Commission de la condition de la femme: les appels se multiplient pour que les hommes assument une plus grande part de responsabilités familiales
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Commission de la condition de la femme
Cinquante-septième session
11e & 12e séances – matin & après-midi
COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME: LES APPELS SE MULTIPLIENT POUR QUE
LES HOMMES ASSUMENT UNE PLUS GRANDE PART DE RESPONSABILITÉS FAMILIALES
Des panélistes, appuyés par des États Membres, soulignent la nécessité de réfléchir
aux moyens d’alléger le fardeau des femmes assurant à domicile les soins aux malades atteints du VIH/sida
À deux jours de la clôture de sa session annuelle, la Commission de la condition de la femme a entendu de nombreuses délégations qui ont insisté sur la nécessité d’adopter des politiques d’envergure pour aider les femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale, mais également pour inciter les hommes à assumer une plus grande part des responsabilités familiales. Les délégations ont également souligné l’importance d’un engagement politique plus ferme pour venir en aide aux femmes qui consacrent l’essentiel de leur temps aux soins de personnes atteintes du VIH/sida.
Ces appels ont été lancés, au cours des deux tables rondes que la Commission a consacrées, aujourd’hui, à l’évaluation des progrès accomplis dans la mise en œuvre des conclusions convenues à la cinquante-troisième session de la Commission sur « Le partage équitable des responsabilités entre les femmes et les hommes, notamment en ce qui concerne les soins dans le contexte du VIH/sida ».
La première table ronde était organisée autour du thème « Normes et stéréotypes sexistes, socialisation et inégalité des rapports de pouvoir; et partage et conciliation des tâches professionnelles et familiales », tandis que la deuxième table ronde portait sur la question des « Soins dispensés dans le contexte du VIH/sida, et reconnaître et apprécier la prestation de soins non rémunérés ».
Les intervenants, au cours de la première table ronde, ont relevé que les malades atteints du VIH/sida étaient soignés par des femmes, le plus souvent à la maison, les empêchant ainsi d’occuper un emploi rémunéré et, par conséquent, d’avoir une indépendance financière. Ils ont également constaté que la participation plus active des femmes sur le marché du travail ne s’est pas traduite par une plus grande implication des hommes dans les tâches familiales.
« Le débat sur la répartition des tâches entre les hommes et les femmes est un débat de fond sur le plan de la justice sociale et les politiques nationales ont longtemps oublié cette question, en se concentrant plutôt sur les moyens de faire passer les femmes d’un cadre privé à l’espace public », a notamment fait observer M. Luis Mora, chargé des questions de la parité à la Division des droits de l’homme et de la culture au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).
Venu dresser les grandes lignes de la politique de congé parental mise en œuvre par la Suède depuis 1974, M. Niclas Jarvklo, du Comité gouvernemental sur les hommes et l’égalité entre les sexes de la Suède, a expliqué que celle-ci avait été conçue pour aider les hommes à développer une « masculinité axée sur les soins ».
Plusieurs problèmes structurels persistent, a-t-il fait remarquer, en précisant qu’ils étaient liés à la fois au fait que plus de femmes travaillent maintenant à temps partiel et à l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Lorsque le congé parental est une option pour les hommes en Suède, ceux-ci ont tendance à ne pas l’utiliser, a-t-il dit, citant en particulier la carrière du père de famille.
À l’instar de la Colombie, plusieurs délégations ont également estimé qu’il était nécessaire d’élaborer des politiques de conceptualisation de la valeur du travail non rémunéré des femmes.
Cette première table ronde a aussi été l’occasion pour certaines délégations d’attirer l’attention sur la fracture numérique qui existe entre les hommes et les femmes. Les abonnements de téléphonie mobile souscrits par les hommes dans le monde dépassent de 300 millions ceux des femmes. « Plus les technologies sont efficaces et sophistiquées, plus le fossé numérique se creuse entre les femmes et les hommes », s’est notamment inquiété le Directeur exécutif de The Communication Initiative.
La majorité des intervenants à la deuxième table ronde ont insisté sur un engagement politique plus ferme pour valoriser le travail des femmes prestataires de soins aux personnes atteintes du VIH/sida. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), jusqu’à 80% de l’ensemble des soins de santé et 90% des soins pour les affections liées au VIH/sida sont fournis à domicile – presque toujours par des femmes.
« Les soins qui sont assurés par les femmes au foyer sont invisibles, banalisés et non valorisés », a regretté la représentante du Sénégal, tandis que la panéliste de Shibuye Community Health Workers, Mme Violet Shivutse, a fait observer que bien souvent ce ne sont pas les malades, mais les prestataires de soins qui comptent parmi les personnes les plus défavorisées d’une communauté.
À l’instar de la représentante de l’Union européenne, plusieurs délégations ont donc estimé qu’il faudrait réfléchir à l’idée de rémunérer la prestation de soins mais également d’impliquer davantage les hommes dans les tâches à la maison.
La Commission de la condition de la femme reprendra ses travaux en séance plénière, jeudi 14 mars, à partir de 10 heures.
