En cours au Siège de l'ONU

Conférence de presse

Conférence de presse du juge Goldstone à l’occasion de la publication du rapport de la mission d’établissement des faits sur Gaza

15/09/2009
Communiqué de presseConférence de presse
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

CONFÉRENCE DE PRESSE DU JUGE GOLDSTONE À L’OCCASION DE LA PUBLICATION DU RAPPORT DE LA MISSION D’ÉTABLISSEMENT DES FAITS SUR GAZA


Le rapport établit les violations de droit international commises par les deux parties et les qualifie de crimes de guerre


Le juge Richard Goldstone, qui dirige la mission d’établissement des faits mandatée par le Conseil des droits de l’homme sur le récent conflit à Gaza, a présenté ce matin, au cours d’une conférence de presse au Siège de l’ONU, à New York, les conclusions du rapport de cette mission, selon lesquelles de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont été commises par Israël au cours de ce conflit.  Les actions d’Israël équivalent à des crimes de guerre, selon les experts, et pourraient constituer des crimes contre l’humanité.  Il y a aussi des preuves dans le rapport que les groupes armés palestiniens ont, par leurs tirs répétés de roquettes et de mortiers dans le sud d’Israël, commis des crimes de guerre, qui pourraient également être qualifiés de crimes contre l’humanité.


Les quatre membres de cette mission, nommés par le Président du Conseil des droits de l’homme en avril dernier, avaient pour mandat d’enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui auraient pu être commises dans le contexte des opérations militaires à Gaza au cours de la période allant du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, que ce soit avant, pendant ou après.


Ancien juge à la Cour constitutionnelle sud-africaine, M. Goldstone a une longue expérience en droit international, qu’il a acquise notamment lorsqu’il était Procureur des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).


Le rapport a été achevé il y a seulement quelques heures, en vue d’être présenté devant le Conseil des droits de l’homme à Genève le 29 septembre.  Un lien a d’ailleurs été mis en place sur le site Web du Conseil des droits de l’homme pour accéder au rapport, a-t-il indiqué.  Les parties elles-mêmes, a-t-il précisé, ne l’ont reçu qu’une heure avant la conférence de presse. 


M. Goldstone a indiqué que la mission avait analysé 36 incidents à Gaza, ainsi que ceux ayant eu lieu en Cisjordanie et en Israël.  Elle a entendu individuellement 188 personnes, examiné plus de 10 000 pages de documents, environ 1 200 photos, notamment des images satellite, ainsi que 30 vidéos.  Au cours de deux audiences publiques à Gaza et à Genève, la mission a entendu 38 témoignages.  Si les personnes de Cisjordanie et d’Israël ont été entendues à Genève plutôt que sur le terrain, c’est parce qu’Israël a refusé l’accès à ces lieux, a fait observer M. Goldstone.  Israël a aussi refusé de répondre à toute une liste de questions, a-t-il ajouté.


La mission a décidé de mener son enquête entre le 16 juin 2008, date à laquelle est entré en vigueur le cessez-le-feu entre Israël, le Hamas et les groupes armés, et le 31 juillet 2009, a indiqué M. Goldstone.  Le rapport reflète l’opinion unanime de tous les experts de la mission qui viennent de toutes les parties du monde, a-t-il assuré. 


Dans l’accomplissement de leur mission, les experts ont été guidés uniquement par les normes pertinentes du droit international, a dit le juge Goldstone.  Il a ajouté qu’il s’était basé sur l’appréciation de ce qui a été dit lors des auditions et sur ce que les experts ont constaté personnellement à Gaza.  « Chaque chapitre du rapport commence par énoncer ce que nous avons constaté », a-t-il mentionné, précisant que les rapports d’organisations non gouvernementales (ONG) et les informations de source gouvernementale n’ont été utilisés que pour corroborer ces constations.  Le juge a cependant précisé une exception à ce traitement d’informations, en ce qui concerne ce qui s’est passé en Cisjordanie et en Israël, à cause de l’interdiction de se rendre sur le terrain.


