FEM/1894

La Commission de la condition de la femme évalue les échecs et les succès dans le financement de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes

1/03/2012
Conseil économique et socialFEM/1894
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Commission de la condition de la femme                     

Cinquante-sixième session                                  

8e et 9e séances – matin et après-midi


LA COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME ÉVALUE LES ÉCHECS ET LES SUCCÈS DANS LE FINANCEMENT

DE L’ÉGALITÉ DES SEXES ET DE L’AUTONOMISATION DES FEMMES


La Commission de la condition de la femme a poursuivi aujourd’hui ses travaux avec deux tables rondes pour évaluer les succès et les échecs dans le financement de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.


Quatre ans après sa session de 2008, la Commission est ainsi revenue sur le suivi des conclusions concertées qu’elle avait alors adoptées et aux termes desquelles elle demandait, entre autres, « de mettre au point les indicateurs d’intrants, d’extrants et de résultats nécessaires pour mesurer les progrès accomplis »*.


Mais depuis 2008, la crise économique et financière est passée par là avec un impact certain sur l’aide publique au développement (APD), en général, ont dénoncé les intervenants, et sur le financement de l’égalité des sexes, en particulier, comme l’a fait remarquer leMinistère de l’économie et de la finance du Maroc.


Le fait que la Banque mondiale ait consacré, au cours des cinq dernières années, 65 milliards de dollars à des programmes comprenant la dimension « égalité des sexes », n’a pas semblé être suffisant aux yeux de plusieurs délégations dont la Suisse qui a d’ailleurs lancé un appel à l’augmentation des ressources d’ONU-Femmes.


Qu’en est-il des indicateurs demandés par la Commission en 2008?  Les intervenants se sont attardés sur le bien-fondé du « Marqueur politique égalité hommes-femmes » que l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) utilise depuis 20 ans, avant d’être suivi par d’autres.  Selon ce modèle, le donateur met explicitement en évidence dans la documentation, concernant l’activité qu’il veut financer, son souhait de réaliser l’objectif « principal » ou « significatif » d’égalité entre les sexes, à travers des mesures destinées à renforcer cette égalité ou à réduire les discriminations et les inégalités fondées sur le sexe.


Une approche que l’Autriche a déjà incluse dans la réforme de son budget fédéral.  Chaque ministère doit désormais définir cinq objectifs lors de l’élaboration de son budget, dont l’un au moins doit concerner l’égalité des sexes, a expliqué son Ministre des finances.


Demain vendredi à partir de 10 heures, la Commission a prévu de poursuivre son débat général consacré à l’autonomisation des femmes rurales.


* http://www.un.org/womenwatch/daw/csw/52sess.htm


SUIVI DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET DE LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »:


Table ronde 3: « Application des conclusions concertées de la cinquante-deuxième session de la Commission de la condition de la femme: Financement pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes: Thème ciblé: les expériences nationales »


M. MOHAMMED CHAFIKI, Directeur des études et des prévisions financières auprès du Ministère de l’économie et de la finance du Maroc, a observé que le contexte économique actuel pouvait paraître peu favorable à l’épanouissement des politiques paritaires.  L’impact de la crise sur l’emploi a été notable, notamment dans les pays où les femmes étaient peu présentes sur le marché du travail et l’écart salarial a été aggravé un peu partout dans le monde, a-t-il indiqué.  Il a notamment évoqué les cas de l’Espagne, de la France et de l’Italie où le financement de l’égalité a enregistré une baisse notable, de 30% notamment en Espagne.


Comme solution, M. Chafiki a misé sur une remise en cause des systèmes de développement actuels afin de créer un modèle plus sensible à l’égalité, plus inclusif et plus favorable à l’emploi.  Il a également réclamé la création d’un nouveau système de financement basé sur le respect des accords et des engagements pris, ainsi que sur celui des droits fondamentaux.  Malgré les défis actuels, le panéliste a constaté qu’il y avait néanmoins eu quelques avancées, notamment une sensibilité aux questions qui se posent est plus présente au niveau des organisations internationales.  Il a évoqué le cas de la Belgique où des décisions importantes ont été adoptées, en matière de budgétisation sexospécifique notamment.  Le Mali est également un cas exemplaire, a-t-il ajouté.


