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FEM/1845

La Commission de la condition de la femme s’appuie sur le témoignage de trois jeunes pour s’attaquer à la question de la violence et de la discrimination

25/02/2011
Conseil économique et socialFEM/1845
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Commission de la condition de la femme

Cinquante-cinquième session

8e séance – matin


LA COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME S’APPUIE SUR LE TÉMOIGNAGE DE TROIS

JEUNES POUR S’ATTAQUER À LA QUESTION DE LA VIOLENCE ET DE LA DISCRIMINATION


Après une première semaine de débats et le lancement officiel hier soir de la nouvelle entité composite, ONU-Femmes, la Commission de la condition de la femme a organisé ce matin une table ronde centrée sur les discriminations et les violences à l’égard des filles.  Elle a entendu Ika l’Indonésienne, Ya Marie la Sierra-Léonaise et Lil Shira la Camerounaise, trois lycéennes, membres de l’organisation non gouvernementale (ONG) « Plan International » qui ont livré des témoignages concrets de cette violence.


La Commission a ensuite examiné l’état de mise en œuvre de ses conclusions concertées de 2007, sur la lutte contre toute forme de violence à l’égard des filles.  Les intervenants ont expliqué ce qui était fait dans leurs pays, aux niveaux de la prévention, de la répression des auteurs de violence et de la protection des victimes.


Auparavant, Saad Houry, Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), avait présenté certains des progrès accomplis aux niveaux national et international, citant notamment la reconnaissance en 2008 par le Conseil de sécurité des violences sexuelles en tant que tactique de guerre.  Il a cependant appelé à davantage d’efforts pour supprimer la violence à l’égard des femmes, notamment en punissant plus systématiquement les auteurs de harcèlement sexuel et de violence.


Les délégations ont expliqué leurs progrès législatifs, leurs services d’accompagnement des victimes, en particulier au sein de la police, et les mesures prises pour sensibiliser la population à ces questions, notamment par la voie des médias et dans l’enseignement.


En conclusion au débat, Lil Shira, la jeune lycéenne camerounaise, a pressé les délégations d’élever leur voix pour mieux informer le grand public de ce qui se fait à la Commission de la condition de la femme.


La prochaine réunion publique de la Commission aura lieu lundi 28 février, à partir de 10 heures.  Elle sera consacrée à la suite du débat général.


Table ronde d’experts: présentations et dialogue interactif sur le thème « Évaluation des progrès réalisés dans l’application des conclusions concertées relatives à l’élimination de toutes les formes de violence et de discrimination à l’égard des jeunes filles »


De nombreuses filles dans le monde sont encore victimes de mutilations, de meurtres, de violences, d’exploitation sexuelle ou encore de pornographie, a rappelé M. SAAD HOURY, Directeur exécutif adjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).  Contrairement aux garçons, les filles n’ont souvent pas accès à une bonne nutrition ni à des soins de santé de qualité. 


Des progrès ont été réalisés dans différents domaines, a estimé M. Houry en les imputant à des meilleures législations nationales sur la violence à l’égard des femmes et des filles partout dans le monde.  Des programmes impliquant les garçons et les hommes ont aussi été lancés dans plusieurs pays, comme en Inde.  Une campagne menée dans plusieurs pays encourage aussi les hommes à avoir des relations saines avec les femmes. 


Des pays comme l’Éthiopie ont instauré de nouvelles peines pour les auteurs de mutilations génitales et d’autres pays ont rendu illicite le mariage forcé.  En 2008, par la résolution 1820, le Conseil de sécurité a reconnu pour la première fois les violences sexuelles comme tactique de guerre et par la suite, une Représentante spéciale du Secrétaire général sur la question a été nommée.  Un autre texte, la résolution 1960, fournit un cadre pour punir les auteurs de ces actes de violence et met en place un système d’analyse et de collecte d’informations.  Aussi en République démocratique du Congo (RDC), un colonel a-t-il été condamné à une peine de prison pour avoir commandité des viols et en avoir commis lui-même.


Malgré tous ces progrès, les stéréotypes sexistes sont encore présents dans les sociétés et la violence perdure.  Il faut faire plus et notamment punir plus systématiquement les auteurs de harcèlement sexuel et de violence.  Nous n’aidons pas assez les adolescentes qui ont de plus en plus de liberté de mouvement et se retrouvent par conséquent trop tôt dans des rôles d’épouse et de mère.  Les adolescentes pensent parfois qu’il est normal d’être battues et la violence à leur égard est donc plus facile.  Il faut collecter et analyser plus de données sur ces questions. 


Les garçons ont plus d’informations que les filles, a révélé le Directeur exécutif adjoint.  Au Bangladesh, par exemple, les garçons de 15 à 25 ans ont beaucoup plus de connaissances sur le VIH/sida que les filles du même âge.  Or, des filles éduquées et en bonne santé sont une des clefs du développement, a conclu M. Houry, appelant à promouvoir leur participation en les plaçant au cœur des politiques et programmes.  Il faut en même temps travailler au niveau communautaire pour que le changement social prenne racine.


