En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/13418-SC/10186-AFR/2124

Le Secrétaire général demande au Conseil de sécurité d’envisager des mesures concrètes en Libye

25/02/2011
Secrétaire généralSG/SM/13418
SC/10186
AFR/2124
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DEMANDE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ D’ENVISAGER DES MESURES CONCRÈTES EN LIBYE


On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, lors de la réunion du Conseil de sécurité sur la paix et la sécurité en Afrique, le 25 février, à New York:


Je remercie le Conseil de l’occasion qui m’est offerte de lui faire un exposé cet après-midi.  La question inscrite à notre ordre du jour porte sur la paix et la sécurité en Afrique.  Avant de débattre de la situation extrêmement inquiétante en Libye, je voudrais informer brièvement le Conseil de l’évolution de la situation dans d’autres parties de l’Afrique.


Nous sommes tous vivement préoccupés par la dégradation de la situation au plan de la sécurité en Côte d’Ivoire, comme le Conseil l’a peut-être vu dans la déclaration que j’ai faite plus tôt dans la journée.  Les affrontements opposant les forces de sécurité loyales à M. Gbagbo et des groupes armés ont causé de nombreuses victimes civiles dans plusieurs parties d’Abidjan.


Des informations font également état d’une reprise des combats dans l’ouest du pays.  Une fois encore, j’exhorte les forces de sécurité loyales à M. Gbagbo à mettre fin à la violence.  De toute évidence, il incombe au Gouvernement de protéger la population civile.  Ses forces armées doivent s’acquitter de ces responsabilités de manière professionnelle et impartiale.  J’appelle de nouveau, comme je l’ai fait dans la déclaration que j’ai prononcée vendredi 18 février, le camp de M. Gbagbo à mettre fin à la mobilisation militaire actuelle et aux attaques contre la population civile et de cesser d’entraver le déroulement de notre opération de maintien de la paix, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).  Je redoute vivement que la Côte d’Ivoire ne soit sur le point de replonger dans la guerre civile.  Le temps nous est compté.  Si le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine n’intervient pas de manière décisive pour trouver une solution, toute son action pourrait être dépassée par les événements. 


Je note avec une vive préoccupation que les forces de M. Gbagbo ont continué d’attaquer les civils et de violer les droits de l’homme même après la récente visite du Groupe.  Je crois savoir que le Groupe se réunira de nouveau à Nouakchott, en Mauritanie, dans les prochains jours.  Le peuple ivoirien et la communauté internationale comptent sur lui pour trouver une issue pacifique à cette crise.


Dans le même temps, l’ONUCI s’emploie à maintenir les voies de communication ouvertes tant avec le gouvernement du Président Ouattara qu’avec le camp de M. Gbagbo.  L’ONUCI continue de surveiller les violations des droits de l’homme, de mener des enquêtes à leur sujet et d’effectuer des patrouilles pour protéger les civils.


Comme je l’ai déjà dit, la Côte d’Ivoire représente un test pour la démocratie dans toute l’Afrique.  Plus de 20 élections doivent se tenir sur tout le continent cette année.  Comme ailleurs, les dirigeants de la région doivent écouter leur peuple.  Ils doivent respecter les droits de l’homme fondamentaux.  Pour ce qui est de la démocratie et des élections libres, c’est la volonté du peuple qui doit l’emporter.


Nous sommes réunis à un moment crucial, qui pourrait s’avérer décisif pour le monde arabe.  Des questions fondamentales de paix et de stabilité sont en jeu, tout particulièrement en ce moment en Libye. 


Depuis que mon Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Lynn Pascoe, a fait le point de la situation au Conseil cette semaine, des informations n’ont cessé de faire état d’actes de violence et du recours à la force.  Selon les estimations, plus de 1 000 personnes ont été tuées.  Il semblerait que la partie orientale du pays soit aux mains d’éléments de l’opposition, qui se sont emparés des armes et des munitions dans les dépôts d’armes.  Des affrontements ont lieu chaque jour dans au moins trois villes près de Tripoli.  Les rues de la capitale sont en grande partie désertes.  Les habitants ne peuvent pas quitter leurs maisons de peur de se faire abattre par les forces gouvernementales ou les milices.  Les partisans du colonel Kadhafi effectueraient des perquisitions et des arrestations, maison par maison.  Selon certaines sources, ils se seraient même rendus dans les hôpitaux pour y tuer des opposants blessés.


Aujourd’hui, des affrontements ont encore eu lieu, faisant de nombreuses victimes.  Dans leurs déclarations publiques, le colonel Kadhafi et les membres de sa famille ont continué à brandir aux citoyens la menace d’une guerre civile et de massacres si les manifestations se poursuivaient.  Il y a d’autres allégations de meurtres de soldats qui refusaient de tirer sur leurs compatriotes.


Disons-le franchement : ces récits de journalistes, de groupes d’activistes des droits de l’homme et de civils présents sur le terrain suscitent de graves inquiétudes concernant la nature et à l’ampleur du conflit.  Il y a des allégations de meurtres à l’aveugle, d’arrestations arbitraires, de tirs sur des manifestants pacifiques, d’incarcération et de torture des opposants, et de recours à des mercenaires étrangers.  Des informations font aussi état de la présence de femmes et d’enfants parmi les victimes, et d’attaques aveugles visant des étrangers soupçonnés d’être des mercenaires.  Nous savons, par le Croissant-Rouge et le Comité international de la Croix-Rouge, que des obstacles entravent gravement la prestation de soins médicaux et l’accès des travailleurs humanitaires.  Nous ne possédons aucune preuve concluante, mais les informations reçues semblent être crédibles et cohérentes.


Je pense fermement que la première obligation de la communauté internationale est de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la protection immédiate des civils qui se trouvent en situation de danger manifeste.  En effet, si l’on a besoin de preuves supplémentaires, il faut les chercher tout en apportant des mesures de protection.


Aujourd’hui, le Conseil des droits de l’homme a organisé une session extraordinaire à la demande de près de 50 États Membres, membres et non-membres du Conseil.  C’est la première fois que le Conseil des droits de l’homme consacre une session extraordinaire à un des ses membres.  Je me félicite de la ferme position adoptée aujourd’hui par le Conseil des droits de l’homme en décidant de constituer une commission d’enquête internationale indépendante, et je lui promets mon plein appui.  Je prends également note de la recommandation faite par le Conseil des droits de l’homme à l’Assemblée générale l’invitant à envisager de suspendre la Libye du Conseil des droits de l’homme.


À cet égard, je voudrais souligner la déclaration qu’a faite Mme Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, au Conseil des droits de l’homme.  Elle a rappelé aux États Membres que, lorsqu’un État ne protège manifestement pas sa population contre de graves crimes internationaux, la communauté internationale a la responsabilité d’intervenir et de prendre des mesures de protection de manière collective, opportune et décisive.


Je voudrais également signaler que tout porte à croire qu’une crise de réfugiés et de personnes déplacées se profile.  Le personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en activité le long de la frontière entre la Tunisie et la Libye, a indiqué qu’un flux constant de personnes quittait le pays depuis le 22 février.  Environ 22 000 personnes se sont enfuies vers la Tunisie, et  15 000 autres vers l’Égypte.  Cependant, l’on craint qu’un plus grand nombre de résidents et de travailleurs migrants soient en fait piégés et incapables de se sauver.


Nombre de ceux qui ont traversé la frontière ont raconté à des représentants du HCR que leur périple avait été terrifiant.  De nombreuses informations indiquent que des réfugiés ont été harcelés et menacés avec des armes et des couteaux.  Il est crucial que les organismes humanitaires puissent accéder aux régions frontalières.  Il importe également que les États voisins, y compris l’Europe, gardent leurs frontières ouvertes à la population fuyant la Libye.  Nous nous attendons à ce que la situation se détériore, le Programme alimentaire mondial se montrant inquiet quant aux réserves alimentaires de la Libye.


Nous avons entendu des déclarations fermes de la part de nombreux dirigeants internationaux et d’organisations internationales, dont la Ligue des États arabes, l’Union européenne et l’Union africaine.  Ils ont appelé à la cessation immédiate de la violence et ont condamné ce qui semble être de graves violations des droits de l’homme.  Au cours de mes conversations avec les dirigeants de la région et d’autres pays, ainsi que dans mes déclarations publiques et privées, j’ai condamné cette situation avec véhémence et insistance.  La violence doit cesser.  Ceux qui font couler de manière si brutale le sang d’innocents doivent être punis.  Les droits de l’homme fondamentaux doivent être respectés.


Mes Conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger ont rappelé aux autorités nationales libyennes, ainsi qu’à celles d’autres pays connaissant des manifestations populaires à grande échelle, que les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés, au Sommet mondial de 2005, à protéger leurs populations par la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, y compris l’incitation à les commettre.  À présent, le défi que nous devons relever est d’offrir une protection véritable et de faire tout notre possible pour mettre fin à la violence actuelle.


Alors que le Conseil envisage ses prochaines mesures, je l’exhorte à considérer un vaste éventail de possibilités d’action.  Certaines des propositions envisagées par le Conseil comprennent l’imposition de sanctions financières et commerciales, y compris des mesures ciblées contre les dirigeants, comme une interdiction de voyager ou un gel de leurs avoirs financiers.  Certains États Membres appellent à un embargo total sur les armes.  D’autres appellent notre attention sur les violations manifestes et considérables des droits de l’homme qui ont lieu en Libye, et demandent au Conseil de sécurité de prendre des mesures efficaces pour garantir une responsabilité effective.


Il est temps que le Conseil de sécurité envisage des mesures concrètes.  Les heures et les jours à venir seront décisifs pour les Libyens et leur pays, et les conséquences tout aussi importantes pour l’ensemble de la région.  Les déclarations et les actions du Conseil de sécurité sont attendues avec impatience et seront suivies dans toute la région.  Quelle que soit la voie qu’il choisira, n’oublions pas l’urgence de la situation.  Dans ces circonstances, la perte de temps signifie davantage de vies humaines perdues.  Lundi, je me rendrai à Washington pour discuter de cette question et d’autres avec le Président Obama.


Je voudrais aborder deux autres points concernant la paix et la sécurité sur le continent.


Premièrement, concernant la situation au Darfour, le Médiateur en chef conjoint Union africaine-ONU est toujours en pourparlers à Doha avec le Gouvernement soudanais et les deux factions rebelles, à savoir le Mouvement pour la justice et l’égalité et le Mouvement pour la libération et la justice.  Les parties sont actuellement en train d’examiner un projet d’accord.  Il est essentiel pour la communauté internationale de tenir sa promesse en aidant les parties à parvenir à une paix inclusive et globale.


Je suis également préoccupé par la poursuite des hostilités entre le Gouvernement et l’alliance tactique des groupes rebelles au Darfour-Nord, qui ont, semble-t-il, entraîné le déplacement d’un grand nombre de civils.  L’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour envoie des patrouilles pour vérifier ces informations et accroît sa présence afin de protéger les civils de la région, et de fournir de l’eau et de la nourriture aux personnes déplacées.


Enfin, j’ai rencontré aujourd’hui le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, de la République de Guinée équatoriale, et le Président Ali Bongo Ondimba, de la République gabonaise.  À notre invitation, les deux dirigeants se sont rencontrés à l’ONU dans le souci de régler le différend frontalier qui oppose depuis longtemps leurs pays.  J’ai le plaisir d’annoncer qu’ils ont tous deux réaffirmé leur volonté de soumettre leur différend à la Cour internationale de Justice et de tout mettre en œuvre pour mener à bien la médiation le plus rapidement possible. 


Je tiens à souligner qu’ils bénéficieront du plein appui de l’ONU dans leur effort pour trouver ensemble une solution.  Il s’agit là d’un témoignage de sagesse politique important de la part des deux parties.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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