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Conférence de presse

CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT, JEAN-MARIE GUÉHENNO, À L’OCCASION DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX

29/05/2008
Communiqué de presseConférence de presse
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT, JEAN-MARIE GUÉHENNO, À L’OCCASION DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX


M. Jean-Marie Guéhenno a célébré aujourd’hui le soixantième anniversaire des opérations de maintien de la paix, en pensant aux « défis sans précédent » d’une « entreprise difficile » à laquelle participent désormais 110 000 hommes et femmes déployés dans 20 missions à travers le monde.  Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix s’exprimait au cours d’une conférence, aux côtés de la Chef du Département d’appui aux missions, Mme Susana Malcorra. 


Le soixantième anniversaire des opérations de maintien de la paix, qui coïncide avec la Journée internationale des Casques bleus des Nations Unies, a été l’occasion pour M. Guéhenno de s’attarder sur les défis opérationnels et politiques qui se posent à un engagement international « énorme ».


Comment mobiliser les ressources et convaincre les États Membres de donner leurs meilleures troupes pour des situations souvent dangereuses?  S’est-on doté des moyens de protéger ces troupes sur le terrain? Telles sont les questions que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, qui avait en 2007 déploré la mort de 90 Casques bleus, doit se poser avant le déploiement de toute opération. 


Ces conditions ont-elles été réunies pour l’Opération hybride Union africaine-ONU au Darfour (MINUAD)?*  Non, a concédé M. Guéhenno, en admettant là « une question d’éthique » à laquelle il a déjà été confronté lorsqu’il s’est agi, en 2003, de déployer les troupes de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) sur le terrain « explosif » de Bunia dans la province de l’Ituri. 


La décision de déployer la MINUAD a-t-elle été précipitée?  Pour répondre à cette question, le Secrétaire général adjoint a invoqué le Rapport Brahimi**. M. Lakhdar Brahimi avait proposé une démarche en deux étapes qui consisterait d’abord à adopter une résolution-cadre et ensuite, lorsque les ressources et les troupes sont mobilisées, à confirmer la résolution. 


M. Guéhenno a estimé qu’il s’agit là de la manière la plus judicieuse d’éviter les fossés entre les mandats et les ressources.  C’est une question de crédibilité, a-t-il tranché.  L’ONU, a-t-il précisé, n’a pas d’armée permanente et si vraiment les États Membres veulent faire la différence au Darfour, ils doivent combler ces fossés.  Le Secrétaire général adjoint n’a pas caché son inquiétude face au danger que les forces déployées, dans la province soudanaise, ne finissent pas manquer de crédibilité. 


Les défis sont également politiques, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, en évoquant le « travail en coulisses » qui consiste à obtenir du Conseil de sécurité une stratégie forte, un ferme appui et une vision claire des processus de paix.  M. Guéhenno a mis en garde l’ONU contre le danger de se laisser aveugler par les succès au Cambodge, au Mozambique ou en El Salvador et prétendre que les opérations de maintien de la paix sont la solution à toutes les situations de conflit. 


Si l’on déploie une opération en Somalie et la population nous perçoit comme partie au conflit, c’est la porte ouverte à la catastrophe, a-t-il prévenu.  Il a aussi cité l’exemple de l’Afghanistan dont la sécurité est assurée non par l’ONU mais par l’OTAN par le biais de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). 


Compte tenu des difficultés politiques, la FIAS éprouve du mal à garder la confiance d’une population « frustrée », coincée entre les attentes réciproques de son Gouvernement et de la communauté internationale.  Le Gouvernement afghan attend de la communauté internationale une aide plus efficace dont la visibilité exige des investissements dans les services sociaux de base.


La communauté internationale, de son côté, ne cesse de presser le Gouvernement afghan de renforcer, par exemple, la lutte contre la corruption.  Les efforts ne sont pas ce qu’ils devraient être, a commenté le Secrétaire général adjoint, en soulignant la nécessité de maintenir l’élan, la confiance et l’espoir de la population.


Au Liban, a-t-il aussi expliqué, la Force intérimaire des Nations Unies (FINUL) accomplit, dans une situation « délicate », un travail « reconnu par tous les protagonistes ».  Pour les forces libanaises, la FINUL sert de rappel sur l’obligation de mettre en œuvre la résolution 1701 du Conseil de sécurité.  M. Guéhenno n’a pas échappé à des questions sur les informations faisant état d’un trafic d’armes au sud du fleuve Litanie, zone d’opérations de la FINUL. 


La Force, dont toute la crédibilité dépend de la confiance des Libanais, a-t-il répondu, fait rapport en toute transparence mais uniquement sur des faits avérés.  À ce jour, elle n’a recueilli aucune preuve sur l’entrée de nouvelles armes dans le territoire libanais.  Mais si, comme le prétendent certains, le Hezbollah a réussi à revenir au niveau d’armement de 2006, il serait bien mal inspiré de lancer des activités hostiles à partir d’une zone où opère la FINUL, a averti le Secrétaire général adjoint.  


