En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/3927

LA TROISIÈME COMMISSION DÉBAT DES DROITS DE L’HOMME DANS LES SITUATIONS D’URGENCE

24/10/2008
Assemblée généraleAG/SHC/3927
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Troisième Commission

24e & 25e séances – matin et après-midi


LA TROISIÈME COMMISSION DÉBAT DES DROITS DE L’HOMME DANS LES SITUATIONS D’URGENCE


Le droit à l’éducation dans les situations d’urgence humanitaires négligé par les États et les donateurs, selon le Rapporteur spécial Vernor Muñoz Villalobos


Plusieurs formes d’atteintes aux droits de l’homme dans les situations d’exception ou d’urgence ont fait l’objet de discussions vendredi à la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.


Poursuivant les dialogues avec les rapporteurs spéciaux dans le cadre de l’examen des questions relatives aux droits de l’homme, les délégations ont eu un débat avec le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy. 


Celui-ci aabordé la question du fonctionnement de la justice dans les situations d’état d’exception.  Il s’est longuement arrêté sur le droit à un procès équitable, violé dans les états d’exception et même dans les situations normales.  Il a proposé que soit élaboré un instrument international regroupant, dans un seul corpus, l’ensemble des principes, normes et éléments de jurisprudence destinés à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales dans les situations d’état d’exception.  Il a également traité de la problématique de l’indépendance de la justice dans le contexte spécifique du jugement des personnes soupçonnées de terrorisme.  Les conditions relatives à l’indépendance et à l’impartialité des juges ne sauraient souffrir d’exception, a-t-il affirmé à cet égard. 


Le Rapporteur sur le droit à l’éducation, M. Vernor Muñoz Villalobos, a dialogué avec plusieurs pays qui ont réagi à son premier rapport dans lequel il considère que les situations d’urgence, issues de catastrophes naturelles ou de conflits armés, sont la source de violations graves du droit à l’éducation qui touchent à l’heure actuelle un nombre croissant de personnes.  De telles violations n’épargnent aucune région ni aucune catégorie de la population mondiale, a précisé le Rapporteur.  Il a discuté des obstacles majeurs à l’exercice du droit à l’éducation dans les situations d’urgence et a recensé les principaux responsables de l’application de ce droit. 


D’autre part, il a rappelé que les attaques dirigées contre des bâtiments scolaires sont considérées comme des crimes de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  M. Muñoz Villalobos a dénoncé l’absence de volonté politique de la part des États et a notamment observé que les donateurs refusent de faire de l’éducation une priorité dans les situations d’urgence.  Il a donc recommandé que ceux-ci intègrent officiellement l’éducation dans tous leurs plans d’aide humanitaire et accroissent les montants affectés à l’éducation d’au moins 4,2% du total de l’aide humanitaire.


La Commission a également entendu la Rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Yakin Ertürk, qui a insisté sur la nécessité pour les États de se doter d’indicateurs précis et fiables en ce qui concerne notamment la violence grave, le fémicide et la tolérance sociale.  Selon elle, il incombe aux États de ne pas laisser les auteurs de ce type de violence impunis et de proposer protection et réparation aux victimes.  De son point de vue, ce mandat est finalement un moyen de mieux appliquer la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle a annoncé que son prochain rapport thématique examinera le lien entre les droits économiques et sociaux des femmes et l’environnement macroéconomique.


Pour sa part, la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mme Margaret Sekaggya, récemment nommée,a insisté tant dans sa déclaration liminaire qu’au cours de son échange de vues avec les délégations, sur la nécessité d’un renforcement de la protection des défenseurs les plus exposés à des formes spécifiques de violations et d’attaques.  Elle a recommandé la mise en place de mécanismes d’alerte précoce qui devraient permettre d’anticiper des menaces systématiques.


Dans son dialogue avec les États Membres, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Philip Alstonacentré ses interventions surla pratique des commissions d’enquête consécutives à des exécutions extrajudiciaires et sur les arrangements de protection des témoins, particulièrement les témoins oculaires. « C’est un sujet parfois étrange, non dénué de références cinématographiques dans l’imaginaire collectif, mais nous parlons ici de témoins de meurtres et si nous ne parvenons pas à les convaincre de témoigner, les meurtriers resteront impunis », a déclaré M. Alston.  « Témoigner relève encore du suicide dans certains pays », a considéré le Rapporteur, pour qui les programmes de protection, en brisant le cycle de l’impunité ou de l’abus, mettent fin à un cercle vicieux.


Tous les rapporteurs spéciaux ont souligné que leurs visites sur le terrain ont incontestablement permis une meilleure connaissance des problèmes et des situations spécifiques à chaque pays grâce à la coopération avec les gouvernements et avec les associations de la société civile.  Ce travail a aussi facilité l’élaboration de normes et de principes tant au plan national qu’à l’intérieur et à l’extérieur de l’ensemble du système des Nations Unies.


La Troisième Commission se réunira à nouveau le lundi 27 octobre à 10 heures.



QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME, Y COMPRIS LES DIVERS MOYENS DE MIEUX ASSURER L’EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES


Exposés et dialogues


Violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences


Mme YAKIN ERTÜRK, Rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a insisté sur la nécessité pour les États de se doter d’indicateurs de la violence à l’égard des femmes et des filles précis et fiables.  Elle a regretté que les États ne soient pas encore parvenus à un consensus sur ces indicateurs.  Elle a précisé avoir proposé dans son rapport trois types d’indicateurs principaux qui sont: la violence grave, le fémicide et la tolérance sociale.  En ce qui concerne les indicateurs de l’action de l’État, elle a mentionné des indicateurs institutionnels concernant le cadre juridique et la politique et des indicateurs de méthode relatifs à l’accès des femmes à la justice, au signalement, à la prévention, à la protection des victimes et à la formation de ceux qui sont amenés à les prendre en charge. 


La Rapporteure spéciale a indiqué qu’elle avait récemment effectué des visites en Algérie, au Ghana, en République démocratique du Congo, en Arabie saoudite, au Tadjikistan, et en Moldova et qu’elle travaille actuellement à la rédaction du rapport sur le Kirghizistan visité en avril 2008.  Elle envisage d’ailleurs d’y retourner en avril 2009, pour ce qui pourrait bien être sa dernière visite officielle en sa capacité de Rapporteure spéciale.  Évoquant son prochain rapport thématique, la Rapporteure spéciale a dit qu’il traiterait des liens entre les droits économiques et sociaux des femmes et l’environnement macroéconomique. 


