CONFÉRENCE DE PRESSE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS, M. MANFRED NOWAK
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
CONFÉRENCE DE PRESSE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS, M. MANFRED NOWAK
Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Manfred Nowak, a appelé ce matin la communauté internationale à se pencher davantage sur le sort et sur la situation des prisonniers et des détenus dans le monde, qui forment, selon lui, l’« un des groupes les plus vulnérables de chaque société ».
M. Nowak s’exprimait devant la presse, au Siège des Nations Unies à New York, au lendemain de son intervention devant la Troisième Commission de l’Assemblée générale de l’ONU, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, lors d’un dialogue interactif où il a présenté son rapport.
Si l’on doit dresser un bilan à l’heure du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’évolution est différente entre les progrès réalisés dans le domaine du droit et l’application de celui-ci, a souligné le Rapporteur spécial. Les droits de l’homme constituent certes « le seul système de valeur universellement accepté », mais « le fossé augmente », a-t-il ajouté.
Des améliorations importantes ont pu être constatées dans quelques régions du monde, après la chute des dictatures en Amérique latine ou des régimes communistes et la fin de l’apartheid, a souligné le Rapporteur spécial. Mais, d’une manière générale, « sur la base de nombreuses missions d’établissement des faits et d’autres formes de preuves, la torture et les mauvais traitements sont encore largement répandus, et systématiques dans de nombreux pays du monde ». « Les conditions de détention se sont même dégradées dans de nombreux pays », a-t-il déclaré.
De l’avis de M. Nowak, « les prisonniers et détenus sont, dans chaque société, parmi les groupes les plus vulnérables ». Il existe environ 9 à 10 millions de détenus à travers le monde, a-t-il dit, et « nombre d’entre eux, des millions d’individus, vivent dans des conditions effroyables », subissant « ce qui ne peut être décrit que comme des traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Le Rapporteur spécial a ainsi fait état de détenus souffrant de manque d’hygiène, d’accès à la nourriture et aux soins, d’absence de lumière et d’aération ou de la surpopulation carcérale. « Il est inimaginable de voir comment, parfois, des gens vivent dans ces conditions pendant de nombreuses années, en particulier même avant d’être jugés », a-t-il affirmé. « J’ai vu des gens pendant de nombreux mois dans des cellules surpeuplées, qui n’ont certainement pas été conçues pour y passer plus d’une ou deux nuits, sur du béton. Elles sont surpeuplées et infestées de rats et de microbes », a-t-il expliqué.
« En outre, les détentions préventives durent souvent des années, car le système judiciaire ne fonctionne pas, est corrompu, manque de ressources et les juges comptent énormément sur l’extorsion d’aveux, autrement dit la pression sur la police est très forte pour qu’elle obtienne des aveux au moyen de la torture », a poursuivi M. Nowak. Cette situation concerne, a-t-il dit, non pas seulement « les prisonniers politiques, qui sont évidemment en grand danger et victimes de torture, mais les prisonniers de droit commun, auteurs parfois de petits délits ».
« Les détentions provisoires devraient être une exception », a affirmé le Rapporteur spécial. « Dans de nombreux pays, la règle veut que dès que la police suspecte un individu pour quelque délit que ce soit, il est placé en détention préventive, souvent pour une longue période. Ensuite, on l’oublie ». Le Rapporteur spécial a également décrit la situation des détenus les plus vulnérables, à savoir « les enfants, les homosexuels, les transsexuels et les handicapés ».
Ces derniers sont « souvent les plus oubliés », a souligné M. Nowak, évoquant des formes extrêmes de contention et d’isolement, ainsi que des violences physiques, mentales et sexuelles. Il a également indiqué que, dans la sphère privée, les personnes handicapées étaient tout aussi vulnérables aux violences et aux mauvais traitements, y compris aux violences sexuelles, à la maison, des mains mêmes des membres de leur famille, des soignants, des professionnels de la santé et des membres de la collectivité.
Le Rapporteur spécial a par ailleurs mis l’accent sur la pratique de l’emprisonnement cellulaire, à savoir l’isolement physique dans une cellule pendant 22 à 24 heures par jour, avec dans certains cas une autorisation de sortie d’une heure au maximum. Citant des exemples en Mongolie et en République de Moldova, il a évoqué les effets néfastes sur les plans physique et mental de l’emprisonnement cellulaire prolongé, qui constitue à ses yeux une forme de torture.
M. Nowak a ainsi appelé les gouvernements à n’appliquer l’emprisonnement cellulaire « que dans un but légitime où il s’avère absolument nécessaire et pour une période de temps la plus limitée possible ».
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel