L’Instance permanente sur les questions autochtones dresse un bilan mitigé de l’application des recommandations en faveur des peuples d’Asie et de l’action des fonds et programmes de l’ONU
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Instance permanente sur les questions autochtones
Treizième session
6e et 7e séances – matin et après-midi
L’INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES DRESSE UN BILAN MITIGÉ DE L’APPLICATION DES RECOMMANDATIONS
EN FAVEUR DES PEUPLES D’ASIE ET DE L’ACTION DES FONDS ET PROGRAMMES DE L’ONU
Plus de six années après ses recommandations sur la situation des peuples autochtones d’Asie, l’Instance permanente sur les questions autochtones a dressé un bilan mitigé de leur mise en œuvre, dans un continent qui abrite plus des deux-tiers des 370 millions d’autochtones au monde. Cinq panélistes ont dénoncé le fait que les autochtones demeurent « invisibles » et « pauvres parmi les pauvres », les États ne reconnaissant toujours pas leur identité propre.
Les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), bien qu’ayant adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, se sont bien gardés de l’intégrer dans leur Déclaration sur les droits de l’homme, ont dénoncé les panélistes.
Pourtant les autochtones asiatiques qui vivent dans « le centre du monde » puisque la Chine et l’Inde, deux pays riches et émergents s’y trouvent, sont de plus en plus menacés. La croissance « phénoménale », à priori de bon augure, les expose à la pauvreté compte tenu des expropriations liées aux mégaprojets hydrauliques et aux concessions accordées à l’industrie extractive sans compter la militarisation des terres.
Les panélistes ont encouragé une réflexion au sein des agences de l’ONU sur un développement économique fondé sur la participation des peuples autochtones. Dans leur dialogue avec les fonds et programmes des Nations Unies, les intervenants ont reproché à ces derniers de travailler encore trop souvent pour les gouvernements et contre les autochtones. Ils ont demandé « plus de moyens et plus de transparence », et le strict respect du principe de consentement préalable libre et éclairé.
Ponctuée de prières et d’incantations, la journée a été marquée par la première intervention de la militante philippine et nouvelle Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, qui a annoncé qu’elle mettra l’accent sur le dialogue entre les États, les agences onusiennes, les institutions financières et les peuples autochtones. Dans la perspective de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de septembre prochain sur les autochtones, elle a exhorté les États à favoriser une participation la plus large possible des représentants de ces peuples.
L’Instance permanente poursuivre ses travaux demain vendredi 16 mai.
DÉBAT SUR L’ASIE
Plus de six années après ses recommandations sur la situation des peuples autochtones d’Asie, l’Instance permanente a fait l’état des lieux de leur mise en œuvre, dans un continent qui abrite plus des deux-tiers des 370 millions d’autochtones au monde. Le constat est plus que mitigé, ont fait observer les cinq panélistes qui ont fait la part des choses entre la théorie et la pratique, en indiquant, exemples à l’appui, que les autochtones demeurent « invisibles » et « pauvres parmi les pauvres », alors que les États ne reconnaissent pas encore leur existence ou identité propre.
Parmi les progrès, Mme JOAN CARLING, membre de l’Instance, a reconnu que le Japon a finalement reconnu les Ainu comme peuple autochtone et que l’Indonésie a introduit les droits coutumiers dans le Code civil. Mme SUMSHOT KHULAR, d’une organisation de l’Asie du Sud-Est, a ajouté que le Népal discute d’une nouvelle constitution, sachant que ces peuples autochtones réclament un gouvernement fédéral. M. RAJA DEVASISH ROY, membre de l’Instance,a salué leNépal comme exemple de pays asiatique où le Gouvernement dialogue avec les peuples autochtones. Il a rappelé à la Chine et le Viet Nam, qui parlent de « minorités ethniques », que les instruments internationaux les plus récents parlent eux de « peuples autochtones ».
Mais les problèmes persistent donc, a dit Mme Carling, en pointant le doigt sur la classification des grands barrages comme « énergie propre » qui a ouvert la voie à la construction de quelque 200 barrages qui vont certainement provoquer des déplacements massifs des peuples autochtones ainsi que la destruction de leurs moyens de subsistance. À cette problématique, Mme Khular a ajouté celle, dans le nord-est de l’Inde, liée à l’octroi de concessions pétrolières sans le consentement préalable des populations locales. Le Caucus asiatique sur les questions foncières a jugé vital que les systèmes autochtones de gouvernance soient reconnus pour mettre fin à la menace des industries extractives. Mme Khular a aussi attiré l’attention sur le fait qu’au Népal, le viol est une tactique pour faire fuir les populations.
