Comité des droits de l’homme: « nous ne nous cachons plus la vérité » rassure le Guatemala, conscient de la violence sexiste et de la discrimination à l’égard des autochtones
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Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
Comité des droits de l’homme
Cent-quatrième session
2875e séance – matin
COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME: « NOUS NE NOUS CACHONS PLUS LA VÉRITÉ », RASSURE LE GUATEMALA,
CONSCIENT DE LA VIOLENCE SEXISTE ET DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES AUTOCHTONES
Au cours de la dernière séance d’examen, ce matin, du troisième rapport périodique du Guatemala, les experts du Comité des droits de l’homme ont confirmé leurs inquiétudes au sujet de la violence sexiste et de la discrimination à l’égard des populations autochtones.
Le fémicide a-t-il toujours existé? s’est interrogé l’Expertdu Kazakhstan. Oui, a répondu la délégation, mais avant, ces crimes étaient classés dans la catégorie des homicides. Elle a imputé les difficultés qui ont entouré la promulgation d’une loi spécifique « au machisme et au patriarcat ». Dans sa réponse sur la surpopulation carcérale, la délégation a indiqué que le personnel pénitentiaire comprendra désormais plus de femmes pour mettre un terme aux abus des gardiens.
Aux questions des experts sur la discrimination à l’égard des populations autochtones, la délégation a répondu que le Gouvernement songe à l’établissement d’un cadre administratif pour des consultations avec ces populations et à la création d’une unité de justice spécifique. Elle a reconnu que la loi sur la reconnaissance des lieux sacrés mayas reste bloquée au Parlement.
De nombreuses questions sont restées sans réponse; la délégation demandant un délai supplémentaire. Non sans humour, l’Expert de la Suède a rappelé les prédictions du calendrier maya qui prévoit la fin du monde pour le 21 décembre 2012.
Invoquant la propre expérience de son pays, l’Experte de l’Afrique du Sud et Présidente du Comité a reconnu qu’après un passé violent, il est très difficile de mettre en place des institutions respectueuses de l’état de droit.
« La route est encore longue », a acquiescé le Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies, qui conduisait une délégation de neuf personnes. Mais, a-t-il rassuré, « les attitudes ont changé: nous ne nous cachons plus la vérité ».
Demain mercredi 21 mars, à partir de 10 heures, le Comité des droits de l’homme entamera l’examen du rapport du Cap-Vert.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE
Troisième rapport périodique du Guatemala CCPR/C/GTM/3
Réponse de la délégation
La délégation a tenu à souligner que chaque fois que des « états d’exception » ont été décrétés dans le pays, les Nations Unies en ont été informées.
Quant à la question des experts sur l’accès à la contraception, la délégation a affirmé que la sécurité sociale rembourse toutes les femmes, y compris dans les zones rurales. En cas de maternité, les femmes ont 30 jours de congé avant l’accouchement et 54 jours après.
La loi sur l’interdiction de l’avortement est identique à celle d’autres pays mais le Gouvernement réfléchit à l’opportunité de modifier les textes en vigueur. Au sujet de la violence contre les femmes, la délégation a reconnu ne pas avoir les données qui lui permettraient de trouver une solution définitive à ce fléau. Elle a tout de même relevé que 134 cas de fémicides ont été comptabilisés ces derniers mois, et que, pour la moitié des cas, les auteurs de ces atrocités ont été condamnés.
Les autorités nationales ont formé des juges et des policiers à la violence sexiste. Un diplôme de formation en fémicide est même décerné par l’Université publique de San Carlos. La délégation a annoncé que depuis le lancement de ce module spécial en 2009, le nombre d’étudiants est passé de 657 personnes à 1 016 en 2011; les bénéficiaires étant le personnel judiciaire et celui des services sociaux. En outre, des campagnes de sensibilisation à large échelle et en langues locales sont menées à travers les mairies.
Revenant sur le problème des Maquillas et notamment la discrimination à l’emploi dont seraient victimes les femmes dans ces zones franches industrielles, la délégation a confié que des lois spécifiques sur le sujet sont en cours de préparation.
