Autochtones: l’Instance permanente entend des interventions appelant à des indemnisations équitables pour compenser les spoliations
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Instance permanente sur les questions autochtones
Onzième session
5e séance - matin
AUTOCHTONES: L’INSTANCE PERMANENTE ENTEND DES INTERVENTIONS APPELANT
À DES INDEMNISATIONS ÉQUITABLES POUR COMPENSER LES SPOLIATIONS
L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi, ce matin, son dialogue entamé il y a deux jours entre gouvernements, organisations de peuples autochtones et organismes des Nations Unies sur l’impact de la doctrine de la découverte.
Ce dialogue a été l’occasion pour des représentants de peuples autochtones de revendiquer une restitution des terres et des réparations équitables pour compenser les pertes subies pour les terres occupées.
À cet égard, ils ont rappelé la pertinence de l’article 28 de la DéclarationdesNationsUniessurlesdroitsdespeuplesautochtones qui stipule que les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n’est pas possible, d’une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu’ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Si le représentant d’International Native Tradition Interchange a fustigé la nature illégitime des bulles papales sur lesquelles certaines nations s’appuient encore pour justifier l’expropriation, plusieurs États membres ont présenté leurs initiatives de promotion des droits des peules autochtones.
Mettant l’accent sur la réconciliation et les initiatives de son pays pour promouvoir l’éducation en langue autochtone, le représentant du Canada a assuré que la rencontre de la Couronne et des Premières Nations, qui a eu lieu le 24 janvier 2012, permettrait de faire avancer le règlement des revendications et la mise en œuvre des traités.
Citant des mesures constitutionnelles garantissant le droit à des réparations pour des personnes ou communautés dépossédées de leurs terres après le 19 juin 1913, le représentant de l’Afrique du Sud a affirmé que 12 revendications avaient été réglées depuis l’adoption de la loi de 1994 sur la restitution du droit à la terre.
Si la Vice-Ministre chargée des populations autochtones du Honduras a mentionné un projet d’amendement de la Constitution visant à faire du Honduras un pays plurinational reconnaissant ses neuf peuples autochtones, la représentante du Nicaragua a cité la loi 45 qui engage l’État à compenser les autochtones pour les terres occupées ou dégradées en s’appuyant sur une conception allant au-delà de l’aspect uniquement matériel de la terre.
Malgré les initiatives de l’Australie et les excuses officielles présentées aux peuples aborigènes le 13 février 2008, la représentante du Congrès national des Premières Nations de l’Australie a regretté le manque d’appui populaire à la possibilité de mentionner les droits de la population autochtone dans la Constitution australienne. Elle a jugé indispensable que les éléments de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones soient intégrés à la Constitution.
De son côté, la représentante des étudiants du lycée Salamanca de la nation indienne Seneca de l’État de New York, a invité le pape à s’excuser et à venir à la rencontre des peuples autochtones pour examiner de visu les conséquences de cinq siècles de doctrine de la découverte.
L’observateur du Saint-Siège a, quant à lui, affirmé que les bulles papales justifiant la « doctrine » n’étaient que des vestiges historiques sans valeur spirituelle ou juridique.
La représentante des autochtones Tonatierra d’Arizona a estimé qu’il ne suffisait pas de s’excuser, mais qu’il fallait que le Saint-Siège prenne ses responsabilités, aujourd’hui, en vue de permettre l’invalidation définitive de cette doctrine.
Par ailleurs, les représentants du Programme des Nations Unies pour le développement en Bolivie (PNUD-Bolivie) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont présenté leurs initiatives aux niveaux national et régional en vue d’appuyer les principes de la « Déclaration » et consistant en une assistance à la demande des gouvernements pour veiller au respect des principes des droits de l’homme inscrits dans ce texte.
Au titre de ses travaux, l’Instance est notamment saisie d’une étude sur le devoir des États de protéger les peuples autochtones touchés par les activités de sociétés multinationales et d’autres entreprises commerciales*.
