LE COMITÉ CEDAW EXAMINE LE SIXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU YÉMEN
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Quarante et unième session
832e& 833e séances – matin & après-midi
LE COMITÉ CEDAW EXAMINE LE SIXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU YÉMEN
Plusieurs experts s’interrogent sur la volonté réelle du Yémen d’appliquer la Convention et critiquent de nombreux aspects du statut des femmes dans le pays
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (connu également sous le nom de Comité CEDAW), a examiné aujourd’hui le sixième rapport périodique du Yémen sur les mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif et autres, prises par ce pays, pour donner effet aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il s’agit du premier des huit rapports que le Comité, au cours de cette quarante et unième session, examinera, en application de l’article 18 de la Convention.
Le rapport a été présenté par Mme Hooria Mashhour Ahmed Kaid, Vice-Présidente de la Commission nationale de la femme du Yémen, qui a rappelé que son pays a été l’un des premiers États à ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle a affirmé que le Gouvernement du Yémen l’avait ensuite mise en œuvre sans réserve, à l’exception du seul article 6 relatif à la suppression de l’exploitation des femmes. Tout en citant diverses dispositions adoptées en faveur des femmes depuis l’examen du cinquième rapport, la représentante de l’État partie a reconnu que beaucoup restait à faire, en raison notamment de ce qu’elle a qualifié d’obstacles culturels et de préjugés. Elle a ainsi reconnu qu’au sein du Parlement, élu par le peuple, il existe une forte opposition à l’adoption de diverses mesures en faveur des femmes, y compris pour relever l’âge légal du mariage, un point sur lequel les questions, observations et critiques des experts ont été nombreuses.
Plusieurs experts se sont interrogés sur la volonté du Yémen d’appliquer la Convention. Ils ont rappelé que le Yémen n’avait émis aucune réserve à la Convention et en avait donc accepté toutes les dispositions, y compris celles qui sont d’application immédiate, comme les lois discriminatoires, qui auraient dû être abrogées.
Les experts ont fait de nombreuses observations et critiques sur divers aspects du statut des femmes: l’âge du mariage, mais aussi la polygamie, les viols conjugaux, les « mariages touristiques » et les violences domestiques. Il a été observé qu’il n’existe pas de loi sur ce dernier aspect. La représentante du Yémen a expliqué que les responsables politiques ne sont absolument pas disposés à écouter les recommandations de la Commission nationale sur les violences faites aux femmes, en particulier les violences domestiques car ce qui se passe dans le foyer est considéré comme réservé à la famille. La même hostilité du Parlement s’applique au souhait de la Commission nationale de relever à 18 ans l’âge légal du mariage.
Plusieurs experts se sont interrogés sur les moyens d’action et les pouvoirs réels de la Commission nationale de la femme et ont souhaité sa transformation en un ministère, qui se serait doté de plus grands moyens d’action. La délégation de l’État partie a répondu que le statut de la Commission prévoit un engagement officiel à mettre en œuvre cet instrument juridique international. La Commission cherche donc à toucher toutes les autorités.
Les experts se sont inquiétés des inégalités persistantes dans la scolarisation des garçons et filles, particulièrement en milieu rural. Les écoles secondaires pour les filles sont trop peu nombreuses et de moindre qualité que celles des garçons. Les contraintes invoquées dans le rapport sont les mêmes que dans le rapport précédent mais les experts y ont surtout vu une insuffisance de moyens accordés à cette question pourtant cruciale puisque, comme certains l’ont rappelé, en l’absence de progrès, il est difficilement concevable que le Yémen puisse atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement en faveur des filles.
En fin de séance, la Présidente du Comité et experte de la Croatie, Mme Dubravka Šimonović, a rappelé que des dispositions de la Convention devraient être davantage respectées. Le Comité présentera des recommandations. La Présidente a émis le souhait que le Gouvernement du Yémen consulte aussi des organisations non gouvernementales afin de progresser dans la lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, mercredi 2 juillet, avec l’examen des troisième et quatrième rapports périodiques* de la Lituanie.
* Les rapports peuvent être consultés sur le site Internet suivant: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cedaw
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR l’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES: RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL DE PRÉSESSION
Sixième rapport périodique du Yémen (CEDAW/C/YEM/6)
Déclaration liminaire
Mme HOORIA MASHHOUR AHMED KAID, Vice-Présidente du Commission nationale de la femme du Yémen, a présenté le sixième rapport de son pays, en rappelant que le rapport précédent remontait à 2002. Le Yémen a été l’un des premiers États à ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la mettre en œuvre ensuite sans réserve, à l’exception du seul article 6 relatif à la suppression de l’exploitation des femmes, a–t-elle déclaré.
Mme Mashhour Ahmed Kaid a expliqué que, depuis 2003, un certain nombre de mesures ont été adoptées sous forme de loi pour mettre en œuvre l’article 2 de la Convention sur le travail des femmes, en particulier des lois sur les retraites, une extension des congés de maternité, une loi sur le service diplomatique. Des experts continuent de travailler à de nouveaux textes permettant de garantir aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes, a ajouté Mme Mashhour Ahmed Kaid, qui a affirmé que le Yémen est disposé à appliquer le Programme d’action de Beijing et la Convention.
Elle a déclaré que des stratégies sexospéficifiques ont été adoptées dans le domaine de la santé, de l’agriculture et du logement, afin de faire reculer la pauvreté. Toutefois, le Comité national des femmes estime encore insuffisantes les politiques adoptées par le Yémen et continue d’intervenir pour que la parité soit davantage respectée dans tous les domaines.