Elle a souhaité ensuite dresser un rapide bilan des principaux accomplissements réalisés en 15 ans de mandat pour faire pièce à la violence contre les femmes. 


Ce mandat, incontestablement, permet une meilleure connaissance du problème grâce aux liens avec les gouvernements et les associations de la société civile et a permis la réalisation d’un réel travail d’information au sein et à l’extérieur des Nations Unies qui a abouti à l’élaboration de normes et de programmes visant à combattre la violence à l’égard des femmes.  L’État se doit de ne pas laisser les auteurs impunis et doit proposer protection et réparation aux victimes, a ajouté la Rapporteure spéciale.  S’agissant de la violence au foyer, notre mandat a également permis de mettre ce phénomène en lumière et de réagir en développant une meilleure connaissance du phénomène, a déclaré Mme Ertürk. 


De son point de vue, ce mandat est finalement un moyen de mieux appliquer la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle a toutefois nuancé les avancées, en disant que la violence persiste.  Il s’agit toujours d’une violation universelle très répandue, et d’un obstacle certain à l’égalité entre les femmes.  Mme Ertürk a enfin exhorté les États Membres à créer des moyens institutionnels nouveaux, à renforcer l’efficacité de ce mandat en essayant de promouvoir toute tentative de lutter contre la violence faite aux femmes, y compris en fournissant les ressources financières pour alimenter les organismes qui traitent de ce problème. 


Lors d’un échange de vues, les délégations ont notamment souhaité connaître l’avis de la Rapporteure spéciale sur la résolution 1820 du Conseil de sécurité et ont voulu savoir comment mieux soutenir le mandat sur la violence à l’encontre des femmes.  Elles ont également dénoncé, à l’instar du Cameroun et du Liban, la pauvreté parfois considérée comme la première cause de la violence à l’égard des femmes. 


En réponse aux observations des délégations, la Rapporteure spéciale a précisé que les chiffres ne permettent pas à eux seuls de dire que la situation des femmes s’est améliorée dans les pays en situation de postconflit.  Il faut toujours prêter attention aux causes qui ont engendré la violence.  Les violences sexuelles, notamment, sont exacerbées en temps de conflit, a dit la Rapporteure.  Nous avons besoin de façon urgente de mécanismes pour protéger ces femmes, a plaidé l’intervenante, qui a insisté sur l’importance de la pleine application très large de la résolution 1820 du Conseil de sécurité, en ce qui concerne les poursuites dont doivent faire l’objet des auteurs de violence sexuelle.  Elle a fait part de sa détermination à suivre de près l’application de cette résolution qui laisse entrevoir selon elle, de réelles possibilités pour lutter contre la violence faite aux femmes.


La pauvreté est un élément qui sera abordé dans mon prochain rapport, a indiqué Mme Ertürk.  Si les femmes ne sont pas autonomes sur le plan économique, elles ne pourront pas jouir de toute la gamme de leurs droits.  C’est un fléau endémique qui continue de placer les femmes dans une situation de grande vulnérabilité, a-elle convenu, en réponse aux délégations camerounaise et libanaise. 


Considérant que la route était encore longue, Mme Ertürk a livré quelques remarques sur les méthodes de travail qui pourraient être améliorées de son point de vue.  Certaines dispositions institutionnelles des Nations Unies doivent être améliorées car nous travaillons de façon trop fragmentaire, a estimé la Rapporteure spéciale, souhaitant que son mandat l’amène par exemple à répondre devant la Commission de la condition de la femme.


Elle a par exemple signalé ne pas avoir été invitée à réfléchir à la Campagne lancée par le Secrétaire général visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et a déploré le manque de suivi s’agissant des conclusions des titulaires de procédures spéciales.  Nous travaillons avec très peu d’appui du Haut Commissariat, il faudrait trouver des moyens novateurs de travailler, notamment pour que des ressources puissent être allouées selon les recommandations contenues dans les rapports des titulaires de mandats spéciaux, a préconisé la Rapporteure spéciale. 


Situation des défenseurs des droits de l’homme


Mme MARGARET SEKAGGYA, Rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des défendeurs des droits de l’homme, récemment nommée à ce mandat, a déclaré qu’elle travaillait essentiellement à partir de communications, de visites dans les pays et d’études thématiques.  De son point de vue, il est essentiel, d’abord, de procéder à une analyse générale des tendances et des défis posés à l’exercice de son mandat.  Elle a notamment évoqué l’urgence qu’il y a à traiter les groupes vulnérables de défenseurs, exposés à des formes spécifiques de violations et d’attaques, dont font partie par exemple les défenseurs des droits des femmes, ou encore ceux travaillant sur les droits des peuples autochtones, des homosexuels ou des étudiants.  Pour eux, c’est une protection spécifique et améliorée qu’il s’agit de mettre en place, a estimé la Rapporteure spéciale, notamment par des mécanismes d’alerte précoce qui devraient permettre d’anticiper des menaces systématiques. 


Elle a ensuite évoqué sa volonté de renforcer ses partenariats avec les nombreux mécanismes régionaux qui s’occupent des droits de l’homme dans toutes les régions du monde et a cité, à ce titre, une récente rencontre avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.  Elle a déploré que, 10 ans après son adoption, la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme reste un instrument mal connu.  Les gouvernements devraient davantage être renseignés sur son contenu et sur leur responsabilité en matière de protection des défenseurs des droits de l’homme, a-t-elle estimé. 


La Rapporteure spéciale a encore appelé les États Membres à échanger davantage d’informations concernant les bonnes pratiques en matière de protection des défenseurs des droits de l’homme et a considéré que l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme a eu une importance d’autant plus stratégique que la Déclaration sur les droits des défenseurs n’a pas de valeur contraignante.


Lors de l’échange de vues qui a suivi la déclaration liminaire de Mme Sekaggya, les délégations ont été désireuses d’avoir à la fois des exemples de bonnes pratiques recensées par la Rapporteure spéciale et de mieux appréhender les contours de son mandat.  Plusieurs délégations ont relevé le dixième anniversaire en 2009 de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, ensouhaitant que l’on saisisse cette occasion pour s’attaquer aux obstacles à leur travail.  La France, au nom de l’Union européenne, a notamment rappelé l’indispensable renforcement de la protection des défenseurs les plus exposés. 