En Asie du Sud-Est, a dit M. SOCHEA PEAP, Pacte des peuples autochtones de l’Asie du sud-Est, le défi est vraiment la reconnaissance de l’identité des peuples autochtones et de leurs droits collectifs. La Déclaration des Nations Unies n’est pas reprise dans celle de l’ASEAN sur les droits de l’homme, a-t-il fait remarquer. La Constitution malaisienne reconnaît certes la notion de peuples autochtones mais d’une manière tout à fait incomplète.
Mme ANTONELLA CORDONE, Coordonnatrice pour les questions autochtones et tribales au Fonds international de développement agricole (FIDA), a rappelé qu’en avril 2014, le FIDA avait financé 62 projets dans 19 pays pour 1,87 milliard de dollars. Les quatre priorités sont l’inclusion systématique d’indicateurs spécifiques sur le bien-être des peuples autochtones, le renforcement des capacités des agences d’exécution des projets, celui des capacités communautaires, qui doivent utiliser leurs particularités et connaissances uniques en matière de développement, et l’allocation des ressources.
Ancienne Présidente de l’Instance et nouvellement élue Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, a souligné que l’Asie devient le centre du monde car les pays émergents et riches que sont la Chine et l’Inde s’y trouvent. Or la croissance « phénoménale », à priori de bon augure, constitue une menace pour les peuples autochtones qui voient leurs ressources naturelles pillées. Réfléchir à des pratiques optimales pour aider les agences de l’ONU et les autres instances multilatérales à améliorer la coopération technique est un pas dans la bonne direction.
Les États asiatiques, les agences de l’ONU, les institutions financières internationales et le secteur privé doivent réviser le paradigme du développement économique, en travaillant plus avec les autochtones qui ont les connaissances et le savoir-faire nécessaires à la préservation de l’environnement. Elle a accusé les États d’Asie de bloquer la participation des peuples autochtones à la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de septembre prochain. La Chine a dûment appuyé la participation des peuples autochtones ainsi que la prise en compte de leurs préoccupations dans le programme du développement pour l’après-2015. Le Bangladesh a assuré que son gouvernement est toujours resté ouvert au dialogue avec les populations « ethniques ».
La Malaisie s’est enorgueillie des mesures prises pour élargir l’accès des peuples autochtones à l’éducation, à la santé et à l’emploi ainsi que de l’organisation d’audiences publiques sur les droits fonciers. Sans peuple autochtone, la Thaïlande a pourtant une législation qui octroie « aux groupes ethniques » tous les droits consacrés par la Constitution. Le pays reconnaît les difficultés d’accès à la terre résultant du manque de connaissances linguistiques de certains fonctionnaires.
Fort de 55 « groupes ethniques », le Viet Nam a affirmé que leur participation aux affaires économiques et politiques est en constante augmentation. Désormais, 15 à 17% des sièges parlementaires sont occupés par des membres des minorités ethniques et le Gouvernement a investi plus de 2 milliards de dollars dans le développement des régions où vivent des minorités ethniques, en particulier dans les zones isolées. L’accès à l’éducation a atteint les 80% mais des efforts sont encore nécessaires dans le domaine de la santé.
Mme INDIRA SIMBOLON, Banque asiatique de développement, a tenu à souligner qu’en 2013, sur 101 prêts, 20 ont eu un impact sur les communautés autochtones. Sur les 248 projets en cours de réalisation, 107 ont été évalués comme ayant un tel impact. Mme LOUISE NOLLE, Organisation internationale du Travail (OIT), a aussi fait valoir les projets de coopération technique que son organisation exécute en faveur des autochtones en Asie.
Après ces interventions, M. MOHAMMED HASSAN NEJAD PIRKOUHI, membre de l’Instance, a tout de même fait remarquer que le système d’état civil est inexistant dans bien des États d’Asie. La représentante du Groupe des femmes autochtones d’Asie a demandé à l’ONU d’enquêter sur la situation spécifique des femmes issues de communautés non reconnues. Le Réseau de femmes autochtones AIPP a voulu que l’Instance permanente se penche sur la question de la violence domestique. Il est temps que les communautés autochtones reconnaissent leurs propres discriminations à l’égard des femmes. Après un chant d’espoir, le représentant de l’AsiaPacific Indigenous Youth Network a souligné le fait que dans beaucoup de pays asiatiques, l’éducation aux droits de l’homme est très rare, ce qui constitue un énorme problème, surtout pour les jeunes autochtones. L’Instance permanente et les autres entités de l’ONU doivent aider ces jeunes et créer, par exemple, un fonds d’assistance.