« En se basant sur les faits ainsi constatés, nous avons réuni des preuves solides établissant de nombreuses violations graves du droit international, du droit international humanitaire et des droits de l’homme, commises par Israël pendant ses opérations militaires à Gaza, lesquelles, a-t-il dit, constituent des crimes de guerre, et peut-être des crimes contre l’humanité.  Les 36 incidents faisant l’objet de l’enquête ne relèvent pas de faits commis par des officiers ou des soldats, mais plutôt de la politique adoptée délibérément pour engager une action militaire en dehors d’un cas d’urgence.


En ce qui concerne les groupes armés palestiniens, il a indiqué que les tirs de roquettes et de mortiers ont été commis délibérément et visaient à tuer et à blesser leurs cibles et à détruire des structures civiles.  Ces actes peuvent être considérés comme des crimes de guerre graves et peut-être des crimes contre l’humanité, a-t-il expliqué.


Le chapitre 11 du rapport, par exemple, décrit des incidents dans lesquels les Forces de défense israéliennes ont lancé des attaques directes contre les civils ayant des conséquences mortelles.  La mission n’a pas pu identifier dans ces cas un objectif militaire pouvant justifier ces attaques, ce qui en fait des crimes de guerre, a expliqué le juge Goldstone.


Au nombre des 36 incidents, M. Goldstone a cité celui de l’attaque au mortier d’une mosquée dans la ville de Gaza, au moment où plusieurs centaines de personnes étaient réunies pour la prière, qui a entraîné la mort de 15 d’entre elles.  Pour justifier cette attaque, le Gouvernement israélien et les Forces de défense israéliennes ont invoqué le fait que la mosquée était utilisée pour abriter des membres de groupes armés à Gaza et pour stocker des armes.  « Après avoir interrogé plusieurs personnes, nous avons conclu qu’il n’y avait pas de militants qui s’y étaient abrités ».  Même en supposant qu’ils étaient présents dans cette congrégation et que des armes étaient cachées dans la mosquée, cela ne peut pas justifier l’attaque de la mosquée et des centaines de civils, a estimé l’expert.


Dans tous les documents présentés par le Gouvernement israélien, qui n’ont d’ailleurs pas été versés au dossier de notre enquête puisque le Gouvernement israélien n’a pas voulu coopérer avec nous, il n’est fait mention d’aucune erreur, a-t-il encore précisé.


Le rapport donne des détails sur les autres 35 cas qu’il cite, a indiqué le juge Goldstone.  La mission a aussi examiné les souffrances des victimes et les dommages causés dans les villes, à cause des tirs de roquettes et de mortiers.  On parle notamment des répercussions sur les enfants scolarisés et de la terreur qui a été ressentie par la population.  En outre, le rapport se montre critique à l’égard du Gouvernement israélien qui n’a pas fourni aux Palestiniens d’Israël une protection similaire à celle assurée aux citoyens juifs affectés par les attaques de roquettes et de mortiers.


Pour comprendre l’impact des attaques israéliennes sur l’économie et les infrastructures, nous avons examiné les effets du long blocus qui a été imposé par Israël dans la bande de Gaza pendant tant d’années, a assuré le juge Goldstone.  La mission a par exemple enquêté sur la destruction de l’usine de farine, a-t-il indiqué, signalant aussi qu’une grande partie de la production d’œufs à Gaza a été détruite et que 10 000 poulets ont été éliminés par les tirs israéliens.  Ces destructions ne peuvent pas être fondées sur le droit international, a estimé la mission.  Le juge Goldstone a signalé que ces faits sont décrits dans un rapport établi par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et qui est annexé à celui de la mission.


La mission a examiné des déclarations de dirigeants israéliens qui avaient annoncé leur intention de tirer sur les infrastructures du Hamas, mais estimé qu’en vertu du droit international, cela ne justifiait pas les opérations militaires pour arriver à cette fin.  Il a rappelé que le droit international humanitaire prohibe de prendre les civils pour cibles.


Le chef de la mission d’établissement des faits a ensuite indiqué que le rapport détaille aussi les nombreuses violations des droits de l’homme commises en Israël, en Cisjordanie et à Gaza.  Il signale les assassinats, les actes de torture et les détentions constatés dans ces zones, a-t-il précisé.


