formées et encadrées.

Il a proposé de mettre à contribution les dirigeants traditionnels et religieux pour sensibiliser l’immense majorité des populations.  Il a également mis en exergue la nécessité pour les pays affectés d’échanger leurs expériences, comme le font d’ores et déjà le Mali et la Guinée.  Le représentant a aussi proposé la création d’une plateforme de concertation régulière, par vidéoconférence via Skype, entre les coordinateurs nationaux des pays affectés et des responsables d’installations techniques que les partenaires pourraient fournir.

Déclarations liminaires

Mme MARGARET CHAN, Directrice générale de l’Organisation mondiale de la Santé, qui intervenait également par visioconférence depuis Genève, s’est interrogée sur les facteurs contextuels ayant permis à l’épidémie d’échapper à tout contrôle, soulignant qu’il s’agissait-là de la première grande épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et que, ni les médecins ni les gouvernements n’avaient d’expérience préalable en la matière. 

En outre, les déplacements des personnes affectées à travers les frontières en quête d’hôpitaux ont mené à des cas cachés et à des enterrements secrets.  Les émeutes et autres troubles sociaux ont également aggravé la situation.  Lors de l’explosion de l’épidémie, dans les pays affectés, il n’y avait que trois docteurs pour 1 000 habitants et ce chiffre est encore plus faible puisque plusieurs médecins sur le front de la lutte contre Ebola sont décédés.

L’épidémie est la plus importante et la plus sévère depuis quarante ans, a ajouté Mme Chan, qui a affirmé que « la peur se déplace plus vite que le virus », ce qui impose un fardeau plus lourd aux pays les plus touchés.  Elle a remercié le Libéria pour tous les progrès accomplis et a invité à ne pas être complaisants car le virus est passé du milieu urbain au rural.  Si les partenaires du développement et les agences onusiennes renforcent leur soutien aux Gouvernements de Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone, les familles, elles, continuent à cacher les cas et les enterrements, a-t-elle fait observer.

Au chapitre des succès, elle a salué la détermination du Mali à éliminer la maladie, les efforts de la société civile et des communautés, de même que le travail des fonds et programmes du système de l’ONU.  Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit de la nourriture et un appui logistique, la Banque mondiale apporte des moyens, l’UNICEF mène des campagnes massives de sensibilisation en vue d’enterrements sûrs, par exemple, par les équipes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

La crise peut offrir la possibilité aux pays affectés de mettre en place un système sanitaire et de résilience fort, que ce soit pour résister contre les maladies comme Ebola ou contre les répercussions des changements climatiques.  Dans le contexte scientifique, grâce aux efforts d’accélération de la recherche de vaccins, des tests cliniques ont des résultats prometteurs, y compris des médicaments, a signalé la Directrice générale de l’OMS, qui a toutefois mis en garde contre le fait qu’au moins 22 pays africains réunissent les conditions écologiques et les pratiques de chasse susceptibles de favoriser un retour d’Ebola à l’avenir.

Enfin, Mme Chan a encouragé les pays, avec l’appui des partenaires pour le développement, à veiller à la reconstruction des systèmes sanitaires.

S’exprimant lui aussi par visioconférence depuis Genève, le Coordonnateur principal du système des Nations Unies pour Ebola, M. DAVID NABARRO, a déclaré qu’il s’était rendu dans les différents pays touchés pour évaluer la réponse fournie par leurs systèmes de santé, où il a été « très impressionné par le degré de mobilisation et d’engagement des gouvernements, mais aussi de leurs populations ». 

Depuis le 11 août, le Coordonnateur a identifié des changements positifs dans les efforts de lutte, avec l’établissement de dispensaires dans les capitales et dans les zones rurales et avec l’appropriation au niveau local de la lutte contre Ebola.  Lorsqu’une réelle coordination de toutes les composantes de la société, avec l’appui des partenaires internationaux, la transmission ralentit de manière spectaculaire, comme l’exemple du Libéria le montre, avec 60 cas déclarés par jour contre 10 désormais. 

Mais M. Nabarro s’est alarmé de la recrudescence de l’épidémie en Guinée forestière et de son apparition au Mali. Le Président de ce pays l’a assuré de la volonté de son pays de renforcer sa résilience, avec le concours de la communauté internationale.

Dialogue interactif

Ce dialogue interactif était animée par le docteur PAUL FARMER, Cofondateur de Partenaires pour la santé et Conseiller spécial du Secrétaire général pour la médecine de proximité et les enseignements tirés de la situation en Haïti.  Il a été l’occasion pour l’ECOSOC de se pencher sur les pratiques optimales et les stratégies concluantes à suivre pour mettre fin à l’épidémie d’Ebola, que ce soit sur le plan de la prévention ou celui des soins, « qui se renforcent mutuellement ».