Ce rapport souligne que le bien-être et l’avenir des peuples autochtones dépendent directement des politiques et des mesures mises en place par les États et les institutions internationales, mais aussi de l’exercice par ces peuples de leurs droits politiques et économiques, de l’exploitation de leur potentiel humain, du renforcement de leurs économies traditionnelles, de la protection de leur environnement et de la mise en place d’un système juridique régissant leurs relations avec les grandes entreprises.
L’Instance permanente sur les questions autochtones poursuivra son dialogue, demain jeudi 10 mai, à 10 heures.
SUITE DU DÉBAT CONSACRÉ AU THÈME SPÉCIAL DE L’ANNÉE: « LA DOCTRINE DE LA DÉCOUVERTE: SON IMPACT DURABLE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES ET LE DROIT À RÉPARATION POUR LES CONQUÊTES DU PASSÉ (ART. 28 ET 37 DE LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES) »
Déclarations
M. AUCAN HUILCAMAN PAILLAMA, d’International Native Tradition Interchange, a insisté sur le fait que la doctrine de la découverte avait annihilé tous les droits des peuples autochtones. Il faut redresser cette injustice, a-t-il dit. Les actes relatifs à la doctrine de la découverte de la Couronne d’Espagne doivent être remis en question, notamment la question sur l’autodétermination. L’article 3 de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones doit être ainsi mis en œuvre, selon lui. Il a rappelé que le peuple mapuche avait signé un accord avec le Gouvernement du Chili pour défendre ses droits et, à ce titre, réclamait le respect de cet accord notamment un article prévoyant la restitution de propriétés expropriées sans consultations dans le cadre de la doctrine de la découverte. Pour le reste des préjudices subis, le peuple mapuche réclame des compensations et des réparations. En outre, Il faut constituer un groupe d’experts indépendants pour analyser les conséquences de la doctrine de la découverte, a-t-il affirmé.
M. DANIEL RICARD (Canada) a affirmé que la volonté de remédier aux séquelles laissées par les pensionnats indiens constituait un exemple concret des efforts du Canada pour promouvoir la réconciliation. Il a rappelé que le 11 juin 2008, le Premier Ministre avait présenté des excuses officielles « historiques » aux anciens élèves de ces pensionnats, pour ensuite évoquer les excuses présentées en 2010 par le Gouvernement pour les souffrances provoquées par la relocalisation, pendant les années 50, des familles inuites dans les communautés arctiques de Resolute Bay et de Grise Ford. La réconciliation, a-t-il ajouté, est également appuyée par les négociations avec les groupes autochtones sur les revendications territoriales et les accords d’autonomie. Ces accords entendent assurer la pleine exploitation du potentiel des terrains et leur gestion durable par les groupes autochtones et sont la base d’une nouvelle relation entre le Gouvernement et les groupes autochtones, a-t-il indiqué. Le représentant a ajouté que depuis 2007, 65 différends, dont certains étaient demeurés en suspens depuis plus de 20 ans, avaient été résolus.
M. Ricard a ensuite parlé du Plan d’action conjoint Canada-Premières Nations, qui a été lancé en 2011 et qui, a-t-il expliqué, a permis la création du Panel national sur l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations. Celui-ci devrait permettre de déboucher sur la présentation d’un projet de loi sur l’éducation des Premières Nations en 2014, a-t-il précisé. Le représentant a aussi assuré que suite à la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations, qui a eu lieu le 24 janvier 2012, le règlement des revendications et la mise en œuvre des traités, entre autres, iraient de l’avant. Il a également souligné que le budget du Canada pour l’année 2012 permettrait de financer notamment, l’éducation sur les réserves des Premières Nations, la formation professionnelle, l’examen de la possibilité d’autoriser la propriété privée sur les réserves, l’amélioration de l’infrastructure en eau ainsi que la violence domestique.
