Conférence de presse du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Olivier de Schutter
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CONFÉRENCE DE PRESSE DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LE DROIT À L’ALIMENTATION, M. OLIVIER DE SCHUTTER
Le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Olivier de Schutter, a appelé ce matin les Nations Unies à mettre en place une politique des semences de promotion de l’innovation, de la sécurité alimentaire et de l’agrodiversité, face à l’essor des semences commerciales. Ce dernier, a-t-il ajouté, se fait au détriment des semences traditionnelles dans les pays en développement.
Lancé lors d’une conférence de presse au Siège de l’ONU à New York, cet appel fait partie d’un ensemble de recommandations faites par M. de Schutter dans un rapport sur les relations entre les droits de propriété intellectuelle et le droit à l’alimentation, qu’il devait présenter cet après-midi devant la Troisième Commission de l’Assemblée générale. C’est la première fois qu’un expert indépendant de l’ONU analyse la notion de propriété intellectuelle sous l’angle du droit à l’alimentation.
« Il existe aujourd’hui deux types de semences », a expliqué M. de Schutter: les semences commerciales, certifiées et aux qualités améliorées, dont les brevets sont propriété des fabricants de semences, et les semences traditionnelles, produites chaque saison au niveau local par les agriculteurs. Pour le Rapporteur spécial, dont la mission est de conseiller les politiques alimentaires en faveur « du respect, de la protection et du développement d’un droit à l’alimentation des populations les plus vulnérables », ces deux marchés sont complémentaires et il faut en assurer la promotion.
« Le problème, c’est que les semences commerciales menacent désormais les semences traditionnelles », car les premières se sont développées à un rythme vertigineux dans les pays en développement ces dernières années, a-t-il ajouté.
Cette évolution risque « de rendre les fermiers trop dépendants des semences commerciales », a souligné l’expert indépendant des Nations Unies, qui a rappelé qu’une dizaine de multinationales de la semence détiennent 60% du marché des semences commerciales, un secteur d’activités de plus en plus concentré. Outre la dépendance financière envers ces entreprises, avec « des graines certifiées hors de portée pour les agriculteurs les plus pauvres », le phénomène représente « une menace sérieuse à la biodiversité », s’est alarmé M. de Schutter.
Dans ce contexte, « le régime actuel des droits de propriété intellectuelle est insuffisant pour pouvoir assurer la sécurité alimentaire de la planète », a averti le Rapporteur spécial.
Rappelant que les changements climatiques risquent d’affecter l’agriculture, surtout chez les populations les plus pauvres de la planète, M. de Schutter a insisté sur le fait que les politiques alimentaires ne devraient pas seulement s’attaquer à l’amélioration du rendement des graines mais devraient aussi se pencher sur les moyens d’augmenter les revenus des fermiers de ces régions, notamment en maintenant un équilibre entre le marché des semences traditionnelles et celui des semences commerciales.
Dans cette perspective, « les États devraient travailler en direction d’un droit des agriculteurs », a plaidé M. de Schutter. Les États devraient aussi réexaminer leur système de régulation et de certification des semences. Ils devraient aussi assurer la promotion du marché des semences locales. Enfin, la recherche et développement devrait intégrer les communautés locales d’agriculteurs et de chercheurs, a-t-il ajouté.
Sur ce dernier point, il a cité en exemple une amélioration génétique proposée par un chercheur péruvien sur une semence traditionnelle du pays, la oca, négligée des multinationales de la semence. L’opération a coûté quelque 10 000 dollars, « là où les programmes de recherche génétique sur les semences et les biotechnologies coûtent des millions de dollars » aux entreprises de ce secteur.
In fine, « les gouvernements ne devraient pas voir leurs priorités dans l’alimentation dictées par les intérêts du secteur privé », a conclu le Rapporteur spécial.
Les recommandations du rapport de M. de Schutter seront testées au cours des prochains mois dans des zones d’agriculture du Mali, dans la perspective de les appliquer à la région de l’Afrique de l’Ouest, a-t-il indiqué.
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