LA NOUVELLE HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME EXHORTE TOUS LES ÉTATS À PARTICIPER A LA CONFÉRENCE D’EXAMEN DE DURBAN SUR LE RACISME
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Troisième Commission
20e & 21e séances – matin et après-midi
LA NOUVELLE HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME EXHORTE TOUS LES ÉTATS À PARTICIPER A LA CONFÉRENCE D’EXAMEN DE DURBAN SUR LE RACISME
La pratique de la liste récapitulative du Comité des sanctions contre Al-Qaida et les Taliban critiquée par le Rapporteur spécial, Martin Scheinin
La Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Navenethem Pillay, a fortement plaidé mercredi en faveur d’une participation la plus large possible des États Membres à la Conférence d’examen du suivi de Durban sur le racisme, qui se tiendra à Genève du 20 au 24 avril 2009. Elle a exhorté en particulier les pays ayant manifesté leur intention de ne pas y prendre part, à revenir sur leur décision.
La Haut-Commissaire, qui s’exprimait pour la première fois devant la Troisième Commission, a rappelé que les problèmes de racisme, de xénophobie, de discrimination et d’intolérance existent encore à travers le monde entier. En tant que Sud-Africaine, elle a dit savoir parfaitement de quoi est faite une vie dans un climat imprégné de racisme. Forte également de son expérience de juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TIPR), elle a mis en garde contre la tolérance de discours ou d’actes racistes qui peuvent conduire, s’ils ne sont jugulés à temps, à une situation incontrôlable, voire au génocide.
La Haut-Commissaire a qualifié de droit émergent celui de ne pas souffrir des incidences nuisibles des changements climatiques, ainsi que des conséquences calamiteuses des conditions atmosphériques, d’ores et déjà visibles dans de nombreuses parties du monde. Ces bouleversements sont une menace directe pour un large éventail des droits de l’homme universellement reconnus, y compris le droit à l’alimentation, à un logement convenable, à l’eau et à la vie même. « La crise alimentaire revêt également des dimensions relatives aux droits de l’homme », a-t-elle soutenu, en appelant à la mise en place d’urgence de mesures visant à remédier à cette situation.
Devant l’inquiétude de nombreux États concernant la répartition géographique du personnel du Haut Commissariat, Mme Pillay a assuré qu’elle prenait ce problème très au sérieux car elle estimait que son Bureau devait être un modèle de diversité raciale et culturelle.
Dans le cadre de son débat sur les questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Commission a également entendu le Conseiller spécial du Secrétaire général, M. Ibrahim Gambari, qui a présenté le rapport du Secrétaire général sur ses bons offices au Myanmar.
À l’issue de trois visites dans le pays depuis les événements de l’automne 2007, M. Gambari a mis l’accent sur l’esprit de coopération du Gouvernement de ce pays qui a adopté une feuille de route en vue du rétablissement de la démocratie, ainsi qu’une nouvelle Constitution, libéré plusieurs prisonniers politiques et prévoit l’organisation d’élections d’ici à 2010. Il a cependant réitéré les exigences de la communauté internationale, y compris celles réclamant la libération de tous les prisonniers politiques, notamment de Mme Aung San Suu Kyi, et l’instauration d’un dialogue entre le Gouvernement et l’opposition, qui à ce jour réfute la nouvelle constitution, ce qui crée une situation complexe.
Dans l’après-midi, la Commission a entamé son dialogue interactif avec les rapporteurs et représentants spéciaux et a eu un échange de vues avec la Rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Mme Asma Jahangir. Celle-ci a réaffirmé avec force que les droits de l’homme sont universels et indivisibles. À ce titre, elle a observé que le droit à la liberté de religion et de conviction était un droit complexe et sensible. Elle a remarqué, par exemple, que le droit de changer de religion est un droit fondamental que certaines délégations du Conseil des droits de l’homme cherchent à remettre en cause.
Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Martin Scheinin, dont le mandat prend fin cette année, a insisté sur le fait que le droit à un procès équitable et à l’égalité devant la justice sont des éléments essentiels de la protection des droits de l’homme.
Il a longuement débattu avec les délégations de la pratique consistant à porter et à rayer, sur la liste du Comité des sanctions du Conseil de sécurité contre Al-Qaida et les Taliban, les noms des individus et des groupes qualifiés d’entités terroristes ou associées (résolution 1267 du Conseil de sécurité de 1999). Selon le Rapporteur, cette pratique a eu un impact considérable sur les droits procéduraux de ces individus ainsi que leur famille. Il a considéré que tant que ces listes ne feront pas l’objet d’un examen indépendant au niveau des Nations Unies, toute mesure d’exécution doit faire l’objet d’un examen juridictionnel au plan national. Dans ce contexte, la Suisse et plusieurs pays européens ont soumis en juin dernier une proposition pour que soit créé au sein du Conseil de sécurité, au minimum un groupe chargé de formuler des recommandations non contraignantes sur les demandes individuelles de radiation, ce qui répondrait aux inquiétudes exprimées à propos du droit à un mécanisme efficace d’examen.
Par ailleurs, le Rapporteur spécial s’est inquiété une fois de plus du fait que des civils soient jugés par une commission militaire à Guantanamo Bay. Il a réaffirmé que l’utilisation de tribunaux militaires devrait être limitée au procès de personnel militaire pour des actes commis au cours d’opérations militaires.
Intervenant à son tour devant la Commission, l’experte indépendante sur la question des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté, Mme Maria Magdalena Sepúlveda a lancé, quant à elle, un cri d’alarme en déclarant qu’il n’y a plus de temps à perdre dans la lutte contre la pauvreté car la différence entre un jour et deux jours sans nourriture est pour beaucoup l’espace entre la vie et la mort. Rappelant qu’une personne sur cinq dans le monde vivent dans une extrême pauvreté, elle a appelé à prendre des mesures d’urgence pour que les crises alimentaire et financière actuelles n’alourdissent pas le fardeau.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux jeudi 23 octobre à 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, suivie d’une séance de questions
Mme NAVANETHEM PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a indiqué qu’elle a soumis le rapport de son Bureau qui contient des informations détaillées sur les activités de son prédécesseur jusqu’à sa nomination, il y a deux mois. Elle s’est arrêtée sur ses futures priorités durant cette année qui, a-t-elle souligné, est marquée par d’importants anniversaires comme le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention sur le génocide, le dixième anniversaire de la Déclaration des défenseurs des droits de l’homme et les Principes directeurs sur les personnes déplacées à l’intérieur, ainsi que le quinzième anniversaire de la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’homme, qui a établi le mandat de Haut Commissaire aux droits de l’homme. Tous ces anniversaires importants représentent des points de ralliement pour la communauté des droits de l’homme ainsi que des opportunités de réfléchir sur les progrès accomplis et les défis à relever. Elle a invité à une réflexion plus systématique sur la corrélation entre droits de l’homme, développement, paix et sécurité et sur la manière dont les droits peuvent élargir les libertés de chacun, la prospérité et la sécurité. L’importance fondamentale de la Déclaration universelle des droits de l’homme réside dans le fait qu’elle apporte une vision d’espoir en l’avenir, et augure d’un monde où chaque homme, femme et enfant vivrait dans la dignité, ne connaîtrait pas la faim et serait protégé de la violence et de la discrimination, avec tous les bénéfices du logement, de la santé, de l’éducation et des chances égales. Cette vision représente la culture mondiale des droits de l’homme que nous visons et il faudrait qu’elle nous unisse au lieu de nous diviser, tant dans notre propre culture qu’entre cultures, a-t-elle souligné.
