Conférence de presse de la coalition pour la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation au Darfour
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE LA COALITION POUR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI) SUR LA SITUATION AU DARFOUR
« Nous sommes confiants que la justice sera rendue aux victimes du Darfour », ont déclaré les membres de la Coalition pour la Cour pénale internationale (CPI). Richard Dicker de Human Rights Watch (HRW) et Omer Ismail de Darfur Peace and Development ont donné aujourd’hui une conférence de presse au Siège de l’ONU à New York, à la veille de la rencontre entre les membres du Conseil de sécurité et le Procureur de la CPI, Luis-Moreno Ocampo.
« La Cour a fait son travail, il revient maintenant aux États parties de faire le leur », a tranché Omer Ismail, natif d’El Fasher à l’Ouest-Darfour et réfugié aux États-Unis depuis une vingtaine d’années. Depuis le début de la crise, en 2003, l’évolution la plus importante, a-t-il estimé, a été le mandat d’arrêt délivré, le 4 mars dernier, contre le Président du Soudan, Omar El-Bashir, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Omer Ismail, qui a rencontré le Président américain, Barack Obama, le 25 mars dernier, a dit lui avoir demandé de tout faire pour obtenir l’arrestation du Président soudanais, « quelle que soit la position des États-Unis vis-à-vis de la CPI ». Il a dénoncé la « multiplication des manœuvres » de la part du Président soudanais dont l’invocation de l’article 16 du Statut de Rome sur le sursis à enquêter ou à poursuivre.
Si le Vice-Président de Darfur Peace and Development a reconnu que certains pays africains ont également invoqué cet article, il a toutefois attiré l’attention sur le fait que d’autres, « dont la presse ne parle jamais », se soient prononcés en faveur d’un procès en bonne et due forme car, a-t-il rappelé, « la Cour mérite mieux que ça ». Omer Ismail a appelé le Conseil de sécurité, et en particulier ses cinq membres permanents, à déclarer une fois pour toutes que « ce monde ne pourrait s’accommoder de criminels comme Omar El-Bashir ».
Il est temps, a renchéri Richard Dicker de Human Rights Watch, d’abandonner les discours diplomatiques et de s’arrêter sur le fait que des centaines de milliers de personnes sont mortes au Darfour et que le million de personnes déplacées continuent de subir les assauts des forces gouvernementales et des milices qu’elles soutiennent. Il a qualifié de « décision malheureuse » le fait que le Conseil ait prévu d’entendre le Procureur de la CPI à « huis clos ».
Aujourd’hui, les États Membres sont d’accord sur l’obligation du Soudan de coopérer avec la Cour, en vertu de la résolution 1593 (2005), s’est-il félicité, en ajoutant: « c’est ce texte qui établit le cadre juridique ». Richard Dicker a dit être conscient que l’arrestation d’un acteur aussi important du conflit n’est pas chose facile. Il a d’ailleurs dit s’attendre à ce qu’aujourd’hui même, après avoir entendu les magistrats des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, les membres du Conseil réitèrent leur appel à la Serbie pour qu’elle livre Ratko Mladić, sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis 13 ans.
Le représentant de Human Rights Watch a préféré mettre l’accent sur « les faits positifs » intervenus depuis la délivrance du mandat d’arrêt contre le Président soudanais. D’abord, a-t-il expliqué, le Conseil n’a pas cédé aux appels de l’Union africaine concernant l’article 16 du Statut de Rome. Il a tenu à souligner que ce n’est pas tant l’intransigeance du Conseil qui explique cet état de fait que l’entêtement d’Omar El-Bashir à ne pas faire d’efforts au Darfour.
En deuxième lieu, il a cité le fait que la Cour ait émis une citation à comparaître à Abu Garda, chef rebelle du Darfour, pour répondre de trois chefs de crimes de guerre qui auraient été commis dans le cadre d’une attaque lancée le 29 septembre 2007 contre la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS). Richard Dicker a salué un geste que « refuse de poser » le Tribunal pénal international pour le Rwanda contre les membres du Front patriotique rwandais (FPR).
