La démocratie, des institutions publiques fortes, l’état de droit et une armée républicaine, meilleurs remparts contre les conflits, selon M. Ban Ki-moon
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LA DÉMOCRATIE, DES INSTITUTIONS PUBLIQUES FORTES, L’ÉTAT DE DROIT ET UNE ARMÉE
RÉPUBLICAINE, MEILLEURS REMPARTS CONTRE LES CONFLITS, SELON M. BAN KI-MOON
On trouvera ci-après le discours que le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a prononcé, lors de la réunion que le Conseil de sécurité a tenue, le 15 avril 2013, sur la prévention des conflits en Afrique:
Je suis heureux de m’adresser au Conseil de sécurité sur la question importante de prévenir les conflits armés et d’éliminer leurs causes profondes. Même si nous nous concentrons aujourd’hui sur l’Afrique, il y a des enseignements universels en matière de prévention des conflits qui s’appliquent partout dans le monde.
Les conflits naissent là où règnent la mauvaise gouvernance, les violations des droits de l’homme et les griefs nés de la répartition inégale des ressources, des richesses et du pouvoir. Les tensions couvrent là où des groupes de population sont exclus, marginalisés et privés d’une participation concrète à la vie politique et sociale de leur pays. Les troubles se développent là où les individus sont pauvres, sans emploi et sans espoir. Pour éviter les conflits, nous devons renforcer la démocratie, mettre en place des institutions étatiques plus solides, plus résistantes et plus responsables, garantir les contrôles et contre pouvoirs adéquats, promouvoir l’état de droit et faire en sorte d’assurer un contrôle démocratique efficace sur les forces armées.
Trop souvent, l’orgueil national et l’intérêt personnel des acteurs politiques et des fauteurs de trouble conspirent à saper les efforts de prévention. Les problèmes liés à la mauvaise gouvernance et à la promesse jamais tenue de démocratie conduisent souvent à des conflits. La bonne gouvernance fera l’objet de mon rapport sur les causes des conflits et la promotion de la paix et du développement durables en Afrique.
Cette année, des élections sont organisées dans plus de 20 pays africains. Les élections relativement pacifiques qui se sont déroulées au Kenya ont illustré la façon dont les désaccords électoraux peuvent se résoudre dans un cadre juridique sans recourir à la violence. Dans d’autres situations, les élections peuvent devenir une source d’instabilité. Les partis se servent parfois des élections pour poursuivre leur compétition et se partager le butin de guerre. C’est pourquoi il est si important dans les efforts de médiation de s’assurer que les accords de paix ne sont pas uniquement des pactes entre élites politiques destinés à régler un problèmepolitique immédiat; ils doivent également chercher à s’attaquer aux causes profondes des conflits et permettre à toutes les parties prenantes de participer.
Il ne suffit pas en outre de conclure des accords – ceux-ci doivent être pleinement mis en œuvre, contrôlés et appliqués. Cela est clair dans le cas de la République centrafricaine. La violation des accords de Libreville par les parties a contribué à la reprise du conflit et, au final, à un changement anticonstitutionnel de gouvernement.
Ces problèmes sont particulièrement graves lorsque les États sont fragiles et que des mouvements armés agissent en toute impunité au travers des frontières poreuses, souvent avec l’appui des États voisins. Que ce soit dans la Corne de l’Afrique ou dans la région des Grands Lacs, le continent continue d’être frappé par une instabilité contagieuse qui se propage du territoire d’un pays à celui de ses voisins. Cette contagion a de nombreux vecteurs : la détresse économique, les flux d’armes, les déplacements massifs de population, les conflits indirects déclenchés par des relations de méfiance et des rivalités régionales. Dans notre monde de plus en plus interconnecté, une action régionale visant à prévenir ou à régler les conflits est d’autant plus importante.
En République démocratique du Congo, les autorités nationales, les dirigeants régionaux et la communauté internationale sont réunis non seulement pour contrer les manifestations de violence, mais également pour s’attaquer aux causes profondes sous-jacentes. Je suis reconnaissant au Conseil de sécurité d’approuver la démarche des dirigeants de la région. Leur Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en République démocratique du Congo et dans la région met l’accent sur la nécessité de s’attaquer aux causes structurelles qui alimentent l’instabilité dans ce pays, et engage les acteurs régionaux à assumer des responsabilités partagées. Le nouveau mandat confié par le Conseil à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo est destiné à contribuer aux efforts de mise en oeuvre de l’Accord-cadre, notamment avec le déploiement d’une brigade d’intervention chargée de régler le problème des groupes armés.
Au Soudan du Sud, des décennies de marginalisation politique et économique ont suscité une résistance militaire et politique organisée. L’ONU s’est engagée à aider ce jeune pays, même si elle a payé un lourd tribut. J’ai été scandalisé par l’attaque perpétrée la semaine dernière qui a tué une dizaine de personnes, dont cinq courageux soldats de la paix. Je remercie le Conseil de s’être joint à moi pour condamner fermement cette effroyable embuscade et demander que ses auteurs soient traduits en justice.