Les promesses de la Déclaration universelle des droits de l’homme demeurent des objectifs qui nous échappent, a-t-elle constaté. Trop de pays dans le monde discriminent encore systématiquement envers les femmes et ce, en dépit des normes internationales et de la reconnaissance du rôle critique qu’elles jouent dans le développement, ainsi que dans la paix et la sécurité. Elle a souligné que les normes des droits de l’homme sont universelles et ont toutes la même priorité. Pour la Haut-Commissaire, la priorité, par conséquent ne consistera pas à échelonner divers droits de l’homme mais plutôt à veiller à leur application, sur le terrain. D’autre part, il ne peut y avoir de tolérance pour le « deux poids deux mesures », tels sont les principes qui la guident en tant que Haut- Commissaire, a précisé Mme Pillay.
Parlant du Protocole facultatif à la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui est ouvert à l’adhésion et établit la procédure de communication individuelle pour des cas de violation des droits cités, elle a insisté sur la valeur égale de tous les droits de l’homme et la pertinence du recours juridique pour tous ces droits. Évoquant les cadres législatifs international et national ainsi que les mécanismes récents mis en place, elle a indiqué que le défi à présent est de faire fonctionner ce système au mieux pour supprimer les abus persistants et les omissions qui entravent la réalisation des droits de l’homme. Elle ambitionne d’utiliser l’influence du Haut Commissariat pour promouvoir la ratification des instruments internationaux et a invité tous les États parties à coopérer avec les organes de surveillance. Elle a mis l’accent sur le travail du HCDH sur le terrain, mis en place par Mme Arbour. Cette vigilance impartiale garantit d’aborder toutes les atteintes aux droits de l’homme, a-t-elle dit. Elle s’est félicitée de l’appui du Conseil des droits de l’homme aux mandants spéciaux et de leurs prolongations. Elle a plaidé pour de nouveaux mandats.
Le lancement du mécanisme d’Examen périodique universel (EPU) est une étape positive pour l’examen impartial des rapports. Elle a informé que pour cette première année, 32 rapports de pays ont été examinés et que cette initiative a un potentiel prometteur pour réduire la politisation et la sélectivité qui ont longtemps entravé la considération des droits de l’homme dans le monde. La coopération est importante sur le plan national et le HCDH est dans une position unique pour aider les pays dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Une collaboration et un échange accrus avec les gouvernements, la société civile et les ONG sont autant d’étapes dans la bonne direction. Il s’agira de créer des systèmes de coopération pratiques. Elle a noté qu’elle suivait de près les événements à Genève, mais que ce qui se passe à New York a aussi un impact important sur ce qui se passe dans le monde. Dans ce cadre, elle s’est engagée à entretenir une collaboration étroite avec l’ensemble du système de l’ONU et en particulier avec le Secrétaire général.
Elle a parlé de la menace directe que constituent les changements climatiques. La crise alimentaire a également une dimension de droits de l’homme. L’absence de denrées alimentaires abordables crée une pression terrible sur les populations déjà marginalisées. Si l’on ne met pas en place des politiques appropriées, ces personnes vulnérables souffriront davantage. Pour rectifier le tir, a préconisé Mme Pillay, il faut envisager non seulement de l’aide immédiate mais des filets de sécurité et la création de canaux pour dénoncer les abus et répondre aux besoins, entre autres.
Les experts ne se font pas d’illusion, a poursuivi Mme Pillay, la crise financière actuelle ne se limite pas aux marchés économiques. Cette crise est mondiale et aura des conséquences graves et c’est pour cette raison qu’il faut protéger les plus vulnérableset ceux qui vivent dans l’extrême pauvreté en particulier Elle a réitéré l’appel du Secrétaire général « d’urgence de développement » qui consiste à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Pourtant, les OMD sont poursuivis isolément du respect des droits de l’homme, a remarqué la Haut-Commissaire, qui a exhorté à l’élaboration d’un cadre d’institutions et de normes permettant de réduire les disparités. Ainsi, on pourra atténuer les problèmes qui surgissent tout le long du processus de développement qui pourra de la sorte devenir plus durable.
Il ne fait aucun doute que le terrorisme représente une menace et un défi énorme pour les droits de l’homme dans ce contexte, les États doivent éviter des définitions vagues ou trop larges du terrorisme qui peuvent entraîner ou qui ont déjà entraîné, dans certains cas, des atteintes aux droits de l’homme. Les États doivent faire en sorte que les mesures prises soient conformes au droit international comme la protection contre la torture, le droit à un procès équitable et au non-refoulement, notamment. Elle a rappelé que son Bureau est un participant actif dans l’Équipe spéciale de mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale et dans son plan d’action. La migration est un autre défi à relever en matière des droits de l’homme, selon Mme Pillay, qui a fait part de sa conviction que les politiques de migration doivent se fonder sur la protection des droits de l’homme et sur la Convention sur les droits des travailleurs migrants et leur famille. Elle a également indiqué que la traite humaine est un secteur qui transforme les êtres humains en marchandises et a encouragé les États à redoubler d’efforts à l’échelon mondial pour faire face à cette industrie qui génère des milliards de dollars chaque année.
