CDD-16: IL FAUT INVESTIR DANS L’AGRICULTURE ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL POUR SORTIR DE L’EXTRÊME PAUVRETÉ, PRÉCONISENT UNANIMEMENT LES DÉLÉGATIONS
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Commission du développement durable
Seizième session
4e & 5e séances - matin & après-midi
CDD-16: IL FAUT INVESTIR DANS L’AGRICULTURE ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL POUR SORTIR DE L’EXTRÊME PAUVRETÉ, PRÉCONISENT UNANIMEMENT LES DÉLÉGATIONS
La Commission du développement durable a poursuivi aujourd’hui les travaux de sa seizième session en organisant plusieurs réunions parallèles interactives consacrées à l’agriculture et au développement rural, et à des discussions régionales sur l’Asie et le Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes, et l’Europe. Ces discussions sur la situation de ces régions ont été suivies d’un dialogue avec les grands groupes.
Les débats autour de deux tables rondes thématiques portant sur le développement rural et l’importance de l’agriculture ont été alimentés par un rapport du Secrétaire général*, dont il ressort que pour surmonter les problèmes, il importe notamment de centrer les efforts sur les programmes contribuant à accroître l’efficacité et la productivité agricoles, à exploiter les possibilités offertes par le secteur non agricole, à renforcer la gestion des ressources naturelles, et à améliorer la qualité de l’infrastructure rurale.
Dans son rapport, le Secrétaire général indique que les économies en développement et les politiques qu’elles appliquent continuent de privilégier le secteur agricole, qui est considéré comme le pilier de la réduction de la pauvreté dans les pays pauvres, ceci au détriment de la prestation de services sociaux qui viseraient l’amélioration des moyens d’existence des populations pauvres.
Le Secrétaire général recommande ainsi le renforcement de l’action publique, notamment dans le domaine agricole, et préconise d’équilibrer les investissements consacrés au développement urbain et rural. Il propose en outre que soit intensifiée la participation des populations concernées aux processus de décision et que les budgets nationaux soient davantage centrés sur l’accroissement et le renforcement des capacités rurales.
Les participants à un premier échange, qui a eu lieu ce matin, se sont notamment interrogés sur le rôle et l’efficacité des programmes et des politiques de développement rural qui ont été appliqués pour sortir de l’extrême pauvreté les millions de personnes vivant dans les zones rurales. Ils ont en outre réfléchi aux différentes formes d’approches à développer et aux partenariats innovants à mettre en place pour mobiliser les ressources financières adéquates.
La représentante d’Antigua-et-Barbuda, qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a, comme plusieurs de ses homologues, souligné la nécessité de réduire la vulnérabilité des communautés rurales vivant dans des zones écologiques qui sont les plus fragiles, et sont par conséquent plus exposées que les autres aux effets des changements climatiques. Elle a aussi insisté sur le besoin de renforcer les droits d’accès à la propriété des petits producteurs, non seulement pour augmenter leurs moyens de subsistance, mais aussi pour maintenir la stabilité sociale au niveau régional.
L’Union européenne (UE), par la voix de la représentante de la Slovénie, a expliqué que les acquis de la Politique agricole commune (PAC) européenne étaient utiles à l’action de l’UE dans le cadre des stratégies internationales de réduction de la pauvreté dans le monde rural. Elle a ainsi cité différentes initiatives conjointes, comme le « Partenariat Afrique-Union européenne » sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), dont l’objectif principal est de parvenir à la sécurité alimentaire durable sur tout le continent africain.
Selon la représentante slovène et d’autres délégués, la communauté internationale devrait se montrer plus innovante en matière de développement territorial, en tenant compte notamment du savoir-faire traditionnel des acteurs locaux.
Le Directeur exécutif de la Commission sur l’habilitation juridique des pauvres a plaidé de son côté en faveur du renforcement du statut de citoyen des travailleurs ruraux, lesquels, dans de nombreuses régions du monde, ne disposent même pas d’une identité légale et des droits qui l’accompagnent.
Dans la mesure où 75% des pauvres du monde vivent en milieu rural, il est évident que la question du développement de ces zones revêt une importance capitale, en particulier sur le plan agricole. La CDD-16 a donc consacré dans l’après-midi une deuxième table ronde à l’examen des programmes et politiques mis en œuvre afin de réduire la pauvreté en milieu rural, qui ont donné jusqu’à présent des résultats inégaux.
L’accès au secteur financier rural, aux marchés locaux, à la technologie, à l’éducation et aux autres services sociaux a été également souligné par plusieurs participants.
Par ailleurs, les experts, les représentants d’États Membres et de grands groupes sociaux qui participaient à trois discussions interactives sur l’Asie et le Pacifique, sur l’Amérique latine et les Caraïbes et sur l’Europe, ont tenté aujourd’hui d’identifier les contraintes et les expériences à partager dans les domaines liés à l’agriculture, au développement rural, aux sols, à la sécheresse et à la désertification.
De même, dans une autre discussion, les représentants des grands groupes sociaux, comme les jeunes, les femmes ou les autochtones, ont exprimé devant les États Membres leurs vues sur les statuts de la mise en œuvre des engagements pris par les États dans les domaines liés à l’agriculture, au développement rural, aux sols, à la sécheresse, à la désertification et à l’Afrique.
La CDD-16 poursuivra ses travaux demain, mercredi, le 7 mai, dans la matinée à 10 heures.
* Rapport publié sous la cote E/CN.17/2008/4
MODULE THÉMATIQUE DU CYCLE D’APPLICATION 2008-2009
a) Agriculture (E/CN.17/2008/3)
b) Développement rural (E/CN.17/2008/4)
c) Sols (E/CN.17/2008/5)
d) Sécheresse (E/CN.17/2008/6)
e) Désertification (E/CN.17/2008/7)
f) Afrique (E/CN.17/2008/8)
Discussion thématique sur la question du développement rural
Quels programmes et quelles politiques de développement rural permettront de sortir de l’extrême pauvreté les millions de personnes vivant dans les zones rurales? Quelles approches et quels partenariats innovants faut-il mettre en place pour mobiliser les ressources financières adaptées à cet effort? L’éducation et les autres services publics, ainsi que la parité entre les sexes, peuvent-ils jouer un rôle dans l’autonomisation des communautés locales et leur donner les moyens de prendre en charge l’exécution des programmes? C’est autour de ces questions qu’étaient invitées à discuter, ce matin, les délégations prenant part aux travaux de la seizième session de la Commission du développement durable (CDD-16).
La discussion thématique était basée, entre autres, sur le Rapport du Secrétaire général portant sur le développement rural (E/CN.17/2008/4). Ce document indique que les économies en développement et les politiques qu’elles appliquent continuent de privilégier le secteur agricole, considéré comme le pilier de la réduction de la pauvreté dans les pays pauvres, au détriment de la prestation de services sociaux pour améliorer les moyens d’existence. Le Secrétaire général recommande dans ce rapport le renforcement de l’action publique et il préconise d’équilibrer les investissements consacrés au développement urbain et rural. Le rapport propose aussi que soit intensifiée la participation des populations concernées aux processus de décision et que les budgets nationaux soient davantage centrés sur l’accroissement des capacités rurales.
Déclarations liminaires
M. OLIVIER BELLE (Belgique), Président de la Commission de la condition de la femme, a relevé que la question des femmes rurales était devenue centrale depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire. Par elle, il a été reconnu que l’égalité entre les sexes était une condition de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), a dit M. Belle. Il a rappelé que l’accès égal hommes/femmes aux ressources productives, aux cultures vivrières, aux capitaux, aux crédits ainsi qu’à l’éducation et au service de santé, était désormais une priorité des gouvernements du monde entier. Dans le contexte de la crise alimentaire actuelle et de la lutte contre les effets de la dégradation du climat, la part active des femmes rurales doit augmenter de manière significative, a jugé M. Belle. Ces dernières jouent en effet un rôle essentiel, en assurant la fourniture de l’eau et du bois de chauffe au foyer ainsi qu’en s’efforçant d’assurer chaque jour la sécurité alimentaire de leur famille. Le représentant a ensuite déploré qu’en dépit de ce statut, les femmes rurales continuent d’affronter de graves inégalités dans l’accès à la terre et au droit à la propriété. Pour combler ces disparités et, au-delà, résoudre la crise alimentaire, les programmes doivent prendre en compte l’opinion des femmes, premières responsables de la subsistance de communautés entières parmi les plus exposées, a préconisé M. Belle.
M. TAGHI FARVAR, Centre pour le développement durable (CENESTA), a noté que les termes de la lutte contre la pauvreté avaient changé au cours des dernières années. Alors que la communauté internationale s’était engagée à éliminer la pauvreté, nous parlons timidement désormais de réduire la pauvreté, a-t-il relevé. Le panéliste a ajouté que les OMD étaient devenus la norme en matière de développement planétaire, cela « sans consultation ni participation des bénéficiaires ». M. Farvar a insisté sur le besoin que les politiques et programmes soient portés à la fois par une volonté politique ferme et une réelle prise en compte des spécificités du terrain. Les connaissances autochtones, par exemple, sont ignorées ou presque dans les faits par les gouvernements et les milieux universitaires, a ajouté M. Farvar. Il a relevé que si l’effort de guerre des États était élaboré en amont et soutenu par des budgets faramineux, la gestion des crises environnementales et alimentaires les plus graves relevait de l’improvisation. Il a conclu en estimant que le développement, y compris rural, était une affaire de mentalités et non pas uniquement des ressources financières.
