DH/5021

Instance permanente: les peuples autochtones exigent leur participation aux négociations sur les stratégies de réduction des émissions de carbone dues au déboisement

29/04/2010
Conseil économique et socialDH/5021
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Instance permanente sur les questions autochtones

Neuvième session

14e et 15e séances – matin & après-midi


INSTANCE PERMANENTE: LES PEUPLES AUTOCHTONES EXIGENT LEUR PARTICIPATION AUX NÉGOCIATIONS SUR LES STRATÉGIES DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE CARBONE DUES AU DÉBOISEMENT


L’Instance permanente sur les questions autochtones s’est livrée aujourd’hui à une critique en règle du Programme des Nations Unies sur la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD).  « Pour les peuples autochtones, les forêts ne sont pas que des puits de carbone », ont déclaré les intervenants qui ont transmis un message clair: « les droits des peuples autochtones sur les forêts et leur participation aux négociations et à la mise en œuvre du Programme REDD doivent être reconnus, au risque de voir ces peuples refuser en bloc toute stratégie ».


Action conjointe de la FAO, du PNUD et du PNUE*, le Programme REDD consiste à imprimer une valeur financière au carbone stocké dans les forêts.  En vertu de ce système, les pays riches payent les pays en développement pour qu’ils ralentissent les changements climatiques, en protégeant les forêts existantes et en en plantant de nouvelles.  Le Programme REDD+ va au-delà de la déforestation et de la dégradation des forêts pour promouvoir la conservation, la gestion durable des forêts et le renforcement des stocks de carbone forestier.


Hier comme aujourd’hui, dans le cadre de ce débat sur les peuples autochtones et les forêts, les intervenants ont dénoncé l’absence de tout effort d’information qui aurait permis aux peuples autochtones de mieux comprendre les enjeux et les éventuels bénéfices des REDD et surtout de prévenir une autre dépossession de leurs territoires.


Faisant valoir leur statut de garants des forêts avec lesquels ils ont eu de tout temps un lien particulièrement étroit et dont ils détiennent un savoir traditionnel, les peuples autochtones ont demandé à l’Instance d’organiser une réunion spéciale sur le Programme REDD l’année prochaine, avant la date butoir de 2012, à laquelle les pays doivent mettre en place le successeur du Protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.


L’Instance permanente a également poursuivi, aujourd’hui, l’examen de la question des droits de l’homme des peuples autochtones qui a permis à certains orateurs de poser la question des autochtones non reconnus par leur gouvernement.


Le représentant du Bangladesh a affirmé que son pays ne compte aucune population autochtone avant que le membre marocain de l’Instance ne lui rétorque que comme la définition du terme « peuple autochtone » reste imprécise à l’ONU, tous les pays sont tenus de respecter les droits des peuples qui se proclament comme tels, y compris les tribus qui vivent depuis des siècles dans le même territoire, souvent bien avant l’avènement des États-nations.


La question des droits de l’homme a également été l’occasion de rappeler que le mandat de l’Instance permanente est justement de donner la parole en priorité aux peuples autochtones.  L’Instance a été invitée à mieux gérer sa liste d’orateurs pour permettre à tous ceux qui sont venus de loin de se faire entendre.


La prochaine réunion de l’Instance permanente aura lieu demain vendredi, 30 avril, à partir de 10 heures.


*  Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).


Travaux futurs, questions relatives au Conseil économique et social et questions nouvelles


M. ADOLPHE NGASSEMBO (République du Congo) a expliqué que les forêts du bassin du Congo, « deuxième poumon écologique de la planète », représentaient « indéniablement » un facteur de développement durable des pays de l’Afrique centrale.  Il a également indiqué que les pays de cette sous-région avaient adopté des législations et réglementations forestières visant la conservation et la gestion « durables et concertées » de leur biodiversité.  Il a aussi évoqué le travail du réseau des peuples autochtones d’Afrique centrale (REPALEAC) pour expliquer qu’au Congo, les autochtones étaient recrutés dans des sociétés d’exploitation forestière pour travailler comme pisteurs et prospecteurs.


M. Ngassembo a indiqué qu’un Forum international pour traiter de la question autochtone avait été organisé en 2007 à Impfondo, dans le nord du Congo et que cet évènement se tiendrait dorénavant tous les trois ans.  Il a néanmoins signalé que la session prévue en 2010, sous le thème « Droits des peuples autochtones et dynamiques de la conservation de la biodiversité dans le bassin du Congo », avait été reportée à 2011 en raison de conflits de calendrier entre les gouvernements d’Afrique centrale.  Le représentant a ajouté que cette session devait déboucher sur l’adoption d’un plan d’action pour la protection des droits et l’émancipation des peuples autochtones d’Afrique centrale.


