Quel modèle de formation sur la justice pénale internationale pour l’état de droit? s’interrogent les panélistes
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Douzième Congrès des Nations Unies
pour la prévention du crime
et la justice pénale
Comité I
4e & 5e séances - matin & après-midi
QUEL MODÈLE DE FORMATION SUR LA JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE POUR L’ÉTAT DE DROIT? S’INTERROGENT LES PANÉLISTES
SALVADOR, Brésil, 14 avril -- Le douzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a consacré une partie de ses travaux, aujourd’hui à Salvador, au Brésil, à la formation sur la justice pénale internationale pour l’état de droit, thème de l’un de ses cinq ateliers.
Les congressistes ont, en particulier, discuté du bien-fondé d’un modèle susceptible d’être exploité et mis en œuvre, en complément aux initiatives d’enseignement et de formation qui existent dans le monde.
Les participants à cet atelier disposaient d’un document d’information* qui examine les recommandations des réunions préparatoires régionales et identifie les principaux éléments susceptibles d’être utiles au Programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale afin de mettre au point une formation sur la justice pénale internationale, qui pourrait lui être confiée après le Congrès.
Ce document étudie, à cet égard, la raison d’être, ainsi que la structure et le contenu d’un « modèle » devant servir de point de départ pour élaborer et mettre en œuvre un programme complet et efficace de formation sur la justice pénale internationale pour l’état de droit.
Comment, tout d’abord, faire passer le message de la justice pénale? Dans sa réponse à cette question, le Professeur William Schabas, de l’Institut international des hautes études en sciences criminelles (ISISC) au Canada, s’est attardé sur les notions de « justice pénale » et d’« état de droit ».
La notion d’« état de droit » figure dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a-t-il rappelé, précisant que sa définition officielle est établie par le Secrétaire général de l’ONU en 2004. Il désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre du suivi de la mise en œuvre des lois promulguées, qui doivent être appliquées de façon identique pour tous, administrées de manière indépendante et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme.
En outre, cette notion implique des mesures propres à assurer le respect des principes de l’état de droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité en vertu de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures administratives et judiciaires et des processus législatifs.
Selon M. Schabas, jamais autant qu’aujourd’hui la justice pénale internationale n’a connu une période aussi riche et foisonnante en matière de recherche universitaire. Il s’est de même intéressé au travail des praticiens ou, selon son expression, des « professionnels en matière d’état de droit », et a souhaité que le domaine des recherches en la matière soit élargi afin de donner à l’état de droit une base académique plus solide.
Ensuite, dans le cadre d’une discussion sur l’élaboration d’un modèle d’assistance technique, M. Byung Ha Chung, Procureur général en République de Corée, s’est attaché à présenter l’expérience de son pays. Les efforts entrepris visent, a-t-il dit, à améliorer l’éthique professionnelle du métier de juriste. En 1998, a-t-il expliqué, la Cour suprême a révisé le Code de déontologie des juges. L’année suivante, la magistrature du parquet a établi un code de déontologie des procureurs, tandis qu’en 2000, l’Association du Barreau coréen a révisé le Code de déontologie des avocats.
Représentant du Ministère public de l’Irlande, M. James Hamilton, a élargi la question aux normes internationales destinées à renforcer la déontologie des professionnels de la justice pénale. Il a ainsi cité les Principes directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés à La Havane en 1990.
Les Principes directeurs de La Havane ont été élaborés pour aider les États Membres à assurer et à promouvoir l’efficacité, l’impartialité et l’équité du parquet dans les poursuites pénales. Ceux-ci doivent ainsi veiller à ce que les critères de sélection des magistrats du parquet comportent des garanties contre des nominations partiales ou entachées de préjugés et excluent toute discrimination.
Les magistrats du parquet doivent en outre bénéficier d’une instruction et d’une formation adéquates et être conscients des idéaux et des devoirs éthiques de leur fonction, des dispositions constitutionnelles et juridiques garantissant les droits des suspects, ainsi que les droits de la personne humaine et les libertés fondamentales reconnues par le droit national et le droit international. En outre, les États veillent à ce que les magistrats du parquet puissent s’acquitter de leurs fonctions professionnelles en toute liberté, sans faire l’objet d’intimidations, sans être harcelés, sans subir d’ingérence non fondée.