Les diplomates, notamment de la Norvège et du Royaume-Uni, ont voulu savoir si l’Examen périodique universel allait permettre de mieux se rendre compte du traitement réservé aux défenseurs des droits de l’homme dans les pays examinés.  

Plusieurs diplomates dont le représentant de la République islamique d’Iran, ont également relevé l’importance de mieux définir les défenseurs des droits de l’homme.  La Fédération de Russie s’est de son côté interrogée si le simple fait d’appartenir à une minorité sexuelle faisait de vous un défenseur des droits de cette minorité.  Pour Cuba, l’essentiel du débat consiste à ne pas oublier que les défenseurs des droits de l’homme ont au moins autant de devoirs que de droits et l’Observateur de la Palestine a fait remarquer que dans le Territoire palestinien occupé, le comportement d’Israël consistait chaque jour ou presque à violer les droits des défenseurs des droits de l’homme. 


En réponse aux questions et remarques des délégations, la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a énuméré une série d’obstacles qui empêchent l’application de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, tels que l’absence de protection de la part de la police par exemple.  Elle s’est ensuite concentrée sur les bonnes pratiques constatées dans l’exercice de son mandat, citant notamment la possibilité offerte aux défenseurs d’interjeter un appel lorsqu’ils n’ont pas eu le droit d’organiser une réunion, ou de se voir offrir une assistance financière.  La consultation du secteur associatif au moment de l’élaboration des politiques est un autre exemple de bonne pratique, selon Mme Sekaggya.  Les obligations des défenseurs sont réelles, a-t-elle reconnu, en réponse à la délégation cubaine, rappelant qu’il leur incombe d’user de moyens pacifiques.  Elle a indiqué ensuite que les remarques des différentes délégations l’incitaient à se poser des questions sur la définition des défenseurs des droits de l’homme.  Ce qui définit avant tout un défenseur des droits de l’homme c’est son travail, a-t-elle insisté, tout en admettant qu’il faudrait songer à développer cette définition pour mieux répondre aux attentes des États Membres. 


Abordant la question de l’Examen périodique universel, elle a estimé que ce mécanisme est un système complet qui permet de cibler le rôle particulier des défenseurs des droits de l’homme.  S’agissant des méthodes de travail, elle a souhaité que des réunions conjointes avec les mécanismes régionaux puissent parfois être organisées afin d’échanger davantage d’informations recueillies par les uns et les autres, de prendre mieux connaissance des diverses conclusions et d’éviter les doublons. 


Elle a par ailleurs confirmé avoir demandé à se rendre dans de nombreux pays mais a prié les délégations de ne pas stigmatiser certains pays, car dans toutes les régions, certains gouvernements dressent des obstacles au travail des défenseurs des droits de l’homme, a-t-elle fait remarquer. 


Rapport du Rapporteur spécial (A/63/288)


Il s’agit du premier rapport établi par Margaret Sekaggya, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.


Elle indique que la collaboration avec les mécanismes actuels et futurs de protection des droits de l’homme est l’une de ses priorités.  Elle salue en particulier la création de mécanismes régionaux de protection des défenseurs des droits de l’homme, et encourage le renforcement de ceux qui existent.  Ils forment une condition sine qua non de l’amélioration de la situation de ces défenseurs, explique la Rapporteure spéciale, qui ambitionne de promouvoir son rôle, en faisant notamment connaître la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société, de promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, à un plus large public. 


Depuis sa prise de fonction, la Rapporteure spéciale envoie mensuellement environ une quarantaine de communications relatives à des cas présumés de violation des droits de l’homme commises à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme. C’est là l’un des principaux moyens d’offrir une protection aux défenseurs, explique-t-elle dans son rapport.  Elle entreprend également des voyages et participe activement à de nombreuses conférences et manifestations.  En conclusion de son rapport, elle prie instamment tous les gouvernements de donner une suite favorable à ses demandes de visite dans leurs pays ainsi qu’à ses recommandations de traduire et de diffuser la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et d’organiser des activités destinées à marquer le dixième anniversaire de l’adoption de cet instrument.


Indépendance des juges et des avocats


M. LEOANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a présenté son troisième rapport qui contient un compte rendu des intenses activités menées sur des questions de fond, comme la protection des droits de l’homme dans les situations d’état d’exception, et sur des questions générales, telles la riche jurisprudence et les précédents établis par les différents organes internationaux et régionaux relatifs à la protection des garanties d’un procès équitable.  Il a indiqué que ce rapport passe également en revue les informations actuelles ayant trait à la justice internationale, en particulier aux Chambres extraordinaires des Tribunaux cambodgiens, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et la Haute Cour pénale suprême iraquienne.  Comme d’habitude, a-t-il précisé, il accorde une attention particulière aux progrès accomplis dans les travaux de la Cour pénale internationale (CPI).  Le rapport général qu’il a soumis au Conseil des droits de l’homme est accompagné, en annexe, du rapport de pays qui contient plus d’une centaine d’interventions faites à travers des appels urgents, lettres ou communiqués de presse.  Ces interventions étaient faites pour défendre des juges, avocats, et auxiliaires de justice, ou en défense de l’intégrité et de l’indépendance du système judiciaire ou pour garantir un procès équitable et toutes les procédures y afférentes comme le droit à une défense.


Sur l’exercice de la justice sous un régime d’état d’exception, il a réaffirmé la nécessité d’accorder à cette question une attention particulière et d’élaborer un instrument international qui regroupe, dans un seul corpus, l’ensemble des principes, normes et éléments de jurisprudence destinés à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales dans ces situations.  Il a signalé qu’il existait actuellement plusieurs normes internationales, tant dans le domaine du droit international que dans celui du droit humanitaire, régissant ce genre de circonstances mais qu’elles étaient dispersées et compartimentées, ce qui enraye leur efficacité et ralentit leur application. 