Elle a ensuite évoqué les débats sur la Conférence sur le racisme, la discrimination et l’intolérance et a encouragé à promouvoir la participation à la Conférence d’examen de Durban l’an prochain à Genève. En dépit des différences de vues et positions exprimées sur cette question, elle a fortement encouragé à la participation de tous les États Membres à cette Conférence. En octobre, le Bureau du HCDH a convoqué une réunion d’experts sur les liens entre les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques afin qu’ils soient dûment interprétés. Elle a formé le vœu que cette nouvelle approche permette de trouver une plate-forme commune et a conclu à ce sujet que, sans participation, le débat sur la lutte contre le racisme et son agenda s’en verront appauvris. Ayant grandi en Afrique du Sud, elle a indiqué qu’elle sait trop bien ce que cela veut dire de vivre dans un environnement imprégné par le racisme. En tant que juge du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TIPR), elle a également écouté les témoignages de personnes ordinaires qui se sont retrouvées victimes d’une explosion de haine ethnique. Pour maximiser le processus menant à la Conférence d’examen de Durban, elle a appelé les gouvernements, qui ont déjà annoncé qu’ils ne participeront à cette Conférence, à revoir leur position.
Un peu moins d’une vingtaine de délégations ont à la fois exprimé leur soutien et posé des questions à la Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Le représentant de la France, au nom de l’Union européenne, relayé par la délégation du Canada, a jugé essentiel que se développent les activités de terrain du Haut Commissariat, et a encouragé l’ouverture de bureaux régionaux. La France a demandé à Mme Pillay ce qu’elle pense des perspectives de voir se dégager un consensus opérationnel positif à Genève en juin prochain lors de la Conférence d’examen de Durban?
Le représentant du Bénin a observé que le moment était venu de redoubler d’efforts, d’essayer de nouvelles approches dans la dissémination de la diffusion des droits de l’homme et s’est aussi interrogé, à l’instar de Cuba et du Liban, sur les moyens de promouvoir l’interaction entre droits de l’homme et droit au développement. Sur ce point, le représentant de la Fédération de Russie a demandé comment le potentiel du Bureau du Haut Commissaire pouvait-il être développé face à l’impact des crises actuelles sur le droit au développement?
Plusieurs délégations dont l’Égypte, Cuba, le Chili ont relevé le problème de la composition géographique déséquilibrée du Bureau du Haut Commissaire offrant trop peu de places aux membres originaires de pays en développement et aux femmes. La Chine et l’Égypte ont voulu savoir comment Mme Pillay concevait son rôle de Haut-Commissaire et comment elle envisageait la présence sur le terrain de son Bureau dans un contexte budgétaire défavorable. La représentante égyptienne a exprimé l’inquiétude de sa délégation face aux tendances actuelles de la vision du rôle du Haut Commissaire, voulant savoir quelle est celle retenue par Mme Pillay. Le Liechtenstein, relayé par le Chili et les États-Unis, jugeant que l’écart était grand entre les normes reflétées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et celles des traités qui ont suivi, s’est demandé comment faire pour y remédier. Le Chili a demandé quel devait, du point de vue de Mme Pillay, être le rôle dévolu à la société civile.
S’agissant de l’Examen périodique universel, plusieurs délégations dont le Soudan, la Malaisie et l’Argentine ont demandé quelle évaluation Mme Pillay pouvait en faire et quelles améliorations les pays pouvaient apporter dans leur collaboration à l’EPU. La Thaïlande a voulu savoir comment la crédibilité du Conseil des droits de l’homme, en progrès actuellement, pouvait encore être améliorée.
Des questions ont été posées sur la Convention sur les droits des personnes handicapées. La Nouvelle-Zélande a notamment demandé quel est le rôle du Bureau pour faire garantir ces droits. La Colombie et le Royaume-Uni ont demandé ce qu’ils pouvaient faire dans un avenir proche pour aider le Haut Commissariat à promouvoir les droits de l’homme dans le système des Nations Unies, et le Pakistan comme le Liban se sont déclarés préoccupés par les questions d’intolérance religieuse.
La République arabe syrienne a déploré que Mme Pillay n’ait pas abordé les droits des personnes subissant l’occupation étrangère, et lui a demandé quel plan d’action elle comptait mettre en œuvre pour que les droits de l’homme de ces peuples soient respectés.
L’Algérie a évoqué la question de la relation entre le Bureau du Haut Commissaire et le Conseil des droits de l’homme. Une interaction plus étroite compromettrait-elle l’indépendance de votre Bureau, a demandé la représentante? Elle a également estimé que trop peu de pays avaient ratifié la Convention sur les droits des migrants et qu’il fallait inciter les États Membres, notamment les pays développés, à le faire.
Répondant à ces questions et commentaires, la Haut-Commissaireaux droits de l’homme a dit qu’il lui semblait prématuré de dresser un bilan de l’EPU. Elle a estimé que ce nouveau mécanisme était très utile car il permettait de développer une vision impartiale des droits de l’homme mais elle a également observé qu’il serait approprié de voir dans quelle mesure l’injection d’une expertise indépendante dans ce processus pouvait être pertinente. Évoquant ensuite la prochaine Conférence d’examen de Durban, la Haut-Commissaire a souligné que la responsabilité du consensus revenait aux États Membres, et que selon elle, la meilleure démarche serait de développer une approche axée sur les victimes de violations. Cela permettra d’éviter toute tentative d’exclure certains débats, a jugé la Haut-Commissaire. Elle a fait part de son intention d’éviter toute controverse et d’impliquer la société civile très préoccupée des constantes discriminations, dans un esprit constructif. Il faut mettre l’accent sur les instruments internationaux, a insisté la Haut-Commissaire. S’agissant de l’impact des crises actuelles sur les droits de l’homme, nous devons travailler dans la mesure de nos capacités mais nous exhortons les États Membres à nous aider par le biais des contributions volontaires, a déclaré Mme Pillay. Nous avons accru notre expertise en matière d’interaction entre droits de l’homme et changements climatiques, un rapport est en cours d’élaboration, nous nous penchons aussi sur le lien entre droit de l’homme et développement grâce aux témoignages de nos agents sur le terrain. L’intervenante a évoqué également la possibilité d’organiser un séminaire d’experts sur la liberté d’expression et la question de l’intolérance religieuse.
Sur le fond comme sur la forme de son travail, elle a déclaré que de son point de vue, il fallait intégrer une perspective droits de l’homme dans tout le système. Ainsi cette approche n’a rien à voir avec une éventuelle conditionnalité de l’aide au développement, a-t-elle dit. Mme Pillay a aussi déclaré qu’il fallait construire une culture des droits de l’homme sur le terrain, notamment par le développement de la formation aux droits de l’homme, des forces de police par exemple. Toutes les régions doivent avoir accès au travail du Haut Commissariat, y compris les petites îles du Pacifique, a-t-elle encore ajouté. Pour promouvoir la mise en œuvre des droits de l’homme, il faut encourager les États Membres à permettre aux personnes mandatées de visiter les pays pour établir des rapports.
La Haut-Commissaire a également plaidé pour une coopération plus étroite entre son Bureau et tous les organes pertinents des Nations Unies, et a précisé qu’elle avait l’intention de visiter de nombreux pays, et de mettre en exergue, quand il le faudrait, notamment avec l’aide de la presse, les violations des droits de l’homme dans les pays développés comme dans les pays en développement.
En réponse à la République arabe syrienne, l’intervenante a dit reconnaître les souffrances de ceux qui vivent sous occupation. Le Haut Commissariat adhère à l’universalité des normes sans qu’il y ait « deux poids, deux mesures », a-t-elle assuré. La Haut-Commissaire a également estimé qu’il faudrait encourager davantage les États à ratifier la Convention sur les travailleurs migrants
En réponse aux questions récurrentes touchant à la répartition géographique des fonctionnaires de son Bureau, Mme Pillay a dit qu’elle prenait cela très au sérieux. Le Haut Commissariat doit être un modèle de diversité raciale et culturelle, et tous les détenteurs de droits doivent s’y sentir représentés. Ces questions seront abordées de façon approfondie, y compris s’agissant de la parité hommes-femmes.
Déclaration du Conseiller spécial auprès du Secrétaire général pour le Myanmar, suivie d’une séance de questions
M. IBRAHIM GAMBARI, Conseiller spécial du Secrétaire général pour le Myanmar, a présenté le rapport sur la situation des droits de l’homme et le rétablissement de la démocratie dans ce pays. Il a rappelé qu’il a effectué trois visites au Myanmar entre août 2007 et mai 2008 et ce, dans le cadre des bons offices du Secrétaire général de l’ONU. Il a mis l’accent sur les cinq exigences de la communauté internationale, dont la libération de tous les prisonniers politiques et le lancement d’un dialogue entre le Gouvernement et l’opposition. Il a indiqué qu’à la suite de l’adoption de la nouvelle Constitution, le Gouvernement du Myanmar a fait part de son intention d’organiser des élections d’ici à 2010. Mais comme l’opposition réfute la Constitution, le pays est plongé dans une situation complexe.
Le Conseiller spécial s’est félicité de la nomination d’un Ministre chargé des relations avec les interlocuteurs internationaux. Il s’est également réjoui que le Gouvernement ait libéré plusieurs prisonniers politiques. La libération de tous les prisonniers politiques, a insisté le Conseiller spécial, est le point de départ d’une réconciliation nationale véritable. L’ONU, a-t-il assuré, poursuivra ses bons offices pour la tenue d’un dialogue assorti d’un calendrier avec tous les acteurs du Myanmar et continuera de plaider en faveur de la libération de tous les prisonniers politique, y compris Aung San Suu Kyi. L’ONU, a-t-il insisté, a besoin que toutes les parties fassent montre d’un sens élevé des responsabilités et de souplesse. Le Gouvernement doit se montrer déterminé à obtenir des résultats plus tangibles dans la voie de la démocratisation.
Commentant ces propos, M. Thuan Tun du Myanmar a espérer que le Conseiller spécial pourra contribuer davantage aux bons offices du Secrétaire général. Il a noté avec satisfaction que le rapport relève l’amélioration de la coopération entre son pays et les Nations Unies. Il a cependant déploré les doutes qui subsistent sur la crédibilité du référendum constitutionnel. Il s’est défendu en arguant que le fait que le Myanmar ait honoré sa promesse d’organiser un référendum national sur le projet de constitution en dit beaucoup sur son engagement à appliquer la feuille de route en sept étapes. Le Gouvernement, a-t-il affirmé, a déployé tous les efforts nécessaires en vue de la tenue d’un processus libre et équitable et a même invité les ambassades étrangères à faire office d’observateurs. Le référendum, a insisté le représentant, a eu lieu sans entraver l’aide humanitaire aux quatre coins du pays après le passage du cyclone Nargis.
Le représentant a également déploré le fait qu’après cette catastrophe naturelle, certains gouvernements aient tenté de faire un amalgame entre la crise humanitaire et la situation politique dans le pays, qualifiant la riposte du Gouvernement du Myanmar d’inadéquate. Certains, a-t-il encore accusé, sont même allés jusqu’à demander au Secrétaire général de l’ONU d’exiger du Gouvernement qu’il reporte la date du référendum. La réalité est que le Gouvernement et le peuple du Myanmar ont rapidement répondu à l’urgence nationale, a-t-il indiqué, en détaillant les mesures de secours. Il a rappelé que lors de sa visite dans le pays les 22 et 23 mai dernier, le Secrétaire général avait pu se rendre dans les régions dévastées et observer les opérations de secours et de réhabilitation. Le représentant a souligné que dès le 30 mai, un Groupe tripartite composé du Myanmar, de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (ANASE) et de l’ONU a été établi pour coordonner les efforts d’assistance et procéder à une évaluation des besoins.
Poursuivant la série des commentaires, le représentant de l’Indonésie a jugé que le rapport dont est saisie la Commission est exhaustif. La situation du Myanmar, a-t-il convenu, est très complexe et il revient à la communauté internationale d’encourager la tendance actuelle dans ce pays. Le représentant a relevé, à son tour, l’amélioration de la coopération entre le Myanmar et les Nations Unies, qu’il a reconnue comme pierre angulaire de la politique étrangère du Myanmar. Il a appuyé la feuille de route que le Myanmar s’est fixée et a jugé important que des résultats tangibles soient désormais obtenus. La communauté internationale, a-t-il préconisé, doit parler d’une seule voix et rechercher le consensus pour appuyer les bons offices du Secrétaire général.
Le Conseiller spécial a-t-il prévu une autre visite au Myanmar, s’est inquiété le représentant du Liechtenstein, avant que son homologue de la Thaïlande ne remercie, à son tour, M. Gambari et ne l’assure de l’appui de son pays, en tant que membre de l’ANASE.
Dans sa réponse, M. Gambari a rappelé qu’il y a 15 ans jour pour jour, il avait pris la parole devant l’Assemblée générale sur la situation dans son pays, le Nigéria, qui était alors impliqué dans un processus de démocratisation. En 15 ans, le Nigéria est passé d’un état de paria à un État démocratique. Cette expérience, a–t-il confié, m’a été très utile dans mes rapports et mon interaction avec les autorités du Myanmar. Le Secrétaire général, a-t-il répondu, souhaite retourner au Myanmar en temps utile si sa présence peut influencer les progrès. Il considère, a encore dit son Conseiller spécial, qu’il y a des améliorations encourageantes et des chances à saisir. Ses bons offices doivent continuer avec l’appui d’une communauté internationale unie, a insisté le Conseiller spécial.
Exposés et dialogues
Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a présenté son rapport en développant notamment la question des limites administratives posées par certains États à la liberté de conviction ou de religion. Elle a observé que la plupart des États n’opèrent pas de discrimination ouverte sur la base de la religion, mais que parfois la législation nationale ne permet pas une liberté totale, notamment quand elle prévoit un déni ou la privation de la nationalité basés sur la religion ou la conviction. Selon elle, cela s’apparente à une discrimination.
S’agissant de la mention obligatoire de la religion sur les papiers d’identité, cela comporte aussi un risque d’abus grave, a estimé la Rapporteure spéciale. Plusieurs États restreignent l’accès aux postes de la fonction publique pour motifs d’appartenance religieuse. L’État a le droit de décider de ses critères mais ne doit pas le faire sur la base de la religion ou de la conviction, cela étant discriminatoire, a insisté l’intervenante. Elle a admis que l’État peut avoir un intérêt légitime à limiter certaines manifestations de religion ou de conviction mais cela ne peut se faire que dans certaines conditions et viser un objectif légitime auquel les limites imposées doivent être proportionnées.
Il faut réaffirmer la force des droits de l’homme, universels et indivisibles, a poursuivi Mme Jahangir, notant que le droit à la liberté de religion et de conviction était un droit complexe et sensible qui n’est pas dénué de controverse. Ainsi, le droit de changer de religion ou de conviction est un droit fondamental que certaines délégations du Conseil des droits de l’homme voudraient remettre en cause, a notamment signalé Mme Jahangir. Elle s’est félicitée du lancement de l’Examen périodique universel car il s’agit, selon elle, d’un excellent outil.
Les délégations, dont la France et les États-Unis, se sont montrées très intéressées de connaître les degrés de coopération offerts par les pays visités par Mme Jahangir. Elles ont aussi souhaité avoir des détails sur les moyens de s’assurer de la légitimité et de la proportionnalité des limites imposées par certains États.
Plusieurs délégations dont celles de la Jamahiriya arabe libyenne, de l’Indonésie, du Liban et de la Mission permanente d’observation de la Palestine ont cherché à connaître l’étendue des restrictions imposées par Israël au droit à la liberté de religion aux citoyens musulmans vivant dans le Territoire palestinien occupé. Le Canada et les Pays-Bas se sont demandé si, au cours de ses récentes activités, Mme Jahangir avait constaté des éléments positifs et comment les États pouvaient concrètement lui apporter leur aide.
Répondant à ces questions, la Rapporteure spéciale a dit que, de son point de vue, il est important de chercher l’équilibre entre la liberté de religion et les règles de l’État, en privilégiant une approche impartiale et en étudiant chaque cas individuellement.
S’agissant des visites dans les pays, elle a signalé qu’elle s’est rendue au Turkménistan pour la première fois cette année. Elle voudrait, si possible, se rendre prochainement notamment au Bangladesh, au Bhoutan, au Chili, en Chine, en Serbie, au Yémen, en Thaïlande et à Cuba mais parfois les demandes de visite restent longtemps sans réponse. Il y a une grande lacune quant aux pays du Moyen-Orient, a reconnu Mme Jahangir. Les États qui se montrent coopératifs nous donnent accès à tous les lieux que nous souhaitons voir, à tous les organes gouvernementaux et nous permettent de tenir nos propres réunions sans obstacle, sans menace contre ceux qui s’entretiennent avec nous, a-t-elle expliqué. Par ailleurs, le gouvernement hôte doit également développer une certaine compréhension de notre travail, importante notamment pour le suivi.
Concernant la situation de conflit entre Israël et les Palestiniens, Mme Jahangir a constaté, lors de sa visite sur place, qu’une grande partie de la population souhaite vivre en paix. Des mesures ont d’ailleurs été prises pour assurer une plus grande confiance dans l’avenir, a constaté la Rapporteure spéciale, qui a estimé qu’il faut encourager ces initiatives, même si elles ne conduisent pas directement à la paix. Le Conseil des droits de l’homme se verra présenter au mois de mars le rapport sur cette visite dans le Territoire palestinien occupé où il ne faudrait pas que l’impunité demeure, a dit l’intervenante. Elle a affirmé avoir constaté que les points de contrôle ont un effet dévastateur pour les personnes qui ne peuvent pas se rendre sur leurs lieux de culte. Ce sont des violations constantes des droits de l’homme.
La Rapporteure spéciale a, d’autre part, déclaré avoir eu connaissance de peu de réformes législatives en cours visant à revenir sur des pratiques discriminatoires. Elle a cependant relevé que certains États pratiquent les discriminations positives, comme c’est le cas au Pakistan envers des minorités religieuses. Elle a conclu ses réponses en disant que des tensions subsistent entre la liberté d’expression et la liberté de religion. Il faut élever le niveau de tolérance pour la liberté de religion, a-elle insisté.
Rapport sur l’ élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse (A/63/161)
La Rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction indique que depuis son dernier rapport, elle s’est rendue en Angola, en Israël, dans le Territoire palestinien occupé et en Inde; autant de voyages dont elle résume les enseignements. En Angola, elle a demandé au Gouvernement de réformer une loi qui imposait des conditions rédhibitoires pour constituer une association religieuse, exigeant par exemple l’adhésion de 100 000 personnes domiciliées en Angola, et provenant des deux tiers des provinces du pays. Dans ce pays, plusieurs sujets d’inquiétude émergent: une tendance dominante qui consiste à associer les musulmans au terrorisme international, des phénomènes de violence et de harcèlement d’individus soupçonnés de contester la nomination de l’évêque catholique de Cabinda et aussi le fait que certains enfants accusés de sorcellerie par leur famille soient victimes d’exactions.