Tournant son attention sur la situation qui prévaut dans son pays, M. Chafiki a indiqué que depuis 1998, le Maroc connaissait une transition démocratique précoce par rapport à ce qui se passe dans le reste de sa région.  Il a fait savoir que le Maroc avait définitivement levé, le 8 avril 2011, ses réserves à la CEDAW, et qu’il s’était par ailleurs doté, en juillet 2011, d’une nouvelle Constitution, « véritable charte des droits et des libertés », qui reconnait la liberté au plan constitutionnel, ainsi que la supériorité des instruments internationaux sur le droit national.  Le rapport sur le genre qui est publié chaque année examine par ailleurs les activités du Gouvernement, ministère par ministère.  Le panéliste a ajouté que le budget du Ministère de la santé avait été doublé, et que des avancées notables avaient été réalisées dans le domaine de l’éducation des filles.  Le taux de féminisation de la fonction publique s’est également amélioré pour atteindre 34% en 2009, a-t-il ajouté.


M. Chafiki a indiqué que de nombreux défis persistaient, notamment dans un environnement de crise qui a frappé les secteurs exportateurs où sont présentes une majorité de femmes.  Il a ensuite parlé de l’adoption d’une nouvelle loi organique des finances sur laquelle reposent les politiques publiques du genre. Pour nous, a-t-il ajouté, il faut penser la « gendérisation » comme une réponse à une sortie de crise plus égalitaire et plus humaine.


Mme MARIA ALMEIDA, Vice-Ministredes finances de l’Équateur, a présenté les initiatives développées dans son pays pour assurer le suivi des budgets préparés en fonction de la perspective de la promotion de l’égalité des sexes.  En 2008, a-t-elle expliqué, l’Équateur a adopté une nouvelle Constitution qui garantit des droits pour tous, ainsi que l’égalité des sexes et la prise en compte des questions intergénérationnelles.  Elle prévoit aussi l’inclusion de la perspective « genre » dans tous les plans et programmes du Gouvernement.  Les institutions du pays ont ensuite mis sur pied des systèmes de reddition pour travailler sur les écarts qui existaient entre les bénéficiaires en termes de budgétisation.  Une direction de l’équité budgétaire a ainsi été créée.  Des campagnes de sensibilisation ont été mises en place, en particulier à destination des organes publics.  Des bourses ont été financées avec l’aide d’ONU-Femmes et ont permis à des fonctionnaires soit d’obtenir un diplôme, soit de se former aux questions d’égalité des sexes.  « Derrière les chiffres, il y a des personnes et des vies réelles, et nos politiques publiques ont des conséquences sur l’existence de ces gens », a-t-elle déclaré.  La structure du Ministère des finances, elle-même, a donc été modifiée dans cette perspective, a-t-elle poursuivi. 


S’agissant de la sensibilisation, Mme Almeida a expliqué que la direction nationale de l’égalité budgétaire mettait, par exemple, à la disposition du public des statistiques et des rapports budgétaires incluant ces questions.  Le Ministère a également publié une bande dessinée expliquant que la confection du budget d’un État n’est, au fond, pas très différente de la confection du budget d’une famille.  Cette publication a permis d’expliquer avec des concepts simples la prise en compte des questions d’égalité, a-t-elle ajouté.  Elle a ensuite estimé qu’il fallait changer les paradigmes du développement.  « Auparavant, nous pensions qu’il fallait nécessairement croître pour aller de l’avant.  Aujourd’hui, nous tirons de notre expérience qu’il faut d’abord rattraper les écarts entre différents secteurs sociaux pour enregistrer une croissance », a-t-elle dit.  Elle a également mis l’accent sur la collaboration avec la société civile, afin qu’elle puisse exercer un contrôle social des activités publiques, ainsi qu’avec les acteurs de la coopération.