Au bout du compte, même si la FINUL est un « moyen de dissuasion », la réponse à la stabilisation du Liban est politique et pas militaire, a conclu M. Guéhenno, en se félicitant de l’adhésion de tous les dirigeants libanais à l’Accord de Doha***.


Le Secrétaire général adjoint n’a pas non plus échappé à des demandes de commentaires sur le rapport de l’ONG « Save the Children » dénonçant les exploitations et abus sexuels commis par les Casques bleus.  C’est un bon rapport et c’est une bonne approche, a estimé M. Guéhenno, car il révèle des choses ignorées. 


Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a d’ailleurs souligné que le rapport invoque de nombreuses statistiques du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO) et reconnaît que ce dernier agit dans la transparence, depuis la « sonnette d’alarme » de la République démocratique du Congo (RDC), en 2003.  On fait mieux que n’importe quelle autre organisation internationale mais il faut faire plus, a reconnu M. Guéhenno. 


Aujourd’hui, 18 opérations de maintien de la paix se sont dotées de Groupes de la déontologie et de la discipline, a-t-il annoncé.  Mais les efforts doivent être intensifiés dans le domaine de la sensibilisation des communautés, a-t-il dit, en reconnaissant la difficulté de porter plainte lorsqu’il n’y pas de poste de police ou que l’on a été victime d’hommes armés prompts aux représailles.


Mais, a-t-il encore dit pour illustrer les difficultés, lorsque l’on procède à 200 000 rotations par an, peut-on vraiment avoir une image claire de ce qui s’est passé, du nombre de plaintes et de la suite qui leur a été donnée?  La solution réside dans l’éducation et la formation des Casques bleus, a estimé M. Guéhenno. 


Un changement d’attitude s’impose parmi les pays contributeurs de troupes qui doivent comprendre que leur réputation dépend du degré de transparence avec lesquelles ils traitent de ces questions car la pire chose serait de ne pas dire la vérité.  Au bout du compte, les opérations de maintien de la paix ne reflètent jamais que l’ambivalence et l’ambigüité du monde, a souligné le Secrétaire général adjoint. 


Il a rappelé que plusieurs unités ont été rapatriées avec l’accord de leur pays d’origine, comme celles du Sri Lanka, du Nigéria ou encore du Bangladesh.  Aujourd’hui, le nombre des abus a diminué mais cette diminution résulte-t-elle des efforts plus efficaces ou d’une plus grande habileté des Casques bleus à taire leurs méfaits?  Il est trop tôt pour analyser les succès, a estimé le Secrétaire général adjoint. 


Une question a été réservée à la Chef du Département d’appui aux missions.  L’année dernière, lui a-t-on demandé, la MINUAD a signé, sans appel d’offres, un contrat de 250 millions avec la société Lockheed Martin pour la construction de camps.  Quel a été le montant effectivement utilisé?  Le Département d’appui aux missions compte-t-il faire appel à des sociétés locales? 


Si elle n’a pu donner d’informations précises sur les sommes dépensées, Mme Susana Malcorra a opposé le souci d’efficacité au respect des règles et procédures.  Pour être efficace, a-t-elle expliqué, il est impératif que nous ayons une bonne planification, en particulier dans un environnement hautement politique.  Nous devons disposer de cadres établis qui sont acceptés par le Gouvernement.  Mais, a-t-elle estimé, le problème est que les règles et la procédure ne tiennent pas suffisamment compte des impératifs opérationnels qui exigent toujours une certaine souplesse. 


Naturellement, a-t-elle poursuivi, nous envisageons de multiplier les contrats avec les pays du Sud.  Mais il est très difficile de faire des affaires avec les Nations Unies.  Il faudra donc investir dans des efforts visant à expliquer la marche à suivre et faire la publicité de ce qu’ils peuvent proposer à une mission.


À l’issue de la conférence de presse, le Secrétaire général adjoint a été appelé à confirmer que son mandat s’achèvera au courant du mois de juillet et que le nom de son successeur sera annoncé en temps voulu par le Secrétaire général de l’ONU.  Il a tout de même dévoilé qu’il s’est entretenu avec Ban Ki-moon sur les qualités requises pour un tel poste. 


À la question de savoir pourquoi la France fait valoir un droit sur ce poste, Jean-Marie Guéhenno a répondu: « Moi, je me concentre sur mon travail de maintien de la paix et de fonctionnaire loyal à une Charte qui à plusieurs égards reste bien à l’avance sur son temps ». 


*   Résolution 1769 (2007) du Conseil de sécurité

**  Rapport du Groupe d’études sur les opérations de paix de l’ONU (A/55/305-S/2000/809)

***Accord signé le 21 mai 2008 par les dirigeants politiques de la majorité et de l’opposition pour mettre fin à la crise au Liban


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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