S’agissant des Conseils locaux de sécurité qui semblent avoir consacré la privatisation du secteur de la sécurité au Guatemala, la délégation a souligné que la Police est l’autorité qui coordonne l’activité de ces Conseils, sous la coupole du Ministère de l’intérieur. Quant aux allégations sur la cinquantaine de lynchages par des gardes privés, la délégation a affirmé qu’une enquête était encore en cours et qu’aucune arrestation n’avait été effectuée pour le moment. La bonne nouvelle, s’est-elle vantée, est l’annonce faite par le Président guatémaltèque sur les mesures nécessaires au renforcement de l’efficacité de la justice.
Question de suivi
M. NIGEL RODLEY, Expert du Royaume-Uni, a voulu s’assurer que les personnes qui prenaient part aux patrouilles combinées, il y a 25 ans, n’en font plus partie.
La délégation a d’abord insisté sur l’importance qu’il y a à doter la Police nationale de suffisamment de ressources et de lui offrir la formation requise. La loi, a-t-elle souligné, fixe clairement les limites des compagnies privées de sécurité et le Gouvernement les contrôle de près. Aujourd’hui, contrairement au passé, le port d’arme est strictement réglementé. L’armée, a encore souligné la délégation, n’est pas autorisée à procéder aux arrestations.
La délégation a également affirmé que les patrouilles d’autodéfense civile ne peuvent pas renaître aujourd’hui. Non seulement personne ne veut les voir renaître mais en outre, le système judiciaire punit très sévèrement les crimes commis, dans le passé, par ces patrouilles. Par ailleurs, le Ministère de l’intérieur est en train de réinstaller des postes de police là où elle n’était plus présente.
Nouvelles questions des experts
Quelles sont les mesures prises pour interdire l’accès aux armes légères et de petit calibre? a insisté M. WALTER KAELIN, Expert de la Suisse. Il a également voulu savoir comment le Gouvernement entendait lutter contre la surpopulation carcérale, compte tenu du fait que sa politique répressive entrainera forcément l’augmentation du nombre de prisonniers.
Qu’en est-il de la séparation des présumés coupables et des condamnés, des mineurs et des adultes? L’expert a aussi réclamé de nouvelles données sur la violence entre détenus et des précisions sur les mesures contre la violence dont sont victimes les femmes incarcérées.
Mme MARGO WATERVAL, Experte du Suriname, a voulu savoir quelle formation recevait le personnel judiciaire sur l’application du Pacte. Qu’en est-il de la mise en œuvre des politiques de renforcement des capacités d’enquête et de la coordination entre les organes de sécurité et le système judiciaire?
L’experte a estimé que l’accès des populations autochtones à la justice n’est pas suffisant et s’est interrogée sur la protection des victimes et des témoins.
M. FABIAN OMAR SALVIOLI, Expert de l’Argentine, a voulu savoir si le Guatemala disposait d’une loi sur le classement des expressions xénophobes. La justice a-t-elle été saisie de cas de discriminations raciales? Il s’est également inquiété du sort des défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux des populations autochtones.
Quelle est la stratégie pour prévenir les accusations non fondées contre les défenseurs des droits de l’homme, lesquels sont souvent étiquetés de « terroristes ». Il a aussi voulu savoir combien de personnes avaient été condamnées pour avoir attaqué des défenseurs de droits de l’homme. Est-il envisagé de réformer la loi autorisant un procureur à classer un dossier avant même de s’entretenir avec les victimes?
L’expert s’est également dit préoccupé par la « violation systématique » des droits des populations autochtones, allant de l’accès à la terre au mépris des engagements historiques ou pris lors de la signature des accords de paix. Que fait le Gouvernement pour protéger cette population des déplacements forcés et des attaques menées par les militaires et autres éléments armés?
Mme CHRISTINE CHANET, Experte de la France, a demandé des précisions sur la diffusion du Pacte au Guatemala, constatant que celle-ci était plutôt limitée. Les médecins manquent énormément de connaissance lorsqu’ils ont à traiter des cas de viols ou de femmes battues, a-t-elle par exemple observé. Elle a également voulu savoir comment le Gouvernement comptait s’y prendre pour diffuser des versions abrégées des instruments internationaux.