Il a insisté sur le droit à un procès équitable, également violé dans les états d’exception et même dans les situations normales, à travers l’établissement de systèmes parallèles de justice fondés sur des législations spécifiques relatives à la sécurité nationale, à la lutte contre le terrorisme et au contrôle de la migration.  Dans ce contexte, le Rapporteur spécial s’est penché sur la promotion et la protection des droits de l’homme et libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.  Il a rappelé que son collègue, M. Martin Scheinin, examine cette problématique dans le contexte spécifique du jugement des personnes soupçonnées de terrorisme et que son rapport complétait celui de M. Scheinin.  Il a souligné que les deux rapports mettent en exergue le fait que tout individu, quelle que soit sa situation –réfugié, demandeur d’asile, apatride-, quelle que soit sa nationalité, a le droit à un accès aux tribunaux et d’être jugé sans retards injustifiés ainsi que le droit à ce que la sentence et peine soient réexaminées par une cour supérieure.  Les conditions relatives à l’indépendance et à l’impartialité des juges ne sauraient souffrir d’exception.  D’autre part, les personnes détenues, y compris dans les centres pour les migrants, doivent être rapidement entendues par un juge sur la légalité de leur détention.  En cas de détention prolongée, il est nécessaire qu’un juge examine la situation dans les plus brefs délais. 


Le Rapporteur spécial a ensuite fait part de ses motifs de préoccupation face aux détentions arbitraires et aux procès sans garanties ou la pratique de procès mené par des « juges sans visage ».  Il a aussi fait état de son inquiétude au sujet de la situation juridique de millions de demandeurs d’asile confrontés, dans le cadre de procédures administratives, à des restrictions graves de leur droit à la liberté.  À ce propos, il a mentionné une lettre envoyée le 16 juillet dernier à l’Union européenne par plusieurs titulaires de mandats spéciaux, y compris lui-même, dans laquelle était exprimé le souci soulevé par la Directive de refoulement/retour de l’Union européenne, adoptée par le Parlement européen le 18 juin 2008.  Le Rapporteur spécial a notamment relevé dans cette directive le régime de détention applicable durant les procédures de rapatriement, qui inclut les mineurs non accompagnés de leurs parents ou tuteurs et d’autres groupes vulnérables.  Il a jugé extrêmement grave que l’on assimile les mineurs à des délinquants dans ces situations.


Il a finalement parcouru les événements relatifs à la justice internationale.  Le Rapporteur spécial a réitéré sa condamnation des exécutions dictées par les tribunaux iraquiens, estimant qu’il s’agit d’une violation grave du droit à la vérité qu’ont les victimes des crimes commis par le régime de Saddam Hussein.  Il a réaffirmé la nécessité de déployer des efforts significatifs pour faire la lumière sur l’attentat commis contre le bureau de l’ONU il y a cinq ans à Bagdad.  Devant l’absence de résultats concrets dans l’enquête, il a réitéré sa proposition de créer une commission d’experts. 


Dans l’échange de vues qui a suivi, le représentant des Maldives a souhaité attirer l’attention sur les progrès accomplis par son pays dans la mise en œuvre des recommandations de M. Despouy, incorporées dans la nouvelle Constitution des Maldives, ratifiée le 7 août dernier.  Il a fait valoir notamment l’établissement d’une Cour suprême, la création d’une commission indépendante de services judiciaires qui veillera à la nomination et à la rémunération des juges ainsi que la création d’un poste de procureur général.  Tous ces nouveaux mécanismes sont d’ores et déjà opérationnels et ont joué un rôle clef dans les préparatifs des premières élections plurielles/multipartistes du 8 octobre dernier, a-t-il précisé.  Pour la première fois, des femmes ont été nommées juges.  D’autres recommandations du Rapporteur spécial ont été appliquées concernant l’assistance judiciaire.  Une association du barreau a été mise en place.  Le représentant de la Suisse a prié le Rapporteur spécial de se pencher davantage sur la justice en période de transition, en particulier dans le cadre d’une résolution du Conseil des droits de l’homme introduite par la Suisse et demandant une étude sur la justice transitionnelle.  Le Brésil a cherché à savoir si le principe d’un procès équitable pouvait être considéré comme un droit universel, à la lumière des instruments internationaux existants en la matière.


Le représentant des États-Unis a jugé qu’il faut que les États respectent leurs obligations au regard du droit international, même s’ils ne partagent pas tous les avis émis par le Rapporteur spécial.  Il a estimé qu’il n’était pas nécessaire de créer un nouveau corpus normatif sur l’état d’exception et a demandé au Rapporteur s’il établissait une corrélation entre l’indépendance des juges et leur rémunération.  L’Argentine a fait mention de la décision de son pays de réformer l’ancien Code pénal et d’y éliminer la peine capitale.  Il a demandé à M. Despouy d’insister sur l’importance qu’il accorde à la Convention sur les disparitions forcées et sur son efficacité. Le délégué de l’Iraq a dit qu’il avait pris bonne note des commentaires du Rapporteur spécial sur les jugements des responsables de l’ancien régime et s’est dit prêt à coopérer avec l’ONU.


Le représentant du Soudan a jugé que les remarques sur la Cour pénale internationale (CPI) ne s’inscrivaient pas dans le mandat du Rapporteur spécial.  Le Soudan n’est pas partie au Statut de Rome et ce sont les tribunaux nationaux qui sont habilités à juger les crimes commis au Soudan, notamment au Darfour.  Le système judiciaire du Soudan est réputé pour sa compétence et son professionnalisme, a-t-il affirmé.  Le Rapporteur spécial ne doit pas contribuer à la propagande mensongère sur le Soudan ou faire le jeu de ceux qui veulent saboter les efforts en cours en vue d’une solution pacifique avec les factions rebelles, a-t-il dit.  Il a voulu savoir qui avait permis au Rapporteur spécial de s’arroger les prérogatives de parler de la CPI.


La déléguée de la France, de même que celui des Pays-Bas, ont insisté sur l’importance que l’Union européenne attache au mandat sur l’indépendance des juges.  Il est grave de constater, aujourd’hui encore, que les avocats et les juges sont la cible d’attaques et d’agressions.  Abordant la question de la rémunération des juges et le principe d’intangibilité du salaire des juges, elle a demandé quelles mesures pourraient être prises pour respecter pleinement ce principe.  Le délégué de Cuba s’est intéressé au droit à un procès équitable dans le contexte du terrorisme.  Le délégué de Fidji a voulu savoir si d’autres organismes réalisent un travail important pouvant aider le Rapporteur spécial dans l’accomplissement de son mandat.