Mme YORIKO YASUKAVA, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Bolivie, a parlé des projets du PNUD en Bolivie qui visent généralement le renforcement des capacités des peuples autochtones grâce, notamment, à un appui financier. Ces projets visent à lutter, entre autres, contre les travaux forcés dans les communautés autochtones. En outre, la Bolivie a institué une loi-cadre de consultations appuyée par les Nations Unies. Elle élève au rang d’institution le dialogue entre les autorités et les représentants des peuples autochtones.
Le PNUD a aussi lancé un projet visant à favoriser un accès égal à toutes les populations aux services publics de santé et d’éducation. Des projets en faveur des femmes et des enfants sont aussi mis en œuvre, en particulier pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Le PNUD, a-t-elle ajouté, appuie des projets de promotion de la paix par le biais du dialogue et des consultations et exhorte toutes les parties à participer à ce dialogue.
Mme JODY BROUN, du Congrès national des Premières Nations de l’Australie, a souligné la nécessité de lutter contre la discrimination et de garantir aux peuples autochtones une réparation et une indemnisation justes, correctes et équitables pour les terres et ressources dont ils ont été privés. Elle a insisté sur l’importance du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies au regard de la situation des populations autochtones qui vivent dans des territoires non autonomes.
Évoquant un projet de référendum pour une réforme de la Constitution australienne, elle a mis l’accent sur une série de quatre recommandations présentées par le Congrès national pour éviter notamment que le Gouvernement n’exclut certains groupes du droit de vote. Elle a jugé indispensable que la Constitution interdise la discrimination fondée sur la race, la langue ou la culture. Elle a regretté le manque d’appui populaire, selon les enquêtes, de la population australienne à la possibilité de mentionner les droits de la population autochtone dans la Constitution. Elle a jugé indispensable que les éléments de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones soient intégrés à la Constitution australienne.
Mme GLORIA LOPEZ, Vice-Ministre des populations autochtones du Honduras, a présenté les initiatives de son pays en matière de promotion des droits des peuples autochtones. Elle a cité le décret du 12 octobre 2010 portant création du Secrétariat d’État des peuples autochtones qui permet désormais au Gouvernement d’intervenir spécifiquement en direction des peuples autochtones par le biais de politiques formulées en consultation avec ces populations sur les questions de la propriété foncière, de l’enseignement bilingue, de l’accès à la santé et de la gestion des ressources du sol et du sous-sol. Elle a également fait état d’un projet d’amendement de la Constitution visant à faire du Honduras un pays plurinational reconnaissant ses neuf peuples autochtones.
Mme DEA THIELE, du Réseau d’organisation des peuples autochtones d’Australie, a annoncé que le Réseau participait au processus de reconnaissance des populations aborigènes dans le pays. À cet égard, elle a déploré que la Constitution australienne ne garantisse pas le respect des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones. Les discriminations à caractère racial, éthique et culturel persistent en dépit du référendum constitutionnel de 1967 qui avait reconnu les droits des Premières Nations. Cette avancée constitutionnelle avait permis aux peuples autochtones d’Australie de retrouver leurs terres ancestrales et tous leurs droits, a-t-elle dit, ajoutant néanmoins: « On n’en est loin aujourd’hui ». Le Réseau recommande à l’Instance permanente d’entamer des consultations sur les constitutions nationales des pays où vivent les derniers peuples autochtones de la terre, a-t-elle déclaré.
Mme EVELYN TAYLOR (Nicaragua) a plaidé en faveur d’une institutionnalisation des « visions communes » sur les peuples autochtones, qui ont été concrétisées notamment par la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones et la création de l’Instance permanente sur les questions autochtones. « En tant que femme, je demande aux femmes des peuples autochtones de prendre leurs responsabilités pour réaliser leurs droits », a-t-elle dit.