Concernant la visite en Israël, la Rapporteure spéciale indique que le conflit en cours empêche les membres des différentes communautés religieuses d’assister à leurs offices religieux dans leurs lieux saints respectifs. Par ailleurs, les femmes semblent souvent être les premières victimes du zèle religieux. Il y a urgence à interdire et à punir pour de bon l’incitation à la haine religieuse, selon la Rapporteure spéciale qui insiste pour dire que toute violence commise au nom de la religion doit être dénoncée, faire l’objet d’une enquête et être punie. Elle recommande que toutes les parties à un éventuel accord de paix s’engagent devant la loi à protéger les droits des minorités religieuses, à garantir le respect de l’égalité et le refus de la discrimination fondée sur la religion, à préserver les lieux saints et à permettre aux fidèles d’y accéder en paix. Lors de sa visite en Inde, Mme Asma Jahangir a eu l’occasion d’adresser ses félicitations à l’Administration centrale pour son attitude envers les minorités religieuses, même si l’application du cadre juridique qui protège leurs droits est parfois difficile, notamment en raison d’une certaine réticence des responsables de l’application de la loi, à agir contre les groupes organisés perpétrant des violences au nom d’une religion ou d’une conviction donnée. La Rapporteure spéciale déplore également l’isolement de plus en plus grand des musulmans dans plusieurs régions du pays. Si rien n’est fait, il y a, selon elle, un risque réel de voir se reproduire des violences intercommunautaires.
M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a détaillé les progrès accomplis dans l’inclusion de la dimension des droits de l’homme dans le cadre de travail des Nations Unies dans la lutte antiterroriste. Il existe un large consensus sur le fait que la promotion et la protection des droits de l’homme constituent un élément essentiel de toute stratégie durable dans la lutte contre le terrorisme. L’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale qui a conduit à l’adoption le 5 septembre 2008 de la résolution 62/272 de l’Assemblée générale, atteste de cet engagement. Elle contient également une nouvelle formule relative à l’obligation qu’ont tous les États, dans la lutte contre le terrorisme, de respecter le droit international, y compris les instruments relatifs aux droits de l’homme. Cette formule se réfère aussi à la Charte des Nations Unies. M. Scheinin, dont le mandat fait partie de ceux qui participent à l’Équipe spéciale de mise en œuvre de la Stratégie, a indiqué que celle-ci était passée de la planification à l’action. L’une des composantes majeures de sa tâche dans les mois à venir consistera à démontrer, par le développement d’outils pratiques pour les États Membres, que le terrorisme peut effectivement être combattu dans le plein respect des droits de l’homme, a indiqué le Rapporteur spécial. Il a fait état de la visite qu’il a effectuée au centre de détention américain de la baie de Guantanamo en décembre 2007, pour assister en tant qu’observateur aux audiences de la Commission militaire. Il a déploré que les États-Unis aient maintenu leur politique de ne pas autoriser le Rapporteur spécial des Nations Unies à rendre visite aux personnes privées de leur liberté sans aucune forme de surveillance extérieure. Il a néanmoins remercié le Gouvernement des États Unis pour sa coopération avec la mission d’observation. Comme il l’a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme, M. Scheinin a souligné que sa visite avait confirmé ses doutes concernant l’opération des commissions militaires et a jugé hautement improbable qu’elles puissent répondre aux normes du droit international relatives au droit à un procès équitable. Il a invité à se reporter à son rapport pour de plus amples détails et des exemples sur les problèmes en question. Il a cité le paragraphe 44 du même rapport qui montre que l’une de ses inquiétudes a été confirmée par la Cour suprême des États-Unis, qui dans l’affaire Boumediene contre Bush a jugé inconstitutionnel le « Military Commissions Act » car il déniait un habeas corpus aux détenus de Guantanamo.
Il a ensuite présenté ses observations à l’issue de sa mission officielle en Espagne en mai 2008 qui a inclus des entretiens avec des Espagnols et des étrangers présumés terroristes et une visite au Pays basque. Tout en saluant la collaboration et les progrès accomplis par l’Espagne, il a toutefois manifesté son inquiétude par rapport à l’utilisation de la détention incomunicado de personnes soupçonnées de terrorisme et ce en dépit des recommandations faites par plusieurs organes chargés des droits de l’homme. Il a appelé à la suppression complète des institutions de détention incomunicado. Il a enfin informé qu’il attendait des réponses de l’Algérie, de l’Égypte, de la Malaisie, du Pakistan et des Philippines suite à ses demandes de visite. Il a remercié le Gouvernement de la Tunisie pour son invitation de juin 2008 et a indiqué qu’il a proposé une date et qu’il attendait une réponse à cet égard. Le rapport réitère le principe du droit à un juste procès pour les personnes soupçonnées de terrorisme. Il définit neuf domaines concrets de meilleures pratiques.
Le Rapporteur spécial a rappelé que lundi dernier, il a eu le privilège de faire un point d’information devant le Comité contre le terrorisme et devant le Comité des sanctions du Conseil de sécurité concernant la résolution 1267. Il a attiré l’attention sur la question concernant la liste de personnes qualifiées de terroristes tenue par le Conseil de sécurité et que sa position était précisée dans le paragraphe 16 et 45(a) de son rapport. Il a estimé qu’une telle position reflète la tendance de plus en plus soutenue non seulement dans les milieux des droits de l’homme, mais aussi parmi les juges des tribunaux nationaux et autres. La pratique d’inscrire des terroristes Taliban et d’Al-Qaida a été établie en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en tant que mesure d’urgence par la résolution 1267 du Conseil de sécurité, a dit le Rapporteur spécial. La liste qui a été ultérieurement élargie et redéfinie, existe depuis plusieurs années et a fait que des centaines d’individus ou d’entités ont eu leurs avoirs gelés et ont été assujettis à d’autres restrictions de leurs droits fondamentaux, sans aucune procédure préalable pour les entendre ou faire examiner leur cas par un organe indépendant. Il a indiqué que la Cour européenne de justice a jugé les affaires Kadi et al-Barakkat le 3 septembre 2008 et que le verdict se fonde précisément sur les principes invoqués dans son rapport. Il a conclu qu’il avait présenté plusieurs options regroupées en quatre catégories.
