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FEM/1814

Les experts du CEDAW s’impatientent devant les crimes d’honneur en Turquie malgré les « efforts colossaux » en matière d’égalité entre les sexes

21/07/2010
Assemblée généraleFEM/1814
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

Quarante-sixième session

937e & 938e séances – matin et après-midi


LES EXPERTS DU CEDAW S’IMPATIENTENT DEVANT LES CRIMES D’HONNEUR EN TURQUIE MALGRÉ LES « EFFORTS COLOSSAUX » EN MATIÈRE D’ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES


Les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont félicité la Turquie pour ses « efforts colossaux » en matière d’égalité entre les sexes.  Ils se sont néanmoins montrés impatients devant la poursuite de la violence faite aux femmes, notamment les « crimes d’honneur », et ont demandé au pays de prendre toutes les mesures nécessaires pour punir sévèrement les auteurs de ces crimes. 


À la tête d’une délégation de 21 personnes, la Ministre d’État en charge de la condition féminine et de la famille, Mme Selma Aliye Kavaf, a défendu son pays, en indiquant que depuis la présentation du dernier rapport en 2005, son gouvernement avait adopté un certain nombre de mesures pour lutter contre la violence faite aux femmes.


Le 1er juin 2005, le Gouvernement a adopté son nouveau Code pénal dans lequel figurent au rang des questions prioritaires les notions de « crimes contre l’humanité » et de « crimes contre les personnes ».  Ce Code régit également les crimes « au nom de l’honneur » et punit les coupables par des sanctions à perpétuité.


La Ministre d’État a par ailleurs fait état de la récente circulaire du Premier Ministre turc qui a permis de créer une Commission d’enquête parlementaire en vue « d’identifier les raisons qui sont derrière les crimes d’honneur et coutumiers, la violence contre les femmes et les enfants et les mesures à prendre à cet égard ». 


Des agences spécialisées doivent présenter tous les trois mois au Premier Ministre leurs conclusions, a rappelé la Ministre.  De plus, a-t-elle insisté, conformément aux mesures de précaution prises par le Gouvernement, un Plan national d’action pour lutter contre la violence domestique, a été adopté.


Les experts n’ont pas caché leur impatience.  La délégation turque s’est vu rappelée que la Cour européenne de justice avait dénoncé en son temps, le laxisme des tribunaux et des Forces de police turques dans la lutte contre la violence faite aux femmes. 


Les circulaires ministérielles sont-elles toujours suivies d’effet? Que se passe-t-il, a demandé l’expert finlandais, si la circulaire n’est pas respectée?   Pourquoi certains auteurs de crimes d’honneur bénéficient de réductions de peines ou d’abandon de poursuites, a dénoncé l’experte française.  Cette violence est illégale quelle que soit sa cause, a tancé l’experte qui a plaidé pour une « exemplarité de la peine ».   


Le chiffre de 800 crimes d’honneur par an, avancé par l’experte kényenne, a été réfuté par la délégation turque.  Les meurtres « coutumiers » et « d’honneur » sont régis par le Code pénal, a-t-elle insisté, et aucune réduction de peine à l’encontre des auteurs de crimes n’est prévue.  La notion de « provocation injuste » n’est pas reconnue, a encore précisé la délégation.


Cette argumentation n’a pas empêché l’experte ghanéenne de voir dans les suicides des femmes, des crimes d’honneur déguisés.  La délégation a préféré y voir des raisons familiales ou des problèmes de santé.  Les procureurs, s’est-elle défendue, ont des consignes strictes pour déterminer les suicides « louches ».


La Présidente du Comité et experte égyptiennea reconnu les défis auxquels est confrontée la société moderne turque, en citant les défis entre tradition et religion, démocratie et laïcité, état de droit et traditions religieuses. 