Répondant à ces commentaires et questions, le Rapporteur spécial, M. Despouy a répondu que les Maldives sont un exemple parfait de la dynamique qui peut s’instaurer entre les États Membres et les organismes internationaux.  Il a aussi souligné l’importance de son rôle de contact avec d’autres organismes et organisations internationales ou autres pour appuyer les pays visités et répondre efficacement à leurs questions. 


Plus d’une quarantaine de pays vivent des situations de transition à la suite d’instabilité, a-t-il dit.  Dans ces conditions, le thème de l’indépendance de la justice joue un rôle fondamental.  Il a mentionné en particulier les situations passées dans la région de l’Amérique latine où il a fallu rétablir le pouvoir judiciaire après son élimination par les juntes militaires.  Il existe des pays où il n’y a pas de pouvoir ou d’autres qui émergent d’un conflit armé ou qui, à la suite d’un conflit, n’ont ni État ni système judiciaire.  Dans d’autres pays, le système judiciaire a été détruit.  Le thème de la reconstitution du pouvoir judiciaire fait Donc partie de la durabilité de la protection des droits de l’homme.  Il s’agit d’adapter des ressources de coopération et d’assistance dans ce domaine.  En réponse au Brésil, il a indiqué qu’il ne fait aucun doute que le processus judiciaire est essentiel.    


M. Despouy a rappelé que l’état d’exception est soumis à des règles claires.  Il ne peut s’agir de situations d’exception invoquées pour légitimer des dictatures militaires par exemple.  Le gouvernement doit, dans tous les cas, respecter les normes judiciaires internationales et protéger les droits de l’homme.  La rémunération des juges n’est pas un thème de moindre importance,  a-t-il estimé.   On recourt à la suppression du salaire comme une arme.  Les juges sont parfois soumis à des pressions et cela affecte beaucoup leur  impartialité.  Dans bien des cas, les gouvernements utilisent ce pouvoir de rémunération.  Il a rappelé à l’Argentine, dont il est citoyen, toutes les exactions commises sous les régimes militaires. La Convention sur les disparitions forcées a été d’ailleurs lancée par les États d’Amérique latine pour répondre à ce phénomène qui caractérise, hélas, cette région.  Il a mis en exergue l’effet de dissuasion de cette Convention car les gouvernements qui chercheront à abuser du système judiciaire en seront dissuadés par l’élément d’imprescriptibilité.


Le Rapporteur spécial a remercié l’Iraq et s’est dit très intéressé par cette question. Au Soudan, il a indiqué que son prédécesseur avait déjà consacré un chapitre de son rapport à la Cour pénale internationale et que d’autres entités ont évoqué ce mandat.


Le Soudan a réitéré que la CPI ne fait pas partie de la structure des Nations Unies et donc ne s’inscrit pas dans le mandat de M. Despouy.  Dans le contexte de l’indépendance de la justice, l’ambassadeur du Rwanda a noté que le Rapporteur spécial s’est investi dans les systèmes judiciaires nationaux mais qu’il n’avait pas accordé l’attention voulue, et pourtant importante pour le continent africain, à d’autres tribunaux, mentionnant les risques d’effets du racisme, de la xénophobie et de la discrimination.


Reprenant la parole, M. Despouy a dit qu’il ne voulait pas entrer dans une polémique avec le Soudan, ajoutant que son mandat a une double finalité qui remonte à 1994: défendre les procureurs, juges et avocats pouvant être l’objet d’attaques ou d’abus et veiller à la promotion de tous les droits des justiciables, puis ce mandat a évolué vers la consécration de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de lutte contre l’impunité.  La CPI travaille également dans ce but et, chaque année, les titulaires de mandats peuvent en parler.  C’est là le but essentiel du mandat, a-t-il affirmé.   Au Rwanda, il a répondu que sa fonction consiste à examiner et vérifier si le pouvoir judiciaire s’acquitte de ses fonctions sans comportement discriminatoire d’un point de vue des droits de l’homme. 


Le Soudan a répété que le mandat du Rapporteur découle des États Membres, qu’il n’a rien à voir avec la CPI  et a demandé de consigner dans le procès-verbal qu’il existe une politisation évidente du rapport de M. Despouy.


Rapport du Rapporteur spécial (A/63/271)


Il s’agit du quatrième rapport de M. Léandro Despouy, présenté à l’Assemblée générale.  Ce dernier y rend compte de ses activités les plus récentes et liste les pays dans lesquels il a émis le souhait de se rendre. 


Il indique que les états d’urgence continuent de donner lieu à de graves violations des droits de l’homme.  Parmi les plus fréquentes et les plus inquiétantes figurent les détentions arbitraires, les tortures et les mauvais traitements, les disparitions forcées, le refus du droit de contester devant un tribunal la légalité des détentions et le droit d’être jugé par un tribunal indépendant.  Y est notée l’augmentation du nombre de pays déclarant l’état d’exception et de ceux qui ont adopté ou renforcé des mesures de sécurité nationale ou des lois permettant de restreindre les droits de l’homme.   Dans les cas d’état d’exception, les tribunaux militaires sont investis de pouvoirs extraordinaires pour juger des civils sans que soient assurées les garanties nécessaires pour empêcher les violations du droit à une procédure régulière.  Le Rapporteur spécial propose la conduite d’une étude aux fins d’organiser de manière systématique le corpus normatif, la pratique et la jurisprudence relatifs à la protection des droits de l’homme dans les situations d’état d’exception et de renforcer de cette façon les normes internationales en la matière. 


Il est rappelé que la magistrature joue un rôle essentiel dans le contrôle du respect des principes des droits de l’homme.  Constatant le recours abusif à l’état d’urgence et à la restriction de droits qui en résulte, le Rapporteur spécial se félicite vivement des législations qui prévoient que tout état d’exception proclamé par un gouvernement ou un parlement doit ensuite être ratifié par l’organe judiciaire suprême.


La compétence, l’indépendance et l’impartialité des juges sont des conditions indispensables pour assurer toutes les sauvegardes et garanties et en particulier celle du droit à l’habeas corpus.  Selon le Rapporteur spécial, toute atteinte à la liberté d’action des juges, à leurs prérogatives ou à leur indépendance, met en péril la plupart des garanties judiciaires et notamment l’exclusion de tout élément de preuve obtenu par la torture ou la contrainte, le droit d’être jugé sans retard excessif, le droit de saisir une autorité judiciaire compétente de toute violation des droits de l’accusé, à toutes les phases de la procédure, le droit d’interjeter appel et le droit fondamental à la présomption d’innocence, signale le Rapporteur.


