Conférence de presse sur les discriminations et l’inégalité dont souffrent les femmes devant la loi, malgré les engagements pris par les États Membres à Beijing
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CONFÉRENCE DE PRESSE SUR LES DISCRIMINATIONS ET L’INÉGALITÉ DONT SOUFFRENT LES FEMMES
DEVANT LA LOI, MALGRÉ LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LES ÉTATS MEMBRES À BEIJING
L’égalité entre hommes et femmes devant la loi n’est pas encore une réalité dans de nombreux pays, malgré l’engagement pris par les États Membres de l’ONU d’abroger toute loi dont l’usage implique une discrimination fondée sur le sexe, qui figure au Programme d’action de Beijing. C’est le constat fait par une organisation non gouvernementale, Égalité Maintenant, dont la Directrice exécutive a témoigné ce matin au cours d’une conférence de presse parrainée par la Mission permanente de la France auprès des Nations Unies.
En marge de la cinquante-quatrième session de la Commission de la condition de la femme qui se déroule actuellement à New York, Mme Taina Bien-Aimé, Directrice exécutive d’Égalité Maintenant, accompagnée de la Ministre de l’égalité des sexes du Kenya, Mme Murugi Mathenge; et de Mme Cécile Sportis, Conseillère spéciale des affaires du genre au Ministère des affaires étrangères de la France, a noté les progrès limités réalisés dans l’abrogation des lois discriminatoires à l’égard des femmes depuis l’adoption du Plan d’action de Beijing en 1995, et elle a averti que la tâche qui reste à accomplir dans ce domaine est immense. Les intervenantes à la conférence de presse ont notamment préconisé la création d’un mécanisme spécifique, par le Conseil des droits de l’homme, qui traiterait de l’inégalité des femmes devant la loi.
La Ministre kényenne a, elle aussi, souligné l’importance de la loi dans la promotion de l’égalité. Le Programme d’action de Beijing renforce les dispositions de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), par laquelle les États s’engagent à incorporer les principes d’égalité homme-femme dans leur système juridique, abolir les lois discriminatoires et adopter des lois interdisant la discrimination à l’égard des femmes, a-t-elle rappelé.
Lors de la session de l’Assemblée générale consacrée à la mise en œuvre des engagements de Beijing (Beijing +5), l’engagement a été pris de révoquer les lois discriminatoires aussi tôt que possible, et si possible d’ici à 2005, a rappelé Mme Bien-Aimé. Cependant, alors qu’on a dépassé cette échéance, il reste encore trop de lois discriminatoires dans de nombreux de pays, a-t-elle regretté.
Cela fait 10 ans qu’Égalité Maintenant recense ces lois, qui touchent au statut matrimonial, économique, et personnel des femmes, ainsi qu’à la violence à leur encontre. L’ONG Égalité Maintenant a publié des rapports qui passent en revue ce genre de lois dans 36 pays de toutes les régions du monde.
À Singapour, par exemple, une loi autorise le mari à prendre sa femme, même par le viol, si elle a au moins 13 ans. En Iraq, une femme ne peut pas obtenir de passeport sans l’autorisation de son mari ou de l’homme qui est son gardien légal. En Israël, une femme ne peut pas demander le divorce, sauf si son mari lui fournit le « gueth ». Autre exemple, en Arabie saoudite, les femmes sont frappées d’une interdiction de prendre le volant d’une voiture.
L’ONG Égalité Maintenant mène actuellement une campagne « Beijing +15 » pour souligner certaines réformes positives accomplies dans ces pays et signaler que plus de la moitié des 52 lois mentionnées dans ses rapports ont été abrogées ou amendées.
Malgré ces quelques résultats, il reste encore cependant trop de lois discriminatoires, et il y en a même qui sont nouvellement ajoutées à la liste existant déjà, a indiqué Mme Bien-Aimé qui a cité une loi afghane de 2009 portant sur le statut des personnes, et qui fait de l’homme le chef du foyer et restreint la liberté de mouvement des femmes.
Pourquoi faut-il se concentrer sur les lois pour améliorer le statut des femmes? Les lois sont l’expression la plus formelle de politiques publiques, a expliqué Mme Bien-Aimé. Si les gouvernements n’abrogent pas ces lois, c’est qu’ils les approuvent, perpétuant ainsi l’inégalité homme-femme et permettant la violence à l’égard des femmes. En outre, quand les femmes souffrent d’une inégalité inscrite dans une loi, elles n’ont généralement pas de recours formel possible, a-t-elle fait remarquer.
Le degré de violence à l’encontre des femmes, et les inégalités qui les touchent par rapport aux hommes sont inacceptables, a estimé Mme Bien-Aimé. Cela met en évidence l’échec des gouvernements par rapports aux engagements qu’ils avaient pourtant pris à Beijing. La lutte contre ces discriminations ne pose pas de problème en termes de ressources, mais plutôt en termes de volonté, a-t-elle affirmé.