SUIVI DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET DE LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »
ii) Thème de l’évaluation: Évaluation des progrès accomplis dans la mise en œuvre des conclusions convenues à la cinquante-troisième session de la Commission sur « Le partage équitable des responsabilités entre les femmes et les hommes, notamment en ce qui concerne les soins dans le contexte du VIH/sida »
Table ronde 4: Normes et stéréotypes sexistes, socialisation et inégalité des rapports de pouvoir; et partage et conciliation des tâches professionnelles et familiales
La modératrice de la table ronde, Mme IRINA VELICHKO (Bélarus), Vice-Présidente de la Commission, a invité les intervenants à partager leurs expériences positives et à aborder les lacunes dans la mise en œuvre des 54 recommandations adoptées en 2009 lors de la cinquante-troisième session de la Commission de la condition de la femme. Il faut examiner les initiatives et politiques sensibles à l’égalité entre les sexes qui ont été lancées dans le monde en vue d’éliminer les stéréotypes, dans les domaines de l’éducation, de l’économie, du leadership et des médias, a-t-elle précisé.
Mme FATOU SOW SARR, Maître de conférences à l’IFAN/Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), a rappelé que du fait de la confluence des cultures musulmanes et chrétiennes, le Sénégal est une société patriarcale au sein de laquelle subsistent toutefois des aspects du modèle traditionnel matrilinéaire. Elle a affirmé que des progrès notables avaient été accomplis dans son pays en matière d’accès à l’éducation et de représentation politique des femmes. Aujourd’hui, la parité a pratiquement été atteinte au niveau primaire et 42% des bacheliers sont des femmes, s’est-elle félicitée. Mme Sarr a indiqué que le Gouvernement du Sénégal avait déployé des efforts notables pour rapprocher les établissements scolaires des familles et consacré beaucoup de ressources pour le recrutement des enseignants.
Passant à la participation des femmes à la vie publique et politique, la panéliste a indiqué que 43,3% des sièges à l’Assemblée nationale sont occupés par des femmes, un taux qui place le pays au sixième rang mondial et au troisième rang en Afrique en matière de représentation politique des femmes. Mme Sarr a précisé que toute liste qui n’alterne pas des candidats hommes et femmes est considérée comme irrecevable.
La panéliste a ensuite expliqué que c’est en 1959 qu’une association de femmes avait revendiqué, pour la première fois, la parité au Sénégal et que, malgré les obstacles créés par le Président de l’époque, M. Mamadou Dia, leur combat a abouti à l’adoption de la loi sur la parité du 14 mai 2010. Mme Sarr a également parlé des acquis réalisés sur le plan juridique suite à l’adoption, en 2009, d’une loi qui permet aux femmes de prendre leur conjoint et enfants en charge.
Au titre des défis qui demeurent, la panéliste a souligné le manque d’harmonisation de la loi avec les engagements pris par le Sénégal en matière d’octroi de la nationalité, de puissance paternelle et de choix du domicile conjugal. Les engagements en termes budgétaires concernant l’égalité entre les sexes encore font défaut, et des problèmes subsistent en ce qui concerne l’autonomie du ministère chargé de l’égalité entre les sexes par rapport au parti au pouvoir, a-t-elle fait savoir. Les hommes, au Sénégal, a-t-il ajouté, ne s’impliquent pas dans les efforts.
Mme Sarr a ensuite fait observer que les partis politiques sont souvent réticents à accepter l’arrivée massive des femmes, de peur qu’elles prennent les places des hommes qui s’y trouvent déjà. Il existe donc toujours un risque de recul dans ce qui est fait en matière de parité, a-t-elle averti. La montée des intégrismes risque également de faire obstacle à la mise en œuvre de la loi sur la parité, a-t-elle fait remarquer.
M. WARREN FEEK, Directeur exécutif de The communication Initiative, a présenté le rôle des médias pour éliminer les stéréotypes concernant la parité. Les médias jouent un rôle capital dans ce domaine, a-t-il soutenu, en expliquant que sans l’égalité entre les hommes et les femmes dans les médias, il est impossible de mettre fin aux stéréotypes à l’égard des femmes. En 1995, 12% des femmes étaient représentées aux postes de direction dans les médias. Ce taux est passé à 27%, selon une étude couvrant 59 pays, qui avait été publiée en 2011. Pour toutes les catégories confondues, les femmes ne représentent que 15% du personnel dans les médias en République démocratique du Congo, et 27% au Malawi et au Zimbabwe, a-t-il fait remarquer. En 2003, la proportion de source féminine dans l’actualité était de 17% en Afrique du Sud. Entre 2003 et 2010, elle n’a progressé que de 2%. La chaîne BBC a analysé la façon dont les femmes sont représentées dans les médias pour aboutir à la conclusion que rien n’a changé depuis 10 ans dans un grand nombre de pays. Il y a toujours une femme pour deux hommes dans les médias.