Depuis l’indépendance du Soudan du Sud, Juba et Khartoum ont réalisé des progrès lents mais constants pour régler les questions découlant de la sécession, y compris les accords sur les modalités de sécurité aux frontières, les relations économiques et le pétrole. Mais certaines sources potentielles de conflit demeurent, notamment s’agissant du statut non résolu de la région d’Abyei.
Le conflit qui prévaut en Somalie a des causes multiples et complexes, notamment une concurrence pour les ressources et le pouvoir, un État répressif et un héritage colonial. La crise est aggravée par la politisation de l’identité clanique, un accès facile aux armes, la présence d’un grand nombre de jeunes chômeurs et une culture de l’impunité qui sanctionne l’usage de la violence.
Le Gouvernement fédéral somalien est entré dans une nouvelle ère de consolidation de la paix et de renforcement de l’État. Mais il fait face à des défis de taille pour rétablir la confiance en l’État et créer les conditions nécessaires à la paix et à la stabilité.
Je suis également préoccupé par la situation qui règne au Sahel, où les pays sont confrontés depuis des dizaines d’années aux problèmes complexes de la pauvreté, des effets des changements climatiques, des crises alimentaires fréquentes, de la croissance rapide de la population, de la mauvaise gouvernance, de la corruption, du risque d’extrémisme violent, du trafic illicite et des menaces à la sécurité liées au terrorisme. La situation est exacerbée par le fait que les États de la région ont des capacités limitées pour fournir les services sociaux de base et protéger les droits de l’homme.
Lorsque l’autorité de l’État s’érode et que les institutions chargées de la sécurité n’assurent plus leur rôle, il devient plus difficile de gérer les frontières. Au Mali, c’est ce qui a permis à des organisations criminelles transnationales et à des réseaux terroristes de troubler la stabilité régionale et de porter atteinte à l’intégrité territoriale. La grave sécheresse et l’insécurité alimentaire qui frappent de nombreux pays de la région du Sahel, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso, ont également créé un environnement propice à l’instabilité et sapé les efforts de stabilisation.
L’Organisation des Nations Unies est à un moment critique de son engagement en Guinée-Bissau. Après le coup d’État militaire de l’an dernier, l’ONU continue de promouvoir un dialogue ouvert entre les acteurs nationaux dans le but de rétablir l’ordre constitutionnel.
Dans tous les efforts qu’elle déploie à travers l’Afrique, l’ONU est aidée par des organisations régionales revitalisées, qui jouent un rôle plus important en tant que principaux partenaires stratégiques. La réaction rapide de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale face à la crise survenue en République centrafricaine a montré une volonté accrue d’élaborer des réponses communes à des problèmes communs. L’ONU s’emploie à renforcer l’architecture de prévention des conflits et d’alerte rapide de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Nous poursuivons également notre partenariat avec l’Union africaine dans le cadre du Programme décennal de renforcement des capacités. Nous sommes en train de renforcer notre coopération étroite avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest en matière de consolidation de la paix et de prévention de crises en Afrique de l’Ouest. Nous œuvrons de concert avec l’Union africaine, la SADC et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs dans le cadre des efforts visant à instaurer la paix dans l’est de la République démocratique du Congo. Enfin, nous travaillons en partenariat avec l’Autorité intergouvernementale pour le développement pour relever le défi pressant qui consiste à rétablir la stabilité en Somalie.
Il importe surtout de veiller à ce que les communautés touchées s’approprient et dirigent les initiatives de prévention des conflits. Notre appui aux gouvernements doit mettre l’accent sur la promotion d’une participation active des organisations communautaires, du secteur privé, de la société civile, des femmes et des jeunes à la prise de décisions. Leurs activités peuvent contribuer à stabiliser les communautés.
La prévention exige également que nous abordions le problème de la culture de l’impunité relativement à la violence sexuelle. Comme ma Représentante spéciale chargée de cette question l’a indiqué à juste titre, la violence sexuelle ne touche pas seulement les individus concernés, elle porte également atteinte à la paix et à la sécurité de communautés entières. C’est pourquoi j’accorde la priorité à ce crime déstabilisant et déshumanisant. J’espère que le Conseil continuera de donner la priorité aux efforts visant à prévenir et à combattre la violence sexuelle en période de conflit.
Je remercie le Conseil de sécurité de sa participation active aux efforts soutenus déployés par les Nations Unies pour s’attaquer aux causes profondes des conflits en Afrique. Grâce à notre approche globale, à des partenariats solides et à une action fondée sur des principes, nous pouvons aider le continent et ses habitants à entrer dans une nouvelle ère de stabilité durable.
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