Elle a ajouté que son pays adhérait à toutes les initiatives internationales visant la reconnaissance des peuples autochtones. Le Nicaragua respecte et réalise les droits des peuples autochtones en protégeant leur culture et leur histoire propres par des programmes relatifs à la santé, à l’éducation, à la culture et aux modes de production. Une attention particulière est accordée à l’agriculture car le Nicaragua vise l’indépendance alimentaire des peuples autochtones, a-t-elle ajouté.
Mme TARCILA RIVERA ZEA, de l’Assemblée continentale des femmes autochtones de la région Amérique du Sud, s’est inquiétée de la réalité du racisme et de la discrimination à l’égard des autochtones dans les trois Amériques. Elle a regretté que les processus de mise en œuvre des plans nationaux de protection des droits de l’homme n’aient pas inclus les représentants autochtones. Elle a noté que la Bolivie était le seul pays de la région à avoir intégré les principes de la Déclaration dans sa Constitution. Elle a exhorté l’Instance permanente à redoubler d’efforts afin d’encourager les États Membres à reconnaître les droits des peuples autochtones.
M. ALFONSO BARRAGUES, Conseiller des droits de l’homme du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a souligné l’importance d’intégrer la question des droits des peuples autochtones dans les processus de développement national et les programmes des Nations Unies. Il a souligné l’importance de la Déclaration en matière de promotion de la santé reproductive des femmes, des jeunes et des adolescents. Il a affirmé que le FNUAP travaillerait à promouvoir la Déclaration aux niveaux régional et national, et fournirait une assistance technique à la requête des gouvernements.
Au niveau international, le FNUAP a présidé les travaux du Groupe d’appui interinstitutions aux peuples autochtones dans le souci de promouvoir la coordination et le partage d’expérience. Il a mis l’accent sur les efforts du FNUAP en vue de réduire les taux de mortalité infantile et maternelle particulièrement élevés des populations autochtones, en tenant compte notamment de l’apport et des bénéfices de la médecine traditionnelle.
M. MASENJANA SIBANDZE (Afrique du Sud) a expliqué que la Constitution de son pays exigeait notamment du Gouvernement qu’il adopte des législations et mesures destinées à permettre aux citoyens de jouir d’un accès équitable à la terre et qu’il garantisse le droit à la restitution ou à des réparations des personnes ou communautés dépossédées de leurs terres après le 19 juin 1913, suite à l’adoption de lois discriminatoires.
Le représentant a affirmé que la loi de 1994 sur la restitution du droit à la terre stipulait que toute revendication devait être présentée avant le 31 décembre 1998 et, qu’à ce jour, 12 revendications avaient été réglées en faveur des communautés khoi et san. Trente-cinq revendications n’ont toujours pas été réglées, a-t-il ajouté, et les communautés khoi et san ont engagé le Gouvernement à réviser la date butoir du programme de restitution des terres de manière à répondre à la situation de ceux qui n’ont pu présenter leurs revendications avant le 31 décembre 1998.
M. MICHAEL HILL, du LipaanApache Women’s Defense, a dénoncé la doctrine de la découverte, critiquant au passage l’Église catholique, le Gouvernement australien, le Département de l’intérieur des États-Unis et les patrouilles de l’Arizona qui empêchent les Apaches d’accéder à leurs sites sacrés. En Arizona, a-t-il dit, ces sites sont exploités par la société Rio Tinto pour extraire des minerais. Il a ainsi demandé la condamnation et l’abrogation de la doctrine de la découverte par tous les États et l’Église catholique.
Mme MARÍA PAULINA DÁVILA (Colombie) a déclaré que la protection des droits et de la culture des peuples autochtones figurait parmi les priorités du Gouvernement. Depuis 1991, les peuples autochtones peuvent être élus au Congrès. La loi colombienne garantit l’égalité des droits et des cultures autochtones avec les autres. La juridiction autochtone est reconnue, a-t-elle souligné, ajoutant que 30% du territoire appartenait aux peuples autochtones.