Mme ING KANTHA PHAVI, Ministre des affaires féminines du Cambodge, a indiqué que des mécanismes nationaux avaient été créés au Cambodge afin de donner davantage de ressources et de perspectives aux femmes.  La stratégie officielle du pays reconnait que les femmes sont l’épine dorsale de la société et les politiques du pays prennent en compte la question de la sexospécificité.  Le Premier Ministre lui-même a accordé son ferme appui à la question, ce qui est un élément important sans lequel on ne pourrait aller de l’avant, a fait observer la Ministre.  Des plans concernant la mise en place de mesures de discrimination positive ont été adoptés, mais il faut également s’assurer de la suffisance des ressources financières et humaines.


Mme Kantha Phavi a néanmoins estimé qu’il fallait davantage de mécanismes pour intégrer la sexospécificité au sein des différents ministères.  Un groupe technique sur la sexospécificté a donc été créé pour regrouper les départements ministériels, les ONG et les donateurs pour mettre en commun les plans adoptés, et un autre mécanisme vise à créer dans tous les ministères une unité chargée de l’intégration de la sexospécificité.  La panéliste a précisé qu’en 2011, 36% des unités déjà existantes avaient reçu des budgets nationaux, et que le Ministère de l’économie avait été un des premiers à se doter d’un plan d’action.  Par ailleurs, les considérations sexospécificiques ont été clairement intégrées au plan d’action pour consolider la réforme des finances publiques.


La Ministre cambodgienne a poursuivi son intervention en indiquant qu’avec l’appui du PNUD, le Ministère des affaires féminines appuie le Ministère des finances dans la création d’un budget sexospécifique afin de faire avancer la réforme de la gestion des finances publiques.  La sexospécificité est également intégrée au niveau communautaire et provincial dans le cadre de la stratégie de décentralisation du pays, a-t-elle ajouté.  Diverses autres initiatives ont été lancées, notamment pour appuyer la création d’entreprises féminines et favoriser la santé, l’éducation.  Mme Kantha Phavi a ensuite précisé que le financement de ces projets serait dorénavant intégré au budget national.  Des efforts notables ont par ailleurs été déployés pour que la sexospécificité soit intégrée à toutes les grandes réformes lancées au Cambodge, a-t-elle indiqué.


La Ministre a cependant observé qu’en l’absence d’un cadre commun d’évaluation, il était difficile de comprendre la sensibilité et l’attention accordées à la sexospécificté par les partenaires en développement du Cambodge et par le Ministère des finances.  


M. Gerhard Steger, Ministre des finances de l’Autriche, a expliqué que la budgétisation pour l’égalité des sexes avait été incluse dans une réforme plus large de la confection du budget de l’État autrichien, qui prévoit notamment l’évaluation des performances réalisées.  Par ailleurs, deux articles de la Constitution autrichienne requièrent de la part de la Fédération, des États et des communes qu’ils œuvrent à l’égalité hommes-femmes dans la planification et la gestion de leurs budgets.  Toutefois, a-t-il ajouté, « le budget traditionnel de l’Autriche, comme celui de la plupart des pays, se présente comme un énorme pavé et ne répond pas à la question de savoir quels seront les résultats concrets de son utilisation pour les citoyens ».  


Mettant ensuite l’accent sur le nombre de défis politiques et techniques à relever dans la mise en place de politiques sensibles au genre, il a présenté plusieurs recommandations basées sur l’expérience autrichienne.  Il a, entre autres, encouragé les États à maintenir une attention constante sur les questions d’égalité, « c’est-à-dire de convaincre les décideurs de soutenir des politiques de budgétisation et de pousser la question », a-t-il dit.  Il a proposé de former des alliances avec la presse afin de sensibiliser ainsi l’opinion.  Il a estimé qu’il fallait aussi trouver le bon moment pour soulever la question de la budgétisation de l’égalité des sexes.  En Autriche, a-t-il précisé, il a été judicieux de lier cette question à d’autres réformes ou alors à des moments clefs du processus d’élaboration du budget.


Le Ministre a également encouragé les États à ne pas tenter de créer un système parfait qui couvrirait l’ensemble des questions.  « Faites simples! Réduisez la complexité car cela réduira en retour les difficultés qui pourraient apparaitre lors de la mise en pratique des recommandations budgétaires », a-t-il dit, invitant les participants à se concentrer davantage sur certaines thématiques clefs.  Il a également mis l’accent sur la nécessité de former le personnel des Ministères du budget ou des finances plutôt que de recruter des consultants.  « En Autriche, nous avons voulu former notre propre personnel, en faisant de la connaissance de ces questions un processus de développement professionnel et personnel », a-t-il expliqué. 


