CNUCED XII: LA PROSPÉRITE DE L’AFRIQUE PASSE PAR UNE JUSTE REDISTRIBUTION DES CARTES DU COMMERCE INTERNATIONAL, CONVIENNENT LES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT
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CNUCED XII: LA PROSPÉRITE DE L’AFRIQUE PASSE PAR UNE JUSTE REDISTRIBUTION DES CARTES DU COMMERCE INTERNATIONAL, CONVIENNENT LES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT
(Publié tel que reçu)
Accra, GHANA, 21 avril -- Du succès du Cycle de négociations commerciales de Doha, centré sur le développement, dépend le relèvement économique de l’Afrique, ont prévenu, ce matin, à Accra les chefs d’État et de gouvernement réunis dans le cadre du débat de haut niveau des travaux de la douzième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED XII), pour discuter des mesures à prendre en vue de mettre le système commercial multilatéral au service de la prospérité de l’Afrique.
Présidant cette séance plénière, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a rappelé que la communauté internationale se trouvait devant « une urgence de développement en Afrique », continent dont aucun pays ne sera en mesure de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) d’ici à 2015. Pourtant, les exemples ne manquent pas pour démontrer que des progrès sont possibles, comme cela se voit au Ghana, pays hôte de la CNUCED XII, au Kenya ou encore en République-Unie de Tanzanie, a fait remarquer M. Ban Ki-moon.
Mais ces avancées partielles restent insuffisantes pour insuffler à l’Afrique le dynamisme dont elle a besoin à l’échelle continentale. Pour lui permettre de goûter pleinement aux fruits de la mondialisation, elle doit entrer dans un cycle de croissance économique soutenue par des exportations et rompre avec celui « vicieux » de l’assistanat dans lequel elle se trouve depuis tant d’années, a fait observer le représentant du Luxembourg.
De nombreux participants ont ainsi fait observer qu’il fallait réorienter l’aide publique au développement (APD), dont la plus grande partie est consacrée en ce moment à l’allègement de la dette. Alors qu’ils ne représentent que 3% du commerce mondial et des investissements étrangers directs, les pays d’Afrique doivent pouvoir compter sur une redistribution des règles du commerce mondial qui leur permette de nouer des échanges avec les pays développés et non simplement avec leurs voisins immédiats.
Encore faut-il pour cela que les pays industrialisés renoncent aux pratiques protectionnistes massives qui sont les leurs, comme les différentes formes d’aides financière et douanière accordées à leurs producteurs et exportateurs agricoles ou les subventions aux pêcheries, qui faussent la donne du système commercial multilatéral et provoquent de graves asymétries dommageables
aux pays en développement. Le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ne s’y est pas trompé en affirmant que tout accord conclu à Doha devrait être axé sur la nécessité du développement et qu’un échec signifierait avant tout celui de l’Afrique.
Les flux commerciaux asymétriques qui existent aujourd’hui entretiennent la fragilité des économies africaines, rendant plus ardues les perspectives de leur insertion dans l’économie internationale, surtout lorsqu’on sait le caractère aléatoire de la demande mondiale en matières premières, a indiqué le représentant de l’Algérie, qui s’exprimait au nom du Président Bouteflika, empêché. Dans ce contexte, plusieurs intervenants, dont le Président du Ghana, John Kufuor, ont demandé, comme le prévoit Doha, la généralisation, pour tous les pays africains, du traitement spécial différencié, qui permettrait à ces derniers de renforcer leur compétitivité au niveau international.
En outre, pour donner un contenu réel à l’intégration du Sud dans le système multilatéral de commerce, le représentant de l’Algérie a proposé de ne pas astreindre les pays en développement, candidats à l’adhésion à l’OMC, à plus d’obligations que celles contractées autrefois par d’autres pays en développement qui sont aujourd’hui déjà membres de l’Organisation, afin que les engagements auxquels auront à souscrire les nouveaux venus ne soient pas handicapants pour leur développement économique et social.
La plupart des pays développés représentés au cours de cette réunion de haut niveau ont reconnu la pertinence de ces mesures, comme la nécessité de nouer des partenariats constructifs avec les pays africains. Fort de la réussite de sa reconversion vers la production de biocarburants, le Brésil a, par exemple, proposé, par la voix du Président Lula da Silva, d’exporter son modèle au Ghana, où il est envisagé de produire désormais de l’électricité grâce à l’usage de la bagasse locale. Le Luxembourg a annoncé, de son côté, la mise en place, par la Commission européenne, d’un fonds fiduciaire, auquel il a contribué à hauteur de deux millions d’euros.