La Constitution garantit les droits des minorités, a ajouté la représentante. La Colombie a adhéré à tous les instruments juridiques internationaux en faveur des peuples autochtones. Au Ministère de l’intérieur, des progrès sont enregistrés dans la mise en œuvre d’un programme prévoyant des consultations avec les peuples autochtones pour tout projet relatif à la terre et aux peuples autochtones. La loi prévoit également la compensation et la restitution des terres des peuples autochtones. Il reste néanmoins des défis à relever, mais, a-t-elle assuré, ils seront atteints grâce au cadre juridique déjà mis en place, au dialogue et aux consultations avec les peuples autochtones et les autres groupes de minorités du pays.
Mme LORI JOHNSTON, du peuple yasmani et de la Fondation kaoni, a exhorté le Conseil des droits de l’homme à demander des sanctions à l’encontre des pays violant la Convention de Genève dans leurs relations avec les peuples autochtones.
M. JULIO CESAR XICAY, membre maya du Congrès national du Guatemala, s’est inquiété des activités d’exploration minière dans les forêts, les rivières et les lieux sacrés du territoire autochtone de Totonicapán. Il a précisé que le Guatemala était saisi de 699 demandes d’exploration minière dont 354 sont actuellement examinées et 120 pourraient être accordées cette année. Il a jugé inacceptable le fait que les études d’impact environnemental de ces projets d’exploration aient été confiées aux sociétés qui souhaitent s’implanter, dont il a mis en doute la partialité.
Il a jugé déterminant de sensibiliser les populations sur les conséquences de ces explorations en notant que 60% de la population guatémaltèque ne connaissait pas les problèmes relatifs à la protection de l’environnement et de ses conséquences pour les populations autochtones. Il s’est dit inquiet des récentes déclarations du Ministre des mines du Guatemala qui a dit sa volonté d’attirer plus d’entreprises d’exploration au Guatemala.
M. JOHN DIEFFENBACHER-KRALL, du Conseil consultatif anglican, a reconnu que la doctrine de la découverte fonctionnait encore actuellement dans certains États. Elle a été maintenue pour préserver leur domination, a-t-il dit. Le Conseil consultatif anglican exhorte l’Instance permanente et les États à supprimer les lois basées sur la doctrine de la découverte, a-t-il ajouté. Toutes négociations entre autochtones et États doivent, de même, respecter le principe des consultations préalables. L’Instance permanente doit examiner les analyses des experts sur cette doctrine pour éradiquer ses émanations actuelles des lois nationales.
M. RAFAEL ARCHONDO (Bolivie) a accepté les critiques formulées hier contre le Président bolivien Evo Morales par des représentants de la société civile. Le Président Morales est le premier Président issu des peuples autochtones de la Bolivie, a-t-il rappelé, ajoutant que, grâce à ces critiques, le Gouvernement pouvait corriger des erreurs. Les critiques au sein de l’Instance montrent l’esprit d’ouverture du Gouvernement bolivien, a-t-il estimé.
Le représentant a assuré que la nouvelle Constitution de son pays garantissait les droits civiques de tous les Boliviens, y compris les autochtones. Le pouvoir des autochtones ne peut pas être nié, a-t-il ajouté. En Bolivie, les magistrats sont élus directement par les populations, y compris les peuples autochtones.
M. NADIR BEKIROV, de la Fondation pour la recherche et le soutien aux peuples autochtones de la Crimée, a dénoncé les violations des droits des peuples autochtones de la Crimée qui a été occupée par le Tsar de Russie, avant d’être annexée par l’Union soviétique puis de devenir partie intégrante de l’Ukraine. Il a expliqué que l’empire russe avait exercé une oppression terrible, accompagnée de massacres des populations khanat deCrimée. Il a fait état de manipulations visant à s’approprier les terres des Khanat, rappelant que ce n’est pas parce qu’Isaac Newton avait découvert la gravité qu’elle lui appartient.