IKA, Étudiante de 19 ans vivant dans un bidonville en Indonésie, a raconté l’histoire de Rose, une jeune fille qui après la mort de sa mère, est tombée dans la prostitution, poussée par son propre père, un buveur et un joueur devenu proxénète.  Tombée enceinte, son statut est devenu encore plus précaire dans une société traditionnelle qui punit sévèrement les grossesses extramaritales.  En Indonésie, a rappelé Ika une loi existe pour protéger les jeunes filles mais son application laisse à désirer.  La vulnérabilité des filles est aussi aggravée par leur manque de confiance qui les empêche d’appeler à l’aide.


Rose, a poursuivi Ika, a décidé de garder l’enfant et pour échapper au regard des voisins pendant les derniers mois de sa grossesse et l’accouchement, est allée vivre chez sa grand-mère.  Son père l’a ensuite donnée en mariage et l’a obligée à confier l’enfant à la sa grand-mère.  Elle vit désormais dans l’hostilité de sa belle-famille qui la harcèle physiquement et psychologiquement pour son passé de prostituée.


YA MARIE, Lycéenne sierra-léonaise, a parlé de la violence à laquelle sont confrontées tous les jours les jeunes filles de son pays qui sont souvent punies à l’école et même humiliées par les enseignants quand elles sont en retard.  Cela m’est arrivé plusieurs fois, a avoué Ya Marie, car la distance entre son école et sa maison est longue.  La jeune fille a aussi dénoncé les mutilations génitales auxquelles s’opposent la majorité des filles qui y cèdent, contraintes par leur famille, au nom de la tradition.


Les opportunités échappent à ces filles car elles ne sont pas éduquées, leur famille se contentant de les préparer au mariage.  La violence les poursuit dans la rue, en particulier la nuit où elles sont souvent attaquées et parfois violées par des groupes de garçons.  Une fois violées, de nombreuses filles s’adonnent à la prostitution avec les risques de grossesses précoces.


Ya Marie a aussi dénoncé les enseignants qui peuvent menacer les jeunes filles de leur donner de mauvaises notes si elles refusent des rapports sexuels avec eux.  Les abus sexuels existent aussi sur le lieu de travail car, a affirmé Ya Marie, il est pratiquement impossible d’obtenir un emploi sans céder au patron.  Les femmes entrepreneurs n’échappent pas non plus à ce chantage car parfois elles sont obligées de coucher avec un client pour conclure une vente.


LIL SHIRA, Lycéenne camerounaise, a parlé d’un projet de formation technique pour l’autonomisation des jeunes filles.  Elle a aussi parlé les nombreuses initiatives artistiques qui servent de vecteur à la sensibilisation de l’opinion.  Par la suite, une loi a été adoptée, au niveau local, pour abolir les mariages précoces et des activités sont organisées pour informer la population des sanctions prévues.


Lil Shira a ensuite raconté l’histoire de Denise, une jeune fille de 13 ans originaire de son village qui a été donnée en mariage par son père pour rembourser les dettes de la famille.  Seulement, Denise a eu le courage d’en parler aux gens autour d’elle, ce qui a poussé son école à saisir le Conseil traditionnel qui a puni le père et l’a obligé à scolariser sa fille.


Les initiatives artistiques ne sont pas seulement un divertissement mais également un moyen de provoquer un changement dans la situation des jeunes filles, s’est réjouie Lil Shira. 


Aux termes des conclusions concertées de la cinquante et unième session de la Commission de la condition de la femme, en 2007, la communauté internationale est appelée à renforcer ses efforts pour mettre fin à toute forme de violence à l’égard des filles.  Les intervenants ont donc expliqué ce qui était fait dans leurs pays pour renforcer cette lutte, à commencer par la prévention, domaine d’action prioritaire en République de Corée et en Nouvelle-Zélande, par exemple.


Sur le plan normatif, de nombreux gouvernements ont mentionné les lois adoptées récemment pour renforcer le cadre de protection des femmes et des enfants, ainsi que pour la répression des auteurs de violence à leur égard.  Le Gabon a ainsi parlé de son cadre juridique régissant la répression de violence sexuelle, en particulier d’une loi datant de 2008 qui interdit les mutilations sexuelles.  La Thaïlande a quant à elle adopté une loi sur la pornographie.  La représentante de la Chine a indiqué que les lois pertinentes de son pays ont été améliorées en 2008, tandis qu’en 2010 les régions ont publié des décrets sur la lutte contre la violence domestique.


La représentante du Conseil de l’Europe a indiqué avoir adopté une recommandation constituant une stratégie globale dans ce domaine, qui permet notamment aux enfants d’ester en justice par le biais d’un représentant légal.  L’Union européenne s’est aussi engagée à lutter contre cette violence et un ensemble de lois sur cette question seront présentées en mai prochain, a signalé la délégation.  En 2008, des directives européennes sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes ont été adoptées, ainsi qu’une stratégie sur les femmes et les enfants en situation de conflit armé.


Sur le terrain, la lutte contre ces violences passe notamment par les services d’accueil, les services de police, les écoles et les médias.  En Afrique du Sud, par exemple, une loi interdit aux médias de publier les noms des victimes des violences sexuelles.  Par ailleurs, en Thaïlande comme au Zimbabwe, une formation est dispensée aux agents de police en vue de les sensibiliser aux problèmes que rencontrent les femmes et les enfants victimes de violences.  Le Directeur exécutif adjoint de l’UNICEF a cependant averti que la violence est parfois perpétrée par les policiers eux-mêmes, y compris contre les garçons.


Dans de nombreux pays, des centres d’accueils ont été créés pour les enfants et les femmes victimes de violence, comme au Qatar, au Paraguay, en Thaïlande ou encore en Italie.  Dans le même genre, un centre de crise en Israël permet de fournir aux filles victimes de violence un service d’accompagnement, qui va des démarches auprès de la police jusqu’à la fin de la procédure judiciaire, y compris quand elles doivent témoigner devant un tribunal.


La lutte contre la violence se fait essentiellement dans le cadre de l’éducation au Sénégal, pays qui a créé un observatoire pour la prévention contre la violence dans les établissements scolaires et qui assure une formation des enseignants sur la violence et sur les questions du genre.  Le représentant de la Jordanie a indiqué que les installations sanitaires à l’école sont parfois le lieu d’attaques sexuelles contre les filles.  Le Ghana a adopté une stratégie holistique et multiple des initiatives en vue de rendre les écoles plus sûres pour les filles, qui implique les parents, les enseignants, les ONG, les fonctionnaires et le personnel médical.


La représentante des États-Unis a rappelé que l’United States Agency for International Development (USAID) a entrepris dans plusieurs pays africains un programme de formation à destination des enseignants et des élèves, sur la lutte contre la violence en milieu scolaire.  Aux Philippines, les programmes scolaires comportent un enseignement sur la prévention de la violence aux femmes et aux enfants.  En Israël, le Gouvernement passe en revue les manuels scolaires pour examiner comment sont présentées les questions sexospécifiques.  De son côté, la représentante de la Suède a plaidé en faveur de l’éducation sexuelle, qui permet de mieux lutter contre les violences sexistes et qui contribue en outre à l’autonomisation des femmes.


Parmi les pratiques à éliminer, les mutilations génitales féminines ont été citées à maintes reprises.  Cela fait 20 ans que l’on travaille à l’élimination de ces pratiques, a rappelé M. Houry, mais il faut encore sensibiliser les populations à ce problème, y compris dans les pays de destination de la migration internationale, comme la France.  La délégation française a assuré que son gouvernement a lutté de façon volontariste dans ce domaine en 2010, en adoptant notamment une loi sur les mutilations génitales féminines.  Soulignant l’importance de l’information du grand public sur cette question, elle a évoqué une brochure qui a été largement diffusée.  


En Suisse, où 6 000 à 7 000 mutilations sont pratiquées, en grande partie sur des filles migrantes, une loi pénale a été adoptée.  La représentante a demandé comment on pouvait intégrer au plan national les expériences acquises par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’UNICEF dans les pays de destination de l’immigration.  Le représentant du Gabon a pour sa part mentionné une loi datant de 2008 qui interdit les mutilations sexuelles.


Les pratiques culturelles ont entraîné la disparition de 100 millions de femmes, a poursuivi la représentante d’un Groupe d’étude sur les questions sociales, associé à l’UNICEF.  Le problème du harcèlement sexuel est important au Cameroun et il est difficile de briser la loi du silence, a aussi expliqué cette délégation.  Le Directeur exécutif adjoint de l’UNICEF a relevé à cet égard le manque de données, du fait que la violence se passe souvent à la maison et sans témoin.


Le mariage précoce représente un facteur aggravant de la vulnérabilité des filles à la violence, a aussi noté la représentante du Canada.  À ce propos, la représentante de l’Égypte a indiqué que l’âge légal du mariage a été relevé à 18 ans.  De son côté, l’observatrice du Saint-Siège s’est élevée contre la sélection prénatale, par l’avortement, qui constitue une forme de violence à l’égard des filles.


La représentante de Cuba a attiré l’attention sur la violence liée au travail des mineures, citant le cas des filles qui émigrent pour travailler et ne disposent pas de la même protection que les ressortissants du pays de destination.  Elles sont des proies faciles pour les auteurs de crimes sexuels et d’abus, a-t-elle observé.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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