Venant aux médias sociaux, l’expert a indiqué qu’avec 100 millions d’utilisateurs en 2008, Facebook compte aujourd’hui près d’un milliard d’abonnés. Twitter compte, pour sa part, 200 millions d’utilisateurs par mois. Le monde a énormément changé en termes de communication, a fait remarquer M. Feek. Mais, a-t-il observé, il y a 300 millions de femmes de moins par rapport aux hommes qui ont un abonnement de téléphonie mobile. Dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, les femmes utilisent moins Facebook et ont moins de comptes Twitter, a-t-il signalé, indiquant que la participation des femmes aux nouveaux moyens de communication a baissé. En ce qui concerne les personnes occupant des postes techniques ou d’ingénieurs à la BBC, 25% seulement sont des femmes. M. Feek a conclu que plus les technologies sont efficaces et sophistiquées, plus le fossé se creuse entre les femmes et les hommes. Les médias peuvent pourtant jouer un rôle important pour mieux diffuser, par exemple, les normes existantes en matière de parité et informer sur les traitements disponibles contre le VIH/sida. Il a invité à suivre les tendances dans ce domaine, en rappelant qu’il était facile d’obtenir des informations à partir des médias sociaux.
Dialogue interactif
Comment concilier davantage la vie professionnelle et la vie familiale? Comment les encourager à utiliser davantage les technologies de la communication? Telles étaient certaines des questions soulevées par les délégations au cours d’un débat qui a également porté sur les défis liés à l’octroi des soins aux malades atteints du VIH/sida.
La représentante de l’Union européenne a constaté que les femmes étaient souvent responsables de l’éducation de leurs enfants, ce qui limite la possibilité de rechercher un emploi. Les hommes, qui sont pères de famille, continuent, au contraire, à privilégier leur vie professionnelle. C’est pourquoi, il faudrait déployer davantage d’efforts pour réconcilier la vie professionnelle et la vie personnelle des deux parents afin que les pères de famille libèrent de certaines tâches à la maison, leurs épouses qui travaillent, a souligné la représentante de l’Allemagne. Celle de la Chine s’est interrogée, quant à elle, sur le meilleur moyen d’inciter les hommes à s’acquitter de leurs responsabilités familiales.
Son gouvernement, a assuré la représentante de la Suisse, s’est engagé à ouvrir un plus grand nombre de crèches pour aider les femmes à concilier leur vie professionnelle et vie familiale. Pour encourager les femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale, le Kazakhstan a introduit dans son Code du travail une disposition sur le travail à distance.
Intervenant à nouveau, la délégation de l’Allemagne a expliqué que son gouvernement avait lancé une politique spéciale dans le but d’inciter les hommes à faire carrière dans les professions où les femmes sont surreprésentées. Des programmes d’enseignement pour faciliter l’administration des soins sont dispensés aux jeunes garçons, a-t-elle ajouté.
La représentante de Tuvalu a indiqué que son gouvernement avait promulgué une loi sur le congé paternel, en précisant cependant qu’elle était rarement utilisée à cause de l’état d’esprit, tant des hommes que des femmes du pays. Ce ne sont pas seulement les hommes, mais également les femmes qu’il faut sensibiliser car, souvent, elles contribuent à perpétuer les stéréotypes, a–t-elle affirmé.
L’une des panélistes, Mme Sarr, a fait observer que la question du partage des tâches familiales ne se posait pas de la même manière pour les pays développés que pour les pays en développement. Les cellules familiales élargies qui sont une caractéristique des sociétés africaines n’opposent pas mari et femme pour les tâches ménagères, a-t-elle expliqué.
Si la représentante du Sénégal s’est interrogée sur le meilleur moyen de réduire la fracture numérique entre hommes et femmes, son homologue du Ghana a voulu connaître les raisons du faible nombre de femmes qui utilisent les technologues de l’information et de la communication. Leur sous-représentation semble être universelle, y compris dans les pays développés, a-t-elle constaté.
Ce qu’il faut, c’est collecter des données et interroger les femmes qui ont réussi à percer dans le domaine sur les raisons de leur réussite et les défis qu’elles ont rencontrés sur leur chemin, a conseillé le Directeur exécutif de The Communication Initiative.
Le représentant des Philippines a fait observer, de son côté, que si les médias sociaux ont la capacité de renforcer l’autonomisation des femmes, ils peuvent également les représenter d’une manière très dérogatoire, image qui nourrit souvent la violence dont elles sont victimes.
À ces commentaires, le Directeur exécutif de The Communication Initiative a répondu que la valeur des médias sociaux tenait au fait que ces médias placent le contrôle du contenu entre les mains des utilisateurs et non pas entre celles des directeurs de rédaction.
Mais alors, qu’en est-il de la qualité des informations reçues par l’intermédiaire des médias sociaux et comment s’assurer que ces médias contribueront à la réalisation de nos objectifs? a demandé la représentante du Paraguay.
Le représentant du Maroc, rappelant que les personnes ayant un manque d’éducation ne pouvaient utiliser aisément les médias sociaux, a voulu savoir s’il était utile, dans ce cas, d’abandonner les modes de communication traditionnels.
Sur cette question, la représentante du Cameroun a indiqué que son gouvernement avait lancé un programme de sensibilisation dans les communautés rurales en faisant appel à des conteurs traditionnels. Le Rwanda a, pour sa part, lancé un programme de radio communautaire, a ajouté la représentante de ce pays.
La panéliste de l’Université Cheikh Anta Diop a expliqué que l’utilisation de téléphone portable avait permis de « libérer » de nombreuses femmes. Au préalable, c’était les hommes qui contrôlaient la communication par téléphone fixe, a-t-elle indiqué.
La représentante de l’Afrique du Sud s’est ensuite penchée sur les défis liés aux soins de malades à domicile. Lui emboîtant le pas, son homologue du Kenya a indiqué que dans son pays, 90% des soins dispensés aux malades atteints du VIH/sida sont assurés à domicile et que 90% des soins dispensés à domicile concernent des personnes âgées, dont la majorité sont des femmes.
Les personnes assurant ces soins doivent être reconnues et rémunérées, a souligné la délégation du Kenya, tandis que la représentante de l’Afrique du Sud a assuré que son gouvernement versait des subventions aux personnes qui fournissent des soins à domicile.
Prenant la parole à nouveau, la représentante du Rwanda a indiqué que son gouvernement avait ouvert des centres de soins gratuits pour les personnes atteintes du VIH/sida. Le délégué de la République islamique d’Iran a expliqué que les orphelins du VIH/sida étaient pris en charge par l’État et que son pays avait également créé des centres de soins pour les toxicomanes. La représentante du Nigéria a mis en avant la législation promulguée par son gouvernement pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes du VIH/sida sur le marché du travail.
Résumant les discussions, M. LUIS MORA, chargé des questions de genre à la Division des droits de l’homme et de la culture au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a souligné l’ancienneté du débat sur la répartition des tâches entre les hommes et les femmes. C’est un débat de fond sur le plan de la justice sociale, a-t-il expliqué. Les politiques publiques ont longtemps oublié cette question, se concentrant plutôt sur les moyens de faire passer les femmes de la sphère privée à l’espace public, a-t-il fait remarquer. Les femmes, a-t-il dit, n’entrent pas dans la sphère publique sur un pied d’égalité avec les hommes. Tout en notant les effets positifs de ces politiques, il a souligné la surcharge considérable qui est imposée aux femmes. Comme l’a indiqué Mme Sarr, il pourrait y avoir un retour de manivelle, a-t-il fait observer.
L’expert a également souligné la dichotomie entre le public et le privé, deux secteurs qui, en ce qui concerne les femmes, ne suivent pas la même voie. L’impact du travail des femmes sur l’économie nationale n’est pas mesuré, a-t-il indiqué. Comment pouvons-nous conceptualiser la valeur du travail des femmes non payées? a-t-il demandé. M. Mora a souligné que les femmes qui travaillent et qui sont mères de famille, en particulier celles qui ont des enfants de moins de 5 ans, sont en permanence actives. Ces femmes, a-t-il noté, ne trouvent jamais le temps de se reposer. L’expert a aussi expliqué que chacun avait sa propre façon de comprendre les normes sociales de parité. La participation des femmes dans les médias et la façon dont les médias peuvent être utilisés pour faire changer les mentalités sont des questions très importantes.
Les femmes n’évoluent pas non plus sur un pied d’égalité avec les hommes concernant la santé reproductive pour laquelle elles n’ont pas toujours de choix. Avant de conclure, M. Mora a estimé que l’on avait trop tendance à mettre l’accent sur la législation. Les mesures politiques nationales doivent être très complètes et non discriminatoires. Il faudrait aussi, a-t-il souhaité, tenir compte de la mondialisation du travail domestique.
M. NICLAS JARVKLO, du Comité gouvernemental sur les hommes et l’égalité des genres de la Suède, a centré son intervention sur l’évolution des politiques de congé parental dans son pays et les enseignements tirés dans ce domaine. En Suède, on cherche à asseoir la stabilité de l’économie sur la participation des deux parents à la vie active, a-t-il indiqué, en précisant que l’égalité entre les hommes et les femmes avait été institutionnalisée dès les années 1970. Le congé parental, qui date de 1974, a été conçu pour aider les hommes à développer une « masculinité axée sur les soins ». Les hommes sont des parents très actifs, a fait remarquer l’expert. Il a toutefois indiqué que des problèmes structurels subsistaient puisque les femmes sont plus nombreuses à travailler à temps partiel, et il existe toujours des écarts de salaires.
Actuellement, les parents suédois ont droit à 16 mois de congé parental, 13 mois étant rémunérés à 80% du salaire. Ce système motive les femmes à commencer à travailler avant de devenir mères. En 2011, a rappelé M Jarvklo, le nombre des pères ayant pris un congé maternel a augmenté de 24%. Le Gouvernement a également mis en place une prime d’égalité entre les hommes et les femmes sous forme d’abattement fiscal, qui a connu des succès mitigés. Il a donc été décidé d’effectuer le paiement de cette prime de manière automatique.
Deux grands défis restent à relever pour renforcer l’utilisation par les hommes du congé parental, a expliqué l’expert. Il faut d’abord prévoir un congé pour chaque parent, comme en Islande où le congé est de 5 mois par parent et de 12 mois au total. Les décideurs suédois doivent aussi s’attaquer aux différences entre les couches de la population, notamment quand elles sont liées au niveau d’éducation. Lorsque le congé parental est une option pour les hommes, ceux-ci ont tendance à ne pas l’utiliser, a prévenu M. Jarvkol. Il a invité à parler davantage de ce congé et souligné son importance pour les hommes, pour les femmes et pour l’ensemble de la société.