Mme CONNIE TARACENA SECAIRA (Guatemala) a souhaité que le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestier des Nations Unies (programme UN-REDD) considère une période de préparation et d’apprentissage.  Citant les efforts du Guatemala pour protéger ses forêts et bassins hydriques, elle a néanmoins souligné que les obstacles auxquels ce type de pays est confronté vont au-delà des moyens nationaux.  Elle a souhaité que tous les États tiennent compte dans leurs politiques publiques des méthodes traditionnelles de sauvegarde des forêts.


Mme ROSEANNE VAN SHIE, Ligue des premières nations, regroupant 10 communautés autochtones, a expliqué que son organisation a établi des cartes qui retracent les liens historiques des peuples autochtones avec leurs territoires.  Elle a également fait une évaluation de l’incidence de l’industrie minière sur les forêts au Canada et a fait des études pour trouver des moyens de réhabiliter ces forêts.  La Ligue a réussi à empêcher la déforestation dans certaines régions, a affirmé Mme Van Shie, en souhaitant que l’initiative REDD ne se limite pas aux pays en développement.  Elle s’est dite préoccupée par le fait que les Gouvernements des États-Unis et du Canada aient adopté certaines normes en matière d’émissions de gaz à effet de serre sans consulter les peuples autochtones.  Une nouvelle économie est en pleine évolution en Amérique du Nord où le commerce du carbone sera libéralisé.  Il est donc essentiel que les peuples autochtones soient informés des enjeux et des avantages potentiels de ces nouvelles politiques.  Le REDD, qui est inacceptable dans l’état actuel des choses, devrait faire l’objet d’une révision qui tienne compte des points de vue et savoirs traditionnels des peuples autochtones.


M. JUSTINO HUZA MENDOZA, Confederación Sindical de Colonizadores de Bolivia, a rappelé que les peuples autochtones vivent dans les écosystèmes les plus vulnérables de la planète et donc les plus sensibles aux conséquences des changements climatiques.  Il a imputé ces dégâts au modèle capitaliste qui abîme les forêts, pollue l’eau, fait avancer le désert et provoque la fonte des glaciers.  Il a exigé des gouvernements un programme mondial de reconstitution des forêts d’origine qui serait géré par les peuples autochtones.


Il a exigé le respect du principe de consentement préalable dans la conception des mesures de lutte contre les changements climatiques.  Les pays capitalistes doivent être comptables de leurs actes, a-t-il insisté, en proposant la création d’un « tribunal climatique » pour punir les responsables de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre.  Il a cité comme référence en la matière, le Sommet de Cochabamba qui s’est tenu du 19 au 22 avril.


M. FELIX TICONA QUISPE, Confédération syndicale des communautés interculturelles de Bolivie, a expliqué que dans la pratique, rien n’a été fait, depuis 50 ans, pour préserver les forêts.  Il a lancé un appel à l’action.  Les enjeux sont énormes, a-t-il dit, en soulignant la relation étroite entre les peuples aymara et les forêts.


M. TOMAS HUANACU TITO, Coordinador Andino de Organizaciones Indígenas (CAOI), a rappelé que les colonisateurs ont importé des animaux qui ont amené la sècheresse, portant ainsi atteinte à la flore des Andes.  Aujourd’hui, a-t-il regretté, nous vivons une deuxième attaque contre la flore et les forêts autochtones qu’est le réchauffement de la planète.  Il a souhaité une demi-journée de débat sur les forêts andines, la fonte des glaciers et les conséquences de l’exploitation minière.  En attendant, il a souligné le droit à des dédommagements.


Mme ANA DEL CARMEN GONZALEZ PUSHAINA, Fondation Ana Watta Kai de Colombie, a expliqué qu’un projet de « parc éolien » a été mis en place dans son territoire et qu’il a contribué à améliorer la situation des peuples autochtones qui y vivent.  Le projet, s’est-elle félicitée, a été décidé en partenariat avec ces peuples et en tenant compte de leur bien-être.  Elle a invité, une nouvelle fois, l’Instance à se rendre dans son pays.