Dialogue avec les fonds et organismes des Nations Unies (E/C.19/2014/9)
Les représentants des populations autochtones ont demandé cet après-midi aux organisations des Nations Unies « plus de moyens, plus de transparence et une meilleure consultation des autochtones dans la mise en œuvre des programmes qui les concernent ». Dans le cadre de cet échange annuel avec les organismes de l’ONU, le respect du principe du consentement préalable libre et éclairé des autochtones a été rappelé comme une condition sine qua non d’une approche constructive en faveur des autochtones et de la mise en œuvre de la Déclaration.
Si la représentante de l’Alliance des femmes autochtones d’Amérique centrale et du Mexique a jugé indispensable la tenue d’une réunion entre les femmes autochtones et l’ONU sur la mise en œuvre des droits économiques sociaux et culturels des femmes autochtones, Mme KARA-KYS ARACHAA, membre de l’Instance, a appelé à une conférence mondiale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les médecines traditionnelles car on ne tient pas assez compte des apports de cette médecine.
Pourquoi, s’est demandée Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE, membre de l’Instance, n’entend-on pas l’OMS ou ONUSIDA s’exprimer sur cette question. M. JOSEPH COKO MUTANGAH, membre de l’Instance, a en effet exhorté les agences de l’ONU à sauvegarder les connaissances traditionnelles, avant que la représentante du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (EMRIP) ne fasse observer que le thème de la santé n’a jamais été spécifiquement abordé par l’Instance.
Les institutions de l’ONU ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités car elles privilégient les intérêts des gouvernements au détriment des autochtones, a tranché un parlementaire autochtone du Nicaragua. Un reproche a été fait à la Banque mondiale par le représentant du Caucus des autochtones d’Afrique. L’institution de Bretton Woods, qui refuse d’appuyer appuyer les projets concernant les autochtones sur le continent africain, travaille pourtant à la constitution d’un fonds d’un milliard de dollars pour réaliser une cartographie par satellite des ressources minérales. Il nous faut de la transparence sur cette question et donc, l’implication des autochtones.
Le représentant de la Banque mondiale a répondu: « nous avons lancé un dialogue mondial avec vous pour comprendre votre vision du développement ». La Banque s’efforce de collecter des données ventilées dans plusieurs régions du monde, a-t-il dit, en rejetant les allégations liées au manque de transparence. Mme JOAN CARLING, membre de l’Instance, a tout de même noté une réduction des allocations budgétaires aux projets consacrés aux autochtones et tout particulièrement la fermeture d’un programme du PNUD en Asie.
Mais au Panama, le point focal du PNUD pour les questions autochtones s’est enorgueilli du Plan de développement 2014 élaboré au terme de consultations de deux ans avec sept peuples autochtones, ayant touché 10 000 personnes. La représentante de la Société financière internationale (SFI) du Fonds monétaire international (FMI) a tenu à rappeler que le premier projet respectant le principe de consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones avait depuis été mis en place en Colombie. Il s’agissait alors d’une exploitation de pétrole et de gaz. « Ce n’est qu’en nous asseyant à une même table avec tous nos partenaires que nous pourrons faire la différence dans la lutte contre la pauvreté », a déclaré la représentante du Fonds international de développement agricole (FIDA)
Celle de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a cité la création d’un Fonds volontaire pour les populations autochtones et d’un Forum consultatif autochtone qui se réunit avant chaque session du Comité intergouvernemental. Le représentant de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a promis de présenter le 19 mai des exemples concrets d’appui aux populations autochtones.
Les agences de l’ONU doivent commencer par renforcer leurs programmes régionaux, a suggéré la représentante du Caucus des autochtones d’Asie, nommer des points focaux autochtones, produire des données économiques et sociales ventilées et recommander l’inclusion des pratiques autochtones de gestion durable des ressources dans le programme de développement pour l’après-2015. L’introduction d’un objectif spécifique lié à la préservation des systèmes pastoraux a été réclamée par le représentant du Fonds pour l’alimentation et l'agriculture (FAO) qui intervenait au nom du PNUD et du FIDA. Celui de l’OIT a insisté sur l’accès au travail décent. La représentante du Danemark a appelé à des budgets conséquents pour permettre la participation effective des autochtones.
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