À titre d’exemple, Mme Mashhour Ahmed Kaid a précisé que la Direction du budget et l’Institut des finances sont chargés d’instiller les notions de parité dans les questions financières, avec l’aide de l’Agence de coopération technique allemande (GTZ). De même, la discrimination à l’égard des femmes est désormais à l’ordre du jour du Gouvernement du Yémen et des mesures sont prises pour éliminer de telles discriminations. Des mesures sont ainsi prévues pour réduire l’écart entre hommes et femmes et afin de rendre les femmes plus visibles dans la vie publique. Des quotas sont envisagés, par exemple pour les postes publics, conformément à des engagements pris par le Président en 2006. En 2008, un quota de 15% de députés femmes au Parlement a été prévu et le Comité des femmes a demandé qu’un quota de 8% de femmes au moins soit retenu pour tous les postes publics, a ajouté la représentante, qui a cité le nombre de femmes présentes à des postes importants dans divers secteurs, comme la justice. En matière d’emploi dans la fonction publique, tout en souhaitant limiter le nombre de fonctionnaires, le Gouvernement souhaite augmenter le nombre des femmes dans les emplois publics.
Comme autre exemple, Mme Mashhour Ahmed Kaid a déclaré qu’en 2003, un texte avait été adopté pour permettre aux enfants issus d’un mariage entre une femme yéménite et un étranger afin de garantir à ces derniers les mêmes droits. Ils sont désormais reconnus comme Yéménites.
Dans le domaine de la santé, les politiques visent à réduire la mortalité infantile et la mortalité des femmes en couche, surtout les plus pauvres. Le nombre de femmes utilisant des méthodes de contraception est passé à 27,2% en 2006, le nombre des femmes accouchant en présence de sages-femmes est monté à 33,7%. Des mesures ont été prises pour une meilleure intégration dans la vie sociale des femmes rurales, et pour permettre aux fillettes en milieu rural d’aller à l’école et d’y rester.
Il existe toutefois encore des obstacles culturels et des préjugés, a reconnu Mme Mashhour Ahmed Kaid, qui estime que les médias peuvent aider à surmonter de telles difficultés. Il y a de moins en moins de plaintes de femmes concernant des obstacles à leur intervention dans la vie publique mais les choses évoluent souvent lentement, a noté la représentante, qui a cité notamment le code qui fixe l’âge minium du mariage des jeunes filles, dont certaines continuent à être victimes de telles lois.
La représentante en a appelé aux organisations internationales pour qu’elles accroissent leur aide aux organisations yéménites qui visent à promouvoir les femmes et améliorer leurs compétences. De même, elle a appelé les gouvernements qui peuvent aider à le faire, afin de surmonter les difficultés qui existent encore. En conclusion, elle a remercié tous les gouvernements, les organisations internationales et les ONG qui permettent au Yémen de progresser dans la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
Dialogue avec les experts
Questions portant sur les articles 1, 2 et 4 à 6
Engageant le dialogue avec la délégation du Yémen, les experts se sont tous étonnés de la subsistance de lois discriminatoires à l’égard des femmes, alors que, comme l’a rappelé M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, le Yémen n’a émis aucune réserve et a donc accepté toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Certaines obligations sont d’application immédiate et, de ce fait, toutes les lois discriminatoires auraient dû être abrogées. Le rapport laisse supposer qu’au Yémen, a noté l’expert, on n’est pas très conscient du statut de ce texte dans l’ordre juridique. Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, s’est interrogée sur l’engagement du Gouvernement yéménite pour mettre les lois en conformité avec la lettre de la Convention. Le défi majeur consiste en effet à harmoniser la législation, a aussi constaté Mme SILVIA PIMENTEL, experte du Brésil, qui a invité la délégation à aborder ce problème avec davantage de fermeté. M. Flinterman a aussi demandé des détails sur les efforts entrepris en vue de ratifier le Protocole facultatif et sur les obstacles rencontrés sur cette voie.
Mme Pimentel a estimé que l’article 6 de la loi sur le statut personnel qui définit le mariage comme un engagement entre les époux qui permet à un homme « de jouir de sa femme de façon légale » devrait être supprimé. Elle a demandé pourquoi cet article n’est pas considéré comme une disposition discriminatoire qui renforce l’idée selon laquelle la femme est un bien dont l’homme peut jouir. De son côté, Mme TIZIANA MAIOLO, experte de l’Italie, a relevé qu’il n’existe pas de loi spécifique à la violence domestique.
La polygamie et l’âge minimum légal du mariage ont également fait l’objet d’observations de la part des experts, l’experte d’Israël relevant que si un projet de loi prévoit d’élever l’âge minimum, il n’est cependant pas envisagé d’imposer des sanctions pénales envers ceux qui forcent les enfants en dessous de cet âge à se marier. Mme FERDOUS ARA BEGUM, experte du Bangladesh, partageant ces inquiétudes, a estimé que cela explique pour une part le fort taux de violence domestique dans le pays. On impose des responsabilités à des enfants qui ne sont pas prêtes physiquement et moralement à les assumer, a-t-elle noté.
L’expert des Pays-Bas a émis des doutes sur le plein accès des femmes à la justice pour défendre leurs droits. L’experte d’Israël a aussi demandé des statistiques sur l’aide juridique et les moyens mis en place pour donner plein accès à la justice aux femmes.
Enfin, Mme DUBRAVKA Š IMONOVIĆ, experte de la Croatie, a posé des questions sur la procédure d’élaboration du rapport et ce qui a permis de faire participer tous les acteurs de la société, selon le processus de consultations. Il est important de faire participer les députés, a-t-elle souligné.