M. Steger a estimé essentiel de bénéficier de l’appui des principaux ministres du Gouvernement.  « Tous les ministères doivent contribuer à cet enjeu car la sexospécificité sera alors intégrée à tous les niveaux du budget », a-t-il dit.  Il a souligné que les projets pilotes étaient intéressants dans un premier temps mais qu’ils devaient inclure, à terme, tous les ministères.  Il a ensuite expliqué que le Gouvernement autrichien avait demandé à chaque ministère d’identifier cinq objectifs, et ce, afin de déterminer ce qui serait fait avec l’argent alloué dans le budget.  Au moins un de ces cinq objectifs doit être lié à des questions sexospécifiques.  Ensuite, chaque ministère doit aussi répondre à trois questions: Pourquoi cette politique fait-elle partie de vos priorités?  Qu’essayez-vous d’obtenir comme résultat?  Et Comment mesurerez-vous les résultats et succès obtenus?  En conclusion, il a cité quelques exemples parmi les objectifs élaborés pour 2013, entre autres, par les Ministères de l’éducation, du travail ou de l’intérieur. 


Débat interactif


Le débat interactif a été l’occasion pour les participants de commenter notamment les propositions formulées par le Ministre des finances de l’Autriche qui était l’un des panélistes.  Les intervenants ont notamment débattu de la possibilité d’aborder la question de la parité et de l’intégration du genre dans les politiques en élaborant de manière « bête et simple » les budgets nationaux afin de la rendre sexospécifique.


Comment peut-on faire de la « gendérisation » un outil de sortie de crise? s’est interrogée la représentante du Maroc.  La représentante de la Suisse a observé que l’intégration de la dimension genre dans le budget permet de renforcer la qualité de la gouvernance générale et celle des interventions de la coopération internationale.  Elle a par ailleurs interrogé les panélistes sur les mérites qu’il y a, ou non, à faire figurer la question de la budgétisation sexospécifique à l’ordre du jour des réunions internationales des ministres des finances.


De son côté, la représentante de la Norvège, s’exprimant au nom des pays nordiques, a estimé qu’outre l’examen du coût du financement, il fallait également étudier celui qu’aurait un « non-financement » de l’autonomisation des femmes.  Il y a effectivement des solutions simples qui pourraient être adoptées pour libérer les femmes, comme l’accès à des crèches à bon marché, mais l’autonomisation des femmes passe également par l’adoption de budgets consacrés à la santé, notamment sexuelle et reproductive, et inscrits dans les priorités des budgets nationaux, ainsi que par la réconciliation des vies professionnelles et familiales, a-t-elle ajouté.


Est-il possible de créer une budgétisation sexospécifique si on n’a pas de données ventilées par sexe? a demandé la représentante du Zimbabwe, pour qui il importe également d’accorder une attention accrue au renforcement des capacités.


Réagissant à ces premiers commentaires, le Ministre des finances de l’ Autriche a indiqué que certains problèmes sont parfois si visibles et évidents que l’on n’a pas besoin d’aller chercher l’existence de données sur la question pour agir.  Cependant, a-t-il ajouté, pour en obtenir, il faut forcer les unités administratives à fixer des objectifs de sexospécificité, sans quoi, les données concernant la situation des femmes ne seront jamais collectées. 


Sans données, a souligné la panéliste du Cambodge, il est très difficile de faire du plaidoyer et de s’assurer d’un appui au plus haut niveau.  Le panéliste de l’Autriche a ajouté qu’il fallait comprendre comment motiver les décideurs à cette fin et il a également cité les mérites de la coopération avec la société civile.


À son tour, la panéliste et Vice-Ministredes finances de l’Équateur a estimé que si les ministres des finances ne parlent pas de budgétisation sexospécifique au niveau international, c’est parce qu’ils ne sont pas suffisamment impliqués dans la question.  Elle a souhaité la création d’un « cercle vertueux » par chaque gouvernement.  Ceci pourrait se faire en exigeant que des données sexospécifiques soient fournies par chaque ministère, ce qui aurait pour effet d’impliquer beaucoup plus le Ministère des finances dans la promotion de la question de la parité.


