CONFÉRENCE DE PRESSE DE JANE HOLL LUTE, SOUS-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE AU DÉPARTEMENT D’APPUI AUX MISSIONS SUR LES ALLÉGATIONS DE VIOLENCE SEXUELLE À L’ENCONTRE D’ENFANTS
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE JANE HOLL LUTE, SOUS-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE AU DÉPARTEMENT D’APPUI AUX MISSIONS SUR LES ALLÉGATIONS DE VIOLENCE SEXUELLE À L’ENCONTRE D’ENFANTS
Au cours d’une conférence de presse donnée cet après-midi, la Sous-Secrétaire générale au Département d’appui aux missions, Jane Holl Lute, a répondu à l’organisation non gouvernementale (ONG) Save the Children, basée au Royaume-Uni, qui s’étonne que peu de cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants commis par des travailleurs humanitaires et des personnels des opérations de maintien de la paix aient été signalés sur le terrain. Selon le rapport* qui vient d’être publié par l’ONG sur cette question, il faudrait installer un système de surveillance pour contrôler la réponse apportée à ce problème.
« Save the Children est depuis longtemps un partenaire efficace de l’ONU », a indiqué Mme Lute, et « cette organisation apporte sa perspective, qui est différente de la notre, face à ce problème ». Destiné à donner « une image juste » de la situation, le rapport s’attache en particulier à jeter la lumière sur la faiblesse des mécanismes de dépôt de plaintes et de suivi. « Nous avons quelques idées sur la façon de les renforcer », a cependant assuré Mme lute.
La Sous-Secrétaire générale a reconnu qu’il est essentiel pour l’ONU comme pour toute organisation de disposer d’un système fiable, sûr et précis pour le dépôt de plainte, sur le terrain, en ce qui concerne les cas d’exploitation et d’abus sexuels. Il ne s’agit pas d’une norme de justice pénale, mais d’un principe d’ordre public et de discipline, a-t-elle estimé.
« Nous devons travailler avec les dirigeants locaux pour que les victimes, notamment les enfants, puissent agir en toute sécurité pour dénoncer les abus dont ils sont victimes », a-t-elle dit. Mme Lute a d’ailleurs jugé nécessaire de renforcer le système de responsabilisation de ces dirigeants. Pour elle, il est aussi de la responsabilité des chefs de missions de maintien de la paix d’examiner toute allégation sérieuse qui leur est présentée, grâce aux mécanismes existant.
En réponse à un journaliste qui s’interrogeait sur les actions menées jusqu’à présent par l’ONU pour faire face à cette question, elle a précisé que le problème avait été traité d’un point de vue stratégique. Elle a en effet expliqué l’importance de former les individus sur certaines normes de conduite et pour les responsabiliser. « Nous avons assuré la formation de dirigeants à tous les niveaux », a-t-elle indiqué, « et invité les pays fournisseurs de contingents à faire passer le message à leurs troupes ». Selon le rapport de Save the Children, dans certains cas, des dirigeants locaux ont été impliqués dans des affaires d’abus sexuels, et la culture locale peut parfois représenter une partie du problème.
Mme Lute a aussi précisé que, lorsque les contingents posaient des problèmes en matière de discipline, on procédait à leur rotation. La relève normale des troupes, qui a lieu tous les six mois, pose d’ailleurs un problème en ce que l’on doit à chaque fois refaire des formations pour sensibiliser de nouveaux individus.
Selon l’ONG Save the Children, il y a une certaine résignation face aux abus commis sur des enfants, et un manque de leadership en ce qui concerne les efforts qu’il faudrait déployer pour essayer de supprimer les causes du mal. En outre, les procédures d’enquêtes de l’ONU sont lourdes. Mais il y a eu récemment une résolution de l’Assemblée générale qui appelle les États Membres à adopter les normes pénales qu’ils appliquent sur le plan domestique quand il faut sanctionner les comportements répréhensibles de leurs ressortissants à l’étranger, et informer le Secrétaire général sur les actions judiciaires engagées contre les coupables.
De l’avis de Mme Lute, le rapport envoie un message fort pour expliquer que la réponse à l’exploitation et l’abus sexuels des enfants par des membres des missions de maintien de la paix n’est pas un problème relevant strictement du domaine des ressources humaines, mais une question qui doit aussi mobiliser les dirigeants. Sachant que les fautifs sont punis par leurs juridictions nationales et non par les autorités locales, un correspondant a fait remarquer qu’il semblait que cette mesure les mette au-dessus des lois, ce qui laisse penser qu’ils jouissent donc d’une forme d’impunité. Mme Lute a souligné en effet que les États Membres conservent leurs droits souverains concernant la discipline appliquée à leurs soldats, ce qui rend la tâche de l’ONU difficile car elle n’a pas une grande marge de manœuvre. Il appartient donc à chaque pays d’imposer à ses soldats une discipline conforme à ses codes de justice militaire ou à d’autres lois nationales.
Pour les travailleurs civils, il n’y a généralement pas de juridiction nationale qui ait compétence pour juger les ressortissants commettant des fautes à l’étranger. Et sur le terrain, avoir une relation sexuelle consentie avec un mineur n’est pas forcément un comportement illégal vis-à-vis des lois du pays d’accueil de la mission, qui souvent n’ont pas de clause sur cette question. Mais selon les normes des Nations Unies, cet acte constitue, par définition, un viol.
Mme Lute a assuré que le dialogue avec les États Membres sur ce sujet avait été renforcé, même s’il était évident qu’il fallait encore l’améliorer. Elle a précisé qu’aux termes d’un mémorandum d’accord avec les États Membres, on avait admis la participation d’enquêteurs nationaux aux procédures menées par l’ONU. Selon elle, les pays fournisseurs de contingents ont la responsabilité première d’enquêter sur des actes imputables à leurs soldats. Pour mesurer l’importance du problème, Mme Lute a ensuite rappelé le nombre important et croissant des missions de maintien de la paix, ainsi que leur taille parfois énorme. Il y a actuellement 20 000 personnes servant dans ces missions, qu’elles soient soldats de la paix, personnel de police militaire ou membres civils, a-t-elle indiqué.
Les Nations Unies doivent donc s’équiper d’un mécanisme d’enquête qui fonctionne bien pour examiner les allégations présentées, a-t-elle reconnu, mais on ne peut pas gérer les opérations de maintien de la paix seulement sous l’angle de la peur. Parmi les mesures que l’ONU doit prendre pour améliorer la procédure, il est prévu de renforcer les institutions de contrôle interne. Mme Lute a ajouté qu’il fallait aussi s’attaquer aux racines du mal en montrant que l’on s’intéresse sérieusement à la façon dont les enfants sont traités.
Il n’est pas encore décidé si le mécanisme de contrôle doit être institué au sein de l’ONU ou être créé en dehors de l’Organisation, a précisé Mme Lute. Elle a relevé la nécessité pour l’Organisation de regagner une crédibilité dans ce domaine et s’est dite disposée, de même que les dirigeants des missions, à ce qu’un organe extérieur assure cette surveillance.
* Le rapport de Save the Children est intitulé « No One to Turn To: The under-reporting of child sexual exploitation and abuse by aid workers and peacekeepers »
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