Répondant aux questions portant sur les articles 1, 2 et 4 à 6, Mme HOORIA MASHHOUR AHMED KAID a déclaré que son pays n’a pas encore signé le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le Comité national des femmes en a proposé la ratification et des efforts ont été entrepris par la société civile. Le Gouvernement a accepté l’idée de ratification et a renvoyé l’affaire devant le Ministère des droits de l’homme. Toutefois, des changements sont intervenus dans ce Ministère, et c’est peut-être pourquoi il n’a pas encore été possible de ratifier le Protocole facultatif. Il est vrai aussi que le Yémen a ratifié très tôt la Convention. Mais en 1990, a-t-elle rappelé, la réunification du Yémen a eu lieu, entraînant des changements. En outre, il y a dans certains secteurs de la société des éléments hostiles aux changements dans la vie des femmes et les partisans de la Convention sont encore peu représentés au Parlement, qui est élu par le peuple. C’est aussi pourquoi il serait souhaitable que davantage de femmes puissent devenir députées. Concernant l’accès à la justice, Mme Mashhour Ahmed Kaid a déclaré que la charia, qui s’applique au Yémen, ne comprend aucune disposition empêchant les femmes d’accéder à la justice ou à l’aide judicaire. En revanche, les difficultés rencontrées par les femmes rurales pour accéder à la justice sont immenses et c’est pourquoi des organisations non gouvernementales (ONG) leur viennent en aide. Quant à l’article 6 de la Convention sur le statut personnel de la femme, la définition du mariage se fonde effectivement sur la charia. Les experts juristes en matière de charia qui travaillent sur ces textes n’ont sans doute pas eu le sentiment que cette définition du mariage constitue une discrimination. Les observations faites seront transmises aux experts.
Concernant l’article 2 sur le viol conjugal, la chef de la délégation du Yémen a rappelé que son gouvernement avait répondu suite aux nombreuses questions posées par les experts du Comité lors de l’examen du cinquième rapport. Elle a indiqué qu’aucune plainte n’avait été déposée depuis cette date concernant le viol conjugal. De ce fait, il ne semble pas que la question du viol conjugal soit un problème d’actualité au Yémen.
La polygamie est autorisée par la charia, source de tout texte législatif au Yémen, a rappelé Mme Mashhour Ahmed Kaid. La charia impose toutefois à la polygamie des conditions.
L’âge minimum du mariage est sans doute une des plus grandes sources de préoccupation pour le Comité national des femmes mais il existe au sein du Parlement une résistance considérable à tout changement dans l’âge minimum, a-t-elle expliqué. Les pratiques actuelles ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention, a-t-elle reconnu. Des amendements ont été demandés mais on ne peut obliger le Parlement à amender la loi. Mme Mashhour Ahmed Kaid a promis que les efforts se poursuivront et affirmé que le Gouvernement avait approuvé l’idée de relever l’âge minimum légal du mariage, mais s’en est remis ensuite au Parlement. Sur un problème proche, le mariage forcé, elle a déclaré qu’un amendement a été proposé au Comité national pour permettre de demander, au préalable, directement le consentement exprès de la jeune fille.
Questions portant sur l’article 3
Abordant l’article 3 de la Convention, qui vise la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Mme ZOU XIAOQIAO, experte de la Chine, a demandé si les organisations non gouvernementales œuvrant en faveur des femmes avaient pu participer à la rédaction du rapport. Quelle publicité est donnée aux dispositions de la Convention? a-t-elle aussi demandé. En outre, elle a voulu savoir si le nombre de femmes membres de la Commission nationale de la femme allait augmenter.
Mme MARY SHANTHI DAIRIAM, experte de la Malaisie, a rappelé les conclusions sur le cinquième rapport périodique du Yémen, dans lesquelles le Comité CEDAW demandait de faire le lien entre les efforts de parité et ceux menés pour le développement. L’absence de scolarisation des filles est notamment responsable du manque de développement, a-t-elle relevé. Elle a notamment voulu savoir si le Plan national de développement avait pris en compte les questions relatives aux femmes. Comment les femmes bénéficient des stratégies de réduction de la pauvreté? Sont-elles seulement récipiendaires de l’aide?
La Commission nationale est essentiellement composée de membres issus du secteur public, a ensuite relevé Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, qui a demandé comment le secteur privé pouvait y participer. Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a eu l’impression que les choses n’avancent pas si vite que cela dans la stratégie de promotion de la femme, évoquant même une certaine stagnation. Elle a voulu savoir où en était la révision du Code du travail et notamment les dispositions relatives à la création de crèches. Les amendements aux lois discriminatoires, a-t-elle noté, ne sont pas souvent appliqués. Que fait d’ailleurs le Gouvernement du Yémen lorsque des ministères importants n’exécutent pas les mesures qu’ils sont censés prendre pour harmoniser les lois et pratiques avec la Convention? a ensuite demandé Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée.
Pour sa part, Mme VIOLETA NEUBAUER, experte de la Slovénie, s’est interrogée sur le budget destiné à la mise en œuvre de la stratégie nationale de promotion de la femme. L’enveloppe prévue est-elle suffisante? a-t-elle demandé, avant de faire observer que le rapport périodique n’avait pas été soumis à la Chambre des représentants du Comité chargé d’examiner les libertés personnelles.
Répondant aux questions portant sur l’article 3,la délégation a déclaré que la stratégie de développement de son pays est axée sur plusieurs priorités. La première consiste à assurer une éducation primaire à toutes les filles car trop de petites filles abandonnent l’école, ce qui ajoute aux difficultés de l’étude contre l’analphabétisme. La deuxième priorité concerne la lutte contre la mortalité maternelle, la troisième concerne le travail des femmes car une des causes du sous-développement vient de ce que le potentiel présenté par les femmes est sous-utilisé et la quatrième concerne la lutte contre les stéréotypes envers les femmes dans les médias.
La consultation avec la société civile dans la mise au point des plans se fait de manière très efficace, a affirmé Mme Mashhour Ahmed Kaid, et ce grâce à un réseau d’organisations qui reflètent les opinions du public.