Mme LUCIA ZACHARIÁŠOVÁ, Directrice de la Division pour l’égalité entre les sexes au Ministère du travail et des affaires sociales de la République tchèque, est intervenue sur la question de l’investissement public dans le rôle des femmes en tant qu’auxiliaires de vie. Elle a indiqué qu’une loi antidiscrimination en matière d’emploi et de sécurité sociale est entrée en vigueur dans son pays en 2009, année au cours de laquelle le Comité pour la conciliation des vies professionnelle et familiale avait vu le jour. Elle a également insisté sur l’importance de la participation de la société civile. Un vaste réseau a par ailleurs été établi dans l’ensemble du pays pour appuyer la garde des enfants et aider les femmes à devenir des citoyennes à part entière. Une ligue a également été lancée pour appuyer les hommes qui assurent des soins, tandis que le projet « Comment être papa? » vise à promouvoir la valeur de la paternité, tout en luttant contre la discrimination dont sont victimes les femmes sur le marché du travail.
La panéliste a ensuite expliqué qu’en République tchèque, le congé parental est de trois ans, l’un des plus longs de toute l’Europe. Il peut cependant avoir un impact négatif sur la parité car, dans la majorité des cas, c’est la femme qui profite de ce qui a, ensuite, un impact négatif sur sa position sur le marché du travail, a-t-elle fait observer. Mme Zachariášová a par ailleurs indiqué qu’un projet de loi, en cours d’élaboration, avait pour objectif de créer un système de garderies alternatives au sein des entreprises. Elle a précisé que les entreprises qui décideront de prendre part à cette initiative bénéficieront d’une politique d’incitation fiscale. Cette initiative permettra également de renforcer les liens entre employés et employeurs, a-t-elle ajouté.
Après les interventions de panélistes, plusieurs délégations ont énuméré les mesures prises pour garantir un meilleur partage des responsabilités entre les hommes et les femmes. Beaucoup ont expliqué comment fonctionnait leur système de congé parental, avant d’interroger les experts sur les moyens de renforcer l’efficacité de cette mesure.
Dialogue interactif
En République de Corée, où les pères peuvent désormais prendre un congé de paternité, la durée de ce congé ne cesse d’augmenter, s’est réjouie la représentante de ce pays. L’Ouganda a créé une commission chargée de l’égalité des chances et prévu, dans sa législation, le congé de paternité. La représentante ougandaise a reconnu que les femmes assuraient elles-mêmes les soins de leur enfant. Il est difficile, a-t-elle dit, de faire changer les choses dans une société patriarcale.
La représentante de l’Italie a assuré que son pays s’était engagé à lutter contre la baisse du taux de fécondité, à augmenter les emplois pour les femmes et à encourager la participation des hommes aux tâches familiales. Elle a notamment indiqué que des services de garderie d’enfants de haute qualité avaient été mis en place. En outre, des audits familiaux visent à promouvoir des solutions mieux adaptées pour les familles. Elle a aussi indiqué que le congé de paternité était obligatoire pour les pères. L’expert de la Suède a fait remarquer que son pays connaissait un taux de naissances beaucoup plus élevé que dans la plupart des autres pays européens, ce qui est sans doute une conséquence de la politique de l’égalité entre les sexes.
La représentante du Burkina Faso a parlé des mesures prises dans son pays pour inciter les hommes à s’impliquer dans les soins domestiques. Cela permet aussi aux femmes de recevoir des soins de santé, sans attendre l’autorisation de leur père ou de leur mari. Une autre initiative appelée « L’école des maris » va être expérimentée au Burkina Faso, sur l’exemple de ce qui est fait au Mali.
Les femmes en Colombie consacrent 22 heures par semaine à des activités non rémunérées, contre 14 heures pour les hommes, a indiqué la représentante de ce pays. Les différences sont encore plus importantes en zone rurale. Nous essayons d’intégrer ces activités dans notre produit national brut (PNB) afin de les rendre plus visibles, a-t-elle assuré.
Aux Philippines, une formation avant le mariage est dispensée afin de promouvoir l’égalité des sexes, a indiqué la représentante de ce pays, avant d’ajouter que les familles bénéficiaient de divers services, financiers ou autres, comme la planification familiale.
Après avoir rappelé que son pays avait récemment adopté une loi régissant le congé parental, la représentante de l’Australie a demandé des précisions sur les mécanismes qui permettent d’inciter les pères à prendre ce congé. Il faut encourager le rôle de la paternité dans la famille, a renchéri la représentante du Mexique. Lutter contre les stéréotypes est un moyen d’inciter les pères à prendre leur congé parental, a expliqué l’experte de la République tchèque.
La représentante du Kenya, dont le pays est bien avancé dans le domaine du congé parental, a demandé comment les pères utilisent leur congé de paternité en Suède. L’expert suédois a répondu que si certains pères utilisent ce temps pour partir en vacances, la majorité l’utilise pour s’occuper des enfants. En Allemagne, une étude a révélé que plus il y a d’enfants au foyer, plus les pères utilisent leur congé de paternité. Mais ce sont surtout les jeunes pères qui le demandent.
Intervenant au nom de la société civile, la représentante du Lobby des femmes européennes a parlé de l’impact des mesures d’austérité en temps de crise économique sur les femmes. L’indépendance des femmes est compromise et leur pauvreté augmente, a-t-elle fait observer, en expliquant que les femmes devaient aussi supporter une charge plus lourde à la maison. Les femmes se trouvent en outre limitées dans la recherche d’un emploi du fait de ces services et des soins qu’elles offrent à la maison. À cet égard, l’experte de la République tchèque a reconnu la nécessité d’offrir plus facilement des modes de garde des enfants en âge préscolaire.
Comment se fait le contrôle de la qualité des soins apportés aux enfants, a enchaîné la représentante de la Confédération internationale des syndicats qui s’est montrée en faveur d’un congé parental neutre. Les travailleurs ne doivent pas être sanctionnés s’ils choisissent de fournir des soins à la maison. Inversement, ils doivent pouvoir accéder à des services de soins lorsqu’ils occupent un emploi. Elle a aussi invité à faire le lien entre la violence au travail et dans la famille.
L’expert suédois a lui aussi souligné la nécessité de la participation de la femme sur le marché du travail. Il a plaidé en faveur d’un investissement à long terme dans l’égalité homme-femme. Beaucoup d’hommes, a-t-il dit, s’opposent à l’égalité entre les sexes. C’est pourquoi, il est important de mieux sensibiliser à cette question et de faire comprendre les avantages que représente cette égalité pour toute la société.
Venue résumer ces interventions, Mme RENATA KACZMARSKA, Point focal sur la famille à la Division des politiques sociales du Département des affaires économiques et sociales (DAES), a insisté sur l’importance d’élaborer de bons cadres juridiques et d’inclure la valeur des activités domestiques dans le PNB des pays. Les cadres normatifs élaborés doivent déboucher sur l’adoption de politiques publiques de qualité, notamment en matière de congé de paternité et de système de garde d’enfant, a-t-elle ajouté. Mme Kaczmarska a par ailleurs constaté que l’augmentation de la participation des femmes sur le marché du travail ne s’est pas traduite par une plus grande implication des hommes dans les tâches familiales. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, à commencer par l’utilisation du congé de paternité, a-t-elle estimé. Mme Kaczmarska a également insisté sur l’importance des activités de sensibilisation et sur la participation des hommes à l’élaboration de politiques relatives à la conciliation des vies professionnelle et familiale.
Table ronde 5: Soins dispensés dans le contexte du VIH/sida, et reconnaître et apprécier la prestation de soins non rémunérés
M. FILIPPO CINTI (Italie), Vice-Président de la Commission de la condition de la femme, qui assurait le rôle de modérateur de la table ronde, a espéré que ce dialogue permettrait de formuler des recommandations en vue d’accomplir des progrès concrets en termes d’accès à la prévention du VIH, au traitement, aux soins et au soutien. Il a appelé les délégations et les experts à partager les expériences en ce qui concerne l’accès aux soins de santé en matière de VIH/sida et les moyens d’alléger la responsabilité des femmes et des filles dans ce domaine.
Mme VIOLET SHIVUTSE, fondatrice et Directrice de Shibuye Community Health Workers, qui est le point focal de GROOTS Kenya, a présenté les efforts de plaidoyer et d’intervention des personnes assurant des services de soins au Kenya. Elle a indiqué qu’une politique pour la rémunération des prestataires de soins avait été adoptée par le Gouvernement kényan dans le passé. Cette politique avait toutefois provoqué une « fragmentation » du travail de ces personnes, permettant à certaines d’entre elles seulement d’être rémunérées. Mme Shivutse a ensuite expliqué que les 17 000 prestataires de soins que compte le Kenya avaient créé une alliance afin de pouvoir parler d’une seule voix. Le rôle de plaidoyer de cette alliance a notamment permis de veiller à ce qu’une dimension communautaire soit intégrée dans le plan stratégique de lutte contre le VIH/sida du Kenya. Ceci a permis aux prestataires d’obtenir de petites subventions et d’être considérés comme des agents actifs et non pas comme de simples bénéficiaires du développement, s’est-elle félicitée. Mme Shivutse a par ailleurs estimé que la prestation de soins contribuait à l’autonomisation des femmes et que cette question méritait donc d’être intégrée aux objectifs de développement durable post-2015.
Mme BABY RIVONA, Coordonnatrice nationale de Ikatan Perempuan Positif Indonesia (IPPI - Indonesian Positive Women Network), a fait part des progrès accomplis par l’Indonésie dans la prévention du VIH/sida et dans le traitement, les soins et le soutien apportés aux femmes vivant avec le VIH/sida. Des études ont notamment été menées sur la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, sur les enfants vivant avec le VIH/sida, ainsi que sur la violence à l’encontre des femmes vivant avec le VIH/sida. IPPI a aussi lancé des campagnes de sensibilisation sur les problèmes des femmes vivant avec le VIH/sida. « Nous participons également au processus d’établissement du rapport national que l’Indonésie présente au Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes », a-t-elle ajouté. Reconnaître le droit des femmes vivant avec le VIH/sida ne permet pas seulement de donner à ces femmes un accès aux soins, mais surtout de respecter tous les droits des femmes et de lutter contre la violence dirigée contre elles, a assuré Mme Rivona. Soulignant le rôle important des groupes de femmes vivant avec le VIH/sida, elle a demandé aux gouvernements de leur offrir un appui financier. Un projet de loi sur la parité a donné lieu à des débats très vifs car, a-t-elle fait remarquer, ce texte va à l’encontre de la culture indonésienne. Mme Rivona, qui est elle-même atteinte du VIH/sida, a lancé un appel aux décideurs afin qu’ils fassent participer les femmes affectées par le VIH/sida aux consultations sur leurs futures décisions.