M. KRISTER THELIN, Expert de la Suède, a tout d’abord évoqué avec une touche d’humour les prédictions du calendrier maya qui stipule que la fin du monde aura lieu en 2012. Il a ensuite demandé des précisions sur la compétence des tribunaux militaires. En 2001, il vous a été recommandé d’amender la législation pour limiter leur juridiction. Qu’en est-il?
M. AHMED AMIN FATHALLA, Expert de l’Égypte, a demandé des précisions sur l’accès à la justice dans l’ensemble du territoire.
M. YUJI IWASAWA, Expert du Japon, a parlé de l’intégration du droit coutumier dans la législation nationale. Il a réclamé des précisions sur la proposition du Gouvernement concernant les populations autochtones.
M. LAZHARI BOUZID, Expert de l’Algérie, a voulu savoir si l’État finançait les services juridiques pour les populations autochtones. Quel pourcentage de juges maitrise parfaitement une des langues autochtones? Il a aussi demandé des précisions sur l’adoption du projet de loi sur les lieux sacrés autochtones. Outre les églises, d’autres lieux de culte sont-ils enregistrés auprès du Gouvernement?
Réponse de la délégation
Au sujet de la surpopulation carcérale, la délégation a indiqué qu’une prison de haute sécurité est en cours de construction et que des mesures législatives sont à l’étude pour libérer des détenus dont les peines arrivent à terme. Quelque 12 500 personnes sont incarcérées au Guatemala, a révélé la délégation, précisant que 6 500 sont déjà condamnées tandis que les autres sont en détention préventive.
En ce qui concerne des personnes détenues dans des centres de détention de l’armée, elle a souligné que ces centres sont hérités d’une époque où l’armée gérait ce genre d’établissements mais aujourd’hui ce sont les autorités pénitentiaires qui le font. La délégation a avoué que les détenues ne sont pas surveillées par du personnel féminin. L’administration pénitentiaire a un problème de personnel, a-t-elle expliqué.
Elle a ensuite insisté sur le fait que les tribunaux militaires n’existent plus dans le pays, et que les militaires ayant commis des délits sont désormais jugés par des tribunaux civils.
Un numéro de téléphone vert, a poursuivi la délégation, permet aux défenseurs des droits de l’homme de demander de l’aide en cas d’urgence. Quelque 667 mesures particulières de protection permettent d’assurer la sécurité des catégories sociales telles que les journalistes, les syndicalistes et autres hommes politiques.
Revenant sur la diffusion des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, la délégation a expliqué que les efforts des autorités sont orientés vers la pédagogie.
Elle a par ailleurs reconnu que le Guatemala n’a pas de loi sur la xénophobie et après s’être vantée de la liberté de culte qui règne dans le pays, elle a tout de même reconnu que la loi sur la reconnaissance des lieux sacrés mayas reste bloquée au Parlement.
« L’État du Guatemala n’a pas consulté les populations autochtones sur des questions liées à leur vie quotidienne », a aussi reconnu la délégation. Toutes les consultations ont été menées par les autorités communautaires. C’est pour cette raison, s’est-elle justifiée, que les résultats de ces consultations n’ont pas été pris en compte par les autorités nationales. Le Gouvernement souhaiterait établir un cadre administratif pour ces consultations, a ajouté la délégation.
Sur la réforme du système judiciaire, la délégation a présenté le document pertinent qui couvre le prochain plan quinquennal du Gouvernement, notamment les changements prévus dans le fonctionnement des tribunaux. Elle s’est félicitée du fait que toutes les municipalités du pays comptent un tribunal, même si les 81 interprètes en service, couvrant 15 langues, restent insuffisants. Dans ce contexte, une unité en charge des questions autochtones au sein du système judiciaire sera créée dès ce jeudi, a annoncé la délégation.