Le Comité poursuivra ses travaux demain jeudi 22 juillet à 10 heures pour examiner la mise en œuvre par la Papouasie-Nouvelle-Guinée de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES


Sixième rapport périodique de la Turquie (CEDAW/C/TUR/6)


Mme SELMA ALIYE KAVAF, Ministre de la condition féminine et de la famille, a indiqué que son pays avait poursuivi ses efforts en vue de respecter pleinement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), qu’il a ratifiée en 1986 alors que le Protocole facultatif l’a été en 2002. 


La Ministre a rappelé que l’égalité entre les sexes figure, depuis plusieurs années, parmi les principes de base de la Constitution turque.  Les amendements apportés à la Constitution de 2004 ont encore renforcé la notion d’égalité, compte tenu de l’inclusion d’une disposition spécifique sur l’égalité des droits.  Comme la notion de « discrimination à l’égard des femmes » n’est pas définie dans la législation turque, l’article 1 de la CEDAW a force de loi, a-t-elle ajouté. 


La Ministre a indiqué que le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er  juin 2005, a apporté une amélioration significative à la protection des droits de la femme; la loi punissant la violence faite aux femmes.  Elle a attiré l’attention sur les mesures prises pour aider et protéger les femmes battues, tout en reconnaissant que la violence faite aux femmes demeure un obstacle à surmonter.  La loi de la protection de la famille de 1998 est le principal instrument juridique mis en place à ce jour pour lutter contre la violence, a-t-elle dit.  Le nouveau Code pénal aborde cette question « dans sa totalité et sans zone d’ombre ».


S’agissant de la question des crimes d’honneur, Mme Kavaf a fait état de la circulaire du Premier Ministre turc, dans laquelle il a mis en place une Commission d’enquête parlementaire en vue d’identifier ce qui se cache derrière les crimes d’honneur et coutumiers et la violence contre les femmes et les enfants ainsi que les mesures à prendre.  Concernant les sanctions en cas de crimes d’honneur, la personne reconnue coupable est condamnée à une peine d’emprisonnement à vie, a-t-elle ajouté.  Le Gouvernement lutte activement contre les crimes d’honneur, les crimes sexuels et la violence domestique, a insisté la Ministre. 


L’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes passe également par une meilleure représentation des femmes dans les organes politiques, a poursuivi la Ministre qui a reconnu les lacunes dans ce domaine. 

Elle a aussi jugé que l’éducation, qui est un droit fondamental, est une autre manière de combattre les inégalités entre hommes et femmes.  Le Gouvernement turc s’est ainsi concentré sur la scolarisation des fillettes dont les taux sont aujourd’hui plus élevés que ceux des garçons.  Des efforts sont également déployés pour favoriser l’accès des filles à l’éducation secondaire.  Même si le taux d’illettrisme des femmes a diminué, des obstacles sont encore à surmonter, a encore reconnu la Ministre. 


Mme Kavaf a relevé les difficultés rencontrées par les femmes pour accéder au monde du travail.  Le taux d’emploi des femmes, qui était de 23,3% en 2005, n’est passé qu’à 26% en 2009.  Les femmes sont moins payées que les hommes, moins éduquées et doivent en plus s’occuper de leurs familles, a-t-elle rappelé.


Mais elle s’est réjouie des progrès dans la représentation des femmes en politique qui montrent leur intérêt croissant pour la gestion de la chose publique. 


« De nombreux défis restent à relever », a admis Mme Kavaf, en assurant les experts de l’attachement de son pays à la pleine application des dispositions de la CEDAW.


Questions-réponses sur les articles 1 à 6 de la CEDAW relatifs à la discrimination, aux mesures politiques, à la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux mesures spéciales, aux rôles stéréotypés par sexe et aux préjugés, et à la prostitution


M. CORNELIS FLINTERMAN, expert néerlandais, a souhaité savoir si le Gouvernement envisage l’inclusion dans la législation turque d’une définition plus claire de la notion de « discrimination à l’égard des femmes ».  Son homologue croate, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, a voulu obtenir de plus amples informations sur le mandat de la Commission de l’égalité des chances par rapport aux recommandations du Comité. 