La Présidente de la Finlande, Mme Tarja Halonen, a tenu à faire un plaidoyer en faveur du rétablissement de la bonne gouvernance démocratique et pour l’éradication de la culture de la corruption, ce qui exige de la part des pays africains une action intégrée sur les plans politique, économique et social. Pour sa part, la Vice-Ministre de l’économie et des technologies de l’Allemagne a rappelé que les fondements essentiels de l’économie de marché étaient la primauté du droit, la libre concurrence et le respect du droit de propriété.
Les participants à la CNUCED XII tiendront cet après-midi, à 16 heures, un « débat mondial de haut niveau » sur l’investissement.
DÉBAT DE HAUT NIVEAU
Commerce et développement pour la prospérité de l’Afrique: action et direction
Déclarations liminaires
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies et Président du débat de haut niveau, a rappelé à la communauté internationale qu’elle se trouve devant « une urgence de développement », en particulier en Afrique, où aucun pays ne sera en mesure de réaliser dans les délais impartis les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Dans le même temps, les avancées enregistrées dans certains pays africains indiquent que des progrès rapides sont possibles. Citant l’exemple du Ghana, du Kenya, de la République-Unie de Tanzanie ou de l’Ouganda, le Secrétaire général a annoncé que son Groupe de pilotage sur les OMD est en train de préparer des recommandations détaillées sur la manière de répéter ces succès ailleurs. Les progrès sont possibles, a insisté le Secrétaire général, parce que les économies africaines se sont très bien comportées au cours de ces dernières années. La croissance et la bonne politique macroéconomique jettent une base solide pour des efforts renouvelés en faveur des OMD. Les engagements actuels suffisent et il faut maintenant passer aux actes, a dit le Secrétaire général.
Les avantages de la mondialisation, en particulier le renforcement du commerce et des investissements, sont parmi les moteurs les plus efficaces de la croissance à long terme et du développement humain, a poursuivi le Secrétaire général, en regrettant que l’Afrique n’en soit pas encore là, elle qui ne représente que 3% du commerce mondial et des investissements étrangers directs (IED). Une bonne manière de remédier à cette situation serait d’assurer le succès du Cycle de négociations commerciales de Doha, a-t-il dit. Les échanges Sud-Sud, les IED, le développement des entreprises et la mise sur pied d’infrastructures requises, grâce à l’Initiative de l’aide pour le commerce, peuvent également encourager les progrès de l’Afrique, a ajouté le Secrétaire général.
Pour leur part, les gouvernements africains qui profitent du boom actuel des prix des produits de base devraient accroitre leurs dépenses en faveur de la réalisation des OMD. Les donateurs peuvent aider ces pays en accroissant l’aide publique au développement (APD), une promesse qu’ils ont faite, mais qu’ils n’ont pas encore tenue, a constaté Ban Ki-moon. La réalisation des OMD, a poursuivi le Secrétaire général, a été compliquée par la hausse du prix des denrées alimentaires qui menace de réduire à néant les succès engrangés jusqu’ici.
Cette situation exige une augmentation des investissements dans l’agriculture et souligne l’importance d’avoir un marché agricole ouvert, a souligné le Secrétaire général. Compte tenu des crises politiques que cette flambée des prix provoque, en particulier en Afrique, M. Ban Ki-moon a exhorté la CNUCED XII à envisager des mesures ambitieuses pour garantir l’accès des plus pauvres aux denrées alimentaires. Le Programme alimentaire mondial (PAM), a-t-il rappelé, a déjà demandé 755 millions de dollars pour faire face aux besoins actuels, et il faut répondre à son appel.
Le commerce et les investissements doivent servir à lancer la révolution verte en Afrique, a estimé M. Ban Ki-moon. Aujourd’hui, la flambée des prix des produits de base est une occasion unique de réduire les distorsions du marché, dont celles que représentent les subventions agricoles et les taxes sur les produits agricoles. J’exhorte les pays à travailler dans ce sens dans le cadre du Cycle de Doha, a dit le Secrétaire général, avant de soulever la question des changements climatiques, un autre domaine de préoccupation en Afrique. Il a demandé à la communauté internationale de mettre au point des stratégies qui soient une chance et non un obstacle au développement et à la prospérité de l’Afrique. Les échanges de vues qui vont avoir lieu ici à Accra, a-t-il conclu, ne pourront qu’enrichir la Réunion de haut niveau sur la réalisation des OMD qui se tiendra en septembre prochain à New York, ainsi que la conférence de suivi du Consensus de Monterrey, prévue en fin d’année à Doha au Qatar.