Mme YACINE DIAGNE GUEYE, Organisation « Énergie, Environnement, Développement » (ENDA), a souligné que l’accès à la terre restait problématique pour les femmes, le droit coutumier, par exemple, empêchant l’exercice égal de ce droit. Les femmes, de fait, possèdent moins de terres que les hommes et les terres qui leurs sont allouées sont petites, éloignées et moins productives, a-t-elle précisé. Mme Gueye a ensuite indiqué que les femmes rurales subissaient durement les problèmes environnementaux causés par les changements climatiques. La panéliste a estimé que l’agriculture familiale était une solution d’avenir, car reposant sur des valeurs de solidarité, de préservation des ressources naturelles et de l’environnement et associant les besoins économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, Mme Gueye a affirmé que les organisations paysannes et de producteurs avaient atteint un niveau de développement institutionnel leur permettant de prendre une part active dans la formulation des politiques agricoles. La panéliste a également attiré l’attention sur la nécessité de renforcer la formation afin de sensibiliser au genre les agents du développement et les acteurs des structures techniques nationales.
M. NARESH SINGH, Directeur exécutif de la Commission sur l’habilitation juridique des pauvres, a déclaré qu’alors que la croissance économique est soutenue dans les pays pauvres et que certains groupes de personnes s’enrichissent, les inégalités frappant les plus pauvres ne baissent pas. Le panéliste a expliqué que les plus démunis n’avaient pas les moyens de recourir au droit pour obtenir certains avantages économiques et protéger leurs avoirs. Un milliard de personnes sont concernées, a-t-il lancé, en particulier dans les zones rurales où les petits propriétaires terriens ne bénéficient souvent d’aucune protection juridique. Le panéliste a estimé qu’il fallait impérativement s’attaquer à la vulnérabilité des populations rurales, compte tenu de ce que la totalité de leurs revenus sont consacrés à l’alimentation. À cette fin, il a plaidé pour le renforcement du statut de citoyen des travailleurs ruraux, qui, dans de nombreuses régions du monde, ne disposent même pas d’une identité légale et des droits qui l’accompagnent. L’habilitation juridique des pauvres est une question très délicate, car le pouvoir ne se laisse pas partager par ceux qui le détiennent, a conclu M. Singh.
Mme JEANETTE GURANG, Women Organizing for Change in Agriculture and Natural Resource Management, est intervenue brièvement pour déclarer qu’il fallait que la situation des femmes rurales soit une priorité élevée de la communauté internationale. Les femmes forment l’épine dorsale des communautés agricoles, a-t-elle dit, et cet état de fait doit être reflété non seulement sur le terrain, mais également dans les sphères politiques, où, dans les ministères de l’agriculture, les femmes n’occupent que 8 à 10% des postes de responsabilité. Il faut investir dans le leadership des femmes, a encore dit Mme Gurang.
Discussions interactives
La représentante d’Antigua-et-Barbuda a déclaré, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, que certaines politiques des pays développés pénalisaient le secteur agricole des pays pauvres et négligeaient en outre le développement des infrastructures rurales. À l’instar d’autres délégations, elle a souligné la nécessité de réduire la vulnérabilité des communautés rurales vivant dans des zones écologiques fragiles, et par conséquent plus exposées que les autres aux effets des changements climatiques. En écho aux remarques des panélistes, la représentante a insisté sur le besoin de renforcer les droits d’accès à la propriété des petits producteurs, non seulement pour augmenter leurs moyens de subsistance, mais aussi pour maintenir la stabilité sociale au niveau régional. Elle a également plaidé en faveur d’une participation accrue des femmes aux processus de décision dans le secteur du développement agricole et rural.