La Commission nationale de la femme est l’organe principal pour s’occuper de la mise en œuvre de la Convention. C’est pourquoi son statut prévoit un engagement officiel à mettre en œuvre cet instrument juridique international, alors que d’autres organes dans les ministères traitent de la mise en œuvre des traités en général. La Commission nationale des femmes cherche donc à toucher toutes les autorités, y compris pour les convaincre qu’il n’y a pas la moindre contradiction entre la Convention et la charia. Mme Mashhour Ahmed Kaid a regretté que le nombre des femmes députées soit en diminution du fait d’une tendance à la baisse des candidatures de femmes, comme d’ailleurs dans de nombreux pays arabes. Concernant la femme et le développement économique, Mme Kaid a parlé d’un succès remarquable dans les pays arabes en incluant, pour la première fois, la femme dans les plans de développement, notamment dans le domaine de la santé. De même, en matière de protection sociale, une loi adoptée la semaine passée va bénéficier à de nombreuses femmes pauvres. Quant au secteur privé, c’est un partenaire essentiel dans le développement du pays. C’est pourquoi, sa participation au sein du Conseil supérieur de la femme est importante. Quant à la Commission nationale, elle n’est pas un organe exécutif, mais intervient pour intégrer la promotion des femmes dans tous les plans de développement, par le biais de points focaux, pour convaincre les décideurs et donner effet à la Convention. La Commission a enregistré des succès notables dans de nombreux domaines. Toutefois, elle n’a pas obtenu à ce jour la création d’un ministère consacré aux femmes, a regretté Mme Mashhour Ahmed Kaid.
La Commission nationale de la femme comprend 50 membres, dont 33 dans les divers ministères. Il existe une coopération étroite entre la société civile et le Gouvernement. Les organisations de la société civile coopèrent librement avec le Gouvernement, a-t-elle indiqué. Le budget de la Commission couvre uniquement ses frais de fonctionnement, et la Commission bénéficie du soutien financier de diverses ONG pour des programmes spécifiques. La délégation, ici présente, est constituée uniquement de membres de la Commission car d’autres organisations sollicitées ont décliné de venir, a déclaré la représentante de l’État partie. Il faut aussi reconnaître que les moyens financiers de la Commission et du Gouvernement du Yémen sont limités. Par ailleurs, la Commission nationale dispose de branches dans les différents gouvernorats. En revanche, elle travaille peu au niveau municipal, domaine d’activité des associations.
Questions portant sur les articles 5 et 6
Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, s’est interrogée sur le véritable engagement du Gouvernement dans son ensemble pour appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Abordant l’article 5, relatif à la lutte contre les stéréotypes négatifs pour les femmes, elle s’est dite perplexe par rapport aux réponses apportées. Le rapport indique en effet qu’en l’absence de soutien du public en faveur de l’élimination des pratiques traditionnelles, celles-ci prédominent. Cependant les traditions évoluent, a-t-elle fait remarquer, rappelant qu’au XVIIIe siècle, les femmes au Yémen circulaient plus librement et sans voile. Elle a encore relevé que, pour la Commission nationale de la femme et les organisations de la société civile, certaines tâches incombent traditionnellement à un sexe ou à l’autre. Que fait le Gouvernement pour lutter contre ces stéréotypes, a-t-elle insisté. Elle lui a rappelé l’engagement qu’il a pris, en ratifiant la Convention, de lutter contre les stéréotypes.
Également préoccupée par ces stéréotypes, Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a interpellé le Gouvernement pour savoir ce qu’il fait pour lutter contre. La sensibilisation par la voie des médias est insuffisante selon elle, car la société est en grande partie illettrée. Cela ne va donc pas toucher les personnes qui sont les cibles des stéréotypes, comme les 70% de la population vivant dans des zones rurales. Que faites-vous pour cibler l’homme de la rue? a-t-elle demandé.
De son côté, l’experte de la République de Corée a été déçue d’entendre qu’il n’y a pas de viol entre époux au Yémen car aucune plainte n’a été déposée, alors qu’elle a eu connaissance de trois cas. Elle a cité celui d’une fillette de huit ans mariée de force avec un homme de 30 ans qui a relaté des faits de violence à son encontre. Elle a aussi parlé du cas d’une fille de 10 ans qui a obtenu le divorce pour avoir été battue et violée à répétition. Elle a demandé des détails sur l’étude complète menée sur ces questions.
Revenant sur l’article 6 de la Convention, l’experte du Portugal a demandé pourquoi on considère que les mariages d’enfants ont une base légitime. Il faut lutter plus fermement contre les mariages avec les étrangers, a-t-elle aussi demandé. Sur cette question de traite d’êtres humains, l’experte du Bangladesh a relevé qu’elle est souvent organisée pour envoyer ces personnes en Arabie saoudite. Quelles sont les dispositions juridiques pour lutter contre ce phénomène? a-t-elle demandé. Y a-t-il un moyen de conclure un accord avec l’Arabie saoudite pour renforcer cette lutte?
Sur cette question, Mme SAISUREE CHUTIKUL, experte de la Thaïlande, a demandé la définition que donne le Gouvernement au « trafic » et à la « contrebande d’enfants ». Avez-vous ratifié les Protocoles à la Convention de Palerme sur la criminalité transnationale organisée? Elle a aussi voulu savoir si, conformément à la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT), sur les pires formes de travail imposées aux enfants, ratifiée par le Yémen, le droit du travail avait été amendé. Les parents qui tolèrent cette traite sont-ils sanctionnés? a-t-elle encore demandé.
L’experte de la Croatie a enfin abordé la question des mutilations génitales qui, en vertu de la législation du Yémen, sont toujours légales même si elles doivent maintenant être pratiquées par un médecin. Le Gouvernement du Yémen a-t-il l’intention de rendre illégale cette pratique? Il faudrait aussi faire un effort d’éducation et de sensibilisation, a-t-elle suggéré.
Répondant aux questions de suivi sur les violences (article 6), Mme MASHHOUR AHMED KAID a déclaré que la promotion de l’éducation pour les petites filles permettra sans doute de mettre un terme aux stéréotypes à l’égard des femmes. La pratique du port du hijab, aujourd’hui généralisée, est un pas en arrière. Dans les campagnes, on voit parfois des femmes rurales portant de simples foulards, ce qui montre que le port du voile noir et du hijab n’est pas répandu dans l’ensemble du pays.
Concernant les médias comme moyen d’information et d’éducation, la radio est extrêmement répandue, y compris dans les campagnes, et la télévision gagne du terrain. La presse écrite est certes moins présente mais on utilise aussi d’autres supports médiatiques. On utilise aussi le rôle des mosquées: le Ministère des affaires religieuses a été pressenti pour encourager l’instruction des filles et des femmes lors de la prière du vendredi. Mais il est vrai que tout cela prend du temps.