Le sujet le plus inquiétant relevé dans le rapport tient à la situation  juridique des immigrants et des demandeurs d’asile.


En conclusion, le Rapporteur spécial recommande de tenir à jour en permanence une liste des pays se trouvant dans un état d’exception, précisant pour chacune de ces situations, le motif, les droits visés et les dates d’entrée en vigueur et de fin, et d’élaborer un instrument international énonçant les principes de la protection des droits de l’homme dans les situations d’exception. 


Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires


M. PHILIPP ALSTON, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a insisté sur deux thèmes, à savoir la pratique des commissions d’enquête en réaction aux exécutions extrajudiciaires et les arrangements de protection des témoins oculaires.  S’agissant de ce second thème, c’est un sujet parfois étrange, non dénué de références cinématographiques dans l’imaginaire collectif, mais nous parlons ici de témoins de meurtres et si nous ne parvenons pas à les convaincre de témoigner, les auteurs des exécutions resteront impunis, a déclaré le Rapporteur spécial.  Des procédures et institutions garantissant une protection efficace sont la seule solution car dans certains pays, témoigner relève du suicide, a considéré le Rapporteur.  Il a expliqué qu’il s’agit de rompre le cycle de l’impunité ou des abus et de mettre ainsi fin à un cercle vicieux.


La lutte contre l’impunité doit être l’objectif commun pour tous les cas d’exécutions extrajudiciaires, a poursuivi le Rapporteur spécial, tout en estimant que les pays ont, dans ce domaine, beaucoup à apprendre les uns des autres, à condition que la communauté internationale les y aide, notamment par des financements suffisants. Il a incité le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme à prêter davantage d’attention à ces questions.


Ceux qui violent les droits de l’homme sont de moins en moins certains de ne pas avoir à rendre des comptes, a relevé le Rapporteur spécial, selon lequel des réformes majeures sont en cours dans de nombreux pays, notamment pour sortir la justice militaire de l’ombre.


Le système de justice militaire doit être examiné à la lumière des droits de l’homme, a préconisé le Rapporteur spécial.  Il a précisé avoir noté l’an dernier que 130 personnes avaient été exécutées et 1 500 blessées par les forces de l’État qui avaient en Guinée, ouvert le feu sur des individus innocents.  Une commission indépendante a bien été créée dans le pays mais sans résultat, a constaté le Rapporteur spécial.  Au Kenya, en revanche, les conclusions d’une Commission mise en place chargée d’enquêter sur la mort de 1 113 personnes durant les violences qui ont suivi les élections viennent d’être remises par le juge Ouaki à un panel de personnalités africaines. Le rapport de la Commission indique que les forces de police sont à l’origine de 35% de ces décès et propose l’instauration d’un tribunal chargé de juger leurs auteurs, s’est félicité le Rapporteur spécial. 


Évoquant les exécutions de mineurs, le Rapporteur a fustigé la République islamique d’Iran qui condamne toujours des jeunes à mort.  Les sentences sont peut-être moins nombreuses à être exécutées, mais il faut aller plus loin encore, en interdisant totalement ces pratiques, a déclaré le Rapporteur spécial. 


L’Iran viole à la fois la Convention relative aux droits des enfants et le Pacte relatif aux droits civils et politiques. Tous mes efforts entamés il y a 4 ans pour me rendre en Iran sont restés vains, a déploré le Rapporteur spécial.  Compte tenu du fait qu’un grand nombre de pays ignorent les demandes de visites qui leur sont adressées, le Rapporteur spécial a voulu souligner le comportement des États-Unis qui lui ont adressé une invitation en bonne et due forme, débouchant sur une visite officielle en juin dont les recommandations figurent dans le rapport, s’agissant, entre autres, des réformes demandées pour réduire les morts de détenus dans les centres de détention, notamment à Guantanamo Bay. 


Lors de l’échange de vues qui a suivi la déclaration liminaire de M. Alston, plusieurs questions émanant notamment du Brésil et de la Malaisie, ont porté sur les effets prévisibles de l’Examen périodique universel en matière d’exécutions extrajudiciaires.  L’Observateur de la Palestine a demandé à M. Alston s’il avait l’intention d’effectuer une visite dans le Territoire palestinien occupé, où, a-t-il dit, les exécutions arbitraires étaient monnaie courante, y compris s’agissant d’enfants.  Les États-Unis de leur côté ont réagi à l’exposé du Rapporteur spécial en disant que les situations de conflit ne relevaient pas du mandat de M. Alston.  De son côté, le représentant du Soudan a fait remarquer qu’il aurait aimé que le Rapporteur spécial s’intéresse davantage aux progrès réalisés dans le pays et soit plus critique envers les situations observées en Afghanistan et en Iraq.  La Guinée-Bissau, reconnaissant que le continent africain était régulièrement le théâtre de coups d’État, a voulu connaître plus précisément la définition des exécutions extrajudiciaires. 


La République islamique d’Iran a vigoureusement dénoncé les conclusions du Rapporteur spécial affirmant qu’elles sont sans fondement et mettant en doute notamment la fiabilité de ses sources.  Il n’y a pas eu d’exécutions de mineurs dans notre pays cette année, ou alors ce sont des actes qui ont eu lieu conformément à la justice islamique dans laquelle le gouvernement ne peut rien, à part décider des réparations, a signalé le délégué en invitant le Rapporteur spécial à venir se rendre compte de cela sur place.  Enfin, la France au nom de l’Union européenne et le Canada notamment, ont souhaité obtenir davantage de détails sur les modalités de mise en œuvre des programmes de protection des témoins.


En réponse aux délégations, le Rapporteur spécial a signalé qu’il n’avait jamais été autorisé par l’État d’Israël à se rendre dans le Territoire palestinien occupé, malgré plusieurs demandes réitérées.  L’examen périodique universel peut, s’il fonctionne bien, se révéler utile, mais il me semble trop tôt d’en tirer des enseignements précis, a ensuite estimé le Rapporteur spécial.  Selon lui, l’EPU est déjà un succès diplomatique, reste à concrétiser ces efforts sur le terrain juridique et sur celui des droits de l’homme. 


