ECOSOC: IL FAUT CRÉER DES PARTENARIATS MONDIAUX POUR LUTTER CONTRE LA CRISE ALIMENTAIRE ACTUELLE, PRÉCONISENT LES NATIONS UNIES
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Conseil économique et social
Session de fond de 2008
22e séance – après-midi
ECOSOC: IL FAUT CRÉER DES PARTENARIATS MONDIAUX POUR LUTTER CONTRE LA CRISE ALIMENTAIRE ACTUELLE, PRÉCONISENT LES NATIONS UNIES
Les conséquences d’un manque d’action seraient « énormes », prévient le Secrétaire général aux affaires humanitaires lors d’une table ronde sur la sécurité alimentaire
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a ouvert, cet après-midi, son débat consacré aux questions de coordination. Après avoir entendu des déclarations liminaires sur le rôle du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle issue du débat de haut niveau du Conseil tenu lors de sa session de fond de 2007, l’ECOSOC a tenu la première table ronde de son ordre du jour régulier en débattant de l’approche du système de l’ONU en matière de sécurité alimentaire et notamment en ce qui concerne l’amélioration de la sécurité alimentaire.
Au vu de l’impact de la crise actuelle, qui a provoqué une augmentation quasi incontrôlable des prix des denrées alimentaires, les conséquences d’un manque d’action seraient « énormes », a prévenu le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence du système de l’ONU, M. John Holmes, qui a plaidé en faveur de « partenariats mondiaux pour l’alimentation ».
Concernant les questions de coordination, l’accent mis par l’ECOSOC sur l’examen du rôle du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle de 2007, qui préconise un renforcement de l’action menée pour éliminer la pauvreté et la faim, notamment grâce au partenariat mondial pour le développement, a été jugé opportun par de nombreux intervenants.
La Déclaration ministérielle de 2007 souligne en effet la nécessité d’élaborer une stratégie globale visant à éliminer les fléaux de la faim et de la pauvreté d’ici à 2015 et elle énumère un certain nombre de domaines qui appellent des mesures d’urgence. Elle représente « un progrès important vers la mise en œuvre du programme de l’ONU en matière de développement en général et la réalisation de l’Objectif nº1 du Millénaire pour le développement en particulier », a ainsi estimé le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Antonio Pedro Monteiro Lima, du Cap-Vert. Selon M. Monteiro Lima, il convient d’« intervenir de manière urgente » en matière de développement rural et agricole, ainsi qu’en matière de création d’emplois, de développement des entreprises, de développement durable, de science et de technologie, d’échanges commerciaux et de financement du développement. « Le système des Nations Unies peut beaucoup contribuer à promouvoir et à soutenir les activités menées dans tous ces domaines », a souligné le Vice-Président de l’ECOSOC.
Le rapport* soumis par le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, sur cette question, qui a été présenté par le Sous-Secrétaire général à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations, M. Thomas Stelzer, donne précisément un aperçu des initiatives prises par le système des Nations Unies. Ce rapport, qui fera demain l’objet d’un débat de l’ECOSOC, analyse le rôle que joue le système de l’ONU face aux difficultés rencontrées aujourd’hui par les pays en développement et contient des recommandations concernant les moyens à mettre en œuvre pour améliorer l’appui qu’apportent les Nations Unies à travers leurs activités opérationnelles pour le développement.
L’urgence du problème posé par la hausse des prix des denrées alimentaires et l’ampleur de ses conséquences ont placé la sécurité alimentaire au premier rang des soucis de l’ECOSOC. La crise actuelle des prix contraint en effet les pays touchés et la communauté internationale à réclamer un renforcement de l’aide d’urgence et à repenser les politiques visant à assurer une sécurité alimentaire durable, a expliqué M. Monteiro Lima. Selon le Vice-Président de l’ECOSOC, « la communauté internationale et les organismes des Nations Unies devront se donner les moyens de soutenir de nouvelles politiques en matière de sécurité alimentaire et d’aider les pays à faible revenu connaissant un déficit vivrier à mettre au point des stratégies leur permettant de lutter durablement contre ce problème ».
Le manque d’action contre lequel John Holmes, le Coordonnateur des secours d’urgence, a mis en garde aurait des conséquences « énormes » et un « effet dramatique sur la croissance mondiale ». « Nous risquons demain de perdre des années de progrès dans la recherche de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement », a-t-il averti. Agir maintenant, a poursuivi M. Holmes, « cela signifie réduire les risques de déstabilisation des sociétés; c’est aider, grâce à l’appui coordonné des institutions des Nations Unies et de Bretton Woods, les pays les plus touchés à assurer la sécurité alimentaire de leur peuple afin de ne pas basculer dans des crises humanitaires ingérables ».
Les partenariats mondiaux pour l’alimentation que M. Holmes a appelés de tous ses vœux sont un souhait également exprimé, a-t-il précisé, par l’Équipe spéciale de haut niveau établie par le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, pour promouvoir une réponse unifiée du système des Nations Unies à la crise.
Toujours dans le cadre du point de son ordre du jour consacré aux questions de coordination, le Conseil économique et social tiendra demain, mardi, le 8 juillet, dans la matinée, une deuxième table ronde sur le thème: « Développement rural et bien-être social: perspective nationale ».
* E/2008/15
DÉBAT CONSACRÉ AUX QUESTIONS DE COORDINATION
Thème: « Le rôle du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle issue du débat de haut niveau du Conseil tenu lors de sa session de fond de 2007 »
Déclarations liminaires
M. ANTONIO PEDRO MONTEIRO LIMA (Cap-Vert), Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), qui ouvrait le débat consacré aux questions de coordination sur le rôle du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle issue du débat de haut niveau tenu lors de la session de fond de 2007 du Conseil, a affirmé que cette Déclaration représentait un progrès important vers la mise en œuvre du programme de l’ONU en matière de développement en général et la réalisation de l’Objectif nº1 du Millénaire pour le développement en particulier. Dans la Déclaration, il est souligné, a-t-il dit, que la lutte contre la pauvreté et la faim était une question complexe qui doit s’inscrire dans une perspective globale du développement, touchant de nombreux domaines d’action. Ainsi, il convient en particulier d’intervenir de manière urgente en matière de développement rural et agricole, de création d’emplois, de développement des entreprises, de développement durable, de science et de technologie, d’échanges commerciaux et de financement du développement, a dit le Vice-Président de l’ECOSOC. Il s’agit là des éléments essentiels que doit comporter une stratégie globale de développement favorable aux pauvres, si l’on veut atteindre l’Objectif nº1 d’ici à 2015, a-t-il dit.
Le système des Nations Unies peut beaucoup contribuer à promouvoir et à soutenir les activités menées dans tous ces domaines, a-t-il assuré. Cette année, le débat consacré aux questions de coordination permet au Conseil d’évaluer le rôle qui est actuellement celui des organismes de l’ONU dans tous ces domaines et de formuler des orientations afin de renforcer la stratégie adoptée par le système des Nations Unies pour concourir à la réalisation de l’Objectif nº1, a ajouté M. Monteiro Lima. Le Vice-Président a en outre souligné que les organismes des Nations Unies avaient fait des progrès considérables en matière de coordination à l’échelle du système, à la fois sur le plan technique et opérationnel, en vue de mettre en œuvre le programme de l’ONU en matière de développement. Toutefois, il est de plus en plus évident que pour le mettre en œuvre, il faut élaborer un plan directeur plus détaillé qui guidera les activités entreprises au titre des différents volets. Quant aux grandes orientations qui découleront des travaux des commissions techniques, elles devront être prises en compte dans la formulation des programmes des organismes des Nations Unies et des activités visant à soutenir le Programme de l’ONU en matière de développement, a-t-il expliqué. L’examen de ce point à l’ordre du jour permet à l’ECOSOC de promouvoir la collaboration et les effets de synergie dans les travaux de fond de ses organes subsidiaires, a-t-il poursuivi. Il lui permet aussi de chercher un moyen de consolider les liens entre les travaux normatifs et les travaux de fond de ses commissions techniques d’une part et les activités de programmation et opérationnelles des organes directeurs des Nations Unies d’autre part. Le débat sur cette question devrait se tenir dans le cadre de l’Examen ministériel annuel (EMA) et du Forum pour la coopération en matière de développement, qui correspondent aux nouvelles modalités de fonctionnement de l’ECOSOC et y être étroitement lié, a-t-il souligné.
M. THOMAS STELZER, Sous-Secrétaire général à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations, qui présentait le rapport du Secrétaire général sur « le rôle du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle issue du débat de haut niveau du Conseil économique et social tenu lors de sa session de fond de 2007 » (E/2008/21), a affirmé que cette Déclaration rappelait la nature multidimensionnelle du problème pour pouvoir parvenir à éliminer la pauvreté et la faim et souligne la nécessité de s’appuyer sur une stratégie nationale de vaste portée qui s’inscrive dans une perspective globale de développement. Il a précisé que l’élimination de la pauvreté et de la faim avait toujours été un objectif central de l’activité d’aide au développement des Nations Unies.
Le Sous-Secrétaire général a rappelé que face à la crise alimentaire mondiale, le Secrétaire général avait récemment établi une Équipe spéciale de haut niveau chargée de promouvoir une réponse unifiée du système des Nations Unies. Le cadre global pour l’action mis en avant par l’Équipe spéciale identifie des mesures urgentes à mettre en œuvre en vue de satisfaire les besoins immédiats des populations et de contribuer à assurer la sécurité alimentaire durable, a dit M. Stelzer. En matière de commerce, il a indiqué que le système des Nations Unies considérait que le Cycle de négociations de Doha pour le développement ne sera couronné de succès que s’il s’accompagne d’un renforcement des secteurs de production des pays les plus pauvres, qui n’en sont qu’à un stade embryonnaire de leur développement. Malgré les progrès, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour intégrer des dimensions importantes telles que le développement durable, la science et la technologie, et le financement pour le développement, dans l’approche du système des Nations Unies visant à appuyer l’élimination de la pauvreté et de la faim, a préconisé Thomas Stelzer.
Table ronde: « Amélioration de la sécurité alimentaire: l’approche du système des Nations Unies »
Déclarations
Ouvrant la table ronde sur l’amélioration de la sécurité alimentaire, le Vice-Président de l’ECOSOC a indiqué que le système des Nations Unies avait déjà lancé plusieurs initiatives visant à encourager l’unité d’action face à la crise, en ce qui concerne tant les besoins immédiats que les exigences à long terme. Ces initiatives se sont concrétisées par l’élaboration du Document final de la réunion du Conseil des chefs de secrétariat (CCS) des organismes des Nations Unies pour la coordination qui s’est tenue à Berne, puis par la constitution de l’Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire. Il est désormais évident que dans un monde où les ressources sont limitées et la demande en hausse, les inégalités risquent de se creuser davantage si l’on ne favorise pas l’accroissement des rendements agricoles, a souligné M. Monteiro Lima. Ainsi, selon le Vice-Président, la communauté internationale et les organismes des Nations Unies devront se donner les moyens de soutenir de nouvelles politiques en matière de sécurité alimentaire et d’aider les pays à faible revenu en déficit vivrier à mettre au point des stratégies leur permettant de lutter durablement contre ce problème.
M. JOHN HOLMES, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que la crise actuelle exigeait de réinvestir rapidement et massivement des ressources dans le secteur de l’agriculture. Il a estimé que les conséquences d’un manque d’action dans ce domaine seraient « énormes », en ayant notamment un effet dramatique sur la croissance mondiale. « Nous risquons demain de perdre des années de progrès dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement », a-t-il dit, ajoutant que les réponses à apporter aux défis devaient être rapides mais pas incompatibles avec d’autres mesures, destinées à inverser la tendance sur le long terme. Agir maintenant, a poursuivi M. Holmes, cela signifie réduire les risques de déstabilisation des sociétés, aider, grâce à l’appui coordonné des institutions des Nations Unies et de Bretton Woods, les pays les plus touchés à assurer la sécurité alimentaire de leur peuple afin de ne pas basculer dans des crises humanitaires ingérables.
Le Coordonnateur des secours d’urgence a ensuite plaidé pour la mise en place de partenariats mondiaux pour l’alimentation forts d’une participation la plus large possible des acteurs aux niveaux régional et national. Tel est le vœu de l’Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire, a-t-il dit, qui a pour ambition d’être une plate-forme où fixer un cadre d’ensemble d’application de mesures définies et prises par les gouvernements. John Holmes a indiqué que les mesures d’urgence et à long terme devaient être définies ensemble, cela en tenant compte de domaines prioritaires, tels que l’intensification de l’aide humanitaire, l’augmentation de la production agricole, la réforme du système commercial international et la satisfaction raisonnée des besoins énergétiques. Il a également souhaité que les pays en développement augmentent les ressources additionnelles publiques destinées au financement de l’agriculture. Cet engagement politique fort et sur la durée ne devra pas cesser si les prix des aliments devaient baisser plus tôt que prévu, a-t-il déclaré, précisant que les causes des crises actuelles étaient structurelles.
M. THEMBA N. MASUKU, Directeur du Bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) auprès de l’ONU, a affirmé que la crise alimentaire mondiale avait touché environ 50 millions de personnes supplémentaires, qui sont venues s’ajouter aux 820 millions de personnes au monde qui souffrent déjà de la faim. Notant en outre la croissance de la population mondiale, il a indiqué que, d’ici à 2050, 2,9 milliards de personnes en plus auront besoin de denrées alimentaires. La demande augmentera, ce qui est inquiétant en raison des ressources limitées dont dispose la planète, a-t-il dit. Il a estimé que la production alimentaire devait augmenter de 1% par année pour répondre à la demande. Il a rappelé que cette croissance de la demande se produisait alors que la fourniture de semences est insuffisante, que les stocks mondiaux de céréales sont à leur plus bas niveau depuis 30 ans, et que les investissements dans l’agriculture ont diminué au cours des dernières décennies. En 1992, 17% de l’assistance au développement allait à l’agriculture; en 2002, ce chiffre était de 3,7%, a-t-il relevé. M. Masuku a avancé que le monde connaissait peut-être le début d’une crise alimentaire permanente.
Pour y répondre, il a souligné le rôle que devraient jouer les partenariats entre agences humanitaires, financières, de développement et organisations de la société civile. Il a donné en exemple le partenariat entre les agences basées à Rome et l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), qui vise à améliorer la production et la sécurité alimentaires ainsi que les revenus ruraux. Chaque agence fournira une expertise unique pour parvenir à une révolution verte durable qui mettra fin à la crise alimentaire continue qui prévaut sur le continent, a-t-il soutenu. Par ailleurs, il a rappelé que lors de la Conférence de haut niveau, tenue en juin à Rome, les pays avaient convenu d’une nouvelle déclaration politique pour assurer la sécurité alimentaire face aux nouveaux défis que sont la flambée des prix alimentaires, l’inflation, les changements climatiques et la production de bioénergie. Il a estimé que la communication était un outil essentiel pour ériger un consensus international. En outre, il a fait valoir qu’il fallait aider les petits agriculteurs dans les pays les plus vulnérables à augmenter leur production. Il a aussi indiqué que les gouvernements devaient adopter des politiques appropriées pour alléger l’impact de la flambée des prix et renforcer la résilience aux futurs chocs notamment. Dans ce contexte, M. Masuku a expliqué que le rôle de la FAO était d’établir des plans d’action pour les pays et de mobiliser les ressources pour mettre en œuvre ces plans. Il a ajouté que la FAO s’employait à traiter des questions structurelles de la crise. Il a aussi insisté sur la nécessité d’une réponse coordonnée et s’est félicité de l’initiative prise par le Secrétaire général d’établir une Équipe spéciale pour répondre à la crise alimentaire, ce qui illustre, a-t-il estimé, l’unité dans le système onusien mais aussi entre celui-ci et les institutions de Bretton Woods.
M. ALLAN JURY, Directeur de la Division des relations extérieures du Programme alimentaire mondiale (PAM), a souligné les troubles découlant de la hausse des prix alimentaires, qui ont déjà touché 30 pays. Il a estimé que cette crise mondiale exigeait une intervention d’urgence et était un défi collectif à relever, puisqu’elle affectait tous les pays et institutions. La situation actuelle offre la possibilité à la communauté internationale de faire montre d’un leadership concerté sans précédent, a-t-il déclaré. Il a affirmé que tous les acteurs devaient se lancer dans une mission cruciale: nourrir les pauvres aujourd’hui et aider les gens à produire des denrées pour empêcher la faim demain. Il a indiqué que le PAM agissait de manière coordonnée, sous la houlette de l’Équipe spéciale du Secrétaire général. Il a indiqué que les gouvernements devaient lancer des programmes d’urgence pour faire face aux besoins immédiats, y compris des programmes alimentaires dans les écoles, le soutien nutritionnel aux mères et aux enfants, une assistance sous forme de bons alimentaires, de fourniture de denrées ou d’argent liquide. Lors de troubles sociaux ou de malnutrition croissante, des distributions ciblées de denrées peuvent être nécessaires, a-t-il poursuivi, notant que le PAM pouvait fournir son assistance dans tous ces domaines.
Sur le long terme, il a mis l’accent sur l’importance de revoir et de réformer les politiques existantes afin d’atténuer l’impact de la hausse des prix alimentaires et aider les pauvres à saisir les opportunités d’une demande alimentaire accrue. Parmi ces mesures, il a affirmé qu’il fallait traiter des questions du droit de propriété, des subventions, ou encore des systèmes de protection sociale. Il a estimé que l’évaluation des besoins et de la vulnérabilité était un des éléments clefs pour pouvoir assister les gouvernements. Il a indiqué que le PAM avait renforcé ses capacités dans ce domaine et que ces évaluations guidaient la mise en œuvre de ses opérations. Il a expliqué que le PAM se proposait de renforcer les capacités des gouvernements afin qu’ils puissent se préparer, évaluer les besoins et répondre aux crises. Par ailleurs, il a mis l’accent sur l’approche « Achats pour le progrès », « P4P » en anglais, qui vise à optimiser l’impact des achats locaux du PAM, qui ont atteint 600 millions de dollars en 2007. Il a affirmé que cette approche serait menée de manière stratégique afin qu’elle bénéficie au développement agricole. Enfin, il a déclaré qu’en raison de la crise alimentaire actuelle, les programmes d’assistance du PAM avaient atteint 6 milliards de dollars par année. Il a invité les États Membres à mobiliser la volonté politique et les ressources financières nécessaires pour mettre un terme à la faim.
Mme JULIA HOWARD, Directrice exécutive du Partenariat contre la faim et la pauvreté en Afrique, a déclaré que cinq milliards de dollars étaient nécessaires pour inverser la tendance en matière alimentaire en Afrique subsaharienne. Elle a indiqué qu’un premier investissement devrait, à court terme, assurer le développement d’un secteur agricole fonctionnant sur la base d’idées novatrices. Elle a estimé que dans ce cadre, la clef de la réussite résidait dans la coordination des efforts de développement. La définition des priorités des investissements doit impliquer toutes les entités intéressées, a-t-elle ainsi jugé, ces dernières étant informées au plus près et en temps réel des besoins des régions concernées. Mme Howard a également rejeté tout fonctionnement isolé, toute stratégie qui pourrait tenir séparés d’un côté les populations et de l’autre les bailleurs de fonds.
Le financement du développement doit aller dans le sens des stratégies définies par les pays, a ensuite affirmé Mme Howard, qui a proposé d’établir pour chaque pays récipiendaire de l’aide un groupe permanent vers lequel se tourner pour répondre aux questions les plus importantes. Par exemple, a-t-elle suggéré, nous devons avancer sur l’exploration des liens entre le développement agricole et les autres secteurs économiques. Elle a en outre souhaité que les partenariats, « parfois établis dans l’urgence », ne négligent pas l’objectif final, à savoir celui de donner aux pays les moyens de s’approprier eux-mêmes les programmes de développement durable. En ce qui concerne les financements, Mme Howard a estimé que les mécanismes de demain devraient tenir compte de la nécessité de mieux répartir les ressources. Elle a estimé que dans ce domaine, la Banque africaine de développement (BAD) pourrait être l’instrument de choix pour ce qui est de la situation « alarmante » prévalant en Afrique subsaharienne.
M. CHRISTOPHER DELGADO, Conseiller en matière d’agriculture et de développement rural auprès de la Banque mondiale, a rappelé l’ampleur des enjeux, notant que le doublement ou plus des prix des denrées alimentaires et du carburant au cours des deux dernières années maintenaient dans la pauvreté quelque 100 millions de personnes à travers le monde. Pour plus de deux milliards d’êtres humains, a-t-il ajouté, la crise alimentaire est synonyme de sacrifice et même de lutte pour survivre. M. Delgado a estimé que la situation actuelle aurait également des conséquences sur la génération suivante, en particulier sur la stabilité sociale et politique des sociétés. Prévoyant ensuite que les prix des denrées alimentaires resteraient très élevés dans les deux prochaines années, il a plaidé pour une prise de conscience au niveau gouvernemental de l’extrême sévérité de la crise actuelle. De l’avis de M. Delgado, cette crise est susceptible d’anéantir des progrès réalisés depuis une décennie en matière de lutte contre la pauvreté et de libéralisation des marchés agricoles. Il a estimé que la solution pourrait résider dans la combinaison des expériences accumulées dans les domaines de la gestion des crises d’urgence, des politiques économiques et alimentaires et de la production et de la commercialisation des produits agricoles. À cette fin, il a affirmé que l’ONU, par le biais de Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire, la Banque mondiale et les principales institutions des Nations Unies devront faire entendre leurs voix et expertises lors des prochains sommets du G-8.
M. Delgado a ensuite souligné la nécessité de renforcer la coordination et la souplesse entre les différents acteurs, en axant les efforts sur des cibles clairement définies afin d’éviter les accrocs propres à la gestion des situations d’urgence. Il a estimé qu’à court terme l’accent devait être mis sur l’atténuation des effets négatifs de la hausse des prix sur les plus pauvres, et, à moyen terme, sur l’assistance aux gouvernements soucieux d’inscrire leurs programmes sur la durée. À cet égard, il a précisé que le Programme pour répondre à la crise alimentaire mondiale de la Banque mondiale comprenait plusieurs options tenant compte des priorités des pays les plus touchés, aux plans humanitaires et pour faire baisser les prix. M. Delgado a ajouté que le Programme comportait également des propositions visant à renforcer la protection sociale pour entre autres assurer un accès immédiat aux denrées alimentaires et minimiser l’impact de la crise sur les populations les plus vulnérables.
Plaidant pour un développement dynamique du marché agricole, pour la réhabilitation des petites exploitations et l’amélioration des conditions d’accès au crédit, l’orateur a attiré l’attention sur l’importance de renforcer la formation. La gestion des projets multidimensionnels et de leur suivi, l’évaluation continue des risques que peut entraîner la survenue de crise exigent un personnel qualifié et préparé aux nouveaux défis, a-t-il dit.
Échange de vues
Dans l’échange de vues qui a suivi ces présentations, le représentant de la Malaisie a estimé que les crises actuelles relevaient du cadre plus général du développement durable. Il a regretté que les États Membres n’aient pas été capables de tenir les promesses du développement durable.
Le représentant de la France, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a déclaré que la crise alimentaire résultait de facteurs complexes, dont les mauvaises récoltes liées à l’impact des changements climatiques mais aussi la hausse des prix énergétiques, le fonctionnement imparfait du système commercial international et le manque d’investissement dans l’agriculture. Seule une réponse internationale et coordonnée permettra d’améliorer la situation à long terme, a-t-il souligné. C’est pourquoi, il a appelé au renforcement des trois institutions basées à Rome -PAM, FAO et FIDA (Fonds international de développement agricole)- pour qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle. Il a aussi souhaité la mise en place d’un partenariat mondial avec tous les acteurs, dont la société civile, et comprenant des initiatives à court, moyen et long termes. Rappelant les actions déjà entreprises par l’Union européenne, il a assuré qu’elle allait renforcer ses investissements dans les secteurs privé et public en faveur de l’agriculture. Il a en outre encouragé la dimension régionale, et insisté sur le rôle des petits producteurs et souligné l’importance de l’efficacité énergétique.
Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que le système des Nations Unies avait bien réagi à la crise alimentaire actuelle, se félicitant notamment de la Conférence de Rome. Il s’est félicité également du consensus qui existe actuellement et qui vise à prendre des mesures à court terme, notamment en faveur d’une augmentation rapide de l’aide et du renforcement du réseau de protection sociale, mais aussi à mettre en œuvre des mesures à long terme telles que des investissements accrus dans le secteur de l’agriculture. Il a en outre souligné la nécessité de renforcer la coordination des efforts entre tous les acteurs, notant à cet égard les mesures déjà prises par les diverses institutions de l’ONU.
Le représentant d’Antigua-et-Barbuda, qui prenait la parole au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a estimé que la crise alimentaire était pluridimensionnelle. Il a fait remarquer que les politiques qui ont donné lieu à la réduction de la production agricole avaient été imposées par les institutions financières, il y a plusieurs années. Ces politiques font partie du problème que l’on connaît maintenant, a-t-il affirmé. Le représentant a aussi soutenu qu’on se fiait trop aux marchés et que des arrangements devraient être adoptés en vue de faire face aux défaillances du marché. Il a en outre souligné que 30% de la production des petits agriculteurs étaient perdus, surtout pour des raisons météorologiques. C’est pourquoi, il a insisté sur l’importance d’envisager des solutions pour y faire face en matière de recherche et de développement.
La représentante de l’Indonésie a reconnu que l’approche coordonnée prônée par les Nations Unies était la bonne pour assurer à terme la sécurité alimentaire aux plans national et régional. Elle a estimé que les nombreuses propositions faites par les panélistes permettraient effectivement, une fois concrétisées, de parvenir à cet objectif. Elle a par ailleurs souhaité obtenir des éclaircissements concernant les systèmes d’alerte précoce: existe-t-il de tels systèmes dans les programmes alimentaires mondiaux, qui soient destinés à surveiller la sécurité alimentaire mondiale et prévenir les crises futures? a-t-elle demandé.
Le représentant des Philippines a, de son côté, souhaité savoir comment la communauté internationale devait s’y prendre pour accroître la production agricole sans aggraver les effets néfastes des changements climatiques sur le développement des sociétés. Il a en outre estimé qu’il fallait éviter de mettre en concurrence des produits et des stratégies. En matière de biocarburants, pourquoi ne pas ainsi pousser plus loin la recherche en vue de permettre une utilisation de certaines algues, ce qui pourrait résoudre les problèmes liés à la production de ces carburants alternatifs? a-t-il dit.
La représentante d’El Salvador a, quant à elle, soutenu que dans une période de crise alimentaire aussi violente que celle que traverse notamment son pays, il fallait en premier lieu permettre l’accès immédiat des populations aux denrées de base. Protégeons socialement les groupes les plus vulnérables, a-t-elle lancé, et donnons aux petits exploitants les moyens d’augmenter leur production sur le moyen et le long termes.
Le représentant de la République de Corée a fait part de la perplexité de sa délégation face à l’approche adoptée par les Nations Unies en matière de coordination pour résoudre la crise alimentaire. Quel est l’effet concret, réel de cette démarche d’ensemble sur le terrain? a-t-il souhaité savoir. Le représentant coréen a estimé qu’il fallait accroître d’urgence la productivité et le rendement agricoles en mettant en place, de fait, de nouveaux moyens de production. C’est le seul moyen de mettre véritablement en marche cette révolution verte que tout le monde appelle de ses vœux, a-t-il préconisé.
Répondant aux interventions des délégations, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a estimé que les changements climatiques, la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires devraient être pris en compte dans un même cadre conceptuel et qu’il faudrait s’attaquer à l’ensemble de ces défis. S’agissant de l’agriculture comme source de pollution, il a admis que cela était un facteur important mais qu’à court terme, il était important d’augmenter la production. À long terme, il faudrait trouver des solutions durables en matière d’agriculture, a-t-il ajouté. M. Holmes a insisté sur le principe d’autosuffisance, tout en estimant qu’il faudrait offrir un système agricole suffisamment souple pour permettre aux pays qui n’étaient pas dans cette situation d’avoir accès à d’autres marchés. Il a expliqué que l’Équipe spéciale poursuivait ses travaux pour établir un cadre conceptuel mais qu’il faudrait s’assurer que l’éventail des politiques devrait être adapté aux spécificités sur le terrain. « Nous essayons de réunir tous les acteurs pour agir de façon cohérente », a-t-il assuré.
Pour sa part, M. MASUKU, représentant de la FAO, a souligné qu’en 2050, la planète compterait près de 9 milliards de personnes et qu’il fallait agir pour nourrir cette population. S’agissant des biocarburants, il a estimé que les carburants non fossiles étaient la voie de l’avenir mais a indiqué qu’il faudrait réfléchir aux conséquences éventuelles de cette tendance, puisque les prix de ces productions pourraient être plus intéressants que ceux des denrées alimentaires. Par ailleurs, il a déclaré que la révolution verte devrait cibler les petits exploitants.
M. JURY, représentant du Programme alimentaire mondial, a indiqué qu’il faudrait établir le lien entre les changements climatiques et la crise alimentaire. S’agissant des pertes de récolte, il a souligné la nécessité d’éliminer le gaspillage résultant du transport des produits récoltés. Enfin, il a salué les progrès réalisés pour coordonner la réponse de tous les acteurs face à la crise alimentaire, tout en insistant sur la valeur spécifique de chaque institution. Mme HOWARD a estimé, pour sa part, qu’il faudrait être vigilant sur cette question de coordination, notamment en établissant des indicateurs pour mesurer cette réaction coordonnée.
Enfin, M. DELGADO a comparé la situation actuelle avec celle de 1974, notant que le contexte était différent puisqu’à l’époque, la possibilité de surmonter rapidement la crise existait et que la planète était moins mondialisée. Il faut donc des efforts collectifs, a-t-il poursuivi, en notant que cela ne concernait pas seulement les gouvernements mais aussi tous les acteurs de la société. Il a souligné la nécessité de tirer les leçons des politiques appliquées précédemment et comprendre pourquoi elles n’avaient pas donné de résultats. En ce qui concerne le lien entre l’agriculture et les changements climatiques, il a estimé qu’il faudrait développer une agriculture plus durable. M. Delgado a partagé l’avis de la France selon lequel il faudrait tenir compte de l’importance du rôle des petits agriculteurs.
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