Quant aux mineurs, la délégation a expliqué que devenus majeurs, leur transfert vers des zones réservées aux adultes n’est pas toujours automatique.
Dans le cadre de la lutte contre la violence sexiste, elle a noté qu’un protocole du Ministère de la santé prévoit par exemple la formation de 24 psychologues.
Questions de suivi
M. CORNELIUS FLINTERMAN, Expert des Pays-Bas, a rappelé qu’il y a 11 ans, le Comité avait recommandé au Guatemala de modifier sa législation pour autoriser l’avortement dans des circonstances exceptionnelles. Qu’en est-il, car une interdiction générale de l’avortement pose problème? Il est également revenu sur la diffusion du Protocole facultatif relatif à la saisine du Comité des droits de l’homme par des individus ou des groupes d’individus.
L’Expert de la Suisse a dit vouloir connaître non pas le nombre des détenus mais les données actualisées sur le nombre de personnes ayant succombé à une mort violente en prison. Il a également demandé des précisions sur l’accès aux soins dans les prisons. Les détenus peuvent-ils se faire soigner à l’extérieur? Quelle est la politique sur le dépistage du VIH/sida dans les prisons?
M. MARAT SARSEMBAYEV, Expert du Kazakhstan, a voulu savoir si le fémicide avait toujours existé dans le pays. Oui, a répondu la délégation. Mais avant, ces crimes étaient classés dans la catégorie des homicides. Les femmes assassinées sont souvent violées, torturées et frappées avant d’être tuées et il n’a pas été facile de promulguer une loi spécifique à cause des obstacles du machisme et du patriarcat.
L’Expert de l’Argentine a déploré le fait que la xénophobie ne soit pas punie par loi. Il a aussi dénoncé le fait que les consultations avec les populations autochtones restent sans suite. Qu’est-il fait dans la pratique pour protéger les défenseurs des droits de l’homme.
« Si la Constitution protège la vie d’une personne qui n’est pas encore née, elle ne protége pas en revanche la vie des personnes déjà nées, à savoir les femmes qui risquent de perdre la vie en la donnant », a fait observer l’Expert. La délégation a tout d’abord précisé que les avortements thérapeutiques étaient autorisés au Guatemala. Elle a ensuite indiqué que l’État essaie de promulguer un règlement pour les consultations avec les populations autochtones.
Le problème de ces consultations, a-t-elle expliqué, est que la réponse n’est jamais oui ou non, souhaitez-vous oui ou non une extraction minière ou une construction routière? Un règlement sur la méthodologie sera promulgué prochainement qui tiendra dûment compte de la « cosmovision » des peuples autochtones.
L’Expert de l’Égypte a voulu des précisions sur l’accès à la justice dans l’ensemble du territoire.
Un long chemin a été parcouru, a assuré la délégation après l’attitude défensive du Gouvernement et la négation des faits. Aujourd’hui, l’État s’évertue à honorer ses obligations et à édifier une société plus démocratique, plus tolérante et plus respectueuse des droits de l’homme. La route est encore longue et la liste des questions posées par les experts en est la preuve. Mais ce qui est important, c’est que les attitudes ont changé: nous ne cachons plus les faits, a conclu la délégation.
Remarque de clôture
La Présidente du Comité et Experte de l’Afrique du Sud, Mme ZONKE ZANELE MAJODINA, s’est félicitée du dialogue constructif entre la délégation et les experts et a salué les politiques mises en œuvre par le Guatemala pour améliorer le respect du Pacte. Elle s’est cependant inquiétée des répercussions du conflit armé, parlant plus particulièrement de la question des réparations, de la non-abolition de la peine de mort et de la protection des droits des populations autochtones. Elle a également évoqué la question de la sécurité, dont les patrouilles mixtes.
La Présidente s’est aussi dite préoccupée par l’interdiction de l’avortement. Elle a appelé le Gouvernement à se montrer plus ferme face aux attaques contre les défenseurs des droits de l’homme. Invoquant l’expérience de son propre pays, elle a reconnu qu’après un passé violent, il est très difficile de mettre en place des institutions respectueuses de l’état de droit.
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