Mme NICOLE AMELINE, experte française, s’est interrogée sur les motifs qui peuvent justifier une réduction de peine en cas de condamnation pour crime coutumier.  Cette violence est illégale quelle que soit sa cause, a-t-elle tancé en plaidant pour une « exemplarité de la peine ».  Comment l’accès des femmes à la justice est-il facilité?  Quelle est la valeur juridique des circulaires ministérielles ou autres, a-t-elle demandé. 


Quelle est l’influence de l’Union européenne en matière de promotion de la femme? a-t-elle encore demandé avant de s’interroger sur le mandat du Médiateur et l’existence ou non d’une budgétisation sexospécifique.


Sa collègue roumaine, Mme VICTORIA POPESCU a voulu savoir si les observations et les recommandations du Comité ont bien été diffusées en Turquie. Comment, a-t-elle poursuivi, la CEDAW peut-elle être invoquée au regard du droit de pétition?  L’experte a aussi demandé des exemples concrets des mesures temporaires spéciales, en faveur des femmes kurdes, des handicapées et des femmes rurales.    


La délégation turque a reconnu que la définition de la discrimination a été une des questions posées.  Toutefois, en cas de litige, les Conventions internationales priment sur les lois nationales.  Les tribunaux invoquent la CEDAW comme en attestent les exemples soumis au Comité.


Les meurtres coutumiers, a poursuivi la délégation, sont couverts par le Code pénal depuis 2005 qui prévoit une peine de prison à vie pour les responsables.  Aucune réduction de peine n’est prévue et l’invocation de la « provocation injuste » est interdite, a affirmé la délégation. 


Des manuels ont été préparés sur la Convention et son Protocole facultatif, a encore répondu la délégation, en ajoutant que des brochures ont aussi été largement distribuées pour promouvoir la Convention dans tout le pays.  En outre, des experts ont été invités à sensibiliser les fonctionnaires à la budgétisation ventilée par sexe.


S’agissant des mesures temporaires, la délégation a indiqué qu’elles sont mises en œuvre dans plusieurs domaines, en particulier pour augmenter les taux de scolarisation des filles. Les femmes entrepreneurs bénéficient aussi d’une aide et de mesures incitatives alors que les personnes handicapées et les femmes âgées ont accès à un service familial, dans une facilité de transport, qui leur permet de continuer d’évoluer dans leur environnement.  


Outre l’État et la société civile, le Comité parlementaire des questions féminines est le pilier de l’émancipation de la femme en Turquie, a indiqué la délégation, en ajoutant qu’un sous-comité a été créé sur la violence à l’égard des femmes.  Les divers sous-comités contribuent à la sensibilisation de l’opinion publique et font des recommandations à toutes les institutions étatiques.  « La CEDAW est un peu pour nous la Constitution des femmes », a affirmé la délégation.     


Elle a confirmé que la loi contre la violence faite aux femmes est déjà en vigueur grâce à un décret d’application et une autre loi sur les indemnisations et les dédommagements.  Les femmes qui n’ont pas le moyen de s’offrir un avocat ont droit à un défenseur commis d’office. 


La Turquie a apporté des modifications pour se conformer plus avant aux normes européennes dont les objectifs sont d’obtenir un taux de 29% dans la vie active, de faciliter l’accès des femmes aux soins de santé et de réduire les taux de mortalité maternelle.  La qualité et l’espérance de vie des femmes et des enfants ont déjà enregistré des progrès remarquables, a estimé la délégation. 


Après ces premières réponses, l’experte kényenne,MmeVIOLET TSISIGA AWORI est revenue sur la problématique des « crimes d’honneur » ou « meurtres coutumiers ».  Constatant le nombre élevé de femmes assassinées chaque année, au nom de l’honneur de la famille, elle s’est interrogée sur les « bienfaits réels » des amendements apportés à la législation.