Depuis 2006, les Nations Unies ont publié deux études et un rapport sur les étapes urgentes à franchir pour parvenir à la révocation des lois discriminatoires, ce qui a conduit à la recommandation de créer un mécanisme au sein du système des Nations Unies pour inciter les États à parvenir à un réel changement dans ce domaine. Égalité Maintenant appelle les gouvernements à créer ce mécanisme, dont la mise sur pied viserait la consécration par la loi de l’égalité homme/femme, lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme, en septembre 2010.
Mme Cécile Sportis, Conseillère spéciale des affaires du genre au Ministère des affaires étrangères de la France, a expliqué l’initiative prise par la France en 2008, alors qu’elle assumait la présidence de l’Union européenne, de relancer le débat autour de la création d’un mécanisme spécifique traitant de l’inégalité des femmes devant la loi.
En juin 2009, dans le cadre de la onzième session du Conseil des droits de l’homme, un atelier de haut niveau auquel la France a participé a repris cette idée au nom de 14 États et proposé une résolution visant la création du mécanisme.
En septembre 2009, le Conseil des droits de l’homme a adopté à l’unanimité une résolution exprimant son inquiétude par rapport au grand nombre de lois discriminatoires encore en vigueur. Il regrettait notamment que l’engagement pris à Beijing n’ait pas été tenu, d’autant que l’inégalité des femmes devant la loi empêchait les femmes de bénéficier d’une égalité des chances dans des domaines aussi nombreux et variés que l’éducation, l’accès à la santé, la participation à la vie publique et politique, les salaires, la nationalité, la capacité juridique, l’accès à l’emploi salarié, l’héritage, la propriété foncière, la participation aux décisions financières ou encore la participation à l’économie locale et nationale. Cette inégalité devant la loi accroit l’exposition des femmes à la discrimination et à la violence, a ajouté Mme Sportis.
C’est une question essentielle, a-t-elle jugé, avant d’expliquer que tous les pays rencontrent des difficultés à traiter ce problème, car il faut lui consacrer une attention spéciale. En France, l’amélioration de la condition de la femme est avant tout une affaire de respect des droits et du droit.
Le droit à l’égalité sans discrimination fondée sur le sexe est inscrit dans tous les instruments relatifs aux droits de l’homme, a rappelé Mme Sportis. Il est donc évident que le Conseil des droits de l’homme, qui est chargé de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le monde entier, est l’instance appropriée pour abriter ce nouveau mécanisme. En 2006, les services d’appui du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Comité CEDAW) ont d’ailleurs été déplacés de la Division de la promotion de la femme (DAW) à New York aux services du Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Genève.
Selon le rapport du Secrétaire général à l’ECOSOC en 2005, un mécanisme qui viserait la suppression à l’échelon mondial des lois discriminatoires, permettrait d’accélérer un changement qui jusqu’à présent a été délibérément retardé. La création récente du poste de Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes ne permet pas de couvrir l’ensemble du champ juridique et législatif qu’un mécanisme spécifique permettrait d’aborder, a averti Mme Sportis. En effet, les violences ne sont qu’une cause et un effet des discriminations mais ne constituent pas l’ensemble des discriminations.
Mme Sportis a ajouté qu’en 2009, le Comité CEDAW a émis des suggestions concernant le fonctionnement du mécanisme, comme celle qui consiste à trouver des partenaires financiers et techniques en fonction des besoins. D’ici septembre prochain, il nous reste à convaincre la majorité des États Membres faisant partie du Conseil des droits de l’homme de créer un mécanisme ou un groupe de travail, ou encore d’avoir un rapporteur spécial, a-t-elle conclu.
Mme Murugi Mathenge a appuyé le principe de la mise sur pied d’un bureau ou d’un mécanisme chargé de suivre les progrès dans l’abrogation des lois discriminatoires. Elle a aussi rappelé tout ce qui est fait au Kenya dans ce sens. En tant qu’État partie à la CEDAW, le Kenya soumet régulièrement ses rapports sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Les juridictions du pays appliquent directement ces dispositions dans des affaires relatives à la propriété foncière, à l’héritage, ou au mariage forcé. Nous avons aussi nommé des fonctionnaires chargés des questions du genre dans tous les ministères, a dit la Ministre.
En 1993, des lois et des politiques ont été adoptées, comme par exemple, la loi sur les enfants, et celle portant sur les délits sexuels, a-t-elle poursuivi. Elle a aussi mentionné la création sur les lieux de travail d’un bureau de la déontologie qui peut être saisi de cas de harcèlements sexuels dans ces cadres professionnels. Les femmes sont maintenant plus conscientes de leurs droits et sont donc en mesure de demander à ce qu’ils soient respectés, a-t-elle assuré.
Mme Murugi Mathenge a aussi évoqué l’existence au Kenya d’une loi sur l’emploi, qui interdit la discrimination et le harcèlement des employés, ainsi que de trois autres lois récemment adoptées, qui concernent la protection de la famille, le mariage, et la propriété matrimoniale. Ces textes marquent une étape essentielle vers l’égalité devant la loi, a-t-elle estimé.
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