La France a demandé d’indiquer les mesures les plus urgentes qui doivent être prises pour garantir un procès équitable à toute personne soupçonnée de terrorisme. La Suisse a proposé, avec les gouvernements du Danemark, d’Allemagne, du Liechtenstein, des Pays-Bas et de la Suède, dans une lettre envoyée le 23 juin 2008 au Conseil de sécurité, que soit créé au sein du Conseil de sécurité, au minimum un groupe chargé de formuler des recommandations non contraignantes sur les demandes individuelles de radiation, ce qui répondrait aux inquiétudes exprimées à propos du droit à un mécanisme efficace d’examen. Il a demandé au Rapporteur spécial s’il jugeait efficace de soumettre à une juridiction nationale l’examen de la question des procédures pour radier des personnes de la liste consolidée contre Al-Qaida et les Taliban. Dans ce contexte, vous savez que la décision finale relève de la compétence du Comité 1267 du Conseil de sécurité, qui prend ses décisions selon une procédure de nature essentiellement diplomatique et intergouvernemental. Vous savez aussi que les personnes ou entités concernées n’ont pas de possibilité réelle de défendre leurs droits et que ce Comité prend ses décisions par consensus, chacun de ses membres disposant d’un droit de veto. Quelle sera selon vous la conséquence si une instance juridictionnelle décidait en faveur d’une personne figurant sur la liste établie par le Comité des sanctions et ensuite, le Comité 1267 ne donnait pas suite à cette décision nationale, a encore demandé le délégué suisse. La Gambie, toujours sur la même question, a estimé que celle-ci mérite l’attention de l’Assemblée générale et a demandé quel genre de mesures celle-ci pourrait prendre. Le représentant des États-Unis a manifesté son opposition devant plusieurs commentaires contenus dans le rapport de M. Scheinin. Il a précisé que le Gouvernement des États-Unis a examiné de très près le fonctionnement des commissions militaires. Le Danemark a pour sa part demandé si le Rapporteur spécial avait des propositions particulières concernant les visites et les communications.
Le représentant de Cuba a mentionné la visite du Rapporteur spécial à Guantánamo et les craintes qu’il a exprimées au sujet des commissions militaires et de l’expression « combattants ennemis ». Le rapport mentionne la nécessité et le droit à un juste procès. Il a demandé au Rapporteur de préciser davantage quels sont les problèmes des juges militaires pour assurer un procès équitable. Il a estimé que les États-Unis devaient régler d’abord leur problème interne et quitter la base de Guantánamo qu’ils occupent illégalement dans un autre pays tout comme ils accueillent des terroristes qui agissent contre un autre État. Le Mexique a jugé que l’approche présentée par le Rapporteur spéciale apporte énormément aux Nations Unies. Par ailleurs, la Turquie a estimé que le Rapporteur spécial manquait d’impartialité lorsqu’il a traité de certains sujets. Comment éviter les différences d’opinion entre les organismes régionaux et nationaux, a-t-il demandé. L’Algérie parlant du fait que la demande de visite du Rapporteur spécial dans son pays était restée en suspens, a précisé que le gouvernement algérien a effectivement reçu plusieurs demandes de visites de détenteurs de mandat. Il a eu le plaisir de recevoir la majorité d’entre eux. Si d’autres sont restés en suspens, c’est parce que l’Algérie était engagée dans une démarche politique de sortie de crise qui a débouché sur l’adoption par le peuple algérien de la Charte pour la paix et la réconciliation nationales La représentante a précisé que certaines demandes de visite en instance pourraient être envisagées dans le contexte actuel pour autant que leurs termes de référence ne remettent pas en cause la décision souveraine du peuple algérien. Le Liechtenstein a posé une question sur la Liste et a demandé s’il y avait des différences entre les sanctions contre le terrorisme, notamment celles prévues dans la résolution 1267 du Conseil de sécurité, et celles s’appliquant à d’autres types de situations.
Répondant à ces questions, le Rapporteur spécial a estimé que certains intervenants ont fait des remarques qui ne nécessitent pas de réponse. Répondant à la France sur les questions brûlantes, il a cité neuf mesures figurant dans ses conclusions au paragraphe 45 de son rapport. Il a insisté sur l’importance du droit à un procès équitable dans le contexte de la lutte antiterroriste.
Il faut, d’autre part, faire la différence entre la liste des États-Unis et celle des Nations Unies. Il a signalé que les tribunaux nationaux ne peuvent s’occuper que des éléments nationaux de cette liste et qu’il peut y avoir examen de la part des Nations Unies. Le Rapporteur spécial a indiqué que l’Assemblée générale peut faire des commentaires librement sur la juridiction nationale et elle peut utiliser la résolution qui porte sur la protection des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme. La question des droits de l’homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme est délicate à cause des problèmes de sécurité nationale qui rendent plus longues les réponses des pays, a dit le Rapporteur spécial. La dimension des droits de l’homme doit être prise en compte et les pays concernés devraient solliciter la coopération avec mon mandat.
Sur la question des Commissions militaires; il a réitéré que le problème de la définition de « ennemis combattants » subsiste. La question des preuves soulève une autre série de problèmes, en particulier lorsqu’il s’agit des preuves obtenues par la force. Physiquement, a-t-il expliqué, il est difficile d’arriver à Guantanamo, étant donné les mesures de sécurité très importantes et les difficultés pour faire entrer des témoins dans la base, « j’ai été escorté à tout moment, y compris dans la salle où se tiennent ces audiences », a-t-il dit
Rapport sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme (A/63/223)
Ce rapport a été établi par le Rapporteur spécial sur la question, M. Martin Scheinin, qui rend notamment compte de sa visite, du 3 au 7 décembre 2007, à Guantanamo Bay et d’une visite officielle effectuée en Espagne en mai 2008.
M. Scheinin s’est rendu à Guantanamo Bay pour assister en qualité d’observateur aux audiences instituées par la loi de 2006 sur les commissions militaires. Cette visite a confirmé les préoccupations déjà formulées dans son rapport de mission concernant l’incompatibilité de la loi sur les commissions militaires avec les normes internationales pertinentes. Les audiences ont confirmé les nombreuses difficultés auxquelles est confronté le juge militaire pour garantir le respect des principes relatifs à un procès équitable, indique le rapport.
En Espagne, le Rapporteur a mis en avant les aspects positifs concernant le procès des attentats à la bombe du 11 mars 2004, mais a exprimé des préoccupations au sujet de la phase préparatoire au procès et du droit de faire réexaminer par une instance supérieure.
Le rapport a pour sujet principal le droit fondamental à un procès équitable dans le contexte spécifique des poursuites engagées contre des personnes soupçonnées de terrorisme. Ce droit se conjugue souvent avec l’exercice d’autres droits, notamment le droit à la vie. Divers aspects d’un procès équitable sont définis à la section IV du document, notamment le droit de refuser de témoigner contre soi-même, le fait que des preuves obtenues en violation des droits de l’homme ou du droit interne entachent un procès d’iniquité, le droit à l’égalité de traitement et à l’égalité des armes, le droit à se faire communiquer son dossier et le droit à se faire assister d’un conseil, et les normes de preuve applicables.
La section VI aborde la question de la peine de mort et traduit les inquiétudes du Rapporteur spécial quant au fait qu’un procès mettant en cause des actes de terrorisme puisse conduire à l’imposition de la peine capitale.
Le rapport contient une série de conclusions et propose les composantes d’une pratique optimale.