Trop souvent, « aux gens qui vivent dans la pauvreté, on dit qu’ils auraient dû être plus prudents », ce qui est selon M. Farmer un « discours stérile », lui qui a clairement exprimé sa préférence pour une approche où les volets prévention et soins se complètent naturellement.

Intervenants

Mme FEBE POTGIETER-GQUBULE, Conseillère spéciale de la planification stratégique et de la veille du Bureau du Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que cette organisation régionale avait créé en septembre dernier le Centre africain de contrôle d’Ebola afin de proposer une réponse coordonnée à l’échelle du continent.  L’Union, a-t-elle ajouté, a par ailleurs mobilisé l’opinion publique, le secteur privé et la société civile avec pour message qu’il est urgent de renforcer les systèmes de santé nationaux, non seulement dans les pays touchés par la maladie, mais au-delà, dans la mesure où, par définition, elle ne connaît pas de frontières.

Elle a reconnu l’intérêt d’étendre la couverture-santé universelle, même si ce n’est pas toujours évident à mettre en œuvre, a reconnu Mme Potgieter-Gqubule. 

Intervenant par visioconférence, M. ABDALLA HAMDOK, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Afrique, a déclaré que les études menées jusqu’à présent sur l’impact socioéconomique de la maladie n’établissaient pas les liens nécessaires entre les diverses incidences de l’épidémie, ainsi que l’impact de diverses réactions régionales et sous-régionales sur le potentiel de réponse.  

Le Sénégal et le Nigéria ont pu endiguer l’épidémie grâce à leurs systèmes sanitaires plus robustes, à l’infrastructure existante et au capital humain.  Au Nigéria, le succès s’explique par le respect du protocole strict de lutte contre Ebola avec la mobilisation de la société civile.  Les autorités locales n’ont pas attendu la réaction du Gouvernement central pour réagir.  En outre, les laboratoires sénégalais, d’une excellente qualité, ont été en mesure de détecter très rapidement le virus. 

À une question sur les répercussions négatives de l’épidémie sur les investissements, l’économiste spécialisé dans les maladies infectieuses, M. MEAD OVER, Associé principal au Center for Global Development, a répondu que le « comportement de désaffection » des investisseurs représente 90 % de l’impact économique.  Si l’on veut atténuer ce comportement, a-t-il proposé, il faudrait que « le monde veille à ce que l’Afrique soit perçue comme environnement salubre et sûr, ce qui va au-delà de l’épidémie actuelle ».  Pour cela, il faut arriver à « zéro cas de tuberculose et de VIH/sida », avec en particulier des installations sanitaires de qualité partout mais aussi un système d’alerte rapide aux fins de la détection de cas actifs de tuberculose et d’autres maladies transmissibles.

 

Mme MELANIE WALKER, Conseillère principale auprès du Président du Groupe de la Banque mondiale, a déclaré qu’il y avait quatre domaines prioritaires d’action pour l’institution financière internationale : tout d’abord, il faut renforcer la résilience des systèmes de santé nationaux contre Ebola, mais aussi pour d’autres crises possibles. 

Ensuite, elle a déclaré que l’agriculture, qui constitue le poumon économique des quatre pays les plus touchés par l’épidémie, devait faire l’objet de toutes les attentions.  Pour la Banque mondiale, il faut en outre ramener l’investissement direct étranger dans ces pays, qui représente « l’infrastructure pour le relèvement », et mettre à disposition des liquidités pour les petites et moyennes entreprises (PME).  « Nous devons penser à des outils financiers pour mieux prévoir l’avenir », a insisté Mme Walker.

Mme ALEESHA TAYLOR, Directrice adjointe de l’Open Society Education Support Programme à l’Open Society Foundations, a déclaré que le renforcement des capacités est d’une importance cruciale.  Elle a également suggéré l’idée d’une reddition de comptes pour les organisations internationales par rapport aux objectifs qu’elles s’étaient fixées. 

Dans le cas d’Ebola, plutôt que de définir des priorités spécifiques, Mme Taylor a jugé préférable de se tourner vers les pays voisins ayant réussi à se prémunir du virus, en particulier le Nigéria et le Sénégal, qui se sont dotés de systèmes de santé efficaces et d’une bonne gouvernance, ouvrant ainsi la voie à une stratégie claire et bien coordonnée.