Mme NAELA GABR, experte égyptienne etPrésidente du Comité, a mis le doigt sur les défis à relever, en particulier les stéréotypes négatifs sur la femme. Comment préserver les spécificités culturelles tout en changeant les images négatives de la femme? s’est-elle demandée.  Quel est le rôle des dirigeants religieux?  Son homologue cubaine, Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, a souhaité obtenir des éclaircissements sur l’application de la Circulaire du Premier Ministre, en relevant la gravité des meurtres et des suicides associés à la violence sexiste dans certaines régions.


Quelle différence feront les amendements constitutionnels? a insisté l’experte croate, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC.  Rappelant que la Cour européenne de justice avait estimé que les tribunaux et les forces de police turcs prennent un peu à la légère les crimes d’honneur et la violence domestique, elle s’est interrogée sur la manière de changer cette attitude. 


Pour moi, a dit l’experte ghanéenne, Mme DORCAS COKER-APPIAH, ces suicides chez les femmes sont plutôt des crimes d’honneur déguisés.  Qu’a fait l’État pour répondre à la Rapporteure spéciale, sur la violence faite aux femmes qui nourrissaient les mêmes doutes? a demandé l’experte.  Elle a plaidé pour des ressources appropriées en faveur des agences et programmes traitant de la violence à l’égard des femmes.


Mme SAISUREE CHUTIKUL, experte thaïlandaise, s’est interrogée sur la définition turque de « traite des personnes ».  Elle a demandé des informations sur le plan national, les ressources allouées et les critères d’évaluation.  Faute d’un appui financier, les foyers d’accueil sont rares et souvent dirigés par des ONG, a constaté l’experte en voulant savoir si ces foyers sont différents de ceux qui accueillent les femmes victimes de violence familiale. 


La Turquie semblant être un pays de destination et d’accueil de la traite des personnes, l’expert a demandé si le pays a signé des accords bilatéraux ou régionaux dans ce domaine, concernant, par exemple, le rapatriement des victimes et les mariages avec les étrangères.  Si le travail sexuel n’est pas un délit, quelle est la situation de la prostitution des mineurs? a encore demandé Mme Chutikul.


Le changement des mentalités reste un grand défi, a reconnu la délégation, en citant des efforts comme les programmes de sensibilisation des médias.  Aujourd’hui une chaîne de télévision nationale diffuse des documentaires sur différentes questions liées à la problématique hommes-femmes, a indiqué la délégation, en soulignant que la lutte contre la violence faite aux femmes est une « vraie politique d’État ».


Près d’une soixantaine de foyers nationaux vont être opérationnels très bientôt, a affirmé la délégation en réfutant l’assertion selon laquelle les suicides chez les femmes seraient des crimes d’honneur déguisés.  Elle a cité des causes d’ordre familial ou de santé.  Les Procureurs ont des consignes s’agissant des suicides « louches », a poursuivi la délégation. 


S’agissant des cas de prostitution chez les mineurs, les peines sont plus sévères, a-t-elle aussi indiqué, en ajoutant que les abus sexuels sur des enfants est un délit grave.  Le Parlement débat en ce moment d’un nouveau projet de loi sur la question.


Concernant la lutte contre les stéréotypes sexospécifiques, des manuels didactiques ont été envoyés aux enseignants qui ont aussi accès au projet « Amélioration de la citoyenneté démocratique », lancé dans le cadre de l’Alliance des civilisations.  Les conclusions d’une série de réunions de réflexion, organisée avec des ONG, seront diffusées auprès du public. 


Quelque 2,5 millions de femmes ont bénéficié de cours de formation, « signe clair que nous désirons changer les stéréotypes empêchant les femmes de pénétrer tous les domaines spécialisés et techniques », a déclaré la délégation.   