La mission a discuté longuement de la façon dont la responsabilité des parties devait être engagée, a reconnu l’expert.  Il a salué les efforts d’Israël pour enquêter sur les violations de droit international.  Les autorités de Gaza, a-t-il fait remarquer, n’ont mené aucune enquête pour arrêter les tirs sur le sud d’Israël.


La communauté internationale estime que la première solution souhaitable est l’enquête au niveau national.  C’est seulement si celle-ci n’est pas possible que la Cour pénale internationale (CPI) pourrait être saisie.


« Nous avons donc conclu que nous devions recommander au Conseil de sécurité de demander à Israël de faire un rapport dans les six mois sur les enquêtes qu’il mène concernant les violations mises en évidence dans le rapport de notre mission.  Nous proposons aussi que le Conseil de sécurité crée d’une part un comité d’experts indépendants qui serait chargé d’examiner les progrès réalisés par les enquêtes et les poursuites menées par les autorités israéliennes, et d’autre part un comité qui serait chargé d’examiner les enquêtes menées par les autorités de Gaza ».


Dans les deux cas, si aucune enquête indépendante et de bonne foi n’était constatée dans les six mois, le Conseil de sécurité devrait déférer la situation à Gaza au Procureur de la CPI, sur la base des recommandations des experts.


M. Goldstone s’est ensuite inquiété de l’utilisation par Israël de certaines munitions, comme celles au phosphore qui, si elle n’est pas interdite par le droit international, a cependant de graves conséquences pour la population.  L’Assemblée générale devrait discuter de l’utilisation de ces munitions partout dans le monde, a aussi demandé la mission.  Ces munitions causent de grandes souffrances humaines, ainsi que des dommages à l’environnement qu’on ne connaît pas encore, à Gaza et aussi probablement dans le sud d’Israël.


Répondant aux questions de plusieurs correspondants, accrédités auprès de l’ONU à New York et à Genève (par vidéoconférence), M. Goldstone a rendu hommage aux ONG qui ont travaillé de façon très professionnelle et objective.  Concernant les délais qu’il serait utile de fixer, il a souhaité que les procédures recommandées aient lieu aussitôt que possible car les auteurs de crimes de guerre doivent répondre de leurs actes.  Le Conseil de sécurité devrait prendre des décisions après l’expiration du délai de six mois consenti aux parties pour présenter leurs rapports.


Les enquêtes du côté israélien ont été menées de façon secrète et se sont basées sur les allégations des soldats israéliens, sans interroger une seule victime, a-t-il aussi noté, expliquant le manque de transparence et de possibilité de contradiction.


Répondant à une question sur l’immunité dont bénéficie Israël depuis de nombreuses années grâce au veto des États-Unis au Conseil de sécurité, le juge Goldstone a émis l’espoir que le Conseil traiterait cette question de façon positive.  « Je serai déçu que le Conseil de sécurité n’adopte pas une résolution pour demander des enquêtes et des rapports », a-t-il dit.


Le Conseil de sécurité peut appeler un État Membre, comme Israël, à mener un enquête au niveau national, mais c’est plus difficile à l’égard des autorités à Gaza, a-t-il reconnu, car elles ne constituent pas un État reconnu sur le plan international.  Le comité qui serait établi par le Conseil de sécurité pourrait examiner ces questions, a-t-il suggéré, avant de rappeler que le Conseil de sécurité est habilité à saisir la CPI de toute situation relevant de sa compétence.


Répondant à un correspondant sur l’utilisation éventuelle de munitions contenant de l’uranium, le juge Goldstone a précisé que le rapport de la mission ne faisait que mentionner des allégations.  Une enquête sur ce point pourrait être menée par d’autres experts, a-t-il estimé.


Les trois autres membres de la mission sont Christine Chinkin, professeur de droit international à Londres et membre de la mission d’établissement des faits à Beit Hanoun (2008); Hina Jilani, avocate près la Cour suprême du Pakistan et ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l’homme, également membre de la Commission internationale d’enquête sur le Darfour (2004); et Desmond Travers, ancien colonel des Forces de défense irlandaises et membre du Conseil de direction de l’Institut pour les enquêtes pénales internationales.


Les quatre experts donneront une conférence de presse à Genève le 29 septembre, a annoncé le juge Goldstone.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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