Pour être simple, il suffirait de saisir dès le départ la complexité de la situation, a commenté pour sa part le panéliste du Maroc.  Il a observé que l’arsenal conceptuel qui existe derrière les statistiques ventilées par sexe ne rend pas compte des rapports sociaux.  Ce qui importe au final, a-t-il indiqué, c’est le changement qualitatif des rapports sociaux.  Il faut des analyses et des enquêtes budgétaires, car se limiter à parler du nombre de petites filles scolarisées ne suffit pas, il faut également parler d’électricité, de la construction de routes et autres.  La défense de la cause de l’égalité entre les sexes, a-t-il ajouté, suppose notamment la lutte contre la corruption et plus de lisibilité dans les budgets.


La représentante d’Israël a salué l’idée avancée par le panéliste autrichien de faire participer tous les ministères au processus de budgétisation sexospécifique.  On peut ainsi réduire les doubles emplois et être plus économe, mais, hélas, cela me semble peu réaliste, a-t-elle commenté.  La représentante s’est par ailleurs interrogée sur le meilleur moyen d’assurer la cohérence des politiques macroéconomiques, des stratégies de lutte contre la pauvreté et des politiques paritaires. 


Le représentant de la Jordanie s’est demandé quant à lui si l’aide publique au développement (APD) pouvait être utilisée pour appuyer la création de budgets sexospécifiques et si ce type d’initiatives pouvait également être promu par les organes de traités.  Par ailleurs, comment convaincre les pays en développement, qui traversent une situation déjà difficile, du bienfait de ces initiatives?


En ces temps difficiles, le financement de l’égalité entre les sexes ne doit pas être considéré comme un fardeau, mais comme une occasion de progresser, a réagi son homologue du Portugal, tandis que la représentante du Paraguay s’est interrogée sur la meilleure méthodologie à adopter pour assurer la participation égalitaire des femmes à la prise de décisions et renforcer leur pouvoir économique au plan individuel.


Le représentant du Kenya a mis l’accent sur l’importance de l’appui technique, tandis que la représentante du Congo a soulevé la question de la formation des fonctionnaires à la sexospécificité.


La représentante du Mexique a observé que de nombreux ministères ne saisissaient toujours pas l’importance de la budgétisation de la sexospécifité, faisant observer par ailleurs, que la valeur du travail domestique non rémunéré effectué dans son pays était plus importante que le montant des ressources tirées de son exploitation pétrolière.


La représentante de l’ONG russe International Life Help, a expliqué que son gouvernement ne considère pas le financement pour l’égalité entre les sexes comme une priorité.  L’ONG a par conséquent créé un partenariat avec 10 autres ONG russes, la Communauté européenne et des organisations de l’espace postsoviétique qui a permis de mettre sur pied un nouveau modèle de coopération sur la base du capital humain.


En guise de conclusion, le panéliste du Maroc a estimé que malgré l’environnement de crise, un nouveau monde était en train de naître.  Il faut poser les questions sur la base de ce qui va venir, à savoir l’ère du respect des droits de chaque personne humaine.  Il s’est par ailleurs félicité du fait que pour la première fois, les expériences novatrices ne venaient pas uniquement du Nord, mais également du Sud.


La panéliste de l’Équateur a estimé que les politiques macroéconomiques devaient laisser de la place aux ajustements, en accordant par exemple la priorité au secteur social en temps de crise.  Sans planification correcte, comment peut-on décider des coupes budgétaires? a-t-elle demandé.  Elle a également évoqué l’importance du rôle joué par la Banque mondiale.


La budgétisation sexospécifique n’émane pas simplement du Ministère des finances, mais de l’ensemble des ministères du Gouvernement, a commenté de son côté la panéliste du Cambodge.  Elle a par ailleurs estimé que l’APD pouvait tout à fait être intégrée à la budgétisation sexospécifique, faisant par ailleurs remarquer que seule une fraction minime de l’APD reçue par le Cambodge était consacrée à la sexospécificité.