Il a déclaré que les droits des peuples autochtones de Crimée n’étaient pas respectés, bien que l’article 11 de la Constitution ukrainienne mentionne la liberté des peuples autochtones. C’est pourquoi, il a exhorté la communauté internationale et l’Instance permanente à tout mettre en œuvre pour que les autochtones de Crimée puissent bénéficier de la « Déclaration » et de toutes les normes internationales en vigueur.
Au nom des étudiants du lycée Salamanca du territoire de la nation indienne Seneca de l’État de New York, Mme BREANN CROUSE, s’est dite choquée par le concept de terra nullius, en invitant le pape à venir à la rencontre des peuples autochtones pour examiner de visu les conséquences de cinq siècles de doctrine de la découverte qui trouve sa justification dans des bulles papales. Elle a exprimé la volonté des jeunes de la nation Seneca de redonner vie à sa culture et à sa langue en espérant que la communauté autochtone appuierait leurs efforts. En outre, elle a exhorté l’Instance à aller au-delà des articles 28 et 37 de la « Déclaration », en demandant que le pape présente ses excuses aux peuples autochtones pour les dommages subis en raison de cette doctrine de la découverte.
M. ASHUR ESKRYA, d’AssyrianAid Society, a fait part de la souffrance des Assyriens qui, a-t-il dit, ont tout perdu à cause de la doctrine de la découverte. La tentative visant à faire disparaître les Assyriens est pire que les pires crimes de guerre de toute l’Histoire, a-t-il estimé. Pour préserver cette communauté, il faut notamment préserver la langue syriaque, langue de Jésus Christ lui-même, a-t-il dit. Il s’est félicité que la langue syriaque soit enseignée dans diverses régions d’Iraq. Par ailleurs, il a affirmé que les Assyriens étaient représentés au Gouvernement, au Parlement et dans les différentes institutions de l’Iraq actuel et dans les provinces. Il a néanmoins regretté que le nombre des Assyriens ait diminué depuis des années passant de plus d’un million d’individus à environ 700 000 aujourd’hui.
Mme JANE FLETCHER (Nouvelle-Zélande) a déclaré que son pays n’avait pas une Constitution unique mais qu’il disposait de divers arrangements constitutionnels, y compris le Traité de Waitangi. Des arrangements ont été faits avec le peuple maori, grâce au travail du Groupe consultatif pour le respect des droits des peuples autochtones. Il s’agit, a-t-elle précisé, d’arrangements sur sa représentation dans les différentes institutions du pays.
Mme JALISSA ROSS, de l’Église méthodiste unie, a demandé l’élimination de la doctrine de la découverte en souhaitant le lancement d’un processus de réconciliation entre l’Église et les populations autochtones. Outre l’Église, elle a jugé indispensable que les États prennent conscience aussi de l’impact de la doctrine de la découverte. Elle a espéré qu’une étude internationale sur les effets de la doctrine sur la santé, la psychologie, le bien-être social, les terres, les ressources, le droit foncier contribue à identifier des mesures susceptibles d’être mises en œuvre.
Réagissant à plusieurs interventions appelant à la responsabilité du pape, M. LUCAS SWANEPOEL, observateur du Saint-Siège, a tenu à réaffirmer, qu’aux yeux du Saint-Siège, les bulles papales invoquées ne sont que des vestiges historiques sans aucune valeur spirituelle ou juridique. Quant à la nécessité pour le pape de répondre à ses responsabilités, il a invité les intervenants à consulter le site Internet du Vatican pour y lire les nombreuses excuses demandées par les papes Jean-Paul II puis Benoît XVI sur cette question.
Mme MARIA TOJ, de la délégation autochtone guatémaltèque (Naleb), a regretté l’imposition au Guatemala d’un modèle de développement économique au détriment des modèles de développement des populations autochtones. Elle s’est inquiétée des effets de la doctrine de la découverte sur l’exploitation des terres autochtones à des fins d’exploration minière. Elle a regretté que face à l’opposition de 50 communautés autochtones à des projets d’exploration minière, le Gouvernement avait préféré procéder à l’arrestation de dirigeants autochtones plutôt que de chercher un compromis. Elle a exhorté tous les États à répondre aux exigences des communautés pour éviter des conflits.