Le fait qu’un rebelle se présente volontairement devant la Cour constitue un « acte fort qui affaiblit la position d’Omar El-Bashir», a estimé le Vice-Président de Darfur Peace and Development. Comme troisième fait positif, le représentant de Human Rights Watch a mis l’accent sur le fait que les accusations de certains pays -« dont la Libye et l’Algérie qui ne sont pas parties au Statut de Rome »-, selon lesquelles la Cour « ne réserve ses flèches » qu’aux dirigeants africains n’a trouvé d’écho ni parmi les États parties africains ni parmi la société civile.
Le Vice-Président de Darfur Peace and Development a rejeté toute vision manichéenne selon laquelle, il s’agirait d’un « combat entre la Cour et l’Afrique ». S’ils pouvaient s’exprimer librement, a-t-il argumenté, la majorité des Arabes, des musulmans et des Africains diraient qu’ils sont favorables à ce que des dirigeants comme Omar El-Bashir soient traduits devant la CPI. Si ces dirigeants s’opposent tellement à ce que la Cour traduise en justice un de leurs homologues, c’est peut-être qu’ils ont fait la même chose, voire pire, dans leur propre pays, a suggéré Omer Ismail.
Il est temps que le Conseil pense à imposer des sanctions comme l’interdiction de voyager, le gel des avoirs et la réduction au strict minimum des contacts diplomatiques, a plaidé le représentant de Human Rights Watch, en estimant que la décision de l’Afrique du Sud de décourager Omar El-Bashir de venir assister à l’investiture du Président Jacob Zuma va dans le bon sens.
Le Vice-Président de Darfur Peace and Development s’est montré très ému lorsqu’on lui a fait remarquer que la Cour n’avait pas retenu le crime de génocide contre le Président soudanais. Il a d’abord insisté sur le fait qu’il ne s’agit aucunement d’un « génocide des Arabes contre les Noirs », avant de déclarer néanmoins: « lorsque l’on explique aux gens qu’on les tue en raison du lieu dont ils sont originaires, qu’on pollue exprès leurs puits avec des corps en décomposition et qu’on prend soin de violer des fillettes de 9 ans devant leurs parents et leur village tout entier, pour moi, c’est un génocide ».
Richard Dicker, qui dirige le Programme sur la justice internationale de Human Rights Watch, a renchéri en arguant que la différence entre crimes contre l’humanité et crimes de génocide est à la limite « marginale ». Ce qui compte, c’est que les 200 000 personnes tuées au Darfour l’aient été dans le cadre d’une campagne planifiée de meurtres systématiques.
Le Vice-Président de Darfur Peace and Development a aussi appelé ses « frères musulmans et arabes à ne pas tout confondre ». Il s’est insurgé contre les comparaisons entre les crimes commis en Iraq et dans le Territoire palestinien occupé, d’une part, et ceux commis au Darfour, d’autre part.
« Les États-Unis et Israël, pays démocratiques où tout citoyen peut saisir la justice contre son propre président, n’ont jamais nié qu’ils constituent une force d’occupation. Au Darfour, nous sommes devant un Gouvernement qui s’attaque à son propre peuple et un système judiciaire qui ne peut ou ne veut pas rendre justice », a-t-il fait remarquer.
La paix ne viendra que de la vérité, celle qui figure dans les milliers de pages de rapports établis par les observateurs, les organisations non gouvernementales (ONG) et la CPI. Le coupable c’est le Gouvernement soudanais et les victimes sont la population du Darfour, a-t-il tranché.
Richard Dicker n’a pas échappé à quelques questions sur les critiques adressées par Human Rights Watch au Bureau du Procureur de la CPI. « Nous sommes de fervents défenseurs de la Cour, mais pas des « cheerleaders », a-t-il dit. « Nous avons légitimement exprimé nos préoccupations face à certains dysfonctionnements, dont le moindre de ces dysfonctionnements n’est pas le changement fréquent de personnel. Le but, a-t-il rappelé, est de créer une mémoire institutionnelle.
Le représentant de Human Rights Watch a aussi appelé le Procureur à faire une déclaration claire contre le cas « consternant» de Bosco Ntanganda qui, sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis 2006, participe désormais aux côtés de l’armée congolaise et de la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (MONUC) à la traque des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Le fait que le Président de la RDC, Joseph Kabila, ait déclaré que la paix est plus importante que la justice est « un scandale », a conclu Richard Dicker.
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