Table ronde 4: L es progrès accomplis dans le financement de l’action menée pour l’égalité entre les sexes dans la perspective des organisations internationales et des partenaires multilatéraux du développement »


Mme LYDIA ALPIZAR, Directrice exécutive de l’Association pour le droit des femmes au développement, a estimé que pendant les trois ou quatre dernières années, le secteur privé avait manifesté un intérêt croissant dans la problématique hommes-femmes.  Gardant à l’esprit l’impact de la crise financière sur l’aide publique au développement, elle a jugé urgent de trouver de nouvelles sources de financement, en particulier devant le conservatisme de plus en plus marqué des gouvernements.  L’accès aux dons est de plus en plus difficile, a-t-elle insisté.


La majorité des organisations féminines, a-t-elle rappelé, travaillent avec des ressources très limitées; les budgets se chiffrant autour d’une moyenne de 20 000 dollars par an et collectés principalement auprès des adhérents. 


La panéliste a fait une proposition, celle de fixer à 20% la part de l’APD qu’il faut consacrer aux questions de parité.  Elle a ajouté qu’il faut aussi veiller à la traçabilité des fonds et voir s’ils contribuent vraiment à l’amélioration de la vie des femmes.  Elle a d’ailleurs pointé le doigt sur les problèmes de financement d’ONU-Femmes, y voyant là, « une autre preuve du manque de sérieux » des dirigeants du monde.


Mme JENI KLUGMAN, Directrice de l’égalité des sexes et du développement à la Banque mondiale, s’est félicitée de la publication, en septembre 2011, du premier rapport sur le développement humain qui traite de l’égalité des sexes et reconnait la valeur intrinsèque de cette égalité et son importance pour le développement.  Le rapport rappelle aussi, a-t-elle insisté, que la croissance économique ne suffit en aucun cas à éliminer les inégalités.  


L’année dernière, a-t-elle affirmé, le Groupe de la Banque mondiale a prêté une somme de 57 milliards de dollars aux pays à moyen et bas revenus, tandis que la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a débloqué 26 milliards de dollars pour financer 132 nouveaux projets dans 43 pays.  Au total, la Banque mondiale a consacré 65 milliards de dollars, au cours des cinq dernières années, à des programmes contenant une composante « égalité des sexes ».  La Banque mondiale travaille au renforcement des réseaux et de structures spécifiques d’égalité des sexes.  Plusieurs projets pilotes sont encore sur la table, notamment au Soudan et au Soudan du Sud. 


Mme PATTI O’NEILL, Directrice adjointe de la coopération au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a elle aussi mis l’accent sur la traçabilité des fonds.  L’OCDE, qui utilise depuis 20 ans le marqueur « égalité entre les sexes », juge qu’une autre série d’outils est nécessaire pour évaluer l’impact des programmes.  En attendant, les données du marqueur offrent déjà à chaque donateur des informations sur les secteurs où l’aide est la plus efficace.  En conséquence, 75% de l’aide attribuable à chaque secteur est filtrée, 90% si on exclut les États-Unis.  Le marqueur, a affirmé Mme O’Neill, a permis de déceler les divergences entre les objectifs des donateurs et l’affectation réelle des fonds.  Ce système pourrait être appliqué à l’aide humanitaire, a-t-elle estimé.  La méthode de l’OCDE pourrait être appliquée à l’aide qui passe par les institutions de l’ONU.


Cette collecte de données et les preuves qu’elle permet de rassembler ont permis, a encore affirmé la Directrice adjointe, les progrès que l’on voit aujourd’hui dans l’efficacité de l’aide, notamment le partenariat conclu lors du Forum de Busan.  Les mécanismes de surveillance doivent être renforcés de même que la capacité des pays à collecter des données ventilées par sexe.


Mme SARASWATHI MENON, Directrice de la Division des politiques d’ONU-Femmes, a rappelé que l’OCDE a été l’une des premières institutions à utiliser le mécanisme des marqueurs qui, a-t-elle expliqué, identifie les programmes, les fonds et les activités qui ont bénéficié –directement ou indirectement- à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.  En 2009, a-t-elle aussi rappelé, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a commencé à employer une version adaptée de ces marqueurs.  En 2010, ils ont commencé à être utilisés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dans les pays pilotes, notamment en Éthiopie et au Myanmar. 