Mme TONYA GONELLA FRICHNER, de Tonatierra, a mis l’accent sur les mesures à prendre pour effacer les effets de la doctrine de la découverte. Il s’agit, entre autres, de faire participer tous les peuples autochtones aux processus de prise de décisions les concernant, de mener des études sur l’impact de la doctrine de la découverte sur l’accord de libre échange d’Amérique du Nord, de promouvoir l’égalité entre les peuples autochtones et les autres peuples du monde. S’agissant de la déclaration de l’observateur du Saint-Siège, il ne suffit pas, selon elle, de dire que l’Église ne reconnaît plus la validité de la doctrine de la découverte, mais encore faut-il en assumer toutes les conséquences.
M. ROGELIO MERCADO DAMIAN, Secrétaire des peuples autochtones de Michuacan du Mexique, a dénoncé les conséquences de l’application de la doctrine de la découverte au Mexique, qui, aujourd’hui encore, continue de tuer des gens. De même, des terres autochtones sont réquisitionnées par des groupes paramilitaires obligeant les communautés à se déplacer. Il a demandé l’organisation d’une conférence internationale sur la communication, en 2014, au Mexique.
M. MANGAL KUMAR CHAKMA, de l’Organisation Parbatya Chattagram Jana Samhati Samiti du Bangladesh, s’est inquiété des conséquences des initiatives du Gouvernement du Bangladesh au mépris du droit des autochtones. Il a rappelé qu’en 1960 le barrage de Kaptai avait inondé les terres et foyers des populations juma. Il a indiqué qu’un accord entre le Gouvernement et les populations autochtones ne pouvait être appliqué depuis trois ans en raison de freins liés à la gouvernance locale. C’est pourquoi, il a exhorté l’Instance permanente à demander au Gouvernement du Népal de présenter une feuille de route avec un échéancier précis pour la mise en œuvre de cet accord.
Mme TINA WILLIAMS, du New South Wales Aboriginal Land Council, a souhaité que l’on encourage les États à permettre aux populations autochtones de jouir de leurs droits, conformément aux dispositions de la « Déclaration ». Elle a jugé indispensable d’identifier les cas où il y a un manque flagrant de protection. Elle a regretté la persistance d’un dogmatisme en contradiction avec les droits des peuples autochtones au sein de l’État australien. Elle a dit que la rhétorique du Gouvernement en faveur des populations autochtones continuait de masquer des approches d’aval en amont. Elle a jugé indispensable de mettre fin aux mesures discriminatoires contenues dans la Constitution australienne.
M. PRATAP SINGH NACHHIRING, des peuples autochtones du Népal, a dénoncé le déni des droits des autochtones népalais par le Gouvernement qui ne garantit ni leurs droits civiques ni leur droit à participer à l’Assemblée constituante. Cet échec du Gouvernement peut causer des dommages irréparables pour les peuples autochtones et empêche l’inscription des droits des peuples autochtones dans la future constitution au profit des droits des castes élevées du pays, a-t-il dit. Des décisions sans consultations des peuples autochtones font peser des menaces sur leurs droits sur les terres, a-t-il ajouté, parlant de discrimination de la part du Gouvernement à l’égard des autochtones népalais.
Mme SAOUDATA ABOUBACRINE, du peuple Tinhinan du Mali et d’Afrique de l’Ouest, a dit que les Touaregs avaient repris la région du Nord-Mali ou l’Azawad. Elle a évoqué les exactions passées du Gouvernement central du Mali. Puis, elle a attiré l’attention de l’Instance permanente et de la communauté internationale sur le danger qui guette l’Azawad et les peuples autochtones du Nord-Mali en raison de la sécheresse qui frappe la région actuellement. Elle a aussi lancé un appel pour le respect des droits des peuples autochtones, la promotion de la paix entre tous les peuples et tous les pays de la région.
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