Dialogue interactif
Les échanges de vues qui ont suivi ces premières présentations ont notamment été l’occasion pour plusieurs délégations de souligner la nécessité d’une plus grande volonté politique pour alléger le fardeau des femmes assurant des soins.
« Les soins qui sont assurés par les femmes au foyer sont invisibles, banalisés et non valorisés », a regretté la représentante du Sénégal, qui a par ailleurs constaté que les femmes atteintes du VIH/sida étaient plus réceptives à l’idée de se voir prodiguer des soins. C’est un moyen pour elles de protéger leurs enfants et de préserver leur famille. La prise en compte effective de la dimension sexospécifique à toutes les étapes de la lutte contre le VIH/sida doit devenir une réalité, a-t-elle estimé, ce que la représentante de la Pologne a soutenu.
La représentante de la Société internationale du SIDA a, pour sa part, fait observer que de nombreuses femmes prestataires de soins sont également chefs de famille. Son homologue du Rwanda a indiqué que plusieurs femmes atteintes du VIH/sida avaient mis sur pied une coopérative afin de subvenir aux besoins de leurs enfants.
Le Gouvernement du Burkina Faso, a indiqué sa représentante, a ouvert plusieurs centres de soins pour les personnes atteintes du VIH/sida. Il existe également des agents de santé communautaire qui servent de lien entre les malades et la communauté. N’étant pas rémunérées, ces personnes jettent souvent l’éponge, a-t-elle regretté.
En la matière, la panéliste de Shibuye Community Health Workers a fait observer que bien souvent ce ne sont pas les malades, mais les prestataires de soins qui comptent parmi les personnes les plus défavorisées d’une communauté.
À son tour, la représentante de l’Union européenne a insisté sur des efforts permettant d’atténuer le fardeau imposé aux femmes prestataires de soins. Il faut envisager de rémunérer la prestation de soins mais également réfléchir au moyen d’impliquer davantage les hommes, a-t-elle estimé.
Le représentant du Maroc a indiqué que dans son pays, les ONG assuraient une grande partie du suivi psychologique des personnes atteintes du VIH/sida. Pour sa part, son homologue de l’Équateur a précisé que son gouvernement assurait la gratuité des soins prodigués aux personnes atteintes du VIH/sida.
Existe-t-il des médicaments abordables dans les pays en développement qui permettraient de soulager le fardeau des femmes prestataires de soins? a demandé, à son tour, la représentante du Soudan. « Le seul véritable traitement c’est la prévention », a rappelé la panéliste de l’Indonesian Positive Women Network.
La représentante de la République démocratique du Congo (RDC) s’est par ailleurs inquiétée des violences qui sont parfois infligées aux personnes atteintes du VIH/sida. Certains maris ne comprennent pas qu’il peut y avoir des couples « sérodifférents » et que leurs épouses sont donc libres de suivre un traitement, a-t-elle fait remarquer. Au Brésil, a indiqué son représentant, une coalition parlementaire d’hommes a été formée pour lutter contre la violence faite aux femmes atteintes du VIH/sida.
Intervenant au nom des pays nordiques, la représentante de la Finlande a souligné l’importance de respecter les droits des malades, notamment ceux des migrants. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a-t-elle dit, plus de 72% des soins prodigués aux personnes atteintes du VIH/sida sont assurés à la maison.
Mme JANTINE JACOBI, Directrice de la Division pour l’égalité entre les sexes au Secrétariat d’ONUSIDA, résumant la discussion, a fait remarquer que les patients atteints du VIH/sida préfèrent rester chez eux. L’échange de vues a soulevé les problèmes de marginalisation et de stigmatisation qui persistent dans ce domaine, a-t-elle noté. Mme Jacobi a aussi relevé que les systèmes nationaux ne sont pas toujours ouverts à tous les groupes, en particulier les migrants. Les gouvernements, outre leur responsabilité de s’attaquer aux causes premières du VIH comme la pauvreté, doivent prendre des mesures visant à réduire les coûts des traitements. On pourrait aussi parler du rôle des hommes, a-t-elle ajouté. Elle a souligné la nécessité d’améliorer les conditions de vie des personnes qui soignent les malades à la maison, en leur assurant par exemple une rémunération. Mme Jacobi a aussi noté que les délégations avaient insisté sur l’importance de l’autonomisation économique et politique des femmes vivant avec le VIH/sida, ainsi que sur la nécessité de lutter contre les inégalités sexuelles. La discussion de cet après-midi, a-t-elle remarqué, n’a pas mentionné le cas des personnes âgées qui apportent des soins à des malades ou qui bénéficient de soins.