Les violences contre les femmes posent un problème majeur car les responsables politiques ne sont absolument pas disposés à écouter la Commission nationale de la femme, a déclaré Mme Mashhour Ahmed Kaid. Il est très difficile de se renseigner sur ce qui se passe dans les foyers, considérés comme un lieu réservé à la famille. Mme Mashhour Ahmed Kaid a estimé que, depuis 2000, des résultats tangibles ont été obtenus, comme l’indique le fait que le Gouvernement a accepté que la question des violences domestiques soit abordée dans le plan quinquennal. On est toutefois loin encore d’une loi contre les violences au foyer, a admis la représentante. La Commission nationale est aussi consciente des violences faites aux fillettes, comme cela a été évoqué. Mais elle a aussi rappelé que ces affaires avaient été portées en justice. En même temps, ces mariages de petites filles restent légaux. Il faut donc faire pression sur le Parlement pour qu’un âge minimum sur le mariage soit fixé. En 1994, l’âge légal du mariage a été fixé à 15 ans. Il a malheureusement été amendé ensuite et autorise ainsi le tuteur à contracter un mariage au nom de la fille, en âge de procréer. La Commission souhaite porter l’âge légal à 18 ans, mais elle se heurte à de nombreuses résistances au sein du Parlement qui a jusqu’alors refusé. En outre, même des femmes députées appartenant à des partis très conservateurs refusent un tel changement.
Quant aux mariages avec des étrangers, souvent des « mariages à l’essai », ils sont qualifiés de « mariages touristiques », a déclaré Mme Mashhour Ahmed Kaid, pour qui de tels mariages devraient être davantage réglementés. Elle a déclaré que la Commission réfléchit à ces questions et au moyen de dissuader les familles de les pratiquer, même si la charia les autorise. De fait, on constate depuis deux ans une baisse du nombre de tels mariages, a affirmé la représentante.
Concernant la traite des femmes et des enfants, Mme Mashhour Ahmed Kaid a déclaré que certaines familles très pauvres et vivant dans des zones frontalières, finissent par recourir à de tels trafics, qui concernent en fait le plus souvent de jeunes garçons, les familles hésitant à envoyer ainsi leurs filles à l’étranger pour des questions d’honneur. Une commission établie conjointement par le Yémen et l’Arabie saoudite enquête sur de tels cas. La représentante a déclaré ne pas savoir si son pays a adhéré aux instruments internationaux sur la répression de la traite d’êtres humains.
Un décret gouvernemental interdit les mutilations génitales, a-t-elle indiqué, précisant qu’il existe un plan pour y mettre fin, en particulier dans les zones côtières. Une conférence sur la santé des filles s’est centrée sur ces problèmes et là encore, il a été fait appel aux autorités religieuses pour insister sur les aspects très négatifs de telles pratiques.
Questions portant sur les articles 7 à 9
Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a fait observer que la délégation du Yémen est composée de femmes qui sont investies de la confiance du Gouvernement. Elle a regretté qu’on invoque la tradition pour dire que les femmes sont victimes de discrimination. La tradition n’est pas contraire à la liberté des femmes, a-t-elle estimé, et il y a des femmes dans l’Islam qui ont joué des rôles importants. Elle a cité le cas de la Tunisie qui compte beaucoup de femmes dans son Gouvernement. L’experte a invité la délégation à organiser une conférence de presse à son retour, pour informer sur cette réunion du Comité.
À son tour, l’experte de la Slovénie a rappelé qu’en ratifiant la Convention, le Gouvernement s’était engagé à respecter toutes ses dispositions. Cependant, a-t-elle souligné, les faits ne le démontrent pas de façon évidente. Elle a relevé le système de quotas mis en place et espéré qu’il s’appliquerait lors des prochaines élections en 2009. L’expert des Pays-Bas a fait remarquer que la proportion de femmes dans les services diplomatiques est faible et que l’amendement proposé à cet égard est encore à l’examen. Il a demandé comment la Commission allait s’y prendre pour s’assurer que l’amendement est bien voté. C’est le Conseil suprême qui approuve les propositions sur les changements législatifs proposés par la Commission nationale de la femme, a noté l’experte de la Slovénie, qui a aussi voulu connaître les outils dont dispose le Gouvernement pour inciter le Parlement à suivre la politique en faveur des femmes.
Sur la question de nationalité, l’expert des Pays-Bas a rappelé que l’article 9 accorde des droits égaux aux hommes et aux femmes concernant le transfert de citoyenneté aux enfants. Il a demandé dans quel délai le Gouvernement envisageait de respecter ces dispositions. L’experte de la France a noté pour sa part que la femme yéménite qui épouse un musulman non yéménite peut garder sa nationalité, mais a voulu savoir si c’était aussi le cas de celle qui épouse un étranger non musulman.
Répondant aux questions sur les articles 7 à 9, la délégation a expliqué que la Commission nationale de la femme discute avec l’ensemble des Comités au sein du Parlement dans leur domaine de compétence. La Commission veille à avoir de bonnes relations avec tous les ministères, a-t-elle ajouté, afin de traiter de la condition de la femme dans tous les domaines. Les relations avec les ministères sont dans l’ensemble assez bonnes. Le parti actuellement majoritaire au Parlement, le Parti de la Conférence nationale, est celui qui agit le plus en faveur des droits de la femme, a ajouté Mme Mashhour Ahmed Kaid. Concernant les amendements toujours en suspens, les commissions parlementaires qui les examinent consultent parfois la Commission nationale de la femme. La représentante a expliqué que la loi yéménite n’autorisait pas le mariage d’une femme avec un non-musulman. Tout étranger souhaitant épouser une Yéménite doit au préalable se convertir à l’islam.