M. Hamilton a ensuite rappelé le rôle de l’Association internationale des procureurs, qui a établi en 1999 les normes de responsabilité professionnelle. Celles-ci concernent notamment le droit à la vie, les enquêtes, les arrestations, la détention préventive, les procédures avant les procès, les procès, les décisions judiciaires, les détentions, les états d’urgence, le terrorisme, la délinquance juvénile, les discriminations.
Le professeur Marc Groenhuijsen, Président de l’Association mondiale de victimologie, une organisation non gouvernementale qui a un statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC), s’est, quant à lui, intéressé aux besoins des victimes de crimes, dont le nombre est supérieur à un milliard chaque année, a-t-il précisé. Il a développé son argumentation autour de l’éducation des victimes, des autorités en charge du système de justice pénale et du public au sens large.
Directrice de l’Institut pour les études sur la sécurité de Pretoria, en Afrique du Sud, Mme Cheryl Frank a affirmé que son pays ne disposait pas d’une législation claire en matière de protection des victimes. Cependant, deux instruments politiques existent, a-t-elle précisé, citant le Programme d’autonomisation des victimes et la Charte en faveur des victimes des crimes. Il n’y a pas, a-t-elle dit, d’engagement sérieux en faveur d’activités visant à promouvoir la protection des victimes. Il faut, a-t-elle estimé, accorder une attention plus importante à la planification, pour l’ensemble du secteur pénal, de services en faveur des victimes, pris en charge par le Gouvernement lui-même.
M. Burkhard Hasenpusch, du Projet Beccaria de prévention du crime de l’Union européenne, qui a été mis en place en Basse Saxe, en Allemagne, a mis l’accent sur la qualité de la prévention du crime, tandis que le professeur Lyal Sunga, de l’Institut Raoul Wallenberg des droits de l’homme et du droit humanitaire de Lund, en Suède, a concentré son intervention sur la formation des formateurs.
Ce dernier a estimé que les activités de formation des formateurs en matière de justice pénale internationale devraient promouvoir un haut niveau d’interaction, non seulement avec les experts et les formateurs, mais également parmi les participants eux-mêmes. Elles devraient également être accessibles, en particulier dans des pays confrontés à des taux élevés de criminalité et d’insécurité, à l’instabilité politique et aux situations de transition postconflit.
M. Abraham Stein, Secrétaire adjoint pour la sécurité multidimensionnelle à l’Organisation des États américains (OEA), a abordé la question de la formation de la justice pénale dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, où, a-t-il rappelé, les taux de criminalité ne cessent d’augmenter et les taux de suicides sont également élevés. Les niveaux très importants de chômage chez les jeunes exposent ceux-ci à devenir des victimes ou des auteurs d’actes de violence, a-t-il expliqué. Les moyens techniques et les infrastructures manquent, tandis que la formation est insuffisante, a-t-il ajouté.
Les politiques nationales en matière de sécurité doivent être envisagées dans le cadre de l’état de droit et tenir compte de l’aspect transnational de la criminalité. Elles doivent être démocratiques, transparentes et être intégrées dans un cadre constitutionnel pour chacun des pays. M. Stein a insisté sur l’aspect multidimensionnel de la justice pénale si l’on veut que la région soit en mesure de faire face aux différents défis auxquels elle est confrontée.
Lors de la discussion interactive qui a suivi, le représentant de la République islamique d’Iran a souhaité connaître les critères obligatoires permettant de donner un caractère universel à la formation en matière de justice pénale pour l’état de droit. M. Sunga lui a répondu en mettant l’accent sur la nécessité d’appeler au renforcement de l’éducation par le biais d’une résolution.
Le représentant du Kenya a, pour sa part, souhaité savoir comment, dans la pratique, on parviendrait à une éducation standardisée. Il faut en effet, a-t-il souligné, développer des modèles cohérents et unifiés. M. Sunga a proposé que l’idée d’une formation universelle pourrait se baser sur les pratiques optimales distillées dans les différents pays.