M. SUPACHAI PANITCHPAKDI, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), a déclaré que le temps des grands discours théoriques était révolu. Tout en se félicitant de la croissance économique observée dans les pays en développement, il a cependant estimé que celle-ci était fragile, menacée notamment par la crise qui s’est abattue dans le secteur des denrées alimentaires avec une hausse incontrôlée des prix. Dans ce contexte, il faudrait maintenir un objectif de croissance annuelle de 7% pour les pays africains, a souligné Supachai Panitchpakdi, en indiquant que de nouvelles stratégies sont indispensables pour y parvenir. L’intégration économique de l’Afrique ne s’est pas réalisée et le commerce interafricain ne s’est pas développé comme il aurait dû, a déploré le Secrétaire général de la CNUCED. Il faudra également tenir compte des retombées du Cycle de négociations commerciales de Doha, a-t-il indiqué.
Déclarations
M. JOHN AGYEKUM KUFUOR, Président du Ghana, a déclaré que s’il n’y a pas de formules universelles de développement, il y a néanmoins des exemples dont on peu s’inspirer, comme le Brésil, l’Inde et la Chine. Ces pays ont déjà noué des liens avec l’Afrique, s’est-il réjoui, en demandant que l’on encourage cette tendance à la coopération Sud-Sud pour rompre avec le vieux paradigme de dépendance Nord-Sud. Le Président ghanéen a aussi voulu que le partenariat entre l’Afrique et les Nations Unies soit renforcé pour aider les pays en développement à atteindre les OMD. Le Ghana se félicite de l’invitation lancée par le Secrétaire général concernant la Réunion de haut niveau sur la réalisation des OMD, prévue en septembre à New York. Les partenariats avec l’Afrique doivent évoluer, a demandé M. Kufuor. Il faut un « New Deal » pour multiplier les chances du continent africain dans les domaines du commerce, des investissements et des technologies. Il faut, a insisté le Président, mettre en place un partenariat fondé sur la solidarité et des objectifs partagés, au sein duquel, on aiderait les pays concernés à obtenir une aide financière pour renforcer leurs capacités, mettre en valeur leurs ressources humaines, développer le secteur du transport, diversifier les sources d’énergie, avoir l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC) et renforcer le secteur financier.
En matière commerciale, les pays africains doivent obtenir un traitement spécial et différencié, comme le prévoit le Cycle de Doha, pour pouvoir renforcer leur compétitivité. Les donateurs doivent contribuer à l’industrialisation de l’Afrique, en y affectant les IED nécessaires, a plaidé John Kufuor. Les nouveaux partenariats, a précisé le Président, doivent faire fond sur l’intégration économique et commerciale Sud-Sud. Une Afrique unie et forte serait un meilleur partenaire commercial pour le reste du monde. Ne manquons pas, a encouragé le Président, l’occasion de susciter des changements pour faire du monde un endroit plus propice au développement. Il a conclu en rappelant qu’il parraine une initiative concernant un fonds d’énergie renouvelable et de biocarburant pour examiner les possibilités qu’offre à cet égard l’Afrique. Le fonds vise à assurer un approvisionnement énergique permanent tout en aidant à réduire le réchauffement de la planète.