Mme JUDY WILSON, Fly Tagle Women Fund, a regretté que la mise en place de parcs nationaux se soit faite dans l’ignorance des spécificités et des droits des peuples autochtones.  Elle a fustigé les activités de conservation qui sont en contradiction avec les droits des peuples autochtones et qui ne respectent pas les coutumes et les savoirs traditionnels de préservation de la Terre nourricière et de la forêt.  Elle a exhorté tous les gouvernements à adopter la Déclaration des Nations Unies, en particulier son article 10.  Elle a souhaité que les terres ancestrales soient dotées d’un statut juridique et que l’Instance se saisisse de la question des violations des droits de l’homme résultant des politiques de protection de l’environnement.


Mme JOAN CARLING, Pacte des peuples autochtones asiatiques, a noté qu’à ce stade les négociations internationales sur le climat ont exclu les peuples autochtones.  Elle a rappelé qu’au moins sept pays d’Asie sont sous le régime REDD+, et que la plupart des zones forestières dans ce pays sont des territoires autochtones.  Les mesures de lutte contre les changements climatiques ne sauraient se prendre au détriment des peuples autochtones, a-t-elle averti.  Sans la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur les forêts, la conservation de ces dernières sera difficile voire irréaliste, a-t-elle aussi averti.  Le REDD+ ne devrait pas amoindrir la place des peuples autochtones sur les forets qui, pour eux, ne sont pas que des puits de carbone.  Elle a demandé que les juridictions nationales relatives aux forêts soient revues de manière à être compatibles avec les dispositions de la Déclaration des Nations Unies.  Il faut faire participer les autochtones aux négociations et à la mise en œuvre du REDD+, au risque de les voir refuser en bloc toute directive, a-t-elle prévenu.  Elle a souhaité que l’Instance organise une réunion spéciale sur le REDD+ de manière à discuter des avantages et des inconvénients potentiels.


M. CARLOS SOMERA, Vice-Ministre chargé des questions autochtones du Venezuela, a déclaré que son gouvernement a créé une Commission plurinationale de l’Alba pour protéger 200 000 hectares de forêts où vivent les populations autochtones.  Il a souligné les efforts de son pays pour protéger les 5 millions d’hectares de forêts tropicales du Venezuela et a exprimé la volonté de son pays de garantir le bien-être des ses populations, « par la force s’il le fallait ».


M. HENRY LEONARD MAC-DONALD (Suriname) a indiqué que le territoire du Suriname était recouvert à 97% par la forêt amazonienne, « le taux le plus important au monde ».  L’importance écologique et socioéconomique des forêts occupe une place primordiale dans la politique nationale et étrangère du Suriname, a ajouté le représentant.  Ma délégation, a-t-il poursuivi, estime que ses efforts doivent être appuyés afin de maintenir les forêts dans un état qui leur permette d’atténuer les effets des changements climatiques, entre autres.  M. Mac-Donald a ensuite indiqué que le Suriname avait facilité la participation de représentants des peuples autochtones au Groupe de travail national sur le REDD+.  Il a également indiqué que le Suriname se penchait plus particulièrement sur le droit à la terre des peuples et examinait la manière d’appliquer au mieux le principe de consentement préalable.  Le représentant a, par ailleurs, proposé que la célébration de l’Année internationale des forêts, en 2011, souligne la nature « holistique et indivisible » des peuples autochtones, leur culture et leur savoir traditionnel en matière de forêts.


Pour M. LEGBORSI SARO PYAGBARA, Mouvement pour la survie du peuple Ogoni, la forêt reste l’un des grands atouts des peuples autochtones dont la vie et le bien-être sont liés à la qualité de « leurs terres et de leurs forêts ».  Il ne fait aucun doute, a-t-il soutenu, que dans les années à venir, ces forêts feront l’objet d’une plus grande attention et seront au centre de discussions sur la lutte contre les changements climatiques.


Il a jugé regrettable que certains États, qui ne participent pas à cette lutte, travaillent plutôt en sens inverse.  Il a révélé que depuis l’an dernier, sans prendre en compte le principe de consentement préalable ni mener d’études d’évaluation, le Gouvernement de l’État de Rivers a proposé la construction d’une importante base militaire sur le territoire des Ogonis qui devrait provoquer l’occupation des terres et des forêts.  Cette décision, a-t-il estimé, est une violation flagrante des articles 3, 26, 30 et 32 de la Déclaration des Nations Unies.


Le Delta du Niger où vit une large communauté d’autochtones, possède la plus large étendue de forêt de mangrove du Nigéria, a-t-il expliqué.  La disparition de cette mangrove qui résulte d’activités humaines, dont la pollution pétrolière, est non seulement une menace pour notre survie collective mais également pour l’atténuation des effets des changements climatiques, a-t-il conclu, en souhaitant notamment que le Nigéria développe une politique cohérente sur la protection de la forêt de mangrove.