Une initiative pilote, fruit de la collaboration entre le Ministère de l’éducation et l’UNICEF, vise à créer des normes nationales pour lutter contre les pratiques discriminatoires.  La Circulaire du Premier Ministre a été publiée en 2006 et comme les commissariats sont les premiers points d’entrée des victimes, il est vital que les forces de police soient dûment formées sur la violence faite aux femmes.  C’est l’objet même du plan national, a souligné la délégation.


S’agissant de la traite des personnes, elle a indiqué que les foyers d’aide aux victimes sont gérés par des agences et des entités financés par l’État. Le Gouvernement, a-t-elle rappelé, a signé la Convention et les protocoles pertinents sur la criminalité transnationale organisée.  De même des protocoles ont été signés avec les pays d’origine et de destination pour faciliter le retour des victimes.  Aucune difficulté n’existe dans ce domaine, a affirmé la délégation.


Les femmes étrangères mariées à un Turc doivent attendre trois ans pour demander la naturalisation.  Elles peuvent cependant l’obtenir immédiatement si elles renoncent à leur nationalité d’origine, a stipulé la délégation.  L’experte brésilienne, Mme SILVIA PIMENTEL, s’est demandée s’il existe une étude sur la situation des femmes rurales par rapport aux crimes d’honneur.  La police a-t-elle été saisie?  Des peines ont-elles été prononcées? a demandé l’experte. 


Son homologue espagnole, Mme SOLEDAD MURILLO DE LA VEGA, s’est quant à elle demandée si, au lieu d’adopter de nouvelles lois contre le mariage précoce, il ne serait pas plus simple d’amender le Code civil.  À sa question sur la lenteur des procédures d’enquête sur les suicides, la délégation a répondu qu’il s’agit d’être prudent et de recueillir des preuves.  Elle a tout de même reconnu une certaine lenteur.  


À d’autres questions, la délégation a répondu que la Commission parlementaire de l’égalité des chances est un organe permanent et spécialisé, habilité à recevoir les plaintes de particuliers même si ses décisions ne sont pas juridiquement contraignantes.


Questions-réponses sur les articles 7 à 8 de la Convention relatifs à la vie politique et publique et à la représentation


M. CORNELIUS FLINTERMAN, expert néerlandais, a demandé si le Gouvernement turc envisageait d’imposer des quotas aux partis politiques pour y assurer une plus grande représentation des femmes.  Il s’est, par ailleurs, dit étonné que la législation turque interdise aux femmes de porter le voile.  Pourquoi les épouses du Président et du Premier Ministre turcs peuvent apparaître voilées en public alors la femme ordinaire n’a pas le droit de le faire? a renchéri l’experte algérienne, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI qui s’est aussi demandée si les femmes seraient mieux représentées après les élections législatives de juillet 2011.


La délégation a rappelé que la Turquie faisait partie des premiers pays à avoir accordé aux femmes le droit de vote et le droit de se présenter aux élections, dès les années 1930.  Aujourd’hui, le pays compte deux femmes ministres, 11 femmes ambassadeurs et 50 parlementaires, a souligné la délégation.  Le 12 septembre prochain, un référendum ouvrira la voix à de nouvelles mesures spéciales qui devraient permettre à un certain nombre de femmes qualifiées d’accéder à des postes à responsabilité.


La loi turque, a poursuivi la délégation, n’interdit pas aux femmes de porter un foulard.  Des obstacles au port du voile existent toutefois, notamment dans les universités et certains organes publics.  Sur cette question, a avoué la délégation, le consensus est difficile.


Questions sur les articles 10 à 12 de la Convention relatifs à l’éducation, à l’emploi et à la santé


Mme BARBARA EVELYN BAILEY, experte jamaïcaine, a regretté que le rapport n’offre pas d’information sur les femmes de groupes ethniques dont la langue n’est pas le turc, en particulier dans les zones rurales.  Elle a souhaité des précisions sur l’interdiction du port du voile dans l’enseignement.  Dans quelle mesure, cette interdiction affecte la scolarisation ou l’abandon scolaire chez les filles?