Mme MAGDALENA SEPÚLVEDA CARMONA, Experte indépendante sur la question des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté, a indiqué que c’est la première fois qu’elle présente un rapport à l’Assemblée générale depuis la prise de ses fonctions en mai dernier. Le rapport esquisse les grandes lignes et les priorités de son mandat d’une durée de trois ans et qui sont: les conséquences de la discrimination et l’exclusion sociale; les conséquences de l’extrême pauvreté sur les femmes, les garçons et les filles, les personnes handicapées, les peuples autochtones et d’autres groupes défavorisés et vulnérables; le manque de participation des personnes vivant dans la pauvreté l’analyse des politiques et interventions publiques pour surmonter la pauvreté; l’assistance et la coopération internationale; et le fait d’ignorer que la pauvreté est une question relevant des droits de l’homme. Elle compte se concentrer sur la sensibilisation et sur la nécessité de la part des gouvernements d’assumer leurs obligations juridiques et leurs engagements politiques relatifs à l’élimination de l’extrême pauvreté. Dans l’optique des droits de l’homme, les initiatives visant à la réduction de la pauvreté doivent respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, de participation, de transparence et de responsabilisation, a-t-elle affirmé.
L’experte a relevé que l’extrême pauvreté constitue depuis longtemps un axe central de préoccupation des Nations Unies mais que les résultats concernant la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement ont révélé qu’une personne sur cinq dans le monde vit toujours dans des conditions de pauvreté extrême. Face aux crises alimentaire et financière qui sévissent actuellement, elle a mis en garde contre une escalade des niveaux de pauvreté. En cette période particulièrement difficile d’incertitude et d’insécurité, et alors que le nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême s’alourdit, la communauté internationale doit prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection des droits de l’homme des groupes les plus exclus et les plus vulnérables. Il n’y a plus de temps à perdre dans la lutte contre la pauvreté et la différence entre un jour et deux jours sans nourriture, sans accès à des conditions minimales de santé, est pour beaucoup l’espace entre la vie et la mort, a conclu l’experte indépendante.
Plusieurs délégations, dont celle de la France au nom de l’Union européenne, ont demandé comment faciliter la participation des plus pauvres à la prise des décisions qui les concernent. L’Indonésie a dit que l’objectif est que les plus pauvres se prennent en main et aussi comme l’a réclamé le Cameroun, d’obtenir des résultats plus satisfaisants que ceux enregistrés lors de la première Décennie des Nations Unies sur l’éradication de la pauvreté. De son côté, la délégation du Guatemala a regretté que le rapport de Mme Sepúlveda ne fasse pas davantage référence aux populations autochtones.
Répondant à ces commentaires et questions, Mme Sepúlveda a estimé que la participation des personnes vivant dans la pauvreté, à la conception, la mise en œuvre et le suivi des décisions qui les concernent, est essentielle. Il appartient aux États de renforcer les capacités des pauvres qui doivent avoir accès aux informations dans différentes langues car les politiques doivent in fine leur profiter. Ce sont les pauvres qui connaissent le mieux les obstacles qui les empêchent de sortir de leur situation, a observé l’experte indépendante.
L’égalité homme/femme est un autre critère essentiel car les femmes sont profondément désavantagées dans leur lutte contre la pauvreté.
L’experte a noté qu’en matière de lutte contre la pauvreté extrême et de respect des droits de l’homme, le Brésil et le Mexique avaient privilégié certaines solutions, notamment des garanties constitutionnelles qui pourraient servir d’exemple à toute la région. Elle a par ailleurs reconnu que si son rapport ne parlait pas explicitement des populations autochtones, c’est parce que la résolution qui définit les contours de son mandat n’y fait pas non plus explicitement référence. Toutefois, selon l’experte, la référence générale au sort des groupes vulnérables couvre les peuples autochtones, comme la convention 169 de l’OIT y encourage d’ailleurs. L’experte a expliqué que l’objectif de ce mandat est de poursuivre l’analyse empirique du lien existant entre pauvreté extrême et droits de l’homme. La discrimination en raison de la pauvreté existe bel et bien dans les pays développés, c’est le cas par exemple des Roms en Europe, a-t-elle encore déclaré.
Rapport de l’experte indépendante sur la question des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté (A/63/274)
L’élimination de l’extrême pauvreté, dans laquelle vivent près d’un milliard de personnes dans le monde, n’est pas une question de charité mais un problème important et aigu touchant aux droits de l’homme. Les États ont, envers les personnes vivant dans l’extrême pauvreté, des obligations légales qui concernent toute une série de droits civils, économiques, politiques, culturels et sociaux, estime dans son rapport provisoire, Mme Magdalena Sepúlveda Carmona, la nouvelle experte indépendante sur la question des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté.
Nommée à la septième session de Conseil des droits de l’homme, l’experte expose le cadre conceptuel existant et certaines des préoccupations qui orienteront ses activités et seront examinées pendant la durée de son mandat. Elle décrit également une série d’actions préliminaires qu’elle propose de mener.
Au centre de ses propositions figure celle d’identifier et de promouvoir des mesures propres à renforcer la capacité des personnes vivant dans la pauvreté à se faire représenter au sein et à l’extérieur du gouvernement. Une approche fondée sur les droits de l’homme ne prétend pas être une panacée, souligne l’experte, ni offrir une solution unique à l’extrême pauvreté, ni constituer une alternative aux efforts de développement. Une telle approche prévoit plutôt un renforcement mutuel de ces composantes en vue de promouvoir des processus, politiques, initiatives et pratiques d’un caractère plus global et plus légitime, précise-t-elle. Du point de vue des droits de l’homme, toute initiative concernant la situation de personnes vivant dans la pauvreté doit être guidée par les principes d’égalité et de non-discrimination, de participation, de transparence et de responsabilisation, indique l’experte indépendante.
Rappelant que selon la Banque mondiale, l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du carburant au cours des deux dernières années aurait plongé 100 millions de personnes dans la pauvreté, annulant de la sorte les gains de la décennie écoulée, l’experte a indiqué que d’après les estimations actuelles, les enfants et les femmes sont les plus durement touchés par la pauvreté. En effet, plus d’un milliard d’enfants sont gravement privés d’au moins l’un des biens ou services de base qui leur permettraient de survivre, de se développer et de s’épanouir.
M. Arjun Sengupta, l’ancien expert indépendant sur la question des droits de l’homme et de l’extrême pauvreté avait défini l’extrême pauvreté comme étant un phénomène englobant la pauvreté monétaire, la pauvreté du développement humain et l’exclusion sociale.
Mme Sepúlveda a pris ses fonctions le 1er mai 2008.
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