M. FREDY CONDO, Coordonnateur des organisations autochtones de Bolivie, a salué la réciprocité et la complémentarité des peuples autochtones qui, « appartenant » à la Terre nourricière, sont déterminés à la protéger.  Ceux qui veulent la tuer sont du côté du REDD+, vecteur du « mercantilisme » s’agissant des enjeux climatiques, a-t-il affirmé.  Il a estimé qu’il s’agit là d’une nouvelle forme de colonisation et de perversion des institutions et des États.  Les autochtones doivent avoir le droit de définir leur développement eux-mêmes, a-t-il plaidé, en dénonçant le fait que les millions de dollars « soi-disant » alloués aux autochtones par le biais de fonds, des ONG et autres institutions, ne parviennent pas à leurs destinataires.  Toute solution mondiale passe, a dit M. Condo, par la création d’un « tribunal climatique international » pour juger les vrais responsables de la pollution et développer une stratégie mondiale de la protection de la Terre.


Mme HAWE HAMMAN BOUBA, African Indigenous Women Organization – Central African Network, a espéré que les travaux futurs de l’Instance tiendront compte des différents caucus qui ont assisté à cette session.  Elle a demandé que l’Instance organise un atelier sur les bonnes pratiques dans la défense des droits des peuples autochtones en Afrique.  Elle a aussi souhaité que la prochaine session de l’Instance organise une exposition sur les produits artisanaux traditionnels africains.


M. CARLOS EDEN, Peuple mapuche du Chili, a expliqué qu’il vient d’un peuple de pêcheurs, avant de critiquer la présence des multinationales sur les territoires ancestraux qui bénéficient de la complicité d’organismes comme la Banque mondiale pour surexploiter les ressources de la terre et détruire ainsi progressivement l’environnement, tout en provoquant les changements climatiques.  Le modèle de développement capitaliste est un échec, a-t-il tranché pour justifier la revendication des peuples autochtones sur leurs terres.  « Nous, les 300 millions d’autochtones du monde, devons enfin obtenir le droit à l’autodétermination et à la gestion de nos terres sur un modèle de développement durable en harmonie avec la nature », a-t-il conclu.


Mme KAIA BOE, Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (IUCN), a souligné l’attachement des peuples autochtones à protéger les forêts.  Ces peuples, a-t-il dit, sont des alliés essentiels dans la protection de l’écosystème et la réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement.  L’objectif d’IUCN est de créer un meilleur lien entre les peuples autochtones, les communautés locales, les institutions et les autorités gouvernementales afin de faciliter la mise en place de stratégies adéquates de conservation des forêts et d’atténuation et adaptation aux effets des changements climatiques, a-t-il ajouté.  Il a appuyé, à cet égard, les articles 32 et 23 sur la Déclaration des Nations Unies, avant d’insister sur l’importance du principe de consentement pour tout projet commerciale ou de REDD+.  L’IUCN travaille à la reconnaissance et au respect des droits des peuples autochtone et au partage équitable des bénéfices découlant de l’exploitation des ressources génétiques, a-t-il dit en conclusion.


M. HASSAN ID BALKASSM, membre de l’Instance, a cité l’exemple des forêts du Grand et du Petit Atlas du Maroc, pour rappeler qu’avant le colonialisme français, ces forêts étaient gérées par le droit coutumier amazigh.  Avec la colonisation, la France a appliqué des lois qui ont dépossédé les peuples autochtones de leurs forêts.  Après l’indépendance, les gouvernements nationaux se sont considérés comme les héritiers des lois coloniales au lieu de revenir aux droits coutumiers, a-t-il regretté, en estimant que cela a conduit à une grave détérioration des forêts autochtones.  Il a cité la responsabilité des gouvernements qui continuent de céder des espaces forestiers aux investisseurs et a insisté sur le rôle des organismes spécialisés des Nations Unies pour assurer la mise en œuvre, au niveau local, de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.


Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, membre de l’Instance, a noté que les discussions ont permis de rappeler que de nombreux peuples autochtones qui vivent des forêts ont fait valoir leur statut de protecteurs de ces espaces, conformément à leur philosophie.  Elle a souligné que les nombreux conflits qui ont marqué l’exploitation des forêts amazoniennes et tropicales au fil des siècles avaient pour base les politiques coloniales reprises plus tard par les gouvernements en place.  Ces conflits existent toujours, et ce n’est pas parce que de nombreux peuples ont été contraints de quitter ces forêts que le monde peut se reposer sur ses lauriers.