M. FRANCISCO GUILLÉN MARTÍN, Directeur adjoint de la Division des comptes nationaux au Bureau national des statistiques et de géographie du Mexique (INEGI), a fait un exposé sur les « comptes satellites » relatifs aux prestations de soins non rémunérées au Mexique, c’est-à-dire les soins et le soutien fournis à la maison. Une part du travail non rémunéré est consacrée aux soins de santé et s’ajoute aux soins hospitaliers payants, a-t-il fait observer. Le Bureau national des statistiques et de géographie du Mexique s’est interrogé sur le coût de ce travail pour les foyers et pour le marché. M. Martín a indiqué que 34,1% des heures passées à accomplir un travail non rémunéré sont consacrées à l’alimentation, tandis que 16,4% de ce temps sont consacrées aux soins. Les soins de santé non rémunérés représentent 1% du produit intérieur brut (PIB) au Mexique, a-t-il ajouté. Ces soins sont répartis en trois catégories: les soins aux malades temporaires, les soins aux malades chroniques et les soins aux personnes handicapées physiques ou mentales. M. Martín a aussi précisé que, selon les études réalisées, 3 malades du VIH/sida sur 10 seulement obtiennent des soins, que ce soit en milieu hospitalier ou à domicile.
Mme SOUAD TRIKI, économiste tunisienne et experte sur les questions de genre et de développement, conférencière à la retraite de l’Université de la Tunisie, a expliqué comment les données recueillies dans un sondage de 2005 avaient été utilisées pour traduire les politiques publiques tunisiennes en mesures concrètes. Elle a précisé que cette enquête avait mis en évidence le temps consacré par les femmes à des travaux productifs et aux soins prodigués à la maison. Cette étude a également révélé que la productivité agricole des femmes était bien plus élevée que celle des hommes. Mme Triki a précisé que les femmes consacrent ainsi 8 fois plus de temps que les hommes à l’éducation et aux soins des enfants et autres personnes à charge, en précisant que la charge la plus importante revenait aux femmes mariées. La panéliste a ensuite indiqué que les résultats de cette enquête avaient permis au Gouvernement tunisien d’intégrer une dimension sexospécifique à de nombreuses politiques nationales. Toutefois, le manque de volonté politique, la fin du règne du « régime Ben Ali » et le vide institutionnel que connaît actuellement la Tunisie, ont créé une quantité de défis de taille. En outre, l’aggravation de l’autoritarisme de l’État a bloqué toute initiative en matière d’intégration du genre, a déploré Mme Triki. La panéliste a par ailleurs évoqué les défis liés au vieillissement de la population, lequel donne lieu à une augmentation du nombre de personnes à charge. Elle a ensuite estimé que les enquêtes sur l’« emploi du temps » méritent d’être lancées à intervalles réguliers.
Dialogue interactif
L’échange de vues qui a suivi les interventions des panelistes a été centré sur les moyens d’évaluer et de tenir compte du travail non rémunéré des femmes dans le contexte du VIH/sida.
Pour répondre à une question de la délégation de l’Italie sur l’existence d’une méthode internationale commune pour évaluer le travail non rémunéré, le panéliste du Mexique a expliqué la méthode qui consiste à comptabiliser les heures en multipliant le chiffre ainsi obtenu par la rémunération moyenne d’une personne travaillant à domicile. Le niveau de spécialisation est apprécié en fonction de la condition physique du patient, a-t-il ajouté. Il a aussi indiqué que chaque « micro-donnée » est analysée et évaluée en fonction de son caractère représentatif, afin d’éviter des erreurs.
L’économiste tunisienne a indiqué que le travail non rémunéré des Tunisiennes avait été évalué en 2005 et représentait 47,3% du PIB cette même année. « Nous avons utilisé la même méthode que celle de l’expert mexicain -méthode de « l’input »-, mais une autre méthode est possible -celle de « l’output »- qui mesure la production non marchande des foyers en essayant de leur affecter les prix du marché. Elle a aussi parlé des enquêtes « emploi du temps » utilisées dans les procédures de divorce au Canada pour apprécier la valeur économique du travail effectué par les femmes dans les foyers.
La représentante de la Colombie, soulignant l’importance du recueil des données sur le travail non rémunéré, a voulu savoir comment ces données étaient utilisées pour guider les décisions politiques. L’Institut national des femmes du Mexique en tient compte dans les formations qu’il dispense, a répondu l’expert du Mexique.
De son côté, la représentante de la Suisse a invité à tenir compte du fait que le travail non rémunéré prive les femmes de couverture sociale. La représentante du Kenya a soulevé le cas des femmes vulnérables autres que les personnes handicapées, comme les femmes vivant avec le VIH/sida qui s’occupent de malades du sida.
La représentante de l’Institut international du développement social de l’Inde a présenté les mesures de sensibilisation sur le VIH/sida qu’elle a prises dans les zones rurales et tribales. L’Institut a contribué à réduire les stéréotypes concernant la maladie, à fournir des soins aux patients et à l’autonomisation des filles et des femmes, a-t-elle ajouté.
Concluant la discussion, Mme PAZ LOPEZ, Conseillère technique de UN Women Mexico, a souhaité que le travail non rémunéré des femmes devienne plus visible. Elle a fait remarquer que les enquêtes sur cette question n’étaient pas menées régulièrement, ce qui ne permet pas de disposer de données fiables. En outre, elles ne tiennent pas toujours compte du facteur inégalité, comme le handicap, a-t-elle ajouté. Mme Lopez a salué les efforts entrepris en Amérique latine où 19 pays ont établi des systèmes d’évaluation par le biais d’enquêtes et de questionnaires.
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