Plusieurs processus pour utiliser ces marqueurs sont également en cours au sein du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a-t-elle précisé.  Ces efforts s’inscrivent dans une volonté d’avoir des données sexospécifiques qui pourraient servir de bases utiles pour la mise en place de politiques en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.  Les efforts entrepris ont été plus des « outils de mesure » car ils ont permis d’améliorer la qualité des programmes face à des réalités très différentes auxquelles font face les femmes et les filles dans le monde.


Mme LIANE SCHALATEK, Directrice associée de la Fondation Heinrich Böll- Amérique du Nord, a souligné que le fait d’adopter une approche paritaire dans la gestion des dépenses permettait de répondre avec efficacité aux effets délétères des changements climatiques.  Elle a parlé du Fonds de Copenhague pour le climat, estimant important d’en instrumentaliser les principes et de permettre aux pays d’accéder directement aux fonds sans passer par des intermédiaires. 


En matière de parité, a-t-elle poursuivi, il faut une expertise et un rôle renforcé des femmes dans la planification et la mise en œuvre des programmes de développement durable.  Le défi, a-t-elle reconnu, est que les stratégies économiques traditionnelles privilégient le rendement et ignorent les normes, valeurs ou objectifs immatériels tels que la parité entre les sexes.  Elle a rejeté l’« aide climatique » en tant que politique et plaidé plutôt pour des transferts de ressources obligatoires et compensatoires entre le Nord et le Sud.  En règle générale, elle a constaté avec amertume que la question du genre semble être « une arrière pensée » lorsque l’on crée les fonds.  Elle a donc réclamé un système d’audit pour toutes les dépenses liées aux changements climatiques.


Débat interactif


À la suite de ces exposés, la représentante de l’Islande a estimé, au nom des pays nordiques, que les progrès avaient été plus longs que prévus et que les plans financiers n’étaient pas à la hauteur des engagements pris par les institutions nationales ou internationales.


Elle a appelé les États à faire davantage pour trouver des mécanismes de financement efficaces et a réaffirmé le souhait de sa délégation de voir l’APD prendre en compte des objectifs d’égalité des sexes, conformément aux priorités nationales de développement.  


En attendant, la représentante de la Suisse a appelé d’emblée à l’augmentation des ressources financières d’ONU-Femmes.  Elle a constaté que la plupart des intervenants avaient déjà souligné que la croissance économique ne garantissait pas l’égalité mais qu’en revanche l’égalité favorisait la croissance. 


Notant les efforts des organisations internationales et des agences spécialisées, la représentante d’Israël a exprimé le souhait que celles-ci s’assurent bien qu’il y a des interactions entre, d’une part, les mécanismes présentés et, d’autre part, les ministères et la société civile, au niveau national.


Les représentantes d’ONU-Femmes et de la Banque mondiale, en particulier, ont été assaillies de questions s’agissant, entre autres, de leurs programmes et de leur collaboration avec les gouvernements et le secteur privé.


La Directrice de la Division des politiques d’ONU-Femmes a souligné que son Entité n’est en aucun cas isolée des systèmes nationauxs’agissant de l’évaluation des programmes car « sans cette proximité, les évaluations n’ont aucune valeur ajoutée ». 


Elle a observé que beaucoup de délégations avaient parlé de la crise économique mais qu’on ne pouvait toutefois pas éluder la question de l’impact de cette crise sur les budgets alloués aux questions d’égalité des sexes.  En ce qui concerne la collaboration avec le secteur privé, elle a salué les initiatives entreprises par l’ONU, notamment à travers le Pacte mondial.  Elle a rappelé que travailler à l’égalité voulait aussi dire agir à plusieurs niveaux, y compris à celui du secteur privé.   


S’agissant des critères que la Banque mondiale utilise pour accorder son appui, sa Directrice de l’égalité des sexes et du développement a précisé qu’il n’y avait pas de critères généraux qu’on peut appliquer partout.  Les programmes tentent avant tout de répondre à des besoins spécifiques et s’appuient, pour ce faire, sur des données ventilées par sexe.  


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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