La situation en Afghanistan a également été évoquée par M. Alston, estimant que la situation avait positivement évolué là-bas tout de suite après la publication de son rapport précédent, particulièrement mal accueilli par l’OTAN. 


Malheureusement, les civils meurent encore en trop grand nombre sur place, a dit le Rapporteur spécial.  Un rapport final sur l’Afghanistan doit prochainement être présenté, ce sera le cas aussi pour l’Iraq, a confirmé le Rapporteur spécial.  Au Soudan, il y a des problèmes majeurs dans la région du Darfour, dont personne ne s’occupe, a regretté le Rapporteur spécial, estimant qu’une action internationale lui paraissait de ce fait indispensable.  Une action internationale contre les exécutions extrajudiciaire doit parvenir à mettre fin à l’impunité, a répété le Rapporteur spécial. 


En réponse à la République islamique d’Iran, le Rapporteur spécial a confirmé vouloir se rendre sur place, notamment pour avoir des chiffres précis sur le nombre de personnes condamnées à mort pour des crimes commis alors qu’ils étaient mineurs, et pour discuter avec des juristes de la loi islamique.  Les 20 communications envoyées à l’Iran cette année concernent des cas précis de violation des droits de l’homme, a-t-il cependant maintenu.  Du point de vue méthodologique, le terme de meurtre hors-la-loi devrait être employé à la place de celui d’exécutions extrajudiciaires, a encore reconnu le Rapporteur spécial en réponse à la Guinée-Bissau.  Tous les gouvernements, s’ils sont honnêtes, reconnaîtront qu’il existe des problèmes dans leur pays et c’est souvent en permettant à quelqu’un d’extérieur d’y jeter un œil que les mauvaises habitudes pourront commencer à être bousculées, a estimé le Rapporteur spécial, en faisant directement allusion au bon accueil qui lui a été fait par le Brésil.


S’agissant des programmes de protection des témoins, de fausses idées circulent encore trop souvent, notamment que cela est très coûteux, a signalé M. Alston.  Il a insisté pour dire que cela est vraiment une question internationale cruciale dans la lutte contre l’impunité.  Un Fonds d’affectation au Bureau du Haut Commissaire pourrait être prévu, notamment pour une expertise technique offerte aux pays demandeurs, a proposé le Rapporteur spécial. 


Rapport du Rapporteur spécial (A/63/313)


Le Rapporteur spécial, M. Philip Alston, fournit la liste les pays qui ne donnent pas suite à ses demandes répétées de visites, pays dont certains sont pourtant membres du Conseil des droits de l’homme.  Au mois d’août 2008, le Rapporteur spécial avait adressé des demandes à 34 pays ainsi qu’aux territoires palestiniens occupés.  L’Autorité palestinienne a bien envoyé une invitation, mais pour le reste, seuls 11 pays ont répondu.  Il se félicite en revanche d’avoir obtenu des réponses positives émanant de l’Afghanistan et des États-Unis d’Amérique.   S’agissant des pays où il s’est déjà rendu récemment, le Rapporteur spécial s’inquiète du très grand nombre d’homicides perpétrés au Brésil, homicides dont les auteurs bénéficient d’une grande impunité, tout comme d’ailleurs des militaires de la République centrafricaine, coupables d’exécutions.  Il retient de sa visite en Afghanistan que de très nombreux meurtres de civils sont perpétrés par la police et restent impunis là encore, et de son séjour aux États-Unis d’Amérique, qu’il est essentiel de réformer profondément le système de justice pénale pour éliminer le risque réel d’exécuter des innocents. 


Constatant qu’il était difficile, voire impossible de faire condamner les auteurs d’exécutions extrajudiciaires, faute de programmes efficaces de protection des témoins, le Rapporteur spécial préconise d’institutionnaliser des mesures propres à réduire les risques encourus par les témoins.  Les pays qui ont les plus grands problèmes de ce type sont aussi ceux qui ont des réponses les moins appropriées, relève le Rapporteur spécial qui précise que les pays qui en sont pourvus prêtent trop peu d’attention à la protection des témoins d’assassinats dont sont soupçonnés des militaires ou des membres des forces de police.  


Le bilan des juridictions militaires en matière de droits de l’homme a de tout temps été désastreux, rappelle le Rapporteur spécial dans un chapitre consacré aux juridictions militaires, juridictions jugées incapables de sévir contre les exécutions extrajudiciaires, et pour la rédaction duquel il s’est appuyé sur les travaux du Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, M. Emmanuel Decaux.  La compétence des juridictions militaires doit être écartée au profit de celle des juridictions ordinaires pour mener à bien les enquêtes sur les violations graves des droits de l’homme, telles que les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture, et poursuivre et juger les auteurs de ces crimes, préconise Philip Alston. 


Dans ses conclusions, le Rapporteur spécial estime que le Haut Commissariat aux droits de l’homme devrait mettre au point des moyens d’action facilitant une meilleure prise en compte de la protection des témoins dans les programmes nationaux de lutte contre l’impunité. Il propose enfin que l’Assemblée générale demande à tous les États d’indiquer dans quelle mesure leurs mécanismes actuels en matière de justice militaire sont conformes aux normes en matière de droits de l’homme. 


Droit à l’éducation


M. VERNOR MUÑOZ VILLALOBOS, Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation, a expliqué que son rapport actuel est axé sur le droit à l’éducation dans les situations d’urgence, ce qui, selon lui, démontre l’intérêt croissant apporté à la nécessité d’inclure dans l’assistance humanitaire une réponse en matière d’éducation.  Il a indiqué que les situations d’urgence, catastrophes naturelles ou de conflits armés, sont la source de violations graves du droit à l’éducation. Il a insisté sur le fait que les situations d’urgence ne doivent en aucun cas suspendre les responsabilités nationales et internationales au regard des droits de l’homme des personnes affectées.  Notant que ces situations peuvent survenir dans n’importe quelle région, tant dans des États qui ont les moyens financiers d’y faire face que dans d’autres qui n’en ont pas, il a signalé que la victime principale est invariablement la population civile.


