CONFÉRENCE DE PRESSE D’ADIEU DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX, M. JEAN-MARIE GUÉHENNO
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CONFÉRENCE DE PRESSE D’ADIEU DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX, M. JEAN-MARIE GUÉHENNO
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a partagé aujourd’hui, lors de ses adieux à la presse, les deux principaux enseignements tirés d’une activité qui, « n’arrêtant pas de gagner en complexité », concerne aujourd’hui quelque 140 000 personnes et 18 opérations sur le terrain. Il a cité l’importance de la force militaire et la nécessité d’orchestrer les efforts internationaux.
M. Jean-Marie Guéhenno, qui quitte ses fonctions le 31 juillet 2008, après huit ans de bons et loyaux services, a pour ambition d’écrire un livre sur son expérience « enrichissante » à la tête d’un Département important et de faire ainsi le point de ce qu’il a appris aux Nations Unies.
Au fil des années, a-t-il expliqué, le maintien de la paix est devenu une « activité stratégique essentielle » qui doit être gérée de manière « professionnelle et systématique ». Nous avons donc essayé, a-t-il dit, de créer des systèmes solides fondés sur une discipline stricte du personnel et une doctrine « toujours en mutation » servant de base de discussions, avec les 192 États Membres de l’ONU, sur les modalités de gestion des activités sur le terrain.
« De mon expérience, a expliqué le Secrétaire général adjoint, j’ai tiré deux principaux enseignements. » D’abord « la force compte », a-t-il dit, en soulignant le caractère caduc des opérations d’antan composées uniquement d’observateurs militaires. « Il est essentiel de nous faire respecter sur le terrain et seule une force peut nous y aider », a-t-il souligné.
Une force est un instrument qui peut changer l’équation politique. Elle peut aider les parties à se rapprocher en « marginalisant les trouble-fêtes ». Mais, a tempéré le Secrétaire général adjoint, aucune force ne peut imposer la paix car la paix est et restera « un processus strictement politique ».
Comme deuxième enseignement, Jean-Marie Guéhenno a cité la nécessité d’« orchestrer » les efforts internationaux. Il a qualifié de « bon » le système des représentants spéciaux du Secrétaire général qui coordonnent les efforts politiques, militaires, humanitaires et de développement.
Mais on peut faire mieux, a-t-il tout de même reconnu, car il n’est pas facile de gérer des domaines dont les objectifs à court, à moyen et à long termes sont parfois très éloignés les uns des autres. Si elles sont bien gérées, a-t-il estimé, ces tensions font partie d’un processus « très sain ».
Force robuste ou bonne orchestration, les deux éléments fondamentaux du succès d’une opération de maintien de la paix restent quand même, a rappelé le Secrétaire général adjoint, l’appui, l’engagement et l’unité non seulement du Conseil de sécurité mais aussi des pays contributeurs de troupes et des bailleurs de fonds. C’est la raison pour laquelle le Département des opérations de maintien de la paix a renforcé son interaction avec les pays contributeurs de troupes, entre autres, pour développer une interprétation commune des mandats.
S’agissant du financement, le Secrétaire général adjoint a estimé que le montant de 7 milliards de dollars que coûtent aujourd’hui les 18 opérations de maintien de la paix est considérable et exige de son Département d’être comptable de ses actes.
Mais, a-t-il tout de même ajouté, que représente cette somme à côté des dépenses militaires mondiales? Elles coûtent cher, c’est vrai, mais les opérations de maintien de la paix sont le dernier espoir ou « l’instance de dernier recours » pour de nombreuses populations dans le monde. Il faut les doter correctement de toutes les ressources nécessaires.
Le deuxième élément fondamental, a-t-il poursuivi, est la volonté des parties d’imprimer à la paix un caractère permanent. Le Secrétaire général adjoint a avoué qu’il ne croit plus tout à fait à l’adage selon lequel on ne peut pas maintenir la paix sans paix. On peut maintenir une paix fragile, a-t-il tranché, en rappelant qu’il revient alors au Conseil de sécurité de s’assurer qu’il existe bien une masse critique de ressources, aux contributeurs de troupes de savoir si leurs soldats sont prêts à prendre des risques et à la communauté internationale de mobiliser l’engagement nécessaire.
Une opération de maintien de la paix n’est pas applicable à toutes les situations, a-t-il néanmoins prévenu. Déployer une mission, « faute de mieux », compromettrait un instrument très utile dans les situations où les conditions de son déploiement sont réunies comme ce fut le cas au Libéria, en Haïti ou en Sierra Leone où les opérations ont vraiment fait la différence.