Le délégué de l’Argentine a estimé que, pour respecter le principe de l’indépendance de la justice, les cours de formation ou de perfectionnement devraient être assurés, comme dans son pays, par un conseil des juges et ne pas dépendre d’un organe législatif. Son homologue du Mexique a insisté sur l’importance de trouver un équilibre entre les efforts qui visent à lutter contre la corruption et le respect des droits de l’homme, en évitant les abus d’autorité.
Le représentant du Canada a souhaité que l’état de droit soit intégré de manière plus poussée dans toute formation, tandis que son collègue du Brésil a considéré que la formation sur la justice pénale internationale pour l’état de droit devrait être enseignée à tous les praticiens au niveau mondial, donnant ainsi des exemples d’enseignement dispensés en la matière dans son pays. Le délégué de l’Arabie saoudite a, quant à lui, demandé aux panélistes des précisions sur les modalités de communication entre les procureurs et les avocats des victimes.
Les discussions, qui se sont poursuivies dans l’après-midi, ont été marquées notamment par la présentation d’un court métrage d’une trentaine de minutes, « Who’s Guilty » (« Qui est coupable? »). À propos de cette reconstitution du procès simulé d’un adolescent de 17 ans, ancien enfant soldat accusé de viol, un responsable de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), M. Slawomir Redo, a estimé que les films de ce type représentaient un outil pédagogique de choix pour l’avenir. « Le public, composé aussi de juristes et de décideurs politiques, peut absorber facilement une quantité importante de données sur les systèmes de justice pénale et le droit coutumier publiées habituellement en des termes techniques et abstraits », a dit M. Redo, qui coordonne les ateliers du Congrès.
« Rendre efficaces les normes de l’UNODC grâce à une formation adaptée, en particulier une formation dispensée par des moyens audiovisuels, a toujours été un objectif prioritaire de l’Office », a-t-il ajouté. M. Redo a estimé qu’à l’heure de l’Internet et des ordinateurs personnels à haute capacité, le film et les CD-ROM sont « des outils modernes pour toucher les publics du monde entier et les sensibiliser aux efforts de la communauté internationale visant la formation à la justice pénale pour l’état de droit et assurer des procès équitables dans des contextes difficiles ».
Les panélistes ont présenté d’autres initiatives lancées par l’UNODC. M. Juneoh Jang a ainsi détaillé le fonctionnement du Forum virtuel de lutte contre la cybercriminalité - cybercrimeforum.org -, mis en place dans son pays, la République de Corée. « C’est l’Institut coréen de criminologie, où je travaille, et grâce au concours de l’UNODC, que nous avons élaboré cet outil qui forme électroniquement et à distance des professionnels ou des étudiants en droit aux enjeux de l’état de droit », a-t-il expliqué. Pour le panéliste, il est nécessaire de former, par le biais d’Internet, au principe de la gouvernance à l’heure de la mondialisation. « Principes de justice, de séparation des pouvoirs et de transparence: il s’agit là de cibles privilégiées des cybercriminels », a-t-il souligné.
Rappelant « qu’un seul virus informatique peut entraver le fonctionnement d’un ministère ou déstabiliser un système bancaire national », le panéliste a fait savoir que le Forum était le fruit d’une coopération entre experts internationaux, développé à la suite du onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale. « Il s’agit d’un portail qui permet aux praticiens de la lutte contre la cybercriminalité et des juristes de se former à des pratiques nouvelles comme la collecte de preuves électroniques, et d’informer le grand public », a résumé M. Jang.
Mme Elizabeth Howe, qui dirige l’Association internationale des procureurs, une organisation qui possède le statut consultatif auprès de l’ECOSOC, a présenté un site Internet « gpen.info », proposant des programmes de formation en ligne destinés aux futurs procureurs désireux de connaître les normes des Nations Unies en matière d’état de droit. « gpen.info offre des modules généraux sur le fonctionnement des polices, de la magistrature du parquet, des tribunaux et des prisons, et nous formons également à la rédaction de documents d’entraide judiciaire », a-t-elle notamment indiqué. Mme Howe a précisé que ce site, à la différence du forum virtuel présenté par M. Jang, était réservé à des membres.
« Ces derniers ont accès à une importante base de données ainsi qu’aux publications de notre Association et d’institutions des Nations Unies », a-t-elle précisé, ajoutant que gpen.info était devenu un spécialiste des cours de droit en temps réel.
« Renforcer la coopération internationale en matière de formation sur la justice pénale et la prévention du crime, cela signifie aussi échanger en ligne des informations et des connaissances et débattre de questions comme les crimes de guerre et les actes de génocide », a-t-elle ensuite déclaré. Elle a conclu son intervention en indiquant que le développement de l’Internet personnel et institutionnel, et l’interactivité planétaire qu’il permet, exigeait de renforcer la sécurisation de partage d’informations souvent sensibles et d’adapter l’enseignement dispensé aux réalités politiques des pays.
De son côté, M. Michael Platzer, membre du Conseil universitaire pour le système des Nations Unies (ACUNS), a invité les États Membres à entendre l’appel du Conseil des droits de l’homme à renforcer l’enseignement des normes juridiques onusiennes. Il a en outre préconisé la création d’un groupe de travail interinstitutions chargé d’examiner ce qui est fait dans chacune des entités de l’ONU. « Les Nations Unies doivent rattraper le secteur privé en matière de formation en ligne », a-t-il dit, ajoutant que l’ONU devrait tirer rapidement parti des capacités d’Internet pour, entre autres, appuyer le développement de l’enseignement juridique en Afrique, où les citoyens peu fortunés des pays de ce continent n’ont pas les moyens de voyager. M. Platzer a invité les délégations à se rendre à Vienne, en juin, pour assister à une foire sur l’enseignement en ligne. « Dans cette perspective, il faudrait que l’UNODC crée une plateforme électronique recensant tous les cours en ligne sur la justice pénale », a-t-il encore suggéré.
D’autres intervenants, représentant divers organismes de l’ONU, ont fait des déclarations.
M. Vasselin Popovski, Directeur des études sur l’ordre international et la justice à l’Université des Nations Unies, a fait savoir que des cours du niveau de la maîtrise et des séminaires sur la justice pénale internationale étaient dispensés en fonction des demandes des étudiants internationaux. « Certains d’entre eux peuvent même obtenir une licence en droit à distance », a-t-il indiqué.
Un représentant de l’Unité de l’état de droit des Nations Unies a, de son côté, évoqué un projet pilote destiné à former les professionnels aux normes juridiques relatives à l’état de droit, établies par l’ONU. Il a ajouté que ce projet pilote avait également pour but d’améliorer la fourniture d’assistance aux États Membres dans le domaine considéré.
De son côté, M. Andrew Carpenter, du Département des opérations de maintien de la paix, a abordé la question de la formation des policiers de l’ONU. « Sachez que dans les premières phases de déploiement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour, moins de 10% des forces de police présentes dans les zones les plus hostiles avait reçu une formation, les autres ayant été simplement déployées sur le terrain sans savoir ce qu’ils avaient à faire », a-t-il confié.
Il a indiqué que désormais, un programme obligatoire de formation accélérée des policiers, d’une durée de deux semaines, était disponible en ligne. « Il s’adressait au départ aux policiers des Nations Unies dépêchés d’urgence dans le cadre d’opérations de maintien de la paix, et il fait office de formation de base », a-t-il dit.
Le représentant de la France, qui travaille comme magistrat, a reconnu que la formation professionnelle « par tous les moyens » devrait être une priorité pour assurer la qualité la meilleure possible du fonctionnement de la justice pénale dans les États Membres. « Cette formation doit d’abord s’adresser aux praticiens du droit pénal et aux policiers », aux avocats de la défense, dont on a eu parlé, et de l’ensemble du personnel des cours et tribunaux. Abordant la situation dans son pays, il a notamment fait savoir qu’en France, la formation continue des magistrats est obligatoire, cette formation comportant un volet consacré au droit international.
Réagissant à cette intervention, Mme Elizabeth Howe a appuyé les pays où sont délivrés des certificats jalonnant la formation continue du personnel du secteur de la justice. Concernant la pertinence des normes des Nations Unies pour les juridictions nationales, elle a estimé que celle-ci ne pouvait être évaluée « qu’à l’épreuve de leur application dans des situations concrètes ».
Clôturant l’atelier, le Président, l’Ambassadeur Amj Sadiq du Sri Lanka, a formé le souhait que le rapport final du Congrès reflète la teneur des débats d’aujourd’hui.
* A/CONF.213/12
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