Qu’en est-il de l’éducation primaire et secondaire des enfants des demandeurs d’asile, s’est interrogée l’experte brésilienne, Mme PIMENTEL.  Dans le domaine, a poursuivi son homologue mauricienne, Mme PRAMILA PATTEN, de sérieuses discriminations existent à l’égard des femmes, en particulier les femmes voilées ou portant le foulard.  Les membres du système judiciaire sont-elles aussi touchées par cette discrimination? a demandé l’experte pour qui les critères vestimentaires sont une violation flagrante de l’article 11 de la Convention. 


Mme Patten s’est aussi inquiété des mesures que le Gouvernement compte prendre pour s’attaquer aux écarts de salaire.  M. NIKLAS BRUUN, expert de la Finlande, a posé la même question mais cette fois pour les femmes qui travaillent dans le secteur informel.  Est-il vrai, a-t-il demandé, par ailleurs, que les allocations familiales sont versées au père de famille? Et qu’en est-il, a-t-il poursuivi, de la situation des homosexuels devant l’emploi?


La délégation a indiqué que selon l’Institut turc du travail, les femmes représentent 49% des 168 000 chômeurs qui suivent une formation.  Des programmes spéciaux visant à améliorer l’emploi des femmes, y compris des mesures de discrimination positive, ciblent les jeunes et les femmes de toutes les tranches d’âge.  En dépit de la crise économique mondiale, a poursuivi la délégation, les données de 2009, la participation des femmes au marché de l’emploi est de 24%.  D’autre part, l’Institut a également formé son personnel sur les questions relatives au travail des femmes et à la manière de se comporter avec elles. Une formation professionnelle est également planifiée au niveau local pour décentraliser les efforts et répondre aux besoins particuliers des différentes provinces.  


S’agissant de la santé, l’experte chinoise, Mme ZOU XIOAQIAO s’est interrogée sur le budget de la stratégie nationale.  Le Gouvernement a-t-il envisagé le dépistage gratuit des cancers du sein et du col de l’utérus, en particulier dans les zones rurales et reculées?  Comment s’articule le cadre national de la lutte contre le VIH/sida? a encore demandé la représentante.


Que fait l’Etat partie pour modifier le comportement des hommes qui considèrent encore les femmes comme des citoyennes de seconde zone? a insisté Mme ZOHRA RASEKH, experte afghane.  Y-a-t-il confidentialité, assistance et garantie d’un plein accès aux traitements? a-t-elle poursuivi, avant que son homologue brésilienne, Mme PIMENTEL ne réclame des données ventilées par sexe dans le domaine de la santé.   


Dans sa réponse, la délégation turquea souligné que les mariages précoces de moins en moins fréquents, n’en restent pas moins une préoccupation pour le pays qui constate une forte corrélation entre éducation et taux de fécondité chez les adolescentes.


Ces dernières ont accès à des centres de santé des jeunes spécifiquement mis à leur disposition. La chute du nombre des mort-nés montre bien, a argué la délégation, que les services pour jeunes donnent des résultats positifs et que la Turquie est sur la bonne voie, même si le taux de mortalité chez les adolescentes est toujours plus élevé que la moyenne nationale.  La stratégie 2005-2015 sur la santé sexuelle accorde une importance particulière aux adolescents, identifiés comme l’un des cinq secteurs prioritaires.     


Conformément au Plan d’action sur la population et le développement, il incombe aux institutions de santé de protéger la sécurité et les droits individuels des patients, y compris ceux qui sont infectés par le VIH/sida.   Le renforcement des infrastructures médicales et de l’accès à des services de qualité constituent la priorité des politiques et stratégies de santé.