Le rôle de la privatisation dans les systèmes de santé a ensuite été examiné par les différents experts, M. ALAN KNIGHT, Président d’Ebola Private Sector Mobilization Group (EPSMG) et Directeur général du développement durable de l’entreprise sidérurgique ArcelorMittal, apportant des réponses du secteur privé.  Il a affirmé que l’initiative est née en juillet dernier lorsqu’ArcelorMittal s’est rendu compte qu’il n’était pas à la hauteur du défi posé par Ebola et qu’il travaillait désormais avec onze partenaires. 

« Nous avons appris une nouvelle expression : détection active des cas », a-t-il admis, en affirmant qu’un geste aussi simple que la prise de température a permis également de détecter des cas de paludisme.  Il a souligné que l’organisation qu’ ArcelorMittal a créée s’occupait principalement de logistique et qu’elle comptait demeurer engagée avec les pays affectés.

Il s’est dit prêt à partager son bon processus de suivi avec tous les pays de la région et à dispenser des conseils sur les consignes de voyages pour son personnel présent sur le terrain, tout en examinant les causes écologiques de l’épidémie.  Au cours des six prochains mois, des dynamiques très spéciales seront créées car Ebola a suscité une prise de conscience de problématique d’ordre divers.  

M. MAGED ABDELAZIZ, Secrétaire général adjoint et Conseiller spécial pour l’Afrique, a cité quelques propositions de l’Union africaine qui pourraient faire l’objet d’une résolution du Conseil économique et social.  Pour le court terme, il a encouragé l’allègement de la dette extérieure aux fins de réduire la pression sur la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.  Il a en outre appuyé l’établissement du centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies, ainsi que la création d’une équipe spéciale interinstitutions de lutte contre les maladies.

M. SUNIL SAIGAL, Principal coordonnateur de la riposte à l’épidémie d’Ebola du Programme des Nations Unies pour le développement, a invité, quant à lui, à appréhender l’épidémie en termes de développement et a rappelé le mandat du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour le relèvement après une situation de crise, en particulier à travers les coordonnateurs résidents.  Cela peut se faire par une conjugaison d’interventions d’ordre micro et macroéconomique sur le terrain.

De telles activités de relèvement sont déjà en cours car les bureaux du PNUD dans tous les pays touchés ont été invités à réaligner leurs programmes dès que l’on s’est rendu compte de la gravité et de l’ampleur de l’épidémie, a souligné M. Saigal, en mettant l’accent également sur l’appropriation nationale et le partenariat avec le secteur privé.   

Dialogue interactif

La délégation de la France a fait état du plan annoncé par le Président François Hollande, assorti d’un budget de 100 millions d’euros, qui doit notamment financer la formation de personnels de santé, notamment dans la zone forestière de Guinée, considérée comme le berceau de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. 

Elle s’est ensuite dite convaincue que la mise en œuvre du règlement sanitaire de l’OMS constituait un outil essentiel dans le cadre de la lutte anti-Ebola, avant de vanter les mérites de la couverture santé-universelle.  La France a expliqué que celle-ci permet en effet aux systèmes de santé nationaux de se renforcer et aux pays touchés d’avancer sur la voie des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) relatifs à la santé.

La représentante de Cuba a elle aussi rappelé l’implication de son gouvernement dans la lutte anti-Ebola et réaffirmé le rôle du leadership de l’ONU dans ce cadre.  En coordination avec l’OMS, son pays a ainsi dépêché une « brigade d’intervention médicale » dans l’épicentre de l’épidémie et lancé un programme de formation à destination des personnels de santé locaux. 

La déléguée des États-Unis, a quant à elle, affirmé que la communauté internationale devait poursuivre ses efforts pour soutenir le renforcement des capacités nationales, son homologue de la Chine a déclaré pour sa part que la communauté internationale devait faire de la recherche d’un vaccin contre Ebola une priorité.

Le représentant de la Fédération de Russie a rappelé quant à lui que, dès le mois d’avril, « avant même que la maladie ne soit qualifiée de menace à la paix et à la sécurité internationales », son pays avait envoyé en Afrique de l’Ouest des dispensaires mobiles ainsi qu’une aide alimentaire au travers du Programme alimentaire mondial (PAM).

Enfin,s’exprimant en sa qualité de Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), le représentant du Brésil a déclaré que cet organe avait pris en compte l’impact d’Ebola sur les trois pays les plus touchés par le virus en s’efforçant de préserver, en coopération avec les gouvernements concernés, les gains obtenus dans le redressement économique et le développement. 

La CCP, a-t-il ajouté, attend maintenant avec intérêt la prochaine évaluation que prépare actuellement le Secrétariat sur l’impact d’Ebola dans les pays d’Afrique de l’Ouest.

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