Il a observé qu’en tout état de cause et à quelques exceptions près, la communauté internationale tolère en pratique la violation du droit à l’éducation dans les situations d’urgence.  Il a réaffirmé que le non-respect de ce droit constitue une violation de la responsabilité définie dans les instruments normatifs internationaux définissant la nature et le contenu du droit à l’éducation.  Il a constaté que le nombre d’assassinats d’étudiants et d’enseignants, les bombardements et la destruction de bâtiments scolaires ont fortement augmenté au cours des quatre dernières années, en termes de brutalité et de victimes.  Une étude mondiale menée en 2004 a en effet révélé que 27 millions de garçons, filles et jeunes affectés par les conflits armés n’ont aucune forme d’accès à l’éducation formelle.  La plupart sont des déplacés, a précisé le Rapporteur spécial.  Il a également constaté que les articles 4 et 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant sur la nécessité d’une coopération internationale pour la réalisation du droit à l’éducation n’ont pas été tout à fait et clairement traduits en responsabilités politiques.


Il a déploré le peu d’implication des donateurs dans la réalisation du droit à l’éducation, ce qui a limité la coordination, le développement de partenariats et la recherche de modes alternatifs de financement.  Il a recommandé que ce droit soit reconnu par les États, les donateurs, les agences multilatérales et les organisations comme partie intégrante de la riposte humanitaire aux conflits armés et aux catastrophes naturelles.  Il a recommandé aux États de se doter de plans de préparation aux urgences en matière d’éducation dans le cadre de leurs programmes d’éducation, incluant des mesures concrètes qui garantiraient la continuité de l’éducation à tous les niveaux et durant toutes les phases de la situation d’urgence. Aux donateurs, il a recommandé d’inclure l’éducation dans tous leurs plans d’assistance humanitaire, d’appuyer le Groupe intégré d’éducation du Comité permanent interinstitutions.


Rapport du Rapporteur spécial (A/63/292)


Il s’agit du premier rapport soumis à l’Assemblée générale par le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation, M. Vernor Muñoz Villalobos dont le Conseil des droits de l’homme, a en juin 2008, prolongé le mandat pour trois ans supplémentaires. 


Les situations d’urgence touchent différemment les types de population.  Ainsi, jusqu’à 90% des personnes déplacées se verraient refuser une éducation, soit parce qu’aucun organisme international n’est chargé de cette question, soit parce que les autorités ne font preuve d’aucune volonté politique dans ce domaine.  Les femmes et les filles, elles, déjà exposées à la discrimination, voient se réduire encore leur accès à l’éducation.  S’agissant des enfants en général, si des efforts sont entrepris pour la démobilisation des enfants utilisés comme soldats, le nombre, la pertinence et la qualité des programmes de réinsertion sociale, et en particulier d’éducation laissent à désirer, signale le Rapporteur spécial.  Une attention particulière doit être accordée également aux besoins particuliers et supplémentaires des enfants handicapés, déjà souvent victimes de discrimination et d’exclusion au sein du système éducatif. 


Dans ses conclusions, le Rapporteur spécial recommande d’élaborer un programme d’enseignements, qui, dans les situations de conflit, s’appuie sur une analyse détaillée et la connaissance des systèmes éducatifs préexistants, et plus généralement, garantisse la participation des différents apprenants, réponde à leurs besoins et respecte leurs droits. 


La France, au nom de l’union européenne, a demandé si le Rapporteur avait des propositions à faire pour favoriser une participation des femmes dans l’élaboration de stratégies visant à leur protection dans les situations de crise.  Le Qatar s’est demandé si une meilleure instruction au plan national ne pourrait pas servir à mieux préparer à des situations de crise et s’il ne fallait pas incorporer l’éducation à ces situations à tous les niveaux de l’enseignement formel.  La République islamique d’Iran a prié le Secrétariat de fournir des explications sur le déroulement des travaux de la Commission car, pour mieux dialoguer, il aurait préféré avoir la déclaration liminaire de M. Muñoz en anglais plutôt qu’en espagnol.  Il a observé que c’est la troisième fois qu’un rapporteur s’exprime en espagnol.  L’une des approches possibles dans la promotion des efforts au niveau national serait d’élaborer des critères spécifiques afin de reconnaître les efforts de certains pays dans la lutte contre l’analphabétisme.  Il a appelé à des efforts concertés pour lutter contre ce phénomène de notre temps et à la fourniture d’un enseignement primaire et secondaire gratuit.  Il a dit que son pays faisait face à des circonstances de crise dans une zone géographique avec de nombreux réfugiés qui s’y installent depuis plusieurs années.  Il a souhaité qu’une entité internationale se rende sur place pour se rendre compte de ce qui a été accompli, en particulier dans le domaine de l’éducation aux réfugiés.  Il a suggéré de faire la distinction entre ceux qui vivent dans des situations d’urgence et ceux qui offrent une aide d’éducation et autres services à des personnes originaires d’autres pays et qui sont réfugiées sur leur territoire.  De son côté le Burundi a fait mention du paragraphe 40 du rapport qui faisait référence aux pays donateurs et à un autre paragraphe recommandant à ces derniers de consacrer 4,2% du total des contributions humanitaires à l’éducation dans les situations de crise.  Il a voulu savoir sur quels critères s’est basé Muñoz pour arriver à ce pourcentage et quel était le pourcentage actuel.  Pour le Nicaragua il faudrait inscrire l’éducation dans le droit humanitaire dans les situations de crise.


Reprenant la parole, le Rapporteur a indiqué que la compréhension du contexte des situations d’urgence est indispensable pour trouver des solutions idoines.  La recherche de solutions doit devenir une véritable occasion pour surmonter les conditions qui ont contribué au conflit.  En 2004 certaines sources nous disaient que 27 millions de personnes étaient touchées dans leur droit à l’éducation alors que l’UNESCO et l’UNICEF avaient des chiffres plus alarmants, soit 100 millions de personnes selon les deux organisations.  Il n’existe donc pas de chiffres sûrs, surtout lorsqu’il s’agit des filles et des femmes.  Il a abondé dans le sens du Qatar reconnaissant l’importance d’incorporer l’éducation à tous les niveaux de l’action humanitaire.  .Les donateurs doivent envisager d’améliorer leurs contributions.  Il a qualifié de honteux le fait qu’un si faible pourcentage de l’aide dans les situations de crise soit consacré à l’éducation.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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