L’Union européenne (UE), par la voix de la représentante de la Slovénie, a indiqué que le développement de l’agriculture biologique était l’un des secteurs les plus dynamiques de la Politique agricole commune (PAC) et de relance des activités respectueuses de l’environnement dans les communautés rurales des pays de l’Union européenne. La représentante a expliqué que les acquis de la PAC étaient utiles à l’action de l’UE dans le cadre des stratégies internationales de réduction de la pauvreté dans le monde rural. Elle a ainsi cité différentes initiatives conjointes, comme le Partenariat Afrique-Union européenne sur les OMD, dont l’objectif principal est de parvenir à la sécurité alimentaire durable sur tout le continent africain. Comme d’autres intervenants, la déléguée slovène a souligné qu’il fallait, au niveau des bailleurs de fonds, axer les décisions politiques sur une distribution plus efficace de l’aide. La communauté internationale devrait se montrer plus innovante en matière de développement territorial, en tenant compte notamment du savoir-faire traditionnel des acteurs locaux, a-t-elle suggéré. Cette recommandation a été reprise par d’autres pays.
Le représentant de Tonga, qui intervenait au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a reconnu que les compétences des peuples vivant de l’exploitation des terres, des forêts et de la pêche, devaient être davantage valorisées par les décideurs politiques. Il a fait du développement rural un défi à relever « collectivement » pour améliorer l’autonomisation des femmes, l’éducation et la santé dans les pays de la région du Pacifique. Il faut casser le cycle de la pauvreté, en particulier rurale, qui contribue directement à la malnutrition et exacerbe la discrimination à l’égard des femmes, a-t-il dit.
La nécessité de privilégier une approche intégrée a également été signalée par le représentant de Djibouti, au nom du Groupe africain. Le délégué a ainsi indiqué que les pays du continent, à travers l’Union africaine et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), prenaient les initiatives les plus importantes en matière de développement rural de manière holistique. Le Programme intégré pour le développement de l’agriculture en Afrique a été mis en place en tenant compte du fait que la productivité agricole et l’accès aux services et infrastructures sociales et techniques doivent aller de pair, a-t-il ajouté. C’est en ce sens qu’il a estimé qu’un plan de développement rural aussi ambitieux devait être appuyé par des ressources financières mobilisées en dehors des cadres nationaux. D’autres pays, comme le Maroc et les États-Unis, ont plaidé à leur tour pour une participation accrue des bailleurs de fonds privés au désenclavement des communautés rurales.
Discussions régionales sur l’Asie-Pacifique et l’Amérique latine et les Caraïbes
Une double discussion interactive, portant d’une part sur l’Asie et le Pacifique, puis, en second lieu, sur l’Amérique latine et les Caraïbes, a permis à la CDD-16 de recenser à la fois les obstacles et de tirer des enseignements bénéfiques dans les domaines liés à l’agriculture, au développement rural, aux sols, à la sécheresse et à la désertification.
Les experts conviés ce matin à la première discussion se sont penchés sur la Réunion de mise en œuvre régionale pour l’Asie et le Pacifique, qui s’est tenue les 26 et 27 novembre 2007 dernier à Djakarta, en Indonésie, et dont les résultats ont été présentés par le Président de cette table ronde, TRI THARYAT (Indonésie).
Pour M. SANJA KUMAR, Inspecteur général adjoint au Conseil des forêts et de l’environnement du Gouvernement de l’Inde, l’agriculture demeure au cœur du développement durable pour la région Asie-Pacifique. Il a fait état d’une croissance lente de l’agriculture en raison, principalement, des lacunes existant dans les investissements des secteurs privé et public. De nouveaux types de partenariats public-privé doivent s’établir, a estimé M. Kumar. Il s’est par ailleurs félicité de la mise en place par l’Inde d’un système solide d’alerte précoce contre la sécheresse.
Mme ELENITA C. DANO, Réseau Tiers-Monde (Third World Network), a souligné la nécessité de mettre au point une gestion visant à aider les petits agriculteurs des communautés locales lorsque surviennent des catastrophes naturelles. S’agissant de la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM), elle a indiqué que ces cultures n’avaient eu que très peu de résultats bénéfiques sur l’allègement de la pauvreté des petits agriculteurs. Il faut avancer prudemment en matière de diversité génétique, a-t-elle recommandé.
Mme MEENA BIGLI, Organisation des femmes pour le changement de l’agriculture et la gestion des ressources naturelles (WOCAN), a mis l’accent, pour sa part, sur la nécessité de développer l’agriculture rurale dans un cadre écologique. Elle a aussi insisté sur l’attention à accorder aux connaissances autochtones.
La représentante de la Thaïlande a estimé que la crise alimentaire mondiale actuelle ne s’était pas déclenchée de manière isolée. Elle tient, a-t-elle expliqué, au problème des ressources en eau, à l’augmentation des prix du pétrole et aux effets des changements climatiques. Il faut une coopération à tous les niveaux, a-t-elle déclaré. Elle a souligné que son pays souhaitait promouvoir la sécurité énergétique et exploiter les différents types d’énergie en entreprenant les recherches qui s’imposent à cet égard. Son homologue de la République de Corée a jugé indispensable que soient discutées les questions liées à l’« approche verte » ainsi qu’aux programmes de renforcement des capacités.