Constatant que pendant trop longtemps, on a négligé les forêts, elle a remarqué que ce n’est qu’avec la prise de conscience des risques majeurs liés aux changements climatiques que le monde s’est brusquement réveillé et que les forêts sont redevenues une priorité en tant que « puits de carbone ».  Si cela a permis de relancer le débat sur la sauvegarde de l’environnement, cela n’a pas forcément été fait avec les meilleurs arguments du point de vue autochtone.


Saluant les efforts évoqués par certains gouvernements pour intégrer les peuples autochtones dans la gestion des forêts, elle a exhorté la Banque mondiale et les autres organismes multilatéraux et bilatéraux à accorder la priorité à une politique inclusive dans les programmes et projets qu’ils financent dans le monde.  Mme Tauli-Corpuz a prévenu qu’à moins d’inclure les peuples autochtones dans la gestion des forêts et de créer des garde-fous pour protéger leurs droits, la détérioration des forêts se poursuivra.


Mme ALEXANDRA GRIGORIEVA, Yurta Mira de Sibérie, a remercié M. Littlechild  d’avoir invité une délégation sibérienne de la Yurta Mira à assister aux Jeux olympiques de Vancouver, cet hiver.  Elle a appuyé la création d’un réseau de musées autochtones pour promouvoir la solidarité entre tous les peuples autochtones ainsi que le rôle et l’importance de l’Instance dans différents pays. Elle a déclaré qu’un « chapitre » de ce musée sera ouvert en Iakoutie dans la République de Sakha.  Elle a salué l’initiative de l’UNESCO visant à défendre la diversité linguistique et le patrimoine culturel immatériel.  Elle a insisté sur le fait que la langue maternelle était la base de l’identité, en rappelant qu’un peuple vivait tant que sa langue vivait et que la disparition d’une langue entraîne forcément la disparition d’un peuple.


M. LARS ANDERS BAER, membre de l’Instance, a affirmé que le changement climatique aura un grave impact dans la région arctique qui finira par connaître une tension entre sylviculture et élevage des rennes.  Pour prévenir cette situation, la Finlande, qui n’avait jusqu’en 2009, aucun cadre de protection de l’élevage de rennes, a signé un accord « historique », incluant un moratoire de 20 ans dans certaines régions forestières.  Toutes les parties concernées, y compris les Samis, ont été associés à cette démarche et leur droit à la propriété a finalement été défini.


Mme ELLEN BANG-OA, Asia Indigenous Women’s Network, Tebtebba, a déclaré que neufs filles autochtones avaient été violées en 2009 au Bangladesh.  Depuis, juillet 2009, les troupes ont brûlé des centaines de maison, en déplaçant les populations de 40 villages, a-t-elle dit.  Elle a exhorté les gouvernements à mettre en œuvre, en consultation avec les peuples autochtones, la Déclaration des Nations Unies qui contient des normes pour combattre toutes les discriminations et les violences.  Elle a souligné l’importance de la Déclaration de Beijing et exhorté les organismes de l’ONU à travailler à partir de données ventilées par sexe et par origine ethnique.


M. JACOB PANGKHUA, Réseau des jeunes d’Asie-Pacifique, a expliqué qu’il vient d’une région du nord-est de l’Inde qui a connu une succession de troubles jusqu’en 1948, année où, avec l’indépendance, elle a été intégrée de force à l’Inde.  Depuis, les droits politiques des Boroks sont niés, les jeunes filles sont victimes de viols et la torture est pratiquée dans les centres de détention.  « Nos tentatives pour restaurer notre indépendance suscitent la violence des forces gouvernementales », a-t-il affirmé, en précisant que le mouvement d’indépendance n’est pas basé sur les pouvoirs mais sur les droits.  Il a demandé au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme de se rendre dans sa région pour y faire une évaluation impartiale du prix payé par son peuple.  Il a également demandé à l’Instance et aux Nations Unies de faire pression sur le Gouvernement indien pour qu’il retire son armée et accorde l’indépendance à son royaume.  Il a souhaité qu’Amnesty et d’autres ONG pertinentes soient autorisées à y faire une mission d’établissement des faits en matière de violation des droits de l’homme perpétrées depuis 1948.


M. YANGUIRCHI ADZHIEV, Regional Public Organization of Nogay-People in Dagestan Republic Birlik, a souligné la question du peuple nogay qui s’est vu privé de ses droits et de ses territoires après la décision du Présidium de 1957 de créer une frontière artificielle au Daguestan, et provoquer ainsi le déplacement des populations.