M. LUIZ INÁCIO LULA DA SILVA, Président du Brésil, a rappelé que la part du continent africain dans les échanges commerciaux et les richesses mondiales ne s’élevait qu’à 1%. L’Afrique est un continent où fleurit néanmoins l’espoir, un certain nombre de ses pays ayant réussi à mobiliser davantage de fonds issus de l’aide publique au développement (APD) en faveur de la réalisation des OMD. Il faut cependant rechercher des ressources additionnelles pour relancer la croissance en Afrique, a préconisé M. Lula da Silva. Nous luttons pour que le système multilatéral redevienne plus juste, et dans ce contexte, les pratiques protectionnistes, comme les subventions agricoles accordées par les pays développés à leurs producteurs et exportateurs sont inacceptables. Ce type de préférences commerciales est peut-être positif pour les pays qui les pratiquent à très court terme, mais elles créent des asymétries durables au niveau international, a prévenu le Président brésilien. La production de biocarburant est un domaine dans lequel il est possible de coopérer avec les pays africains, a suggéré M. Lula da Silva. Au Brésil, la production d’éthanol a permis de créer des emplois pour un million de personnes et de réduire significativement les émissions atmosphériques de gaz à effet de serre. Nous sommes prêts, a déclaré le Président brésilien, à partager notre savoir-faire, comme nous comptons le faire ici au Ghana, où nous envisageons la production de 47 mégawatts d’électricité grâce à la transformation de la bagasse locale. Quelle que soit la stratégie adoptée, il faut veiller à limiter l’impact de celle-ci sur les populations locales, a ensuite indiqué M. Lula da Silva. Les ressources privées jouent à cet égard un rôle important, mais les ressources publiques sont plus de nature à créer les conditions d’un développement durable.
La coopération avec l’Afrique est un critère essentiel pour le Brésil, a ensuite souligné le Président du Brésil. Nous avons multiplié les accords commerciaux et les projets de développement, faisant du continent africain le quatrième partenaire commercial du Brésil, et nous avons quadruplé nos échanges au cours de ces dernières années. Des projets communs ont germé dans les domaines politiques, économiques et sociaux, a relevé M. Lula da Silva. Ainsi, dans un pays lusophone comme le Mozambique, nous avons mis sur pied une institution dont les activités visent à renforcer la lutte contre le paludisme, a-t-il déclaré à titre d’exemple.
Mme TARJA KAARINA HALONEN, Présidente de la Finlande, a plaidé pour que l’Afrique ait la possibilité de participer au commerce régional et international. Les pays africains doivent bénéficier de l’appui et de la solidarité des autres pays pour renforcer leurs capacités commerciales et économiques, et en la matière, l’expérience de l’Union européenne peut être utilement étudiée, a recommandé Mme Halonen. Il faut, a-t-elle dit, insister sur le développement du commerce intra-africain et s’efforcer de répondre aux besoins existant en matière d’infrastructures, de renforcement des capacités et d’environnement favorable au commerce sans oublier la promotion de la bonne gouvernance. La Présidente finlandaise a rappelé les « mots durs » qui ont été échangés au cours d’un panel auquel elle a participé sur la lutte contre la corruption. La bonne gouvernance, a-t-elle dit, est un concept large qui exige une action intégrée sur les plans politique, économique et social. Elle doit s’appuyer sur des principes communs, dont l’interaction entre les institutions et les citoyens. La gouvernance démocratique ne peut être imposée, parce que chaque histoire est différente. Mais on peut apprendre à partir de l’expérience des uns et des autres. La bonne gouvernance, a-t-elle insisté, est particulièrement importante dans les échanges Sud-Sud et il faut espérer que les tendances positives vont encore plus se développer.
La CNUCED, a estimé la Présidente, doit aider les pays africains à développer un climat d’affaires en y mettant en place un cadre approprié, lequel est la base nécessaire si l’on veut pouvoir profiter de la mondialisation. Ceci est vrai pour tous, que l’on soit du Sud, du Nord, de l’Est ou de l’Ouest. Les pays développés peuvent contribuer à l’intégration des pays africains en s’ouvrant à leurs exportations, a dit Mme Halonen. Diversifier les échanges, se démarquer de la dépendance envers certains produits de base et mettre en place les infrastructures requises est une nécessité. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est ici, a dit la Présidente, pour écouter les aspirations des uns et des autres. On a tous, a-t-elle regretté, une idée préconçue de l’Afrique. L’Afrique et l’Europe doivent revoir leur manière de voir les choses, a recommandé la Présidente de la Finlande. Les 27 États membres de l’Europe sont prêts à mettre sur les rails un nouveau type de coopération et sont prêts à revoir les liens qui ont été établis au fil de l’histoire avec l’Afrique, dans le cadre de l’« excellent » Accord de partenariat économique, a-t-elle dit. Parlant de la clef des succès économiques de la Finlande, elle a dit qu’elle se résumait en un mot, qu’elle a répété trois fois: « l’éducation, l’éducation, l’éducation ». Mais, a-t-elle ajouté, « l’éducation avec un esprit ouvert sur l’extérieur ».
M. ERNEST BAI KOROMA, Président de la Sierra Leone, a rappelé que les gains qui sont attendus de la croissance africaine ne se sont pas réalisés comme souhaité. Nous devons donc engager des réformes et pouvoir compter sur des ressources additionnelles de la part des différents donateurs internationaux afin de rattraper notre retard, a dit M. Koroma. Il faudrait commencer par échafauder une stratégie ambitieuse afin de réorienter les investissements, a-t-il préconisé. Des mesures structurelles sont également indispensables pour mettre fin à la crise des denrées alimentaires, a-t-il estimé. Il est d’autre part également urgent d’éradiquer la culture de corruption qui gêne la bonne gouvernance démocratique sur le continent. Les subventions de toutes sortes accordées par les pays développés à leurs producteurs et exportateurs agricoles constituent également un obstacle pour les pays en développement dans leur volonté d’accéder aux marchés internationaux, a regretté le Président sierra-léonais.
En outre, a poursuivi M. Koroma, la croissance du secteur privé est favorable à la création d’un environnement macroéconomique susceptible de créer des conditions favorables à l’investissement. Le commerce est une chance qui nous est donnée de pouvoir diversifier l’économie, a poursuivi le Président. En premier lieu, a-t-il ajouté, nous devons nous fixer une échelle de priorités nationales en facilitant les transferts de technologies et en établissant des institutions de telle sorte que nous favorisions les échanges de savoir-faire. Il est scandaleux de constater que l’essentiel des échanges commerciaux de la Sierra Leone se fasse avec ses voisins immédiats qu’avec l’Union européenne, a lancé M. -Koroma. Il a également recommandé de renflouer le marché des capitaux africains. Il faut faire un pas qui permette à nos pays d’avancer et de saisir les meilleures opportunités économiques dont l’Afrique a tant besoin, a dit M. Ernest Bai Koroma.
Mme ANA VILMA ALBANEZ DE ESCOBAR, Vice-Présidente d’El Salvador, a déclaré que son pays avait su, avec succès, améliorer son économie et ses infrastructures, rehausser le niveau de son PIB, relancer ses exportations et diversifier ses échanges commerciaux. Citant El Salvador en exemple, elle a expliqué que le pays et ses différentes factions politiques avaient signé des accords de paix et tenu des élections libres, afin de renforcer les institutions démocratiques salvadoriennes. En outre, El Salvador a mis au point un programme de réformes économiques que nous avons appliqué à la lettre, et que nous continuons à suivre aujourd’hui. Nous sommes devenus ainsi la deuxième nation d’Amérique centrale en termes d’accueil d’investissements, ce qui a permis de renforcer le secteur bancaire national. Certes les progrès ne peuvent pas se faire du jour au lendemain, a reconnu Mme Albanez de Escobar. Chaque jour est une lutte pour consolider les progrès de la veille, a-t-elle prévenu.
Par ailleurs, au cours des 15 dernières années, El Salvador a su réduire la pauvreté de manière significative, a poursuivi la Vice-Présidente. À l’heure actuelle, le pays est en voie de finaliser la création d’une union douanière au niveau régional et a conclu un accord avec l’Union européenne. Des projets de réalisation d’infrastructures sont en cours et seront réalisés grâce à l’investissement étranger direct. Une stratégie d’exportation sur 10 ans a été mise en place. Environ 65% du PIB d’El Salvador provient du secteur des services, bien que l’agriculture continue de jouer un rôle moteur dans l’économie nationale, et dans ce domaine, des efforts seront déployés pour accroître les capacités de production qui permettront de faire face à la crise que l’on observe dans les cours des denrées alimentaires. Nous devons cependant trouver d’autres mécanismes pour promouvoir de nouvelles infrastructures et secteurs de production et devenir moins dépendants du pétrole, a dit Mme Albanez de Escobar, en soulignant qu’El Salvador allait privilégier la production de biocarburants.
M. BENJAMIN MKAPA, ancien Président de la République-Unie de Tanzanie, a rappelé que durant la période postcoloniale, les États africains ont privilégié une politique centrée sur l’action des pouvoirs publics qui étaient censés mettre en place un cadre socioéconomique approprié et mobiliser les ressources nécessaires à la promotion des infrastructures ou des services sociaux. La croissance semblait devoir être impulsée par le secteur public. Ces dernières années ont montré les limites de telles politiques, a indiqué M. Mkapa. La croissance a en effet stagné et les recettes publiques ont décliné, alors que la population avait développé un appétit croissant pour les prestations des services sociaux tout en voulant se sortir de la pauvreté. Aussi, ces deux dernières décennies, un rôle plus grand a-t-il été accordé au secteur privé et aux IED. En République-Unie de Tanzanie, une croissance économique moyenne de 4,7%, une demande intérieure forte et une hausse très nette des IED sont venues saluer ce changement de cap, s’est félicité l’ancien Président, qui a insisté sur les réformes entreprises pour maintenir la stabilité macroéconomique.
Prescrivant quelques remèdes pour aller de l’avant, l’ancien Président a prôné la mise en place de guichets uniques pour les investissements, de mécanismes adaptés pour le bon fonctionnement des entreprises, de cadres de concertation entre les investisseurs et les gouvernements et d’une justice commerciale transparente. L’ancien Président tanzanien a aussi prôné la mise au point d’un mécanisme crédible de contrôle des changes. Il a aussi souligné l’importance du secteur foncier et de la lutte contre le VIH/sida.
M. Mkapa a conclu sur la nécessaire appropriation nationale du développement. Il faut, a-t-il dit, une réglementation efficace qui fonctionne et qui ne sclérose pas l’innovation afin de ressusciter les investissements nationaux. L’Afrique doit se donner les moyens de contrer la récession qui se profile déjà dans l’hémisphère Nord, a-t-il dit. Elle doit aussi s’interroger sur la durée du boom des prix des produits de base et se préparer à toute éventualité. Tout en regrettant le déclin de l’APD, il a appelé l’Afrique à s’engager dans une stratégie d’autonomie. Le continent doit utiliser ses
ressources de manière juste, et ceci exige que la diaspora soit intégrée dans les plans de mobilisation des ressources, a recommandé M. Benjamin Mkapa. Le développement exige la stabilité macroéconomique et une bonne gouvernance, a conclu l’ancien Président.
M. PASCAL LAMY, Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a déclaré que le système multilatéral commercial actuel ne répondait pas aux défis actuels que sont les changements climatiques, les pandémies ou encore les conflits régionaux. Les règles du jeu doivent changer si nous voulons y répondre avec efficacité, a dit M. Lamy. À cette fin, il est nécessaire de redistribuer les cartes pour que les pays en développement en profitent à leur tour, a-t-il recommandé. Certaines règles, comme les subventions aux pêcheries et les aides douanières sont inéquitables et anachroniques, a-t-il affirmé, et elles doivent être supprimées. Il faut que l’Afrique bénéficie d’un accord, car elle se situe dans l’épicentre des enjeux de développement. Tout accord conclu à Doha devra être forcément un accord orienté vers le développement, a rappelé M. Lamy. Ces dernières semaines, nous nous en sommes rapprochés, des progrès ayant été faits sur les questions de l’agriculture et les biens industriels. Si nous échouons, a-t-il prévenu en conclusion, cela signifiera avant tout un échec pour l’Afrique.
M. KAMAL NATH, Ministre du commerce et de l’industrie de l’Inde, a souligné que le développement de l’Afrique est important pour le monde entier. Il s’est réjoui que la CNUCED concentre toute son attention à la question. L’Inde, a-t-il rappelé, a eu la chance d’accueillir 14 chefs d’État d’Afrique lors du Sommet Inde-Afrique, au début du mois. Au cours de cette rencontre, un accès des PMA au marché indien sans franchise et sans contingentement a été annoncé. L’Inde a aussi annoncé un renforcement de l’assistance technique et le lancement de projets de renforcement des capacités qui inclut l’affectation d’une somme de 5,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et le lancement de cours de formation dans les domaines des TIC, de l’entreprenariat et dans le secteur bancaire. Donnant le détail du système de préférences commerciales annoncé lors du Sommet Inde-Afrique, le Ministre a expliqué que son objectif est de multiplier les chances commerciales de ces pays. L’Inde va ainsi lever 85% de la totalité de ses taxes au cours des cinq prochaines années. Elle va en outre réduire de 9% les taxes sur certains produits et ce, dès le lancement de l’Initiative. En tout, le Système concernera 92,5% des exportations totales des pays en développement. Des produits comme le coton, le cacao, l’aluminium, le cuivre, les noix de cajou, la canne à sucre ou les diamants bruts sont concernés. Le Ministre a lancé un appel aux PMA pour qu’ils prennent des mesures qui leur permettront de bénéficier du Système. Un mécanisme consultatif a été mis en place à cette fin, a-t-il précisé.
M. AHMED OUYAHIA, ancien Premier Ministre et représentant personnel du Président de l’Algérie, a relevé les disparités de croissance entre les sous-régions du continent africain et entre pays exportateurs ou importateurs de pétrole, ainsi qu’entre pays côtiers et pays enclavés. Cette situation découle, pour une part de retards endogènes que l’Afrique doit encore résorber, y compris en matière d’infrastructures de développement, mais elle est aussi le résultat de facteurs liés à l’environnement extérieur au continent. En premier lieu, alors que l’Afrique accroît son degré d’ouverture au commerce international et que les échanges mondiaux de biens et de services ont doublé de volume en 10 ans, sa part dans les échanges mondiaux demeure marginale au regard de sa taille et de ses richesses, et plus préoccupant encore, cette part de l’Afrique a été divisée par deux en 25 ans. En second lieu, si l’Afrique enregistre une diversification de plus en plus large de ses importations, ses exportations restent, par contre, concentrées sur les matières premières dont 60% de combustibles. De tels flux commerciaux asymétriques entretiennent la fragilité des économies africaines, rendant plus ardues les perspectives de leur insertion dans l’économie internationale, surtout lorsqu’on sait le caractère aléatoire de la demande mondiale en matières premières, a expliqué le représentant. En troisième lieu, la mondialisation s’avère sélective pour l’Afrique, car elle privilégie la circulation des marchandises et accorde moins d’intérêt à celle des technologies et des personnes. Quatrièmement, les flux d’investissements directs étrangers à destination du continent ne dépassent toujours pas 4% du total des IDE dans le monde, a regretté le représentant. En cinquième lieu, a poursuivi la délégation algérienne, les restrictions à la mobilité des personnes et du travail au niveau des pays industrialisés forcent les pays africains à développer eux-mêmes leurs ressources humaines et leurs compétences. L’Afrique se trouve ainsi en marge de l’évolution des technologies et des savoir-faire qui modulent l’école mondiale et sans lesquels il n’y ni développement ni croissance durables. La délégation a ensuite regretté que bien qu’elle ait connu une évolution positive en volume, l’APD ait cependant vu une partie significative de ses montants être consacrée à l’allègement de la dette des pays qui en sont bénéficiaires.
Face à cette situation, l’Algérie a proposé les mesures suivantes. Tout d’abord, face aux barrières tarifaires, ainsi qu’à la résurgence du protectionnisme, une généralisation du traitement spécial différencié à l’ensemble des pays du continent africain contribuerait sans doute à leur insertion dans le système économique mondial. Deuxièmement, pour donner un contenu réel à l’intégration du Sud dans le système multilatéral de commerce, il y a lieu de ne pas astreindre les pays en développement, candidats à l’adhésion à l’OMC, à plus d’obligations que celles contractées par d’autres pays en développement déjà membres, afin que les engagements qu’ils auront à souscrire ne soient pas handicapants pour leur développement économique et social. Troisièmement, a continué la délégation, la restructuration des institutions financières internationales doit intégrer pleinement la dimension du développement des pays du Sud. Enfin, dans le cadre de la réforme des institutions internationales de développement, l’Algérie a appelé au renforcement de leurs capacités à conjuguer les efforts et les moyens en vue de concrétiser les engagements de la communauté internationale.
Cheick SIDI DIARRA, Haut Représentant pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, a souhaité que la CNUCED XII permette à la communauté internationale de renouveler les engagements en faveur d’une issue heureuse du Cycle de Doha, en faisant avancer les discussions sur la progressivité des droits, les crêtes tarifaires ou les subventions agricoles. La libéralisation des échanges, a-t-il dit néanmoins, n’est pas une fin en soi, car il demeure difficile pour les pays africains d’être compétitifs face aux gros poids lourds de l’économie mondiale. Cheick Sidi Diarra a donc préconisé le renforcement de leurs capacités de production, une aide à la construction des infrastructures, la mise en place d’institutions solides, le renforcement des capacités et la promotion d’une croissance et d’un développement soutenus. Dans ce cadre, le Haut Représentant a souligné l’importance du Cadre intégré, de l’Initiative de l’aide pour le commerce et de la feuille de route qui permettra d’améliorer la qualité de l’assistance fournie dans le domaine commercial. Pour leur part, les pays africains, a-t-il conclu, doivent améliorer le climat des affaires sur leur territoire, promouvoir leur secteur privé et passer à une diversification verticale et horizontale de leurs exportations. Le Haut Représentant a aussi plaidé pour la conclusion d’un accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) pour faciliter le transfert de technologies.
Échange interactif
S’exprimant au nom de l’Union européenne, le représentant de la Slovénie a déclaré qu’il fallait élargir les réseaux existants pour permettre une meilleure intégration des pays du Sud aux échanges commerciaux mondiaux.
Le Sous-Secrétaire d’État chargé des politiques commerciales du Royaume-Uni a soutenu cette opinion, affirmant qu’il fallait promouvoir à la fois le front multilatéral et le front Sud-Sud. Il faut que Doha aboutisse, a-t-il lancé. C’est l’occasion de supprimer les subventions aux exportations et de rétablir un équilibre international dans les échanges commerciaux.
La délégation du Luxembourg a également déclaré pour sa part que le défi du développement passait par l’association des pays en développement aux flux des échanges mondiaux, et ce afin de briser le cycle vicieux de l’assistanat dans lequel ils se trouvent. Une plus grande ouverture unilatérale des exportations des pays développés vers les pays en développement est à cet égard nécessaire. Il est regrettable que seulement 10% du commerce africain se fasse sur le continent africain, a fait observer le représentant. La Commission européenne a mis en place un Fonds fiduciaire en faveur de l’Afrique, auquel le Luxembourg a contribué à hauteur de deux millions d’euros, a-t-il précisé.
Le Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie a déclaré quant à lui que son pays avait contribué au lancement du nouveau partenariat stratégique Asie-Afrique et qu’il étudiait maintenant la possibilité de créer un centre industriel Sud-Sud.
À son tour, la Vice-Ministre de l’économie et des technologies de l’Allemagne a rappelé que son pays avait fait du thème « croissance et développement » la devise de sa présidence du G-8. La hausse de l’APD ne suffira pas en Afrique, a-t-elle dit, en estimant qu’il faudra des capitaux privés au continent. C’est la raison pour laquelle, l’Allemagne a travaillé à l’amélioration du climat des affaires en Afrique. Le potentiel de l’Afrique est à son meilleur niveau, mais ses États doivent viser la stabilité politique, la mise en place d’une réelle structure démocratique, la bonne gouvernance et une gestion responsable des finances publiques. Les fondements essentiels de l’économie de marché, a-t-elle insisté, sont la primauté du droit, la concurrence, le respect du droit de propriété et la maîtrise de la corruption. La Vice-Ministre a conclu en annonçant l’intention de son pays d’ouvrir des représentations commerciales au Ghana et en Angola, en indiquant qu’il y avait encore une hésitation pour le troisième pays, entre le Kenya ou la République-Unie de Tanzanie. L’Afrique a de plus en plus à offrir, car elle est un véritable créneau économique, a-t-elle conclu, avant de céder la parole au chef de délégation de la Turquie. Ce dernier a lui aussi annoncé l’ouverture de bureaux commerciaux pour appuyer les 11 ambassades turques qui vont ouvrir prochainement sur le continent africain.
Enfin, l’Observateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, a plaidé pour la création d’un sous-programme sur les produits de base au sein de la Division du commerce de la CNUCED. Il a aussi voulu la poursuite du programme JITAP dont les résultats ont entièrement satisfait les pays bénéficiaires. Il a également lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle vienne en aide aux pays en développement et notamment aux PMA qui traversent une période difficile marquée
par la crise alimentaire. La montée des prix des produits de base, a-t-il rappelé, ne profite pas aux États importateurs et creuse aujourd’hui les inégalités en défaveur des pays les plus vulnérables. Il a souligné la nécessité d’appuyer les politiques en faveur d’une valorisation des politiques agricoles, « chaînon indispensable de la sécurité alimentaire ». Il a enfin insisté sur la nécessité de conclure rapidement et de manière concertée le Cycle de Doha.
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