Le représentant du Bangladesh, rappelant que deux tiers des pauvres de la planète vivaient en Asie, a plaidé en faveur d’un renforcement de la coopération dans cette région. Le représentant des syndicats a pour sa part affirmé que les syndicats de la région Asie-Pacifique concentraient leurs efforts dans la lutte contre le VIH/sida, pour l’amélioration des conditions des travailleurs, et veillaient à ce que les gouvernements mettent en œuvre les normes du Bureau international du Travail (BIT), et que les enfants soient protégés de l’industrie du sexe ou de l’exploitation par le travail.
Au cours de la deuxième discussion interactive, qui était présidée par Mme MÉLANIE SANTIZO-SANDOVAL (Guatemala), Ana Bianchi, Ministère des affaires étrangères de l’Argentine, a présenté les résultats de la Réunion régionale d’application pour l’Amérique latine et les Caraïbes, dont les travaux ont eu lieu en novembre 2007. Elle a notamment expliqué que dans la région Amérique latine et Caraïbes, l’agriculture était gérée dans un contexte où des subventions sont versées face à une demande croissante de produits de base. Elle a fait état des niveaux importants de pauvreté que connait la région. Dans de nombreux cas, a-t-elle précisé, il existe des liens étroits entre la pauvreté et la détérioration de l’environnement et des ressources naturelles. À l’occasion de la réunion des pays de la région, les représentants de la société civile ont plaidé en faveur de plus de politiques d’État et d’une redistribution égale des ressources naturelles, a-t-elle ajouté.
M. SERGIO ZELAYA, Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, a indiqué que l’Amérique latine comptait 25% de terres sèches et arides, soit 25 millions de kilomètres carrés. Il a précisé que 75% de ces terres se dégradaient. Soixante-treize pour cent des pauvres d’Amérique latine vivent dans ces zones, a indiqué M. Zelaya. Il a souligné la nécessité d’appliquer des stratégies intégrées à long terme, basées notamment sur l’utilisation durable des ressources et de l’eau afin d’améliorer les conditions de vie des populations vivant sur ces terres.
Pour Mme MARIANNE SCHAPER, Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), de 1990 à 2005 la région d’Amérique latine et des Caraïbes a connu un rythme de déforestation parmi les plus élevés du monde. Si 67 millions d’hectares ont été déboisés, 26 millions d’hectares de terres ont été dévolus dans le même temps à l’agriculture, dont la moitié à des pâturages, a-t-elle dit. De même, au cours de cette même période, la pauvreté rurale est demeurée la plus importante, même si le secteur agricole a connu une croissance plus élevée que les autres secteurs économiques.
Mme TERESITA BORGES HERNANDEZ, Direction de l’environnement du CITMA de Cuba, dont l’exposé a été lu par Mme Schaper, a fait état d’une croissance de l’agriculture et du tourisme dans la région des Caraïbes. Toutefois, les terres demeurent limitées, tandis que la répartition des ressources reste inéquitable, a-t-elle regretté. La région connaît également une diminution de la qualité de ses ressources hydriques et de la fourniture d’eau, ainsi qu’une érosion des sols et une réduction de la taille de sa population rurale, a-t-elle dit.
Le représentant du Réseau mondial de l’action de la jeunesse a mis l’accent sur l’éducation et la formation des jeunes dans les zones rurales. Il a observé que ces jeunes étaient confrontés à des difficultés économiques qu’ils avaient tendance à transplanter eux dans les zones urbaines quand ils y migrent.
Le délégué du Venezuela a fait notamment état, de son côté, d’une initiative lancée par son pays et intitulée « Petro Caraïbes » qui vise à améliorer l’accès des pays de la région aux sources énergétiques. Il a, à cet égard, lancé un appel aux pays développés pour qu’ils apportent les technologies nécessaires. Son homologue de la Barbade a rappelé que les États des Caraïbes subissaient déjà les impacts négatifs des changements climatiques. Cette situation a une incidence grave sur leurs efforts de développement durable, a-t-il dit.
Discussion s thématique s sur l’agriculture et le développement rural
Dans la mesure où 75% des pauvres du monde vivent en milieu rural, il est évident que la question du développement de ces zones revêt une importance capitale, en particulier sur le plan agricole. La CDD-16 a donc consacré cet après-midi une table ronde à l’examen des programmes et politiques mis en œuvre afin de réduire la pauvreté en milieu rural, qui ont donné jusqu’à présent des résultats inégaux.
Ces discussions thématiques s’appuyaient sur des interventions d’experts et un rapport du Secrétaire général (E/CN.17/2008/4), dont il ressort que, pour surmonter les problèmes, il importe notamment de centrer les efforts sur les programmes qui contribuent à accroître l’efficacité et la productivité agricoles, à exploiter les possibilités qu’offre le secteur non agricole, à renforcer la gestion des ressources naturelles et à améliorer la qualité de l’infrastructure rurale. L’accès au secteur financier rural, aux marchés locaux, à la technologie, à l’éducation et aux autres services sociaux a été également souligné par plusieurs participants.
Déclarations liminaires
M. PIRAGIBE DOS SANTOS TARRAGÔ (Brésil) a déclaré que le volet agricole de l’Accord relatif à la tenue des négociations commerciales du Cycle de Doha repose sur trois piliers: la concurrence des exportations, l’accès aux marchés et les subventions, qui tous doivent être abordés sous l’angle du développement des pays les plus lésés par le système actuel issu du Cycle d’Uruguay. Il a expliqué que l’enjeu principal consistait à réduire les restrictions employées par les pays développés pour subventionner leur agriculture nationale. Le protectionnisme n’est pas l’apanage des seuls pays développés, mais c’est surtout chez eux qu’il se concentre, a noté M. Dos Santos Tarragô. Si le Cycle de négociations de Doha aboutit, il sera possible d’enclencher un nouveau cycle de croissance économique, et les revenus découlant de ce processus pourront être utilisés par les pays en développement pour renforcer les investissements et améliorer leur productivité, a-t-il estimé.
M. HE MAOCHUN, Professeur et Directeur du Centre de recherche, d’économie et de diplomatie, de l’Université de Tsinghua, en Chine, a estimé que la situation était grave, mais pas désespérée. Des catastrophes de toute sorte se sont abattues sur la planète, en raison de l’activité humaine, des changements climatiques et des variations astronomiques. Mais selon l’expert, même si la situation doit être prise au sérieux, il est possible d’y faire face. Cette année, il semblerait que l’approvisionnement des populations du monde en produits alimentaires connaisse de graves difficultés, en raison notamment des restrictions à l’exportation qu’exercent les pays producteurs. Pour surmonter cette situation, les économies développées doivent assumer des responsabilités plus importantes dans le cadre du Programme d’aide au commerce, qui doit faire l’objet d’une mise en œuvre rapide, a préconisé l’expert.
M. CHRISTOPHER J. LEAVER, Professeur émérite et spécialiste des plantes, a affirmé que l’agriculture restait l’activité la plus importante de l’histoire de l’humanité. Quatre innovations majeures ont révolutionné l’agriculture au XXe siècle, a-t-il expliqué: la mécanisation, les engrais chimiques, les pesticides et la génétique. Au cours de cette période, l’intensité de l’activité agricole, conjuguée à des phénomènes tels que les changements climatiques ou l’urbanisation, ont conduit à un épuisement des sols comme jamais auparavant. Pour que l’agriculture du XXIe siècle puisse satisfaire les besoins d’une population mondiale en pleine expansion, de nouvelles techniques seront nécessaires pour réhabiliter ces sols. M. Leaver a notamment mis l’accent sur les cultures transgéniques, qui visent à réduire le stress biotique et abiotique, et qui sont considérées comme sûres par les rapports officiels disponibles à ce jour.
M. EDGARDO JAVIER ANGARA (Philippines) a déclaré qu’une crise alimentaire mondiale telle que nous n’en avons jamais connue affectait en ce moment la planète. Plus de 10 millions de personnes mourront en Asie si cette crise se poursuit à ce rythme, a-t-il prévenu. Pour les pays en développement, la dépendance aux importations de produits alimentaires a créé une situation d’extrême vulnérabilité. Il est donc nécessaire de mettre fin aux subventions des exportations des pays développés, en particulier en ce qui concerne le riz, le maïs et le soja, car ces exportations subventionnées ont des effets graves sur les producteurs des pays en développement qui produisent les mêmes aliments. Le monde en développement demande des réductions tarifaires sur la base de la proportionnalité, a ajouté le sénateur philippin. Par ailleurs, il a fustigé les mesures protectionnistes « déguisées » adoptées par les pays riches, citant l’exemple des fruits philippins, qui ne sont pas autorisés à entrer sur le marché australien au prétexte qu’ils ne satisfont pas aux « normes phytosanitaires » locales.