Pendant le service militaire, par exemple, les appelés travaillent aussi sur les grands thèmes de la sexualité, du rôle des hommes et des femmes dans la société et de la prévention des maladies sexuellement transmissibles, du VIH/sida et du cancer, a encore indiqué la délégation.


Questions-réponses sur les articles 13 et 14 de la Convention relatif aux prestations économiques et sociales et aux femmes rurales


Mme BARBARA EVELYN BAILEY, experte jamaïcaine, a demandé si le Gouvernement turc prévoyait des mesures pour inciter les femmes à se lancer dans l’entreprenariat.  Quel est le taux de succès des femmes dans le secteur privé? Est-il plus élevé que celui des hommes? a demandé l’experte qui a aussi souhaité savoir si les femmes pouvaient en leur nom solliciter des prêts bancaires ou des prêts hypothécaires. 


La délégation a expliqué des programmes de microcrédits étaient mis en place pour aider les femmes dans le besoin.  En Turquie, a-t-elle dit, les banques accordent des prêts aux femmes mais moins souvent qu’aux hommes. 


L’experte chinoise, Mme ZOU XIOAQIAO, a pour sa part déploré le manque de données ventilées par sexe sur les femmes rurales.  Elle a souhaité savoir si ces femmes bénéficiaient de régimes sociaux.  L’experte bangladaise, Mme FERDOUS ARA BEGUM, a souhaité davantage d’informations sur la lutte contre la violence faite aux femmes rurales. 


    La délégation a indiqué qu’elle avait mis en place une démarche multisectorielle pour venir en aide aux femmes rurales.  Les Gouverneurs de province sont chargés d’offrir une aide à ces femmes alors que le Gouvernement central appuie un programme de soutien scolaire en faveur des filles. 


    La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement turc s’est attaqué à la réforme de la sécurité sociale et qu’un système d’assurance santé universel devrait être mis sur pied en décembre de cette année.  Un système de protection sociale est aussi offert aux personnes non couvertes, telles que les femmes rurales, les travailleuses saisonnières, les femmes réfugiées et les femmes au foyer, a affirmé la délégation. 


Questions et commentaires supplémentaires


L’experte kenyenne, Mme VIOLET TSISIGA AWORI, a fait remarquer qu’il existait une certaine confusion dans ce qu’on entend par « famille » et a prié la délégation de fournir une définition claire.  Elle a par ailleurs requis des précisions sur l’amendement de la loi relative à la propriété conjointe et demandé au Gouvernement d’examiner son application rétroactive avant sa promulgation.  Elle a aussi demandé des précisions sur les tests de virginité.


Mme YOKO HAYASHI, experte japonaise, a posé des questions sur les conséquences du divorce et sur les mécanismes en place, notamment l’assistance juridique et la pension alimentaire.  Les femmes mariées doivent adopter le nom de famille du mari, qu’en est-il des femmes divorcées ou remariées?


La délégation a expliqué que les femmes peuvent garder leur nom de jeune fille ou adopter celui de leur époux.  La femme divorcée est également libre de conserver le nom de famille de son ex-époux.  Un délai de 300 jours lui est imposé avant tout remariage pour s’assurer qu’elle n’est pas enceinte de son ex-mari. S’agissant du test de virginité, c’est le juge qui a seul le droit de le demander.


En conclusion, la délégation a assuré de la détermination de son Gouvernement à poursuivre l’exercice de l’égalité entre les sexes et de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.  L’experte brésilienne et Vice-Présidente du Comité, Mme PIMENTEL, a salué les « efforts colossaux » déployés par la Turquie.


Outre la Ministre chargée de la condition de la femme et de la famille, Mme Selma Aliye Kavaf, la délégation turque était composée de 21 personnes issues de la Commission parlementaire sur l’égalité des chances, du Directorat général de la condition de la femme, du Directorat général pour la protection de l’enfant et des services sociaux, de l’Institut turc du travail, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Ministère du travail et de la Mission permanente de la Turquie auprès des Nations Unies.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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