Ce n’est pas le cas du Darfour, a-t-il regretté, tout en reconnaissant le « défi éthique » du Conseil qui peut légitimement répondre: « comment dire non quand il n’y pas d’autres solutions ». Il est vrai, a aussi reconnu le Secrétaire général adjoint, que l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) peut réussir à faire baisser le niveau de violence mais sans processus politique, aucune paix ne sera en vue, a-t-il averti.
Sur une note plus personnelle, M. Guéhenno a commenté cette « dernière promesse non tenue » concernant le Darfour. Ça blesse tout le monde, a-t-il confié, de voir l’évolution de la situation au Darfour et « ça me met personnellement en colère ». Faisant remarquer qu’« il ne fait de promesses que s’il peut les tenir », M. Guéhenno a avoué avoir eu des discussions « très difficiles » avec les gens du Darfour. Il ne faut pas se faire d’illusions, a-t-il dit, sans un environnement politique favorable matérialisé par un véritable accord de paix, la force la plus robuste ne pourra rien.
Qu’en est-il alors de la « responsabilité de protéger? » M. Guéhenno a dit ne pas voir comment ce concept, qui implique une responsabilité complémentaire, pourrait s’appliquer au maintien de la paix. « Nous parlerions ici d’une force d’intimidation, de contrôle et d’imposition qui soulèverait des questions importantes: où et quand intervenir pour ne pas éveiller des soupçons de « deux poids deux mesures » et où et comment mobiliser les ressources considérables qui seront nécessaires?
Il faut être honnête sur ce qu’on promet, a encouragé le Secrétaire général adjoint. « Sans les ressources, la volonté politique de la communauté internationale et l’acceptation des populations concernées, je vois mal comment on pourrait éviter un retour de bâton non seulement à cause des dictateurs qui manipuleraient le principe de souveraineté nationale mais aussi à cause des populations elles-mêmes, qui pourraient voir là une invocation fallacieuse du concept pour écraser les pauvres et les faibles. »
Le Secrétaire général adjoint a été amené à commenter la « question fondamentale » de l’impact sur le processus politique au Darfour du mandat d’arrêt demandé par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) contre le Président soudanais. Il a dit avoir constaté des « signaux contradictoires » caractérisés par des mouvements plus intenses entre acteurs politiques et une coopération accrue avec l’ONU mais aussi par des propos de plus en plus menaçants contre la MINUAD. Quelle sera la tendance qui prévaudra? Personne ne peut le dire, a répondu le Secrétaire général adjoint.
Invité à pronostiquer l’avenir du maintien de la paix dans 10 ou 15 ans, M. Guéhenno a estimé que le défi sera d’établir un équilibre entre l’engagement international et le respect de la souveraineté et de la volonté des peuples de gérer leurs propres affaires, ce qui, a-t-il prévenu, est « une tendance puissante aujourd’hui ». Il faudra donc être humble sans pour autant devenir timide.
Comme l’ONU ne pourra pas répondre à toutes les demandes, le deuxième défi sera peut-être de faire en sorte qu’elle travaille avec d’autres organisations internationales comme les institutions de Bretton Woods, tout en préservant sa légitimité. Il faudra aussi que les pays du Nord s’engagent davantage à fournir des contingents pour servir sous le drapeau des Nations Unies, a dit M. Guéhenno comme troisième défi, en jugeant que cela sera politiquement important pour traduire la pleine implication de toute la communauté internationale.
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a d’ailleurs été prié de rendre compte des efforts de lutte contre les abus et exploitations sexuels commis par le personnel de l’ONU déployé sur le terrain. Il a dit avoir constaté de réels progrès « même s’il faut continuer à se battre avec acharnement ».
M. Guéhenno s’est félicité du consensus entre les pays contributeurs de troupes et l’ONU sur les éléments constitutifs d’une « attitude offensante ». Aujourd’hui, c’est le principe juridique de « nul n’est censé ignorer la loi » qui préside. Mais à l’avenir, le défi sera d’assurer le suivi judiciaire au sein des pays contributeurs de troupes « qui doivent comprendre que leur honneur et celui de l’ONU, c’est la même chose », a conclu le Secrétaire général adjoint, qui sera remplacé à son poste par M. Alain Le Roy, actuellement Conseiller-Maître à la Cour des comptes de la République française.
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