M. JOHN PENDER, Chercheur à l’International Food Policy Research Institute, a expliqué que l’on était aujourd’hui confronté à la dégradation des sols, arables ou non, en particulier en Afrique subsaharienne, où la productivité agricole est au point mort. Pourtant, les exemples abondent, que ce soit au Kenya, en Zambie ou au Malawi, qui démontrent, qu’une réhabilitation est possible, à condition d’adopter des stratégies d’investissement qui profitent aux économies locales, a-t-il indiqué.
Discussion s interactive s
Le représentant des agriculteurs a cité la bioénergie comme outil permettant aux agriculteurs de devenir des producteurs de « valeur ajoutée ». Ce point de vue a été partagé par le représentant de la Malaisie. En effet, la production de biomasse à partir de cellulose permettrait de limiter la pression actuellement exercée sur les produits alimentaires, de même qu’en leur substituant des cultures à haute résistance au stress, ont-ils dit. La délégation de la République tchèque a déclaré que les changements climatiques ont eu au moins le mérite d’obliger les gouvernements à adopter des politiques de planification des risques, en particulier en mettant l’accent sur la notion d’assurance.
Dans ce contexte, les petits États insulaires en développement (PEID) ont fait entendre leur voix, notamment à travers la délégation de Tonga, qui prenait la parole au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, et a déclaré qu’il fallait miser sur l’amélioration de l’environnement et de l’accès pour obtenir une meilleure productivité, puisque les pays insulaires se heurtent à un problème d’expansion de leurs sols arables. La représentante des ONG a estimé que la croissance technologique, la recherche et le développement étaient indispensables au développement rural. Elle a aussi préconisé de responsabiliser les femmes, qui accomplissent la plus grande partie du travail agricole et ne bénéficient pas comme elles le devraient d’un accès aux terres.
Abordant le cas des pays de l’Afrique, le Malawi a dit qu’il avait pris des mesures audacieuses en faveur d’une « révolution verte » au niveau national. Le Gouvernement malawite a axé son action sur les investissements dans le secteur agricole et sur un programme visant à ménager aux agriculteurs un accès sans entrave aux engrais. L’accent a également été mis sur la formation des cultivateurs pour assurer la transmission des meilleures pratiques. Le représentant de la Mauritanie a indiqué pour sa part que son gouvernement œuvrait à réduire la dépendance du pays, qui est actuellement de 75%, aux importations de produits alimentaires de base, mais a appelé les pays développés à assumer leurs responsabilités pour corriger cette situation. Son homologue de l’Afrique du sud a demandé aux donateurs de continuer à investir dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).
La représentante du Brésil a loué la production de biocarburants comme force créatrice d’emplois, plus de 185 000 postes de travail ayant été créés dans ce secteur rien que dans son pays. C’est la production d’eau salubre qui occupe en revanche une place prépondérante dans le développement rural du Canada, qui appuie le principe international de l’approche intégrée des ressources en eau, a expliqué la représentante de ce pays.
Réagissant à ces commentaires, un des experts a prévenu que le libre-échange ne résoudrait pas tous les problèmes liés au développement rural. Un autre a cependant prévenu que si l’on ne rétablissait pas l’équilibre entre l’agriculture des pays développés et celle des pays en développement, on ne parviendrait jamais à un commerce international équitable.
Discussions régionales portant sur l’Europe
Les participants, experts et représentants d’États Membres et de grands groupes, à la discussion interactive qui a eu pour sujet la situation de l’Europe, ont tenté d’identifier les contraintes et les expériences à partager dans les domaines liés à l’agriculture, au développement rural, aux sols, à la sécheresse et à la désertification.
Mme COLIEN HEFFERAN, Département américain de l’agriculture, a estimé que la plupart des questions de durabilité n’étaient pas propres à un pays. Nous dépendons tous de la terre, des océans et de l’air, a-t-elle affirmé. Ainsi, selon elle, la gestion des terres, des forêts, des bassins et la conservation, les développements urbains, la sécheresse et les changements climatiques sont autant de questions communes à tous les pays. De même, a-t-elle souligné, l’agriculture pourrait être utilisée pour restaurer les écosystèmes.
Mme ELISABETH GAUFFIN, Vice-Présidente de la Fédération internationale des producteurs agricoles du Comité de la coopération pour le développement, et Présidente de la Fédération suédoise des agriculteurs, a notamment souligné la nécessité de pouvoir compter sur des organisations vigoureuses dans les hémisphères Nord et Sud de la planète afin de renforcer la puissance de l’accès aux marchés des exploitants agricoles. C’est un outil de représentation essentiel dans les activités de plaidoyer des agriculteurs, a-t-elle assuré.
M. PETER CREUZER, Chef de l’Agence pour la géo-information, le développement des terres et l’immobilier d’Hanovre, en Allemagne, a affirmé, d’une manière générale, que les fonctions de gestion des terres exigeaient une bonne direction, une bonne gouvernance et la sécurité du régime foncier. Il a fait état d’un instrument de la Commission économique européenne (CEE), fondé en 1999, destiné à favoriser la coopération et l’échange d’expériences parmi les États membres de la Commission. Il a en outre mis l’accent sur l’importance des partenariats, notamment entre les secteurs public et privé.
M. JIRI HLAVACEK, Ministère tchèque de l’environnement, a en particulier jugé important de renforcer le partenariat avec l’Afrique, notamment par le biais de l’aide publique au développement, des échanges commerciaux et du transfert des technologies. Il est nécessaire d’appuyer l’Afrique, en particulier les pays de l’Afrique subsaharienne, pour créer un contexte qui y favorise les investissements, a-t-il dit. Ce n’est que grâce à un partenariat solide que l’Afrique peut devenir un partenaire égal et être responsable de son développement, a-t-il ajouté.
Mme NADINE GOUZEE, Groupe spécial sur le développement durable au Bureau fédéral de la planification de la Belgique, a estimé que le développement était trop souvent restreint à la notion de croissance du PIB par tête. Comment garantir la qualité des biens, qui signifierait une amélioration de la qualité de vie des habitants? Selon elle, il conviendrait de mettre en œuvre une croissance économique qui repose sur des modes de production durables.
La représentante de la Slovénie, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a estimé que les questions thématiques de la CDD-16 devaient être traitées dans le contexte intégrant les objectifs du développement durable, à savoir l’élimination de la pauvreté, les changements des modèles de production et de consommation non durables, et la protection des ressources naturelles. Il est important, a-t-elle dit, que la Commission du développement durable reconnaisse les contributions spéciales des différentes régions. De même, selon elle, de nombreux points communs d’analyse soulevés lors des discussions régionales sur l’Afrique et l’Europe pouvaient conduire à un renforcement de la coopération entre ces deux régions dans le but d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement sur la voie du développement durable.
Son homologue de l’Autriche a souligné pour sa part le rôle crucial joué par les communautés autochtones dans la protection de la biodiversité. Le représentant des États-Unis a jugé que l’agriculture intensive était importante au moment où la communauté internationale tente de répondre à une demande alimentaire croissante.
Dialogue avec les grands groupes
Les représentants des grands groupes ont exprimé, devant les États Membres, leurs vues sur les statuts de la mise en œuvre des engagements pris dans les domaines liés à l’agriculture, au développement rural, aux sols, à la sécheresse, à la désertification et à l’Afrique.
La représentante du Groupe des peuples autochtones a rappelé en particulier que la terre était au cœur de la survie et du bien-être des autochtones. Les politiques de mondialisation économique et la modernisation agricole amènent l’introduction de cultures reposant sur l’utilisation intensive d’engrais agrochimiques et une large utilisation de l’eau, a-t-elle dit, ajoutant que les organismes génétiquement modifiés sapaient la souveraineté alimentaire des peuples autochtones. Affirmant en outre que les changements climatiques affectaient les peuples autochtones, elle a appelé les nations du monde riche et industrialisé à réagir immédiatement à ce phénomène.
La représentante du Groupe des femmes a demandé aux gouvernements quels moyens ils comptaient mettre en œuvre pour aider financièrement les femmes dans leurs communautés locales et remplir les engagements pris à leur égard et relevant de la mise en œuvre d’Action 21, du Programme pour l’habitat, du Plan de mise en œuvre de Johannesburg et du Programme d’action de Beijing.
Le représentant du Groupe des syndicats a estimé que l’extrême pauvreté des travailleurs des zones rurales, qui apparaît au grand jour avec le déclenchement de la crise alimentaire n’était pas nouvelle. Elle est due aussi, selon lui, à une faiblesse de la gouvernance démocratique et à un manque de respect des droits fondamentaux.
Le représentant des Pays-Bas a souligné, pour sa part, l’importance d’une participation large de toutes les parties prenantes dans le processus des CDD-16 et 17. Il a notamment demandé aux grands groupes quels étaient, selon eux, les obstacles et les défis qui se posent à un renforcement des partenariats entre les parties prenantes et quelles étaient leurs propositions pour améliorer la participation des jeunes sur les questions de durabilité.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel