CONFÉRENCE DE PRESSE DE MME RAQUEL ROLNIK, RAPPORTEURE SPÉCIALE SUR LE LOGEMENT CONVENABLE EN TANT QU’ÉLÉMENT DU DROIT À UN NIVEAU DE VIE SUFFISANT
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE MME RAQUEL ROLNIK, RAPPORTEURE SPÉCIALE SUR LE LOGEMENT CONVENABLE EN TANT QU’ÉLÉMENT DU DROIT À UN NIVEAU DE VIE SUFFISANT
« La crise actuelle le montre bien: le marché ne peut à lui seul garantir un logement décent à chacun. Il suffit de penser aux millions de familles qui sont aujourd’hui victimes de la crise et qui sont littéralement laissées à la rue », a déclaré cet après-midi Mme Raquel Rolnik, Rapporteure spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, au cours d’une conférence de presse tenue au Siège de l’ONU, à New York.
Il est étonnant de voir combien on parle de la crise financière, dont on sait combien elle est liée à la crise des « subprimes », les crédits hypothécaires à risque, et combien on parle peu des conséquences de la crise sur le logement, a en outre observé Mme Rolnik. Architecte, urbaniste et professeur à l’Université de Sao Paulo (Brésil), Mme Rolnik a expliqué qu’elle n’avait pas encore eu le temps, dans la mesure où sa nomination date de mai dernier, d’effectuer des visites dans les pays en sa qualité de Rapporteure spéciale. Elle a cependant fait part de la manière dont elle entend exercer son mandat.
L’idée dominante des 20 dernières années en matière de logement, selon laquelle le recours au crédit pourrait offrir à chacun l’accès à la propriété est erronée, a affirmé Mme Rolnik. Cette illusion de l’accès à la propriété par le crédit a abouti à déformer tous les autres aspects du marché immobilier, y compris la construction de logements subventionnés ou publics, qui a partout chuté, a ajouté la Rapporteure spéciale, alors que, dans les années 1940, 1950 ou 1960, beaucoup avait été fait dans ces secteurs pour permettre à chacun d’obtenir un logement.
L’acquisition d’un logement étant coûteux, beaucoup de familles n’ont, en fait, pas eu d’autre alternative que de se tourner vers le crédit, et les plus pauvres ont dû faire appel aux crédits hypothécaires à risque, les « subprimes », a poursuivi Mme Rolnik. Or, la réalité est que, même dans les pays développés, beaucoup de familles n’ont tout simplement pas les moyens de s’acheter un logement, a-t-elle fait remarquer.
Pour Mme Rolnik, un logement n’est pas un bien matériel, c’est un lieu pour vivre dignement, et c’est un droit pour chaque personne. Les personnes qui n’ont pas le moyen d’acheter un logement ont tout de même le droit de vivre dans un logement convenable, a-t-elle affirmé, ajoutant que c’est le devoir d’un État d’y veiller. Elle a cité différentes solutions possibles comme l’adoption de politiques qui permettent, même dans les grandes villes coûteuses comme New York, de fournir des logements décents à des populations peu fortunées, par le biais de projets urbains ou de logements subventionnés ou au loyer réglementé.
Malheureusement, a regretté Mme Rolnik, des politiques du logement mises en place depuis parfois des années ont été démantelées. Les mesures prises aboutissent à faire augmenter les prix des logements et les rendent de moins en moins accessibles, a-t-elle ajouté. C’est ainsi que de plus en plus de personnes, soit se retrouvent sans logement, soit doivent lui consacrer une part trop importante de leur revenu, aux dépens de l’alimentation, de l’éducation des enfants ou d’autres dépenses.
Mme Rolnik a aussi rappelé que, pour la première fois depuis des décennies, on voit réapparaître des bidonvilles en Europe en marge des grandes villes.
Ces derniers sont souvent peuplés d’immigrants, a ajouté Mme Rolnik, qui a relevé que la discrimination, fondée sur la race, la nationalité, la religion ou d’autres facteurs, existe partout et représente une composante importante du déni du droit à un logement décent. Elle a ainsi déclaré recevoir de très nombreuses requêtes concernant les Roms, envers lesquels il existe, dans de nombreux pays, des cas de discrimination et de déni d’accès à un logement décent.
Pour Mme Rolnik, le cas des Roms témoigne aussi de la nécessité d’adopter des approches diversifiées du concept de logement. Elle a estimé qu’on ne peut pas demander aux Roms de renoncer à leur mode de vie uniquement parce que dans le monde le modèle de logement dominant est celui adapté à des familles nucléaires, alors même qu’il existe à travers la planète de nombreuses communautés qui vivent selon un modèle de famille élargie et pour qui une maison faite pour un couple et ses enfants ne convient pas.
Il faut plaider en faveur d’un vrai droit au logement décent, a déclaré la Rapporteure spéciale. Un tel droit existe dans certains pays. Il est ainsi inscrit dans les Constitutions brésilienne ou péruvienne. Mais si l’affirmation dans des instruments juridiques de ce droit est importante, car elle permet de les invoquer devant les tribunaux, elle est insuffisante. Souvent, la pratique va à l’encontre de telles législations. Il faut donc prendre des mesures très concrètes pour appliquer réellement ces droits, a-t-elle préconisé.
Mme Rolnik a aussi jugé qu’une des mesures les plus importantes à prendre en matière de reconstruction après une catastrophe est de veiller à la participation des communautés concernées. En effet, les guerres, comme les catastrophes naturelles dont le nombre ne cessera d’augmenter du fait des changements climatiques, provoquent des déplacements massifs de population et une catastrophe donne, parfois l’occasion de « nettoyer » une zone pour faire autre chose. Il faut que la communauté soit présente pour faire valoir ses droits et souhaits, notamment en matière de logement.
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