Mme TAMMY SOLONEC, OXFAM Australie, a parlé de la visite du Rapporteur spécial en Australie en 2009.  Elle a salué la position du Gouvernement australien notamment sur les mécanismes mis en place.  Elle s’est dit inquiète de la façon dont le Gouvernement australien a fait fi du Rapport du Rapporteur et a exhorté l’Instance à inviter les États à mettre en œuvre les recommandations pertinentes.


M. ATHILI ANTHONY SAPRIINA, Naga peoples movement for human rights, a rappelé que le conflit des Nagas avec l’Inde est parmi les plus anciens de la région et qu’il a coûté de nombreuses pertes en vies humaines.  Il a expliqué que l’Inde avait rabaissé la question politique naga à un problème de droit et convaincu le reste du monde que le « sous-développement » était la principale cause des troubles et qu’une politique de développement, conjuguée à un programme d’assimilation, apporterait une paix durable.  M. Sapriina a précisé que le cessez-le-feu signé avec l’Inde en 1997, a tenu, malgré le manque de sincérité de l’Inde.


Tout en appuyant la Déclaration des Nations Unies, l’Inde rechigne toujours à faire plus pour se conformer à la Déclaration, a jugé le représentant.  Il a donc appelé ce pays à mettre en œuvre l’article 3 de la Déclaration et à conclure un accord négocié avec les Nagas.  Il a aussi appelé l’Inde à reconnaître l’intégration politique et physique des quatre régions nagas, étape indispensable d’une paix juste et durable.  Il a également exhorté l’Inde à mettre fin à ses opérations militaires et à sa propagande dans les régions nagas et à ne pas s’immiscer dans les efforts de réconciliation entre ces peuples.


Il a enfin demandé aux organisations financières internationales et de développement de ne pas réserver leur aide aux seuls autochtones qui travaillent étroitement avec l’État.  Il a enfin appelé l’Inde au dialogue avec les Nagas, au cours de cette session de l’Instance permanente pour trouver les moyens d’une coexistence pacifique.


M. T. LUNKIM, Organisation pour les droits de l’homme du peuple kuki, a expliqué que la situation des Kukis, au Myanmar, en Inde et au Bangladesh est très difficile.  Ils représentent 10 millions de personnes dans 3 pays différents et parlent toujours la même langue.  Le peuple kuki a beaucoup souffert de la politique coloniale de l’Empire britannique et a d’ailleurs rejoint l’Armée nationale indienne dans la lutte d’indépendance.  Cependant, depuis 1948, aucun droit n’a été consenti au peuple qui fait toujours l’objet de violations de droits de l’homme, a dit l’orateur en lançant un appel au Gouvernement indien pour qu’il respecte ces droits.


Mme ROSALBA NATTERO, Ecospirituality Foundation Onplus, a fustigé la répression des peuples autochtones européens, en citant la communauté bretonne en France privée de son lieu le plus sacré, à savoir le site mégalithique de Carnac.  Le Gouvernement français a clôturé la place pour environ 20 ans et a l’intention d’en faire un musée, a-t-elle regretté, en rappelant que la communauté autochtone a toujours utilisé le site de Carnac comme un lieu de rassemblement social et spirituel.  Beaucoup de communautés autochtones européennes sont menacées d’extinction, a-t-elle dit, en citant des communautés du Piémont, au nord de l’Italie, qui ont préservé des traditions préchrétiennes, survivant aux invasions de l’Empire romain et à la répression religieuse.  Elle a demandé à l’Instance permanente d’inscrire à l’ordre du jour de sa prochaine session le cas des autochtones d’Europe occidentale.


M. RAJIB BORA, Confédération des peuples et tribus autochtones du nord-est de l’Inde, a expliqué que la situation du peuple assamais de la région du Nord-est de l’Inde a été marquée par la politique du « diviser pour mieux régner » des colons britanniques, ce qui explique aujourd’hui les conflits ethniques en Inde.  Il a affirmé que les droits des peuples autochtones et des minorités ethniques sont ouvertement violés par le Gouvernement de l’Inde et a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle fasse pression sur l’Inde en vue de parvenir à l’autonomie des peuples autochtones vivant sur son territoire et garantir ainsi la paix dans la région du nord-est.


M. PHOLOGO GAUMAKWE (Botswana) a rappelé que la langue officielle du Botswana est l’anglais et que l’on ne peut utiliser toutes les langues parlées à l’école.  Il est économiquement impossible d’enseigner toutes les langues du Botswana, a dit le représentant, en soulignant les efforts de son pays pour atteindre l’objectif d’éducation universelle.  Nous construisons des écoles de façon à ce que les enfants n’aient pas à marcher de longues distances, a-t-il insisté en assurant que son pays essayait autant que possible d’atteindre les communautés isolées.


Concluant les discussions sur le thème des forêts, Mme LORI JOHNSON, Peuple Yamasi d’Amérique du Nord, a demandé à l’Instance permanente de poursuivre son dialogue avec le Conseil des droits de l’homme sur les crimes de guerre commis contre les peuples autochtones.  Nous demandons aux États-Unis de cesser de recourir à la violence et d’entamer un véritable dialogue avec les Yamasis et les autres peuples autochtones.  Elle a souhaité un examen des similitudes entre les génocides subis par des peuples européens et ceux subis par les populations autochtones d’Amérique du Nord.


Ordre du jour provisoire de la dixième session de l’Instance permanente


Introduisant le débat, M. MICHAEL DODSON, membre de l’Instance, a rappelé que la dixième et prochaine session de l’Instance se concentrera sur l’environnement et le développement.  Il a aussi rappelé que l’Instance a décidé de choisir le thème de la « doctrine de la découverte », après 2012.  À la prochaine session, une demi-journée sera consacrée à l’examen de la situation en Amérique latine et dans les Caraïbes.


Le représentant du Caucus d’Asie-Pacifique a demandé que l’Instance permanente prenne des mesures immédiates pour que le Gouvernement chinois libère le représentant des peuples de Mongolie du Sud qui a été arrêté alors qu’il se rendait à New York pour assister à la présente session.  Le point débattu ici, a rétorqué le représentant de la Chine, porte sur les questions à inscrire à l’ordre du jour de la prochaine session.  Il faut déjà, a-t-il conseillé, éviter les faux concepts comme celui de « Mongolie du Sud », rejeté catégoriquement par la Chine.  En outre, a-t-il ajouté, le Caucus d’Asie-Pacifique ne peut représenter quiconque de l’intérieur de la Mongolie qui est une province autonome chinoise.


À partir de 2007, a accusé le représentant chinois, ce Caucus a fait des déclarations négatives et non fondées à l’égard du Gouvernement chinois.  L’économie de la Mongolie, une région de la nouvelle Chine, a connu un développement rapide marqué par des relations harmonieuses entre tous les différents groupes ethniques.  Le représentant a aussi rappelé que la Chine a été créée par la fusion des 34 groupes ethniques qui vivent sur le territoire chinois depuis la nuit des temps.  Conformément à la disposition de la Constitution sur l’autonomie des régions abritant des groupes minoritaires, la Chine s’engage à continuer les efforts en faveur de leur développement.


Reprenant la parole, le représentant du Caucus d’Asie-Pacifique a demandé à l’Instance permanente de prévoir à l’avenir une séance supplémentaire sur la question des droits de l’homme car de nombreuses interventions n’ont pas pu se faire.  Il a souhaité que les travaux de l’Instance permanente puissent se poursuivre sans ingérence et pression d’État Membre.  Il a suggéré que l’on se penche sur la situation des autochtones au Bangladesh depuis 1997 et a souhaité, par ailleurs, que les représentants des peuples autochtones puissent participer aux travaux du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF).  La représentante du Caucus africain a, quant à elle, souhaité que les attentes africaines soient inscrites à l’ordre du jour de l’Instance permanente, en particulier la violence faite aux femmes.


Cette proposition a été soutenue par le représentant du Collectif mondial.  À la question de la violence faite aux femmes, il a ajouté celles de la santé génésique et de la justice, en souhaitant aussi une étude approfondie de la doctrine de la découverte et de l’eau comme question transversale.  Il a approuvé l’idée d’organiser une table ronde internationale sur l’impact des politiques d’éducation impliquant l’éloignement des enfants autochtones de leur environnement familial.  Le représentant de The Pacific Caucus of Indigenous Peoples est revenu sur l’idée de délocaliser, chaque année, les sessions de l’Instance permanente pour y assurer un accès juste et équitable à tous les peuples autochtones.  Il a proposé que la prochaine session se tienne dans la région d’Asie-Pacifique.  Il a aussi souhaité que les réunions de l’Instance permanente soient retransmises par un média autochtone et le biais des nouvelles technologies de l’information, pour sensibiliser le public au travail effectué.  Il a aussi proposé que la prochaine session permette aux délégations de commenter n’importe laquelle des six questions inscrites à l’ordre du jour de l’Instance permanente.


La réflexion du représentant de la Chine lui a valu une remarque de Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, membre de l’Instance.  Si elle a dit apprécier le travail de la Chine en faveur des peuples autochtones, elle ne s’est pas pour autant privée de souligner que toute information relative à l’arrestation d’une personne qui devait participer aux travaux de l’Instance permanente mérite d’être traitée.  Inquiète des possibles motivations politiques de cette arrestation, elle a appelé le représentant de la Chine à donner suite à ce problème.


Contrairement au représentant de la Chine, son homologue du Bangladesh a nié toute présence d’autochtone dans son pays, même s’il a reconnu l’existence de tribus dans six régions du Bangladesh, entre 1976 et 1997.  Après des affrontements sur des questions liées aux forêts et aux terres, trois personnes ont été tuées cette année, a aussi reconnu le représentant, en affirmant qu’une enquête est menée pour déterminer les circonstances de cet incident.


La définition de « peuple autochtone » n’étant pas précise aux Nations Unies, M. Hassan Id Balkassm, membre de l’Instance, a conseillé au Bangladesh, comme aux autres pays, de respecter la liberté d’expression des peuples qui se déclarent comme tels, y compris des tribus qui vivent depuis des siècles dans le même territoire.  Or, s’est-il étonné, l’intervention du Bangladesh sur la non-existence de peuples autochtones semble écarter la présence des tribus et de leurs droits.  Certains peuples, a tranché le membre de l’Instance, existaient avant les périodes coloniales et l’émergence des États-nations.  Il est grand temps que l’on reconnaisse leur existence et leurs droits.


Il est temps, a renchéri la représentante du Caucus des jeunes, que l’Instance encourage le dialogue direct entre les peuples autochtones, les gouvernements et les organismes des Nations Unies.  Nous sommes ici parce que notre situation est difficile, a-t-elle dit, en souhaitant que les délégués qui se rendent aux travaux de l’Instance soient protégés pendant leur voyage.  Ils ne sauraient être victimes des ingérences politiques, a-t-elle insisté en promettant: « Nous allons continuer à promouvoir la lutte contre l’oppression ».


Sur un plan plus technique, M. MICHAEL DODSON, membre de l’Instance, a jugé qu’il faut mieux gérer les travaux de l’Instance, et plus spécifiquement la liste des orateurs.  Favoriser les caucus régionaux et les interventions de groupes au détriment des individus pourrait avoir une incidence négative, a-t-il estimé, en parlant de crédibilité.  Sans vouloir parler d’ingérence politique, il s’est dit convaincu qu’il faut revoir l’approche « sélective » des priorités pour désigner les orateurs.  Il est inacceptable que ceux qui viennent de très loin pour assister aux sessions ne puissent prendre la parole.  Ils doivent avoir une confiance absolue dans la crédibilité et l’intégrité du processus, a-t-il conclu.  Ces propos ont été l’occasion, pour le représentant des Peuples pastoraux de Tanzanie, de désigner comme questions prioritaires l’accès à l’eau potable et à l’éducation.


L’importance de l’accès aux écosystèmes et à certaines zones, sources de « forces naturelles », a été soulignée par la représentante de la Tribu apache de San Carlos de l’Arizona.  Elle a voulu que l’on cesse d’empêcher les activités sacrées des Apaches, au risque de voir des dégâts physiques et spirituels chez ce peuple et dans les communautés voisines.


L’idée du Caucus d’Asie-Pacifique d’instaurer un système de rotation pour les réunions annuelles de l’Instance, a été appuyée par TONYA GONNELLA FRICHNER, membre de l’Instance.  Un dialogue plus interactif entre les représentants des peuples autochtones et les États Membres est capital, a-t-elle dit, dans ce contexte, avant de suggérer une organisation des travaux plus « traditionnelle ».  Elle a appuyé l’utilisation de l’Internet et des nouvelles technologies de l’information pour garantir un processus interactif engagé.  Elle a aussi reconnu que la question de la liste des orateurs doit être réexaminée.


La représentante du Caucus mondial a souhaité que l’on prenne note du travail réalisé au Sommet de Cochabamba et que l’on organise une réunion intersessions en 2010.  Elle a mis l’accent sur la nécessité d’examiner l’impact du marché du carbone sur les peuples autochtones.  Mme TAULI-CORPUZ, membre de l’Instance, a tenu à rappelé que l’Instance avait déjà consacré une demi-journée à la situation des peuples autochtones d’Afrique.  S’agissant de la situation du Bangladesh, elle a relevé l’existence de lois dans le pays qui reconnaissent la présence des peuples autochtones sur le territoire.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.