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Conférence de presse

CONFÉRENCE DE PRESSE SUR L’ANNONCE DE LA DÉLIVRANCE D’UN MANDAT D’ARRÊT À L’ENCONTRE D’OMAR HASSAN AHMAD AL-BASHIR, PRÉSIDENT DU SOUDAN, PAR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

04/03/2009
Communiqué de presseConférence de presse
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

CONFÉRENCE DE PRESSE SUR L’ANNONCE DE LA DÉLIVRANCE D’UN MANDAT D’ARRÊT À L’ENCONTRE D’OMAR HASSAN AHMAD AL-BASHIR, PRÉSIDENT DU SOUDAN, PAR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE


En délivrant un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, la Cour pénale internationale (CPI) a pris une décision « historique », se sont félicités ce matin Richard Dicker, de « Human Rights Watch », et Niemat Ahmadi, de « Save Darfur Coalition », au cours d’une conférence de presse parrainée par la Mission permanente du Liechtenstein auprès des Nations Unies et introduite par Tanya Karansios, de la Coalition pour la Cour pénale internationale.


Aujourd’hui, la Chambre préliminaire I de la CPI a, en effet, délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais pour les chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  C’est le premier mandat d’arrêt jamais délivré par la CPI à l’encontre d’un chef d’État en exercice.


Richard Dicker, le Directeur du Programme de justice internationale de l’organisation de défense des droits de l’homme « Human Rights Watch », a déclaré que ce jour est un grand jour pour les Soudanais, pour la CPI, pour la justice internationale et la lutte contre l’impunité.  « En émettant ce mandat d’arrêt, c’est comme si la CPI avait lancé un avis de recherche contre le Président soudanais pour les crimes qu’il a commis contre son peuple », a-t-il estimé.


Même si la délivrance de ce mandat ne se traduira pas nécessairement par son arrestation immédiate, Omar Al-Bachir sera « stigmatisé », puisqu’il est « soupçonné d’être pénalement responsable, en tant que coauteur indirect ou auteur indirect, d’attaques intentionnellement dirigées contre une importante partie de la population civile du Darfour, ainsi que de meurtres, d’actes d’extermination, de viol, de torture, de transfert forcé d’un grand nombre de civils et de pillage de leurs biens », a précisé M. Dicker, en rappelant le libellé du mandat d’arrêt.


Le représentant de « Human Rights Watch » a rappelé le cas de Radovan Karadzic, le dirigeant des Serbes de Bosnie, arrêté 13 ans après la délivrance à son encontre d’un mandat d’arrêt par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.  Dans l’intervalle, Radovan Karadzic fut recherché, ostracisé et exclu de tout processus politique ou de réconciliation, a souligne M. Dicker.  « Le président du Soudan doit, quant à lui, savoir que le monde le regarde aujourd’hui d’une manière très différente du regard qui, hier encore, était porté sur lui. », a-t-il lancé aux correspondants de presse accrédités auprès des Nations Unies.


M. Dicker a ensuite expliqué qu’il incombait maintenant aux autorités soudanaises d’appliquer ce mandat d’arrêt, car la CPI ne dispose pas elle-même des moyens nécessaires pour le faire.  Même si le Soudan n’est pas partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et ne reconnaît pas l’autorité de cette instance, il n’en reste pas moins que le Conseil de sécurité a, par la résolution 1593 (2005), « décidé que le Gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour doivent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur », a-t-il rappelé.


Richard Dicker a de ce fait enjoint les membres du Conseil de sécurité qui ont des liens étroits avec le Gouvernement du Soudan –« à savoir la Chine et la Jamahiriya arabe libyenne »- à inviter ce pays à respecter ses obligations internationales et à ne pas se servir du mandat d’arrêt comme prétexte pour compromettre le déploiement complet de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) ou pour gêner les travailleurs humanitaires qui œuvrent à l’amélioration des conditions de vie des personnes déplacées et des civils en détresse.


Quant à l’article 16 des statuts de la CPI, que le Conseil de sécurité pourrait invoquer pour geler les poursuites lancées contre Omar Hassan Ahmad Al-Bachir pendant un an, Richard Dicker a assuré que l’« arithmétique » actuelle au sein du Conseil de sécurité sur cette question excluait la possibilité d’y avoir recours, « ce que savent parfaitement aussi bien la Chine et la Jamahiriya arabe libyenne, que la Fédération de Russie ».


Interrogé sur l’impact éventuel de la décision de la Cour sur le processus de paix au Soudan, Richard Dicker a rejeté l’existence même d’un tel processus au Darfour, ceci en raison de l’absence de volonté politique véritable des parties au conflit à mettre fin à la situation qui prévaut dans la région.  Aux journalistes qui l’ont questionné sur le fait que la décision de la Cour pouvait être interprétée comme l’expression d’un clivage entre une « justice occidentale » d’un côté et le « monde arabo-musulman » de l’autre, il a répondu que si l’Union africaine et la Ligue des États arabes avaient assumé leurs responsabilités vis-à-vis du peuple du Darfour et s’étaient dotées de mécanismes de protection des droits de l’homme, ce cas n’aurait jamais été déféré à la CPI.


Le Directeur du Programme de justice internationale de « Human Rights Watch » s’est dit conscient que l’appareil de justice internationale actuel était un « terrain de jeu inégal » reflétant les disparités de la diplomatie mondiale.  « Oui », a-t-il reconnu, « les chances qu’un dirigeant occidental se retrouve sous le coup d’un mandat d’arrêt sont moindres que celles concernant un dirigeant africain ».  « Mais ce n’est pas parce qu’il ne peut y avoir de justice pour tous qu’il ne peut y avoir de justice du tout », a-t-il estimé, soulignant que trois des quatre affaires dont était saisie la Cour l’avaient été à l’initiative d’États africains, et que pas moins de 30 pays d’Afrique étaient signataires du Traité de Rome.


Originaire du Darfour, Mme Niemat Ahmadi, de l’organisation non gouvernementale « Save Darfur Coalition », a qualifié, elle aussi, l’annonce du mandat d’arrêt lancé par la CPI contre Omar Hassan Ahmad Al-Bashir « d’historique ».  Elle a regretté que les dirigeants africains aient échoué à assumer leurs responsabilités vis-à-vis du peuple soudanais.  Tout en assurant que, pour les habitants du Darfour, le processus de paix est une priorité, Mme Ahmadi a tenu à ajouter qu’il ne saurait cependant y avoir pour eux de paix sans justice.


« La liberté des populations du Darfour et leur confiance dans le Gouvernement soudanais ne seront pas rétablies tant que justice n’aura pas été faite », a déclaré la représentante de « Save Darfur Coalition », avant de conclure: « nous sommes tous égaux, et personne n’est au-dessus des lois ».


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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