Questions portant sur les articles 10 à 14
L’experte de la Malaisie a constaté que, comme lors de l’examen du cinquième rapport il y a six ans, un fort écart existe entre garçons et filles concernant l’éducation. Les écoles secondaires pour filles sont trop peu nombreuses, dans les villes comme les villages. Quand elles existent, il semble que la qualité de l’enseignement et celle de la gestion soient plus faibles. L’experte a remarqué que les contraintes invoquées étaient exactement les mêmes que dans le rapport précédent. Elle a donc demandé si des progrès avaient été réalisés et quelles mesures avaient été prises pour améliorer les infrastructures ou pour inciter les filles à fréquenter l’école.
L’experte de la Chine a déclaré avoir eu l’impression que le Yémen avait adopté au moins huit stratégies et pourtant on ne constate pas de grands progrès dans l’éducation des filles. La Commission nationale de la femme a-t-elle les moyens d’influencer de telles stratégies? Le Yémen dissocie les écoles de filles de celles des garçons; les programmes d’études sont-ils les mêmes? En outre, les budgets pour les programmes d’éducation destinés aux garçons semblent nettement plus élevés que pour l’enseignement des filles. Des mesures ont-elles été prises pour remédier à cette disparité? De même, l’enseignement supérieur semble s’intéresser plutôt aux garçons et orienter les étudiantes vers des métiers ou activités plus traditionnels.
Mme HANNA BEATE SCHÔPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a estimé qu’il serait bon que soit créé un vrai ministère en charge des femmes car le rôle de la Commission nationale semble purement consultatif. Elle devrait devenir un ministère, a estimé l’experte. Il faudrait que l’administration en place affecte bien davantage de ressources à l’éducation des filles. Les prétextes tels que l’absence d’écoles ou d’enseignantes recoupent en fait des aspects budgétaires. Manifestement, l’État a les moyens de financer des mesures transitoires pour améliorer cette situation. L’experte a déclaré ne pas voir comment, en l’absence de telles mesures, le Yémen pourrait atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en faveur des filles.
Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, s’est inquiétée de ce que le rapport ne donne pas une idée claire de ce que le Gouvernement yéménite a l’intention de faire pour améliorer l’éducation des filles. Il faut bien comprendre les obligations découlant de la Convention car tout ce qui est dit par la représentante du Yémen montre une contradiction avec les obligations imposées par la Convention, a-t-elle estimé. Par exemple, a-t-elle demandé, comment la Commission propose-t-elle de parvenir à l’augmentation préconisée de 5% de la main d’œuvre féminine? Elle a également voulu savoir si cela concerne seulement le secteur public ou aussi le secteur privé et si des sanctions sont prévues en cas de non-respect des obligations.
Répondant à cette série de questions, la délégation a indiqué que le taux de scolarisation des filles avait nettement augmenté. Le nombre de garçons à l’école primaire atteint 84,6% et celui des filles 63% environ. En 2001, le taux pour les filles n’était que de 37%. Mais, en raison de l’âge du mariage, la scolarisation des filles n’atteint pas toujours les grandes classes et encore moins l’université. La représentante a expliqué que des organisations internationales apportent une aide pour que les filles puissent aller davantage à l’école. Malgré les difficultés, le Gouvernement fait son possible pour que tous les enfants aillent à l’école d’ici à 2015, a-t-elle assuré. Elle a aussi relevé qu’une bonne partie du budget est allouée à l’éducation, tout en se déclarant consciente de l’importance de cet investissement pour le développement du pays. Les autorités nationales compétentes ont commencé à parler d’un budget tenant compte des différents besoins et spécificités des hommes et des femmes. Par exemple, les femmes et les filles des zones rurales devraient recevoir plus afin de faciliter leur scolarisation.
La délégation a indiqué que, les villages étant souvent isolés, il est difficile de construire des écoles dans chaque commune. Les écoles sont construites à mi-chemin de deux villages, pour pouvoir desservir plus d’enfants, a-t-elle expliqué. Il faut aussi que nous améliorions les transports pour ces enfants. S’agissant du programme scolaire, il est le même pour les filles et les garçons. Il y a seulement quelques variantes pour que les filles reçoivent une éducation sur tout ce qui concerne la maison.
Dans ses réponses aux questions sur le droit du travail, la délégation a indiqué qu’il existe un Code du travail qui s’applique au secteur privé, et un Code de la fonction publique. Le secteur public s’attache davantage à attirer les femmes sur le marché du travail, a-t-elle remarqué. Mais si les femmes ont des enfants en bas âge, elles ne peuvent pas travailler de longues heures. Cela rebute le secteur privé qui ne veut pas non plus supporter les inconvénients des privilèges accordés aux femmes enceintes.
Le chômage a notamment comme cause le manque d’investissements dans le secteur économique. Parfois, c’est pour des raisons religieuses que certaines femmes estiment naturel de rester à la maison pour s’occuper des enfants. Le Yémen, a assuré la délégation, n’encourage pas cette tendance et considère que les femmes éduquées ont le droit d’avoir un travail.
Questions portant sur les articles 12 et 14
Abordant l’article 12, relatif au droit à la santé, l’experte de Cuba a noté que les sources d’information utilisées pour alimenter le rapport sont variées et pas toutes fiables. Par exemple, les chiffres sur la mortalité maternelle sont fondés sur une enquête qui, par définition, ne prend pas en compte l’ensemble de la population. Différentes stratégies ont été conçues et il faudrait nous donner des exemples en fournissant des indicateurs précis, a-t-elle suggéré. Sur la question du sida, les informations fournies sont là aussi limitées, a-t-elle estimé. Les femmes ne représentent qu’un tiers des personnes atteintes du sida, mais l’augmentation de cas est constatée dans la même proportion pour les hommes et les femmes, a-t-elle relevé. Y a-t-il un lien entre l’immigration de la corne de l’Afrique et le sida? a-t-elle aussi demandé.
Abordant la question des mutilations génitales, l’experte du Brésil a demandé qu’elles soient considérées comme des atteintes physiques. La recommandation 14 du Comité sur la mutilation génitale est une source d’inspiration et vient soutenir la proposition de loi sur cette question, a-t-elle remarqué. Ayant aussi appris que la femme ne peut pas avoir de césarienne ni utiliser de contraceptif sans l’accord de son mari, elle a demandé des explications à ce sujet. Enfin, elle a voulu en savoir davantage sur les plans stratégiques pour le logement, en particulier ceux visant les personnes âgées.
Réponses aux articles 10 à 14 (suite)
La délégation a répondu qu’il existe en matière de santé de nombreuses stratégies qui visent à améliorer la santé de tous. La plupart des statistiques du Ministère de la Santé datent de 2005. Néanmoins, elles décrivent bien la réalité dans sa variété, a affirmé la représentante, qui a insisté sur la limitation des ressources destinées à la santé, qui ne représentent que 4% du budget national et devaient être augmentées. Concernant le VIH/sida, il existe encore peu de cas connus, décelés par hasard, et pas de statistiques.
Concernant la mutilation génitale, le problème existe avant tout dans les cinq gouvernorats les plus proches du contient africain, a déclaré la délégation. Il faut y mettre fin, mais en même temps le problème est très limité. Le Gouvernement du Yémen a adopté un plan visant à réduire de 30% d’ici à 2012 le nombre de mutilations génitales avec une campagne d’information dans les hôpitaux, mais si ces opérations se déroulent à domicile, les campagnes sont moins efficaces. Il est exact que la contraception suppose l’accord de l’homme comme celui de la femme mais dans les zones rurales, où le taux de natalité est double, c’est en fait le mari qui décide.
Questions portant sur les articles 10 à 14 (suite)
Mme GLENDA P. SIMMS, experte de la Jamaïque, s’est inquiétée du sort des femmes rurales, estimant que bien peu est fait pour elles. Certes, on insiste sur l’enseignement primaire mais il faut faire plus en matière d’éducation, organiser les transports pour permettre aux filles d’aller à l’école. La Commission nationale de la femme devrait devenir un ministère, afin d’agir mieux et améliorer l’infrastructure, les routes et les transports. Les femmes au Yémen sont littéralement reléguées à un rang inférieur, a estimé l’experte. Si les femmes rurales représentent 87% de la production agricole, cela signifie qu’elles nourrissent l’ensemble de la population yéménite. Cela mérite un peu de considération, a-t-elle ajouté. Revenant sur la question des « mariages touristiques », l’experte a observé que ces mariages sont considérés comme légaux mais ce qui est légal n’est pas forcément moral. De tels mariages, contractés le plus souvent par des Saoudiens, sont parfaitement immoraux et légalisent en fait la prostitution. Ces filles âgées parfois de cinq ou six ans sont les futures mères et grand-mères. Il ne peut y avoir de cadre juridique pour une telle situation. C’est parfaitement immoral et c’est de la barbarie, a déclaré l’experte.
Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour, a demandé à la délégation d’indiquer le coût de six projets énumérés dans le rapport, le nombre de femmes bénéficiaires, la durabilité de tels programmes, le suivi des projets. Existe-t-il un service gouvernemental qui ait fait l’évaluation de chacun de ces projets après leur mise en œuvre?
L’experte de Maurice a demandé quel est le nombre de femmes travaillant dans le secteur informel connu dans l’appareil de l’État. Disposer de données est essentiel. Quels efforts ont été mis en place par le Gouvernement pour valoriser le travail de ces femmes, calculer leur poids dans le PIB? A-t-on régularisé le travail agricole des femmes? Qu’en est-il de l’accès des femmes à la terre? Quel est le degré de consultation des femmes dans les projets agricoles? Quel accès aux crédits ont les femmes?
La délégation a reconnu que les femmes rurales accomplissaient la plus grande part des travaux ruraux. Le sort des femmes en milieu rural et en milieu urbain diffère dans la mesure où les femmes rurales n’ont pas assez accès aux produits de base, comme les réchauds et l’eau et sont donc contraintes de souvent marcher longtemps avant d’en trouver. Elle a toutefois jugé positif qu’une des priorités du plan quinquennal soit de construire des infrastructures, comme des routes et des cliniques. La priorité est aussi accordée à l’eau et à l’assainissement, a-t-elle ajouté.
Répondant à la question des crimes d’honneur en milieu rural, la délégation a indiqué qu’il n’existait pas d’études à ce sujet. En outre, il est rare qu’on en entende parler dans les journaux. « Nous avons donc demandé une étude sur cette question et sur les effets de ces crimes », a-t-elle précisé. Passant aux questions sur les mariages touristiques, elle a expliqué qu’ils ne sont pas contractés pour des périodes temporaires. Cependant, les familles elles-mêmes se rendent compte que ces unions ne vont pas durer et le Gouvernement les considère comme des actes immoraux. « Nous ne restons pas les bras croisés et nous nous opposons à ces pratiques », a insisté la représentante.
Passant aux questions sur l’accès aux ressources et à la propriété de terrains, elle a assuré que ces droits sont garantis par la charia. La propriété des terrains agricoles est souvent détenue par toute une famille, ou une tribu, qui en assure la gestion. Le droit à la succession est aussi garanti pour les femmes. Quant à la possibilité de contracter un prêt, elle a expliqué que les garanties, qu’il n’était pas possibles d’obtenir pour les femmes auparavant, sont désormais possibles grâce à des organisations qui facilitent le microcrédit.
On constate que les femmes du milieu rural comme celles du milieu urbain travaillent dans le secteur informel, a poursuivi la déléguée. Intégrer les femmes dans le secteur structuré signifie leur donner des garanties pour elles et leurs familles. Pour cela, nous avons notamment créé le Conseil des femmes d’affaires, a-t-elle signalé.
Questions portant sur l’article 16
L’experte d’Israël a constaté qu’il y a 23 femmes qui travaillent dans la magistrature, mais qu’on ne connaît pas le nombre de juges. Y a-t-il des mesures pour que davantage de femmes choisissent la magistrature ou les professions d’auxiliaires de justice? a-t-elle demandé. Examinant les éléments du rapport relatifs au mariage et au droit de la famille (article 16), elle a voulu savoir ce qui se passait pour la garde des enfants en cas de séparation. Il faudrait préciser qui a la garde physique et qui a la garde juridique, a-t-elle suggéré. Il semble aussi que la femme ne peut rester dans l’ancien domicile conjugal que tant qu’elle a la garde des enfants, a relevé l’experte.
Mme YOKO HAYASHI, experte du Japon, a noté que lorsqu’un homme attaque sa femme et lui cause un handicap, il peut être puni d’emprisonnement. Elle a demandé des statistiques à ce sujet, ventilant le nombre d’épouses qui ont été tuées ou handicapées par leur mari. Elle a aussi noté que la violence conjugale est combattue au Yémen. La nouvelle loi prévoit-elle l’enregistrement du mariage, pour éviter l’exploitation des filles? a aussi interrogé l’experte.
L’experte de Singapour,constatant le blocage au Parlement de la loi qui doit harmoniser le droit avec la Convention sur la question du mariage, a demandé des explications à ce sujet. Elle a également voulu en savoir plus sur les mariages polygammes, demandant des chiffres et des détails sur la question de l’héritage. En cas de divorce, y a-t-il une pension alimentaire prévue pour la femme et pour les enfants? a-t-elle encore demandé.
La délégation a déclaré qu’en cas de décès du père, comme de divorce, c’est la mère qui a automatiquement la garde des enfants. En cas de divorce, la répartition des biens ne se fait pas moitié-moitié mais chacun garde ses propres biens, ou ce qu’il a reçu. La loi garantit par ailleurs une pension du père à la femme et aux enfants, dont le montant est décidé par le juge. Un amendement a été proposé pour qu’en cas de divorce, l’épouse garde le logement. Actuellement lorsqu’elle est répudiée, la femme rentre le plus souvent chez ses parents. En cas de répudiation jugée injuste, le juge décide d’une pension à la femme. L’adultère est un délit mais il n’appartient pas au conjoint de punir. Toutefois, il n’existe pas de statistiques concernant les épouses qui ont été tuées dans le cadre d’un tel crime d’honneur. La délégation a affirmé n’avoir pas entendu parler d’un seul cas depuis de nombreuses années. La représentante a rappelé que la question de l’âge de mariage était très préoccupante pour la Commission nationale de la Femme. Elle a déclaré ne pas disposer de statistiques de la polygamie, mais il est clair qu’elle est plus importante en milieu rural. En milieu urbain, les femmes éduquées et instruites n’acceptent en général pas d’épouser un homme déjà marié.
Une autre membre de la délégation à fait remarquer qu’en 2007, le nombre de juges femmes est passé de 32 à 62, hausse importante qui n’apparaît pas dans le rapport, arrêté en 2006. Depuis 2005, des femmes intègrent l’école de la magistrature mais le nombre des nouvelles élèves a baissé en 2007.
Questions de suivi et observations
L’experte du Brésil a remercié la délégation pour sa réponse concernant la définition du mariage qui, a-t-elle estimé, montre l’aspect contractuel et égalitaire de cette conception du mariage.
L’experte de Slovénie a estimé que la Convention représentait un véritable défi pour le Gouvernement du Yémen. Elle a demandé comment le Yémen intégrait les droits des femmes, par exemple lors de négociations d’accords relatifs à l’aide publique au développement.
Composition de la délégation
La délégation du Yémen se composait des personnes suivantes: M. Abdullah M. Alsaidi, Représentant permanent du Yémen auprès des Nations Unies; Mme Hooria Mashhour Ahmed Kaid, Vice-Présidente de la Commission nationale de la femme du Yémen, qui conduisait la délégation de l’État partie; Mme Noria Abdulqader Ali Shugaa Addin et Mme Maha Mohammed Awadh Mohammed, de la même Commission; Mme Arwa Ahmed Hasan Al-Eryani, du Syndicat des femmes du Yémen; et M. Waheed Al-Shami, troisième Secrétaire à la Mission du Yémen auprès des Nations Unies.
Informations de base
Adoptée le 18 décembre 1979, la Convention, à laquelle 185 États sont aujourd’hui parties, est considérée comme une véritable Charte des droits de la femme. Son préambule et ses 30 articles définissent ce qui constitue la discrimination à l’encontre des femmes. Chaque État partie doit, tous les quatre ans, présenter au Comité les mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre les articles de la Convention. Son Protocole facultatif permet aux femmes ou à des groupes de femmes de saisir le Comité s’ils estiment que leurs droits ont été violés et si tous les recours sur le plan national ont été épuisés.
Les 23 experts indépendants du Comité sont les suivants: Mmes Ferdous Ara Begum (Bangladesh), Magalys Arocha Dominguez (Cuba), Meriem Belmihoub-Zerdani (Algérie), Saisuree Chutikul (Thaïlande), Dorcas Coker-Appiah (Ghana), Mary Shanthi Dairiam (Rapporteur) (Malaisie), Naela Mohamed Gabre (Vice-Présidente)(Égypte), Françoise Gaspard (Vice-Présidente) (France), Ruth Halperin-Kaddari (Israël), Tiziana Maiolo (Italie), Violeta Neubauer (Slovénie), Pramila Patten (Maurice), Silvia Pimentel (Brésil), Yoko Hayashi (Japon), Hanna Beate Schöpp-Schilling (Allemagne), Heisoo Shin (République de Corée), Glenda P. Simms (Vice-Présidente) (Jamaïque), Dubravka Šimonović (Présidente)(Croatie), Anamah Tan (Singapour), Maria Regina Tavares da Silva (Portugal), Zou Xiaoqiao (Chine) et M. Cornelis Flinterman (Pays-Bas). Le vingt-troisième membre doit être nommé par l’Afrique du Sud, en remplacement de Mme Hazel Gumede Shelton dont le mandat allait jusqu’au 31 décembre